Jededhia, ou le journal d'une survivante
Chapitre 27 : Jour 24, de mon côté
1073 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 13/09/2018 19:27
Jour 25
Je n’ai jamais vraiment su combien de temps je passais ainsi, recroquevillée dans cette cage archaïque. Sous terre, je n'avais aucun moyen de savoir s'il se passait des minutes, des heures ou des jours. J'étais complètement perdue, incapable de raisonnée. La peur me tétanisait, et ma pensée était focalisé sur Steel que j'avais laissé seul dans la voiture. Pensée bien futile au milieu de tout ce danger morbide. Allait-il avoir faim ? Soif ? Il devait avoir tellement peur, seul, là-haut.
Lorsque les Vautours revinrent, ils donnèrent quelques coups sur les barreaux afin de vérifier si j'étais vivante. Évidemment, je l'étais, et ils me firent sortir violemment, m'empoignant les cheveux avant de me mettre une sorte de sac sur la tête afin de m'empêcher de voir quoi que ce soit. Nous marchâmes quelques minutes, assez longtemps à vrai dire pour imaginer la grandeur de leur repère. Je savais que quand bien même je réussissais à m'échapper, jamais je ne pourrais trouver le chemin qui menait à l'échelle par laquelle j'étais arrivée dans cette enfer.
Brusquement, nous nous arrêtâmes. Je pouvais entendre des voix proches de nous, sans comprendre ce qui se disait. Cependant, je sentais dans leur parole que quelque chose d'ennuyeux était arrivé. Un de mes geôlier m'enleva le morceau de tissu qui bouchait ma vision, et au moment même où je pu voir à nouveau, j'aurais désirer ne jamais retrouver la vue. Devant moi se trouvait une petite pile de corps ensanglantés encore tous frais. Cependant, ils ne possédaient pas de têtes, celles-ci étant alignées à côté d'eux, posée face contre terre. Mon souffle se coupa et se fut comme si j'avais eu la tête sous l'eau. Je ne percevais plus que des sons diffus, déformés. Ma vue se brouilla, mon cœur s'emballa. Je sentis que l'on me pris par le bras et que l'on m'emmena vers les têtes. Bien que je ne puisse voir leur visage, je savais déjà à qui elles appartenaient. Un Vautour en pris une par les cheveux et la tendis vers moi afin que je la vois dans son entièreté. Dans le silence qui s'était établie autour de moi, je ne pu crier. Devant l'évidence je ne pu croire à ce que je voyais. Tout mon corps me hurlait de me débattre, de m'enfuir, mais je ne pu bouger un cil. Je ne pouvais que regarder fixement les yeux sans regards de la tête sans corps. Ces yeux qui me paraissaient si familier et si étranger à la foi. Je n'arrivais pas à comprendre ce que je voyais. C'était humain et pourtant on aurait dit une reproduction, une farce, un masque. Un masque qui avait pris les traits de mon père. Ce ne fut qu'à ce moment que je réalisais. C'était la tête de mon père que le Vautour brandissait fièrement devant moi. Mais il y avait un problème... Cette tête était... Détachée. Il fallait vite la recoller, il fallait faire des points de suture ! A moins que... Non. Non ! Ça ne servait plus à rien, plus rien n'avait d'utilité. Il était mort ! MORT ! Oui, il était mort. Plus rien ne pouvait le sauver, il ne reviendrai pas. Pas même si on lui remettait sa tête. Il lui avait enlevé et moi, je l'avais définitivement perdu. L'homme grogna et me parla d'un ton hargneux. Je ne comprenais toujours pas son étrange langage, mais je savais qu'il savait. On m'avait toujours dit que je ressemblais à mon père.
Je détournais le visage afin de poser mon regard sur les autres têtes. Elles devaient appartenir au reste du groupe qui était partie en expédition. Je n'arrivais pas à y croire. Une partie de mon enfance se brisait entre mes doigts sans que je ne puisse rien faire. Ceux que j'aimais, ceux qui m'avaient élevé depuis toujours, gisaient là, inerte et le corps maculé de sang. Et je n'allais pas tarder à les rejoindre, je le savais. Alors à quoi bon ? A quoi bon s'enfuir et tenter de survivre ?
Je me retournais, incapable de regarder ce charnier une minute de plus. Un Vautour m'empoignait le bras en rigolant et me fit tomber violemment à terre. Il riait et fut rejoins par les autres. Je ne me débattais pas, j'étais trop épuisée pour me battre ou me révolter. Le Vautour passa une main sur mes jambes en ricanant, partant de ma cheville et remontant lentement. Je fermais les yeux, voulant juste en venir. Il allait arrivé à mon entre-jambe lorsqu'une voix assurée se fit entendre. Surprise, je rouvris les yeux, le cœur battant.
Dans un coin de la pièce se tenait un homme qui n'avait pas l'air de faire partie de la tribu des Vautours. Il était dépourvu de masque et portait un grand manteau rouge de parade miliaire. Son visage était inexpressif et il portait la barbe, une barbe qui d'ailleurs était fort bien taillée. Il s'exprimait dans la langue de mes agresseurs. Ceux-ci s'étaient d'ailleurs relevés, un peu contrarié et avait commencé à s'entretenir avec l'étranger. Quelques minutes plus tard, il me relevèrent du sol et l'homme à la veste rouge me fit signe de le suivre. Nous sortîmes du repère par une sorte de caverne étroite. Il faisait nuit, dehors, et je ne tardais pas à frissonner. Je ne comprenais pas ce qu'il venait de se passer. Qu'allait-il advenir de moi ? Pourquoi les Vautours m'avaient laissé partir avec cet homme ?
Nous marchâmes jusqu'à un 4x4 de modèle militaire et l'homme s'assit à la place du conducteur. Comme je restais là, sans savoir quoi faire, il grogna en me montrant la place à côté de lui. Je montais donc dans son véhicule, tremblait de froid et non de peur. Je me sentais totalement vide, comme si l'on avait puisé tout ce qui faisait de moi un être vivant. L'homme démarra la voiture, et commença à rouler, rouler encore. Nous étions deux, seuls au milieu de rien, seuls et pourtant nous étions deux. Deux humains, deux inconnus perdus dans le silence glacial du désert sans fin.