Lucifer, saison 4

J’ai bondi dans la voiture aussi vite que j’ai pu. Il faut que je la prévienne, que je sache si elle va bien. Quand j’arrive devant chez Chloé – je me demande encore d’ailleurs comment elle peut se payer une maison aussi grande – Je me précipite à l’entrée, tandis que je l’aperçois à travers la fenêtre. Elle est confortablement installée sur son canapé, avec la demi-portion entre ses bras. Je les observe quelques instants, et m’avance près de la porte, quand j’aperçois le lieutenant Ducon – Dan – venir de la cuisine avec ce qu’il me semble être un gâteau au chocolat. J’ignore les poids lourds qui m’assaillent à nouveau la poitrine – et qui commencent sérieusement à m’enquiquiner – et je fais demi-tour.

Je voulais la prévenir, lui dire que le danger la guettait depuis le fin fond des enfers… mais je ne peux m’y résoudre. Je crois que la meilleure façon de la protéger est encore de m’occuper du problème sans qu’elle s’en rende compte. Si elle l’apprend, elle me tuera, c’est certain… mais je prends le risque.

J’entends quelques choses bouger, ou plutôt quelqu’un, dans les buissons. Je m’approche et aperçois un jeune homme que je ne connais pas. Il me sourit en me fixant, avant de se mettre à courir. Je me lance à sa poursuite, à travers les ruelles de la ville. Arrête de fumer Lucifer et mets-toi au sport ! Il me distance en quelques minutes, et je me retrouve seul, dans un cul-de-sac. Merde, c’était qui lui ?

J’ai rejoint Amenadiel dans un bar, près de chez elle. Hors de question que je m’éloigne d’ici tant que je ne suis pas certain qu’elle est en sécurité. J’ai besoin de plus d’info sur ce qui se passe. Encore essoufflé par le sprint que je viens de faire, je m’installe en face de lui tandis qu’il me regarde, l’air grave – ou plutôt son air habituel, en fait.

-      Alors, qu'est ce qui se passe ?

-      Non mais tu aurais dû voir ça ! Il est arrivé, la bouche en cœur avec son immonde gâteau au chocolat dégoulinant de partout… c’était...

Il soupire en se passant une main sur le visage.

-      Oh, tu veux dire, la raison pour laquelle j’ai failli cracher mes poumons ? Il y avait quelqu’un, un jeune homme: la vingtaine, le regard vicieux, le sourire diabolique… Comme s'il me connaissait et qu'il se préparait à m'envoyer en enfer ! Ce qui aurait été un bon plan si je n'étais pas le Diable, le seul et l'unique. Et donc, il a détalé comme un lapin.

-      C’est surement l’âme de Malcolm qui a trouvé refuge dans ce corps. Il nous faut plus d’info sur ce que tu as vu. Tu pourrais le reconnaître en photo ?

-      A vrai dire, mon cher frère, je n’ai pas pris le temps de l’observer en détail, j’étais trop occupé à courir… Quoi que si ce mec avait été une femme, j’aurais eu plus de facilités, si tu vois ce que veux dire… Enfin non, parce que si c’est vraiment Malcolm là-dedans, ça aurait été…

-      Lucifer !

-      Bon, ça va ! Pas la peine d’être aussi rabat-joie ! Père n’a vraiment pas une bonne influence sur toi, tu commençais à te dérider sérieusement la dernière fois que tu étais là.

-      Et toi, tu ferais mieux de te concentrer et de réfléchir un peu.

-      La seule chose que j’ai remarqué, ce sont les lettre UCLA sur son T-shirt, avec une espèce de rond ...

-      Ça ressemble à l’emblème de l’université de Californie. C’est déjà un début. On pourrait contacter Dan pour faire quelques recherches ?

-      Quelle vivacité d’esprit Amenadiel, tu semble très bien informé sur le monde des mortels ! Mais c‘est Impossible pour le lieutenant Ducon. Il m’en veut trop pour la mort de Charlotte. Et, cela dit en passant, je pense qu’il préfère se consoler auprès de son ex plutôt que de nous aider. 

-      Il a raison de t’en vouloir, tu aurais dû m’en parler, Lucifer. Nous aurions pu la sauver

-      Mais c’est toi qu’il voulait tuer.

-      Pour se venger de toi !

-      Bon, on est ici pour faire mon procès ou pour arrêter les vilains démons ?

-      Bien. Si un gamin est mort dans cette université, quelqu’un doit forcément avoir entendu quelque chose. Il faudrait qu’on aille chercher des infos sur place.

-      Quoi ? Mais il doit y avoir des milliers d’étudiants ! Autant chercher du foin dans une… non c’est… une…

-      Tu as une autre idée ?

-     Évidemment ! Le seigneur des Enfers n'est jamais à court d'idée. Je me poste devant chez Chloé, j’attends qu’il se pointe, je le tue et je renvoi l’âme de Malcolm en enfer. Ensuite je retourne en enfer pour arrêter Caïn, et je redeviens le seul et unique Maître du sous-sol.

-      Nous verrons plus tard pour Caïn, mais tu ne tueras personne temps qu’on est pas certains que ce soit bien Malcolm dans le corps de cet homme. Vas à l’université, commence par les clubs sportifs : Basketball, Football…

-      Hors de question que je le laisse le lieutenant à la merci de cet enfoiré.

-      Je m’occupe de Chloé, tu es le seul à l’avoir vu, tu dois y aller.

-      Et depuis quand c’est toi qui donne les ordres ?

-      Depuis que je suis censé rattraper ton merdier ! Depuis que tu as lâchement décidé de quitter les enfers et de le laisser au mains du premier venu ! Grandis un peu, Lucifer !

-      Très bien Amenadiel, j’ai compris. Mais s’il arrive quoi que se soit au Lieutenant, je t’en tiendrais pour responsable.

-      Je la protègerais.

J’ai pu avoir quelques infos à l’université, dont deux très importantes. La première : Les étudiantes sont chaudes comme la braise, et croyez-moi, ça en vaut le détour. La deuxième : J’ai appris qu’hier soir, c’était « l’Undie Run », ou plutôt « la Course en sous-vêtements », et j’ai raté ça !

En me baladant dans les couloirs, j’entends tout un tas de choses plus intéressantes les une que les autres, mais rien en rapport avec la mort d’un étudiant… Jusqu’à ce que j’aperçoive une belle jeune femme blonde en pleurs, entourée de plusieurs amies.

Je m’avance – ou plutôt, je me précipite – vers elles en souriant.

-      Mesdemoiselles je me présente : Lucifer Morningstar. Je n’ai pas pu ignorer une si belle jeune femme en larmes, je viens vous proposer mon épaule pour vous y appuyer.

Je m’avance plus proche d’elle en murmurant :

-      Et je peux vous proposer beaucoup d’autres choses si ça vous tente…

Le regard brillant, elle sèche rapidement ses larmes et ordonne à ses copines de décamper. Elles s’exécutent si rapidement que j’en conclu qu’elle est une sorte de « reine du lycée » ou un truc dans le genre.

-       Dites-moi, belle créature, qu’est ce que vous désirez ?

-      Je… je voulais être réélue Reine du bal de fin d’année, mais maintenant que Shaun est à l’hôpital, c’est foutu !

-      Oh… vraiment ? Je pensais que vous alliez dire que vous désiriez, à tout hasard… moi ! Enfin, bref. Qui est ce « Shaun » et que c’est-il passé ?

-      Il a reçu un très mauvais coup à l’entrainement. Il ne s’est pas relevé et je n’ai pas de nouvelle depuis hier soir. Ils l’ont transporté à l’hôpital mais je ne sais rien de plus…

-      J’essayerai d’avoir des informations sur ce « Shaun ». Son nom ?

-      Grant. Il habite avec ses parents à quelques rues d’ici, près du parc.

-      Bon, je vais commencer par-là. Vous auriez son adresse exacte ?

Elle hoche rapidement la tête puis sort un stylo et un papier. Elle griffonne quelque chose puis me le tend.

-      Pourquoi vous n’iriez pas simplement à l’hôpital ?

-      Et bien, parce que j’ai la certitude qu’il n’y sera pas. Passons, je ne peux pas vous en dire plus.

-      Ah bon ? Mais, vous êtes flics ?

-      Diable, non ! Je suis bien trop intelligent est sexy pour ça.

-      Alors, on pourrait peut-être aller boire un verre ?

-      Justement, je suis le patron du « Lux », je pourrais vous réserver un traitement tout particulier…

Je me retourne sans lui laisser le temps de me répondre mais je sens à son regard posé sur moi que je la reverrais très bientôt.

Arrivée devant la jolie maison, j’y aperçois une voiture. Je ne sais pas exactement ce que je vais bien pouvoir y trouver, mais puisque je n’ai aucune autre piste… je m’avance près de la porte et y frappe à plusieurs reprises. J’attends. J’attends encore. C’est long, trop long. Je frappe à nouveau, plus fort cette fois-ci : la porte s’ouvre, elle n’était pas bien fermée. Je m’avance dans l’entrée, toujours personne… Si ce n’est un bruit étrange venant de la pièce à coté. Je me dirige, avec ma prudence habituelle – c’est à dire aucune prudence. C’est vrai quoi, je suis immortel après tout ! – dans ce qui semble être la cuisine. J’entends comme une sorte de gémissement et j’espère sincèrement que ce n’est pas les parents de ce gamin qui son entrain de fêter leur nuit de noce avec quelques années de retard.

Mais contrairement à ce que j’ai pu pensé, c’est une jeune femme de dos, assise sur une chaise, qui semble chercher de l’aide. Je m’avance et je la reconnais rapidement.

-     Lieutenant ?

Mon sang ne fait qu’un tour, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter pour elle. C’est plus fort que moi, je crains trop qu’on lui fasse du mal à elle pour m’atteindre moi. Mais bon sang, qu’est-ce qu’elle fiche ici ? Je la regarde en attendant une réponse, mais la voilà qui se trémousse de gauche à droite sur sa chaise. Il faut dire qu’avec cette espèce de serviette éponge qu’elle a d'attaché devant la bouche, je ne comprends pas un mot de ce qu’elle veut me dire.

-      Attendez, je vais vous enlever ce truc.

-      Lucifer, qu’est ce que vous faite là ?

-      Oh mais à moi aussi, ça me fait plaisir de vous voir ! Et à en juger par votre position inconfortable sur cette chaise, ça devrait vous faire encore plus plaisir à vous.

-      C’est franchement pas le moment là ! détachez-moi !

-      Bien, bien. Mais qu’est-ce qui s’est passé ici ?

-      L’hôpital m’a appelé pour la disparition d’un jeune garçon, Shaun Grant. Je suis arrivée ici pour interroger ses parents, Shaun à débarqué. Il m’a assommé et quand je me suis réveillée, j’ai entendu des cris horribles à l’étage, et puis plus rien. Restez derrière moi.

Rapidement, elle se place devant moi, arme en main, avant de se poster devant les escaliers pour les grimper avec prudence. Pour ne pas nous faire trop remarqué, je décide de lui exposer mon plan à voix basse.

-      Lieutenant, j’ai une meilleure idée : Vous vous en aller gentiment, je redeviens immortel et je m’occupe du problème.

-      Pas question Lucifer. Et puis, vous ne m’avez toujours pas dis ce que vous faisiez ici ! Est-ce que vous me suivez ?

Elle me toise quelques instants, et sans me laisser le temps de répondre, elle a déjà grimpé les quelques marches jusqu’à l’étage. Nous faisons rapidement le tour du reste de la maison, plus qu’une chambre à voir. Je suis rassuré, et j’aimerais qu’elle s’en aille. J’ai un mauvais pressentiment. Lorsqu’elle ouvre la dernière porte, je suis sur le point de tenter de la convaincre de partir, mais face à son air pétrifié, je me ravise aussitôt. Sans vraiment s’en rentre compte, elle a un léger mouvement de recul. Surpris, je sens son corps se presser contre le miens mais je ne dis rien, au contraire.

Ce simple geste provoque, malgré moi, une réaction incontrôlable de mon corps et je dois bien avouer que c’est grisant. Je ne peux m’empêcher d’en profiter comme si c’était un cadeau qu’elle m’offrait, à moi. Son parfum, doux et sucré, éveille mes sens et je ressens comme des petits picotements à chaque extrémité.

Non, attendez. Oubliez ce que je viens de dire. Le Diable ne respire pas le parfum d’une femme, et il a encore moins de frissons qui lui parcourent le corps. C’est vrai, ce n’est pas comme si mon cœur pouvait se serrer lorsqu’elle est près de moi, ou comme si je ressentais le besoin irrépressible d’avoir un moment d’intimité avec elle. Tout ça, c’est bien trop humain pour moi.

Elle réalise sa position, se retourne aussitôt et lorsque son regard croise le mien, elle s’écarte en se précipitant dans la chambre en face nous. Serait-ce une invitation, Lieutenant ?

Jusque là, je n’avais pas encore levé les yeux et n’avait donc pas remarqué la scène d’horreur devant nous : du sang partout sur le sol et les murs, deux corps allongés par terre et près d’eux, un couteau ensanglanté. Le lieutenant s’approche avec prudence de la fenêtre ouverte au fond de la pièce.

-      Il a filé… Comment un enfant peut-il faire ça a ses parents ? Quelle horreur…

Elle range son arme en s’approchant des corps pour vérifié qu’ils soient bien morts. Quand elle le confirme d’un hochement de tête, ma mâchoire se crispe et mes points se serrent. Comment a-t-il pu faire ça ? Ces gens étaient innocents, ils n’avaient rien à voir avec ça. J’entends la voix de Chloé qui résonne dans ma tête, mais la colère est trop forte pour lui répondre.

-      Je vais appeler des renforts, il est peut-être encore dans le coins. Ne touchez à rien, Lucifer.

Je ne la regarde pas, mais je sens à son parfum qui se dissout petit à petit dans la pièce qu’elle s’est éloignée de moi. Je me retourne pour la rejoindre, mais je m’arrête à l’embrasure de la porte pour réfléchir. Il faut que je trouve une solution pour arrêter ça. Même si je dois retourner en enfer et y rester, il faut que je protège tout ces gens... Que je la protège, elle.

J’avance d’un pas tandis qu’une violente douleur apparaît dans mon dos. D’un geste rapide, je suis tiré vers l’arrière et la porte devant moi est fermée à clés. Qu’est ce que…

-      Lucifer, quelle bonne surprise ! C’est justement toi que je voulais voir.

La douleur dans mon dos s’amplifie, j’ai du mal à respirer. Les deux cadavres encore allongés sur le sol il y a de ça quelques secondes se trouvent maintenant devant moi, bien vivant.

-      C’était presque trop facile. Et si je te tuais maintenant, pour te laisser pourrir en enfer ?

-      Non, Caïn à dit qu’on ne devait pas le tuer. Il n’est pas prêt.

-      Dommage. Mais il a raison, ça serait bien trop facile.

-      Aide-moi à lui enlever sa bague.

Il commence à faire sombre, leur voix sont plus sourdes. Le lieutenant et en bas, je ne peux pas les laisser lui faire du mal. Je n’arrive plus a réfléchir, ça fait un mal de chien ! Je les vois tenter d’enlever ma bague, la bague de mon père. Il semblerait qu’ils aient bien du mal.

-      Prends le couteau.

Une douleur encore plus forte dans mon dos. Je crie cette fois-ci, je n’ai pas pu m’en empêcher. Je tente de me relever, mais mes forces me quittent à mesure que mon sang se repend sur le sol.

Le lieutenant et là, derrière la porte, je sens sa présence comme si j’étais liée à elle.

-      Lucifer, qu’est ce que vous faite ? Ouvrez-cette porte !

Non, non… Allez vous-en Chloé. Je ne pourrais pas… vous protéger… Au moment où je veux utiliser mes dernières forces pour lui dire de dégager de là, je ressens une violente, mais alors très violente douleur dans ma main. Eux, ma bague, le couteau, mon doigt. Les salopards. Cette fois, je hurle. Je me vide de mon énergie, c’est incontrôlable. La porte tremble de plus en plus. Les deux enfoirés se sauvent eux aussi, par la fenêtre, j’en suis presque soulagé. La porte s’ouvre violemment, le lieutenant se précipite sur moi. Elle panique, mais je n’ai pas le force de la rassurer. Elle pose sa main délicate sur ma joue mais je ne la sens qu'à peine. Je n’ai pas le force de garder les yeux ouverts. J'entends sa voix qui se brise dans un sanglot. Je n’ai plus la force de… A…men…a…diel…

A suivre...