Life is Strange : Le Gardien du Temps
« Allo, Max, ici la Terre. T’es avec nous ? »
Je sursautai et arrêtai au passage de me manger les ongles.
« Tu m’as entendu ? On commence par quoi ? »
Alyssa et Kate me dévisagèrent de leurs grands yeux ronds.
« Ce que vous voulez, je n’ai pas de préférences » dis-je essayant de me concentrer.
Les examens approchant, Kate avait proposé que nous révisions toutes les 3 ensemble. Nous n’avions même pas encore commencé que je savais que je serai incapable de me concentrer malgré la meilleure volonté du monde. Et comment le pourrais-je ? Ma discussion avec Pharros tournait en boucle, encore et encore dans ma tête comme une musique des « Beach boys ». Si j’avais su la tournure qu’allaient prendre les évènements j’aurais probablement choisis de rester amnésique…
Sur ce coup tu as grave merdé, Max.
J’essayais de me focaliser sur mes manuels scolaires et de ne pas louper mon année par la même occasion mais je pouvais sentir la sueur qui coulait le long de mon dos et le rythme de mon cœur qui cognait à toute allure contre ma cage thoracique. Si j’avais été cardiaque, je serais probablement morte.
« Max, ça va ? Tu es un peu pâle », me dit Kate l’air inquiet.
Je la rassurais du meilleur sourire que je pouvais et retournais silencieusement à nos leçons, tout en réfrénant l’envie de me ronger les ongles. Au bout d’à peine une demi-heure et ce malgré tous mes efforts, je n’arrivais à rien, je prétextais un mal de crâne et ressortis de ce travail de groupe lessivée et le pouce en sang.
Comment les choses avaient pu déraper à ce point ?
« Pharros ? Je sais que tu es là. Qu’est-ce que tu m’as fait ? »
Ma perte de mémoire et mon esprit embrouillé ne pouvaient qu’être de son fait, j’en étais sûre.
Errant pendant plusieurs minutes dans le monde froid et désert du Gardien du temps, je patientais.
Même si ces derniers temps j’avais cessé de le considérer comme un ennemi, je ne lui faisais toujours pas entièrement confiance et je me préparais à une confrontation avec mon interlocuteur. S’il le fallait j’étais prête à me battre. Enfin, c’était seulement s’il daignait venir.
« Je répète ma question, qu’est-ce que tu m’as fait ? Je sais que tu as fait quelque chose avec mon esprit. J’exige que tu m’expliques ce qui se passe », clamais-je dans le vide.
Puisque j’avais du temps à perdre je continuais d’appeler le Gardien du Temps. Face à une absence totale de résultats je me mis à l’insulter de tous les noms (Chloe aurait été fière de moi, certaines insultes étaient particulièrement imagées…), puis j’implorais son pardon et enfin je le menaçais d’utiliser mes pouvoirs à tort et à travers.
Aucune réaction. Nada. Niet.
Autant m’adresser à un mur !
Je dû perdre l’esprit momentanément car je sacrifiais toute dignité en chantant tous les tubes de l’été que je connaissais, et j’en connaissais beaucoup. Après avoir fredonné « Never Gonna Give You up » pour la troisième fois d’affilé, je décidai de rendre les armes. J’avais l’impression d’avoir attendu le maître des lieux pendant des jours. Lorsque finalement, il apparut, émergeant de nulle part.
Hallelujah, mes prières ont été entendues !
J’avais déjà connu Pharren froid et distant, j’avais subi sa colère et son ton condescendant, pourtant cette fois-ci il semblait différent.
« Maxine, je crains que tes égarements passés viennent de nous mettre tous en danger. »
Je rinçai mon visage à l’eau froide pour me calmer. Depuis notre dernière conversation, je n’avais pas eu de nouvelles de Pharros. Il avait dit revenir vers moi le plus rapidement possible et de mon côté j’avais promis de me faire le plus discrète possible en ce qui concernait mon côté SuperMax.
Mais ça fait déjà 3 jours, putain !
Mon téléphone vibra et interrompit mes macabres pensées :
« Salut Max, dispo pour voir un film ce soir ? »
En lisant le message de Warren ma première pensée fût que je tenais peut-être le moyen de contacter Pharros. Mais très vite la culpabilité me sauta à la gorge. J’avais esquivé Warren depuis la soirée en l’honneur de Chloe, prétextant à ma conscience que je devais éviter de le mêler aux problèmes dont j’étais responsable. En réalité, j’étais surtout très gênée et ne savais pas comment me comporter devant lui depuis notre moment « chaud » comme disait Dana. Et maintenant me voilà toute ravie de le revoir… Simplement pour qu’il m’aide à contacter son alter égo.
Wow, quelle belle façon de penser, Max ! Warren mérite mieux que ça.
« Je ramène le pop-corn »
J’avais encore pas mal de temps libre devant moi puisque j’étais incapable de travailler. Ne trouvant aucune motivation pour quoique ce soit je retournai à ma chambre me coucher, espérant oublier l’épée de Damoclès qui planait au-dessus de ma tête. Et sans Pharros dans les parages, qui sait quand elle allait tomber.
« Je ne comprends pas, je croyais que vous aviez réparé l’ordre naturel ou quelque chose dans ce genre. »
« C’est ce que je croyais aussi, je pensais avoir réussi mais j’ai manqué de vigilance… »
J’attendis la suite, en vain. J’eu envie de le brusquer, ne comprenant rien à ses accusations, mais il avait l’air aussi confus que moi.
« Te rappelles-tu l’histoire de Ohanzee ? »
Surprise par le changement de sujet j’acquiesçais.
« Le membre des manipulateurs de temps qui a essayé de sauver sa promise en faisant la même erreur que moi ? », fis-je un brin sarcastique.
« Te rappelles-tu comment est morte Kishi ?, dit-il me regardant fixement.
Ohanzee était retourné dans le passé pour la sauver, mais la Nature n’avait pas toléré cette altération du temps. De multitudes de catastrophes naturelles s’étaient abattues sur la tribu des manipulateurs de temps et avait fait de nombreux morts, assassinant par la même occasion Kishi pour la deuxième fois. Suite à cela, les derniers membres de la tribu avaient créé Pharros afin qu’une telle erreur n’arrive plus jamais.
Je ne voyais pas où Pharros voulait en venir mais je sentais que je n’allais pas aimer la suite.
« Il se trouve que je ne t’ai raconté qu’une partie de l’histoire. En vérité, tout comme toi, Ohanzee à essayer de sauver Kishi une deuxième fois. Il est retourné dans le passé pour la protéger, juste quelques minutes avant qu’elle ne meure une seconde fois et à tenter de l’amener dans le futur, après que les catastrophes soient passées. »
« Attendez, je croyais que personne ne pouvait influencer sur le futur. »
Le maître des lieux acquiesça, les mains croisées. Il reprit d’une voix mal assurée :
« En effet, c’est impossible. Mais le chagrin et l’orgueil ont poussé Ohanzee à essayer. Ce faisant il a fait traverser le temps à un élément qui n’aurait pas dû exister à une place où il n’aurait pas pu exister. »
J’étais complètement perdu mais le ton grave qu’avait pris Pharros me faisait des sueurs froides.
« C’est en réalité à ce moment-là qu’Ohanzee à sceller le destin des manipulateurs de temps et les à condamner à mourir. Son entêtement à défier les lois du temps a créé une aberration. »
« Quelle genre d’aberration ? »
Pharros se dirigea alors vers moi et me toucha le front. Tous les évènements de la veille me revinrent d’un seul coup, comme un immense coup de poing en plein visage. L’effroi parcouru tout mon être comme si je vivais la scène une seconde fois. Je me rappelais de la chose effroyable qui était tapis dans ma chambre. Des morceaux de chairs qui la composaient, comment elle m’avait paralysée par sa seule présence. Je ne tardais pas répandre le contenu de mon estomac au pieds de Pharros. Je suffoquais, la respiration coupée. Je tentai d’implorais à l’aide mais je ne parvenais qu’à balbutier des mots incompréhensibles. Mon cœur s’apprêtait à jaillir hors de ma poitrine tant il cognait fort.
De nouveau il posa ses mains sur ma tête et le calme se fit dans mon esprit. Je me rappelais toujours de cette vision d’horreur mais elle semblait lointaine, floue, un peu comme si le Gardien du Temps avait mis une sorte de filtre qui me permettait de me distancier de ce souvenir.
Filtre parentale activé, dieu merci !
J’éclatais d’un rire nerveux, les larmes coulaient abondamment sur mes joues. Il me fallut un moment avant de pouvoir me calmer et être capable de raisonner.
« Qu’est-ce que c’était que ça ?! Et bordel, qu’est-ce que cette chose foutait dans ma chambre ? »
La voix de mon interlocuteur était pleine de dégoût lorsqu’il me répondit :
« Quelque chose qui n’aurait jamais dû exister, une Abomination. Lorsque les tribus ont découvert son existence, elles se toutes unies pour tenter de la détruire. Les enfants du Soleil, les mystiques de la Lune, les guerriers des Plaines, ils y sont tous passés… N’étant ni vivante, ni morte, ils n’ont pas pu la détruire. Il était quasiment impossible de lutter contre elle. Partout où elle passait, elle dévorait le temps. »
Hébétée, je crû avoir mal entendu. Cette chose mangeait le temps ?
« Tu as bien entendu, Maxine. De jeunes enfants sont devenus décrépis et séniles en quelques secondes, des arbres centenaires sont revenus à l’état de jeunes pousses…Lorsqu’ils ont finalement compris que l’Abomination dévorait le temps, les membres des manipulateurs du temps encore en vie lui ont tendu un piège. Ils ont dû agir vite car ils n’étaient plus très nombreux et les catastrophes naturelles empiraient de plus en plus. »
Pharros interrompis son monologue me laissant le temps d’intégrer tout ce qu’il me racontait.
« Installé au fond d’une grotte, les survivants ont commencé à altérer le temps autour d’eux. Tel le requin attiré par l’odeur du sang, l’Abomination s’est empressée de les traquer. Ce qu’elle ne savait pas, c’était que tous les derniers individus des tribus capables d’influencer sur la Nature l’attendait, cachés. Ils l’ont affaibli afin de pouvoir l’enfermer dans une prison, une boucle temporelle. Puis avec leurs dernières forces ils m’ont créé moi, verrou de sa cage et dépositaire de leur histoire. Épuisés par la tâche, tout ceux qui étaient capable de « magie » comme tu dis, sont morts peu de temps après. »
Le silence s’installa comme une chape de plomb mais les images continuaient d’apparaître tout autour de moi. Je ne savais que penser de toute cette histoire. Grâce mes pouvoirs j’avais vu des choses qui défiaient l’imagination, mais là c’était un tout autre niveau.
« Pendant des siècles, j’ai gardé l’Abomination prisonnière, endormie. J’ignore si c’est parce que tes pouvoirs d’une rare intensité ont agi comme une balise ou si c’est parce que tu t’es peut-être approchée d’elle lorsque tu t’es perdue dans les divers réalités, mais aujourd’hui elle est réveillée. »
Je tentais de m’excuser, de me défendre mais confuse et mortifiée je ne parvenais qu’à balbutier. Comment aurais-je pu savoir… ? La seule chose que j’avais essayé de faire, et échouer, était de sauver mon amie. Du jour au lendemain ces pouvoirs m’étaient tombé dessus sans la moindre explication ou logique. Qu’aurais-je dû y voir d’autre qu’un signe pour protéger Chloe ?
Pharros avait alors fait une chose qui m’avait étonnée ; il avait posé sa main sur mon épaule et s’était adressé à moi d’une voix douce, presque compatissante :
« Si je t’ai parlé aussi durement Maxine, c’est pour que tu comprennes la portée de tes actes. Les actes d’une seule personne peuvent influer sur la vie de tous ceux qui l’entoure. Mais tout n’est pas perdu, au contraire. L’Abomination est peut-être en fuite mais elle est toujours liée à sa prison, je peux le sentir. Comment t‘expliquer cela… Disons que tant que les barreaux de sa cage tiennent toujours, je peux l’y replacer. Je vais devoir m’absenter, le temps de l’y remettre. En mon absence n’utilise tes pouvoirs sous aucun prétexte, si tu ne veux pas l’attirer sur toi. Je fais au plus vite. »
Je n’avais pas eu le temps de lui répondre quoique ce soit, qu’il s’était fondu dans l’ombre, disparaissant et me renvoyant dans une réalité que je peinais à reconnaître.