Un Français au Vingt-Septième Royaume

Chapitre 1 : Un Français au Vingt-Septième Royaume

Chapitre final

9549 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 13/04/2025 14:21

Cette fanfiction participe aux Défis du Forum Fanfictions.fr Erreur sur la personne (septembre à octobre 2021) et Crossover improbable (janvier à février 2022) en seconde chance



Un Français au Vingt-Septième Royaume



Royaume de France, an de grâce 1123,

Godefroy, arbalète à la main, discerna, derrière sa bien-aimée fiancée Frénégonde, un immense ours brun qui la poursuivait. Se remémorant les paroles du mage Eusaebius, il se concentra, investissant toute sa volonté pour détourner la flèche assassine de son futur beau-père. La flèche, perdant de la vitesse, fit demi-tour et se ficha, de toute sa force, dans la sorcière. Cette dernière, avant d’exhaler son dernier souffle, maudit le Comte : 

— Qu’un malheur survienne le jour le plus heureux de son existence, ô mon illustre ancêtre, écoute-moi !

Sur ces paroles, elle rendit l’âme. Godefroy, ravi, sourit à sa promise et salua respectueusement son beau-père. Le trio arriva, joyeux, au château des Pouilles. Jacques-Henri, confus, moqué par les autres hommes de la suite du comte, se leva de la boue et courut, hurlant : 

— Dans quel film suis-je arrivé ? Où est le metteur en scène ? Je n’ai jamais accepté d’être acteur ! Je peux vous louer mon hôtel, mais je…

— La Fripouille, tais-toi ! s’emporta Godefroy. Va flairer la piste prestement, le chien !

— Je ne suis pas un chien, l’arriéré moyenâgeux ! s’offusqua le petit homme, agitant les mains d’impatience.

Le Comte grommela quelques paroles indistinctes, puis l’ignora, dirigeant son cheval d’un trot rapide vers son beau-père.



Au même moment, au confin de l’univers, dans un lointain pays, au légendaire Vingt-Septième Royaume,

Kochtcheï l’Immortel, un homme sans âge, squelettique, aux yeux verts et aux cheveux aussi noir que les ailes d’un corbeau s’avançait rapidement, ne touchant point le sol de ses pieds, vers son trône imposant en or massif serti d’émeraudes. Il s’assit confortablement, laissant son ample vêtement de lin sombre aux motifs traditionnels slaves tomber mollement autour de lui. Il observa la salle familière, une immense pièce au mur doré orné de rubis et de topaze. En son centre trônait une table imposante en or, recouverte d’une nappe brodée d’argent, sur laquelle des verres en cristal scintillant, des assiettes d'or et d’argent et des paniers en osier dorés remplis de pain et de sel, attendaient des invités qui brillèrent par leur absence. Il attendait patiemment, comme il le faisait depuis de nombreuses années déjà, que son épouse, Vassilissa La Très-Belle, prenne place à ses côtés pour le festin, mais en vain.


— Je ressemble à Vladimir, j’attends Godot en vain(1), soupira le sorcier folklorique. Je pourrai encore attendre longtemps ! Tous les jours la même chose ! Vassilissa, tu es très entêtée !

Il vida son verre d’un trait.


Soudain, il perçut une voix au loin, une voix familière qui résonna dans son esprit, exerçant une pression dans son cœur sous l’émotion intense.

« Qu’un malheur survienne le jour le plus heureux de son existence, ô mon illustre ancêtre, écoute-moi ! » répétait la voix féminine, en écho, dans son esprit agité.

Le mage maléfique sortit son assiette d’argent sur laquelle reposait une pomme d’or. Il prononça l’incantation en slavon et, au fond de l’objet, apparut une image des derniers moments de la sorcière de Malcombe. Cette dernière était sa descendante, qui, fuyant Kiev en proie aux diverses disputes de pouvoir, complots et assassinats, à la fin du premier millénaire, se réfugia en France, espérant s’éloigner des intrigues de la cour. Certains opposants des Grands-Princes de Kiev la soupçonnaient de soutenir Sviatopolk Ier(2).


Le mage, serrant les poings de rage, murmura : 

— Vous le payerez cher, Godefroy de Montmirail, pour le meurtre de  ma lointaine descendante ! Personne n’a le droit d’abréger les jours des rejetons de Kochtcheï l’Immortel ! J’exaucerais ton vœu ma chère illustre arrière-arrière-arrière petite-fille, sois sans crainte ! … 

Le Tsar analysa les environs que montrait l’assiette. Un sourire torve se dessina sur son austère visage.

— … Sa fiancée est effectivement charmante… Il faut bien que je me divertisse un peu, après tout, Vassilissa qui, m’ayant été confiée, fuit mes avances. Et je ne peux rien y faire ! Par ailleurs, Frénégonde de Pouille et Vassilissa présentent une ressemblances des plus frappantes… Serait-il possible qu’elles partagent une ascendance commune ?… Je chercherais plus tard cette information… J’ai beaucoup de richesses, mais rien pour m’occuper l’esprit ! J’ai lu et relu tous les grimoires, contes et romans possibles, même la science-fiction qui m’avait bien fait rire, d’ailleurs… Je trouve tellement plus intéressants mes grimoires et mes formules magiques plutôt que des soucoupes volantes, pfff ! … Tellement obsolètes ! Le tapis d'Aladin est beaucoup plus hi-tech en comparaison ! … D’ailleurs, Aladin, il y a fort longtemps que je n’ai eu de ses nouvelles !


Il soupira en contemplant la gracieuse et élégante Frénégonde de Pouille au côté du Comte. Il la convoita, ressentant une émotion croissante dans son cœur, une ardeur qu’il n’avait pas ressentie depuis l’enlèvement de Vassilissa. Cette dernière demeurait prisonnière dans un donjon de sa forteresse, s’adonnant avec obstination au tricot et à la broderie, nuit et jour, sans relâche, depuis qu’elle avait donné naissance à plusieurs filles.

Il parla d’une voix caverneuse, ordonnant à l’artefact magique : 

— Ô, ma petite assiette, deviens portail ! Ma pomme et mon assiette, devenez un portail puissant et imperceptible ! Davaï, Davaï(3) !

L’assiette s'éleva dans les airs et se mit à tourner sur elle-même, telle une toupie, diffusant une lumière pure et blanche autour d’elle qui devint aveuglante pour les yeux des simples mortels, mais aucunement pour le Tsar du Vingt-Septième Royaume. Ce dernier fut aspiré par l’objet, pour apparaître dans la forêt, non loin de Godefroy. 


D’un claquement de doigts, le Tsar immortel se rendit invisible et s'approcha de Frénégonde observant ses gestes, guettant le meilleur moment pour l’enlever. Il emboîta le pas à Fulbert de Pouille, prêtant une oreille attentive à la discussion qu’il saisissait pleinement. Au fil des années, il s’était familiarisé avec l’ensemble des langues de la planète, maîtrisant aussi bien le français médiéval que sa variante contemporaine.


Le soir, Kochtcheï guetta le moment quand Frénégonde, après avoir laissé ses dames de compagnie regagner leurs chambres, se rendit dans la sienne. La chambre se révélait être une immense salle somptueusement décorée, dominée par un imposant lit à baldaquin aux soieries les plus délicates, entouré de tables de chevet en cerisier avec une finition dorée. Dans un recoin de la chambre, dissimulé aux regards, le sorcier slave attendait l'occasion propice. Il contempla les cieux à travers l’immense fenêtre, où les nuages, tel un sombre drap, voilaient les étoiles scintillantes, pareilles à des diamants.


À minuit, alors que toute la maisonnée dormait, Kochtcheï, sortit de l’ombre et de l’invisibilité, lévita jusqu'à l’élégante fiancée du Comte. Il murmura une incantation en slavon, agitant dans les airs ses mains en gestes précis et gracieux. Des cercles lumineux se formèrent dans la salle. Ils s'immobilisèrent autour de Frénégonde endormie. Ce geste la téléporta instantanément dans une cellule voisine à celle de Vassilissa, située dans une tour du palais de Kochtcheï. L’ensorceleur fit apparaître son assiette magique et psalmodia d’une voix puissante :

— Ô ma petite assiette, deviens portail ! Ô ma pomme et mon assiette, devenez un immense portail, maintenant ! Davaï ! Davaï !

Une immense lumière aveuglante illumina la pièce transportant le mage maléfique dans son palais au Vingt-Septième Royaume. Il se frotta les mains d’anticipation aux épreuves qu’il enverrait au Français.



Le lendemain matin, Royaume de France,

Fulbert accourut, étonné et attristé, chez son futur gendre. En larmes, le gros homme s’exclama : 

— Godefroy de Montmirail, mon gendre ! Ma fille a disparu ! J’ignore où elle est ! Quelqu'un l’a enlevé cette nuit ! Il faut la retrouver ! J’ai envoyé mes hommes quadriller les environs, mais, hélas, en vain !

— Mon futur beau-père, il est de mon devoir de vous aider. Le mariage est prévu dans deux mois, j’ai tout le temps nécessaire ! Et je le ferai ! Il y va de mon honneur !

— Allez-y ! Que Dieu, ses Anges et les Saints vous assistent !

Les deux hommes se signèrent, le cœur serré de crainte, malgré leur bravoure.


Godefroy, une fois que son beau-père fut parti, se tourna vers Jacques-Henri et lui ordonna sèchement : 

—  La Fripouille, va flairer les environs ! Trouve une piste ! Ma fiancée a été enlevée par un autre. Je déclare la guerre à ce prétendant ! Frénégonde de Pouille est mienne ! Si tu ne trouves aucune piste jusqu’à ce soir, j’irai interroger le mage Eusaebius.

Dès que Jacques-Henri s’éclipsa de la pièce, les mains dans les poches et bouillant de rage d’être si méprisé, mais néanmoins intrigué par le scénario du film dans lequel il était embarqué contre son gré, Godefroy murmura à l’un de ses gardes : 

—  Je suis certain que le fautif de la disparition de ma chère et douce promise est cette sorcière de Malcombe ! Que le Diable l’emporte, qu’elle brûle pour l’éternité en Enfer ! … D’ailleurs, ne trouves-tu pas que La Fripouille a changé, il se comporte d’une fort étrange manière ?

Le garde opina du chef et revint auprès de ses compagnons d’armes.

— J’espère que je n’aurais pas besoin de refaire un voyage dans le temps ! soupira le Comte, soutenant sa tête entre ses mains lorsqu’il se retrouva seul dans l’immense salle. Impossible n’est pas Français ! J’affronterais tous les dangers !

Godefroy sortit de la salle d’un pas lourd.


À l’heure où le soleil disparaissait derrière l’horizon, Godefroy demeurait sans informations de sa promise.

Angoissé au-delà du possible, il ordonna à Jacques-Henri de le suivre. Celui-ci lui obéit à contrecœur. Le Comte se dirigea vers la maison d’Eusaebius, le ventre noué par l’angoisse, regard affligé. Il entra dans l’antre du mage qui l'accueillit poliment.

— Hier soir, votre fiancée a été enlevée, s’alarma le mage, agitant ses vêtements amples dans toutes les directions. Mauvais signe ! Mauvais signe ! Que le Seigneur nous offre Son soutien !

Il parcourut avec dextérité plusieurs manuscrits anciens, quand soudain une illumination le saisit et un sourire rayonna sur son visage.

— Godefroy de Montmirail, avant tout, il faut retrouver le coupable ! Un vieil ouvrage de mes lointains ancêtres maternels contient la formule adéquate pour voir la réalité telle qu’elle est et observer les événements tels qu’ils se sont produits.

Il sortit un vieux livre défraîchi et racorni, l’ouvrant sur une page couverte de mots à moitié effacés par les ans. Il récita et lut d’une voix puissante en slavon devant une psyché l’incantation. Jacques-Henri, méfiant, observa la scène depuis le coin obscur du vestibule, s’interrogeant dans quel film étrange il était.

À la surface de la psyché, une image de plus en plus distincte apparut : la chambre de Frénégonde.

— Je vais vous montrer le ravisseur de votre fiancée. C’est une image véridique, affirma-t-il d’une voix tonnante, Dieu m’en est témoin !

Un grondement de tonnerre retentit au loin à ses paroles, telle une confirmation manifeste et un présage.

Godefroy, le mage et Jacques-Henri, les yeux rivés sur la psyché, observaient la scène. Notre contemporain avait un petit sourire malin aux lèvres, curieux de connaître la suite du film dans lequel il fut engagé contre son gré; Godefroy et Eusaebius arboraient des expressions beaucoup plus sérieuses.



Simultanément à la visite de Godefroy auprès d’Eusaebius, au Vingt-Septième Royaume.

Kochtcheï, siégeant sur son trône avec une prestance royale, invoqua son assiette magique pour épier Godefroy à distance. Alors qu’il portait sa coupe à ses lèvres, il faillit la laisser choir, frappé d’étonnement en découvrant l’image que lui renvoyait son artefact : le miroir d’Eusaebius qui reflétait fidèlement les événements de la veille.

— Cela veut dire, hurla-t-il, déposant dans un mouvement de rage son verre, le brisant de peu, que ce mage français, Eusaebius, est de lignée slave ! Seules nos formules peuvent avoir un tel usage, les autres ne peuvent permettre un voyage dans le temps, ni de voir des images du passé ainsi ! Je le sais, j’ai épluché tous les grimoires du monde entier, et même au-delà ! Il ne reste point de secrets pour moi en matière de magie ! Et il n’est pas mon descendant, sinon je l’aurais su… 

Le Tsar serra les poings de rage.

— Sauf s’il l’est ? … Et il serait un traître de mon sang ! Sauf s’il n’est pas mon descendant, comme je le pense… Et il serait un ennemi juré de ma lignée ? … À ne pas exclure ! … Alors de qui est-il le descendant ?

Pour lever tout doute concernant l’ascendance du mage Eusaebius, il décida de consulter son miroir magique. Il se déplaça devant son miroir sans tain, caché derrière un paravent en or massif, serti de diamants, dans le coin gauche de la salle, et entonna d’une voix puissante : 

— Ô miroir, mon beau miroir ! Montre-moi la lignée véridique de ce mage Eusaebius ! De qui détient-il cette formule qui provient de nos puissants grimoires slaves et de nulle part ailleurs ? Réponds-moi ! Davaï !

Le miroir se teinta d’une nouvelle nuance avant de révéler un arbre généalogique complexe, parsemé d’embranchements et d’innombrables noms particulièrement ardus à déchiffrer. Néanmoins, le regard exercé et aiguisé du sorcier remarqua une lignée slave au mage français. Il remonta cette branche qui le conduisit jusqu’à Baba Yaga, sa parente. Il lut et relut, stupéfait et incrédule, le nom de cette sorcière légendaire.

— C’est ainsi que ce sorcier, par sa lignée maternelle, a eu l’accès à nos grimoires ! Centième génération descendant de Baba Yaga par sa fille Maria et son gendre Andreï ! Je ne l’aurais jamais soupçonné ! Même s’il est exact qu’il y a une similarité dans les traits du visage que je n’y avais pas pensé ! Arh ! Pourquoi, Diable, doit-il être si malin ? 

Dans l’explosion de colère qui le prit, il fit éclater son verre en cristal sur la table.

— Je vais alors préparer des épreuves à leur hauteur ! Ils n’en sortiront pas vivants ! Rira bien qui rira le dernier ! L’arrogance se paie cher ! Et Frénégonde sera mienne, je n’aurais plus qu’à répudier Vassilissa !

Ravi de son plan, il se frotta les mains d’anticipation, revint s'asseoir sur son trône et suivit avec attention les images sur son assiette magique qui se succédaient comme des images d’un programme télévisé.



Le lendemain matin, au Royaume de France,

Eusaebius passa la nuit sans sommeil, occupé à fouiller tous les grimoires existants dans son immense bibliothèque, et trouva le moyen d’accéder au Vingt-Septième Royaume. Euphorique et échevelé, il accourut dans la demeure de Godefroy. Ce dernier l’accueillit, angoissé.

— Eusaebius, avez-vous trouvé où vit ce mécréant voleur de femme ?

— Oui, je sais comment me rendre au Vingt-Septième Royaume, l'accès à ce pays mythique et légendaire ouvre une formule magique du grimoire de mon lointain ancêtre maternel. Dans ma famille, il existe une légende selon laquelle nous sommes les illustres descendants de la sorcière folklorique slave Baba Yaga. J’ignore si ce récit est vrai, mais nous n’aurions rien à perdre de s’y rendre pour tenter de lui demander conseil. Elle seule pourrait nous donner la clé pour vaincre le ravisseur de votre fiancé, Kochtcheï l’Immortel.

Le Comte opina du chef, méfiant et intrigué.

— Quand pourrons-nous s’y rendre dans ce Royaume ?

Le mage sortit de la salle pour observer le ciel à travers une lunette astronomique avant de revenir, rayonnant de joie.

— Seigneur, la conjonction stellaire nous sera favorable ce soir ! Cette fois-ci, je viendrai avec vous ! Je suis très curieux de rencontrer cet ancêtre légendaire. Sans oublier que je serais peut-être le mieux placé pour l’amadouer !

— Très bien, Eusaebius, venez avec mon écuyer et moi ! Nous irons dans ce Royaume mystérieux, inconnu de moi. J’ignore même où est ce royaume sur la carte du monde…

— Je dirai à l’extrême Occident de l’Orient. Pour l’atteindre il faudrait passer par un portail magique, ce qui est encore différent d’un voyage dans le temps. Venez ce soir dans ma maison, je vous seconderai dans les préparatifs pour ce voyage.

— J’y serais, lui confirma le comte. Je suis aussi honoré que vous veniez avec mon écuyer et moi ! À ce soir !

Les deux hommes prirent congé en bons termes et avec une confiance naissante dans l’avenir et dans la réussite de leur mission.



À la tombée du jour, Godefroy et Jacques-Henri se rendirent dans la demeure du mage sous la lumière de la lune brillante qui trônait au firmament, éclairant la rue. Eusaebius donna aux deux hommes des coupes en cristal remplies d’un liquide aussi transparent que l’eau qui dégageait une fumée blanchâtre peu appétissante.

— Voici la potion qui nous ouvrira les portes du Vingt-Septième Royaume ! Une fois arrivés là-bas, nous irons chez Baba Yaga, puis nous affronterons Kochtcheï l’Immortel. Auparavant, si nous pouvions croire les contes, vous devriez trouver où est cachée la mort de Kochtcheï pour pouvoir le tuer… Et j’ignore où se trouve sa mort ! Par contre, Baba Yaga saura nous guider.

Jacques-Henri, exaspéré, but néanmoins le breuvage proposé. Godefroy opina du chef et vida son verre d’un trait. Le mage fit de même, prononçant la formule sur un air solennel : 

Nynche rano partizany / Dom pokinuli rodnoy, / Zhdet tebya doroga / K partizanam v les gustoy. [« Aujourd'hui très tôt les maquisards ont quitté leurs maisons natales, la route t’attends pour les rejoindre dans la forêt »](4)


À peine la potion ingurgitée et l’incantation prononcée qu’une immense lumière blanche et aveuglante enveloppa les trois voyageurs avant de s’éteindre. Et la pièce se retrouva vide de toute présence humaine, seul le grimoire en slavon, ouvert sur la table en chêne brillait légèrement d’une lueur irréelle dans la noirceur de la nuit.



Quelque part dans une forêt au Vingt-Septième Royaume,

Le trio ouvrit péniblement les yeux. Eusaebius se releva avec agilité, s’assurant que les livres dans son bissac qu’il transportait demeuraient soigneusement rangés. Il en sortit un grimoire, puis un recueil de contes slaves, les feuilletant avec attention à la recherche d’indices susceptibles de l’aider à se repérer dans le paysage environnant. Jacques-Henri, éberlué, balaya du regard les environs inconnus : des immenses arbres centenaires verdoyants, des halliers et arbustes formant des fourrées impraticables. Une chaleur moite y régnait, seul un doux zéphyr apportait un peu de fraîcheur.


— Je ne reconnais rien ici ! s’exclama Jacques-Henri. Où sommes-nous ?

Le mage s’avança vers lui et l’informa posément : 

—  Nous sommes au Vingt-Septième Royaume, non loin de la demeure de mon illustre ancêtre, Baba Yaga !

— Dans quel navet me suis-je embarqué ? s’interrogea le descendant de Jacquouille la Fripouille.

Il soupira. Le mage demeura coi, trouvant ces paroles étranges et insensées.

— Je n’ai guère le choix que de jouer le rôle… Allons-y !

— La Fripouille, s’exclama la voix puissante du Comte, flaire les environs ! …

Godefroy scruta les environs en mettant les mains en visière.

— … A-t-il quelque chose de comestible dans les environs ? s’exclama l’homme du Moyen-Âge. Je ne discerne aucun cerf ou oie !

— Suivez-moi, Godefroy de Montmirail, intervint Eusaebius en s’inclinant respectueusement devant Godefroy, je crois savoir ce qu’il faut faire pour que mon illustre ancêtre nous accueille sous son toit. Laissez-moi par contre passer en premier ! Il faut prononcer la bonne formule pour être dans ses bonnes grâces !

L’interpellé opina du chef et, d’un signe de la main droite, invita le mage à passer devant lui.



Après quelques heures de marche forcée sur la sente recouverte de mauvaises herbes et dissimulée par diverses plantes, le trio arriva dans une clairière au centre de laquelle se dressait une immense maison en bois montée sur des pilotis ressemblant à des pattes de poulet. Jacques-Henri s’avança, sans la moindre hésitation, vers la porte, mais ses jambes furent rapidement entravées par une plante grimpante.

— Qu’est-ce que c’est que cette farce ! ? hurla le Français aux extrémités solidement ligotées, se débattant en vain.

Le mage secoua la tête avec désolation en soupirant, alors que Godefroy lança un regard foudroyant à Jacques-Henri et s’emporta : 

—  La Fripouille, je t’avais bien dit de laisser passer le mage en tête ! Et tu ne m'écoutes pas, bourricot désobéissant ! En plus, nous rendons visite à sa parente ! Donc, il est plus poli qu’il la salue en premier !

— Calmez-vous ! ordonna Eusaebius. Rien d’irréparable n’est arrivé à votre écuyer ! 

Le mage s’arrêta à quelques mètres de la maison et psalmodia en slavon, grimoire ouvert entre les mains : 

— Isba, Maison ! Petite isba, petite maison ! Mets-toi le dos à la forêt et la face vers moi, je suis un parent de la propriétaire !(5)

Le Comte promena son regard de l’étrange maison au mage, main droite sur la garde de son épée, aux aguets, prêt à intervenir si la situation venait à dégénérer.

La maison cessa de tourner, s’immobilisa et les pilotis se replièrent pour céder la place à un escalier en bois qui menait jusqu’à la porte. Jacques-Henri, gémissant sous la forte emprise de la végétation, demanda : 

— Qui aura la gentillesse de me délivrer de ce monstre ? Une plante carnivore ?

Godefroy s’approcha de son écuyer et sortit son épée, mais il était rapidement interrompu par une voix féminine venant de derrière son dos, le sommant dans un vieux français mélodieux : 

— Jeune homme, ne réduisez pas mon expérience à néant ! Laissez-moi délivrer votre impudent compagnon ! Et vous, continua-t-elle en français moderne mais avec un fort accent slave, cesser tout mouvement, si vous ne voulez pas terminer dans ma marmite affamée de viande ! Vous ferez un bon morceau de gibier pour ma soupe !

Le Comte se retourna pour se trouver face à une femme d’une élégance remarquable, malgré qu’elle ait dépassé largement la fleur de l’âge. Sa délicate silhouette était drapée d’une ample robe de couleur claire, décorée de motifs slaves ancestraux. Un gracieux voile coiffait sa chevelure d’un noir rappelant l’ébène. Son visage ovale et angélique aurait pu inspirer confiance à Godefroy si ses yeux clairs ne brillèrent pas d’une intelligence et d’une malice mal dissimulées.

Ses pieds ne touchaient pas le sol, l’étrange femme lévitait, élevant ses mains dans les airs. Elle chanta un air en slavon d’une voix tonnante. La plante relâcha instantanément les jambes de Jacques-Henri. Ce dernier, tremblant de tous ses membres et blème, s’approcha de Godefroy et murmura : 

— C’est quoi ce film ? Qu’est-ce que c’est que ce binz ?

Le Comte  l’ignora. Alors Jacques-Henri se tourna vers Baba Yaga et s’exclama, affablement, avec un large sourire.

—  Madame, à qui ai-je l’honneur de parler ?

L’interpellée se fâcha. Un violent borée s’éleva, emportant des feuilles au passage.

— Petit Français arrogant et perfide, tous pareils ! À commencer par votre Napoléon qui voulait venir sur mes terres pour me voir, moi, la très célèbre Baba Yaga, à l’instar d’Adolf Hitler beaucoup plus tard, mais ils étaient tous deux trop beaucoup trop simplets pour arriver jusqu’à moi ! Alors je vous ai à l’œil, tenez-le pour dits misérables vers de terre !

— De quoi parliez-vous, Madame ? Sommes-nous dans un cours d’Histoire ? Je veux seulement comprendre dans quel film je suis ? s’emporta Jacques-Henri, mains serrées en poing.

— Vénérable et très respectable Baba Yaga, intervint Eusaebius avant que la situation ne s’envenimât, intimant d’un geste silencieux à Jacques-Henri de se taire. Je suis votre lointain descendant par votre fille, Maria la Très-Sage, et votre gendre Andreï, le tsar ! Je suis Eusaebius, issu de la branche de votre famille qui a émigré en France il y a cent ans pour fuir le Temps des troubles(6) qui arrivera en l’an de grâce 1598. Événement qu’il avait prévu grâce à son don divinatoire ! …

Les lèvres de Baba Yaga esquissèrent un sourire sur son visage délicat et ses yeux brillèrent de joie. Eusaebius montra de la main Godefroy et Jacques-Henri.

— … Et j’accompagne mes deux compatriotes dans leur quête et pour aider le Comte de Montmirail à délivrer sa fiancée des griffes de Kochtcheï l’Immortel.

— Alors, venez, venez, entrez ! Vous êtes mes invités ! Prenez le pain et le sel à l’entrée ! Soyez les bienvenus ! Je vais vous aider dans votre mission !

Le trio suivit Baba Yaga, ne sachant plus sur quel pied danser.



Au même moment, au palais de Kochtcheï l’Immortel,

Le Tsar du Vingt-Septième Royaume, revêtu de ses vêtements d’apparat, s’assit majestueusement sur son trône, sans quitter du regard son assiette d’argent. Il enrageait, son visage rougit par la colère, les mains serrées en poings à en faire blanchir les jointures. 

— Ces insolents Français viennent de mettre le pied dans mon Royaume ! Mais tel qui rit vendredi, dimanche pleurera !

Kochtcheï leur préparait une belle surprise en la personne de son invité d’honneur qui tardait à venir d’ailleurs. Il commençait déjà à s’impatienter, quand, levant les yeux, tant redoutés de ses sujets, il croisa le regard incandescent de son interlocuteur, nul autre que Zmeï Gorynytch. Lévitant vers lui, arborant son sourire le plus professionnel et perfide de son existence, il lui demanda poliment : 

— N’avez-vous pas rencontré de difficulté pour venir jusqu’à moi, honorable Zmeï ?

— Quelle question ! rugit le Dragon, agitant ses trois têtes. Bien sûr que j’ai eu de la difficulté avec vos gardes obtus !

Le Tsar afficha son expression la plus affable et d’un geste de la main droite, l’invita à prendre place à sa table, offrant du pain et du sel à chaque tête, avant de s’installer sur son trône et se servir. Le duo resta à table pendant trois heures, discutant sur divers thèmes rattachés à la gestion des trésors. Ils se lièrent d’amitié en peu de temps.

— Zmeï Gorynytch, quatrième de nom, illustre hôte, s’exclama le Tsar, je vous propose de conclure un accord !

Les trois têtes, un peu grisées par l’alcool, dardaient les regards sur leur interlocuteur, intrigué. Kochtcheï, nullement impressionné, se réjouissait de l’effet souhaité sur le Dragon. Il fit apparaître de nulle part un papyrus vierge et une plume.

— Si vous parvenez à capturer le mage Eusaebius, que vous me donnez ses grimoires et que vous faites en sorte que les Français quittent mon Royaume, je vous donne trois fois trois tonnes de biens : pierres précieuses, or, argent, platine, émeraude, rubis, topaze et lapis-lazuli. Sans oublier, Vassilissa la Très-Belle, mon épouse en prime. J’ai déjà préparé les papiers de divorce. Si vous échouez, mais que vous parvenez à retenir le mage ou à décourager les Français, vous aurez au moins le droit à la prime de mon ancienne épouse que je répudierai bientôt, mais sans les coffres.

Il griffonna ses paroles sur le papier d’un geste léger.

— Apposé votre signature en bas, comme je l’ai fait, et le contrat est officiel !

Le monstre laissa une marque de sa patte griffue et murmura d’une voix avinée : 

—  Votre pacte me semble juste ! Ma griffe l’atteste ! Vous êtes un très agréable et convivial hôte ! Par contre, je voudrais bien connaître l’apparence de ma future épouse !

Un large sourire sur le visage, le sorcier folklorique ravi, lui chuchota : 

— Très bien, j’accède à votre demande.

Il entonna un chant ancien d’une voix claire. Son assiette de voyance se déplaça jusqu’au Dragon et parut s'agrandir pour montrer Vassilissa la Très-Belle dans sa tour, tissant une énième tapisserie.

— Votre épouse est effectivement très sublime ! s’exclama le Dragon, fixant l’image d’un air énamouré. Elle vaut plus que tout l’or du monde. J’accepte le contrat !

— Avant de partir, mon cher invité, prenons un dernier verre !

Levant un petit verre de vodka dans les airs, le sorcier pensa : « Espérons que cette entreprise sera un succès ! »

Les deux nouveaux acolytes se quittèrent en bons termes. Zmeï Gorynytch s’envola en vacillant légèrement par la porte, arrachant un petit sourire au Tsar.

— Maintenant, réfléchit à voix haute l’Immortel, il faut penser à un plan B. Si Zmeï en vient à échouer, je pourrais toujours proposer à ces Français une compétition de course à cheval. Mon coursier étant le plus rapide au monde, je gagnerais sans l’ombre d’un doute ! Et le vainqueur, en l’occurrence moi, n’aurait qu’à tuer froidement ce prétentieux Comte français et ses compatriotes ! Sans oublier que je me brocarderai bien de cet Eusaebius, descendant de Baba Yaga ! Il est bien indigne de sa lignée ! Je prendrais un malin plaisir à l’effrayer, à me jouer de lui avant de le tuer ! À faire une démonstration de force !

Content de son plan, il continua à observer le moindre pas des Français par entremise de son assiette magique.



Le surlendemain, dans l’isba de Baba Yaga,

Tous les hôtes s’installèrent autour de la carte du Royaume, la sorcière folklorique sourit à ses invités et affirma, pointant avec un petit stylo en argent un point sur la carte : 

— Godefroy de Montmirail, Eusaebius et Jacquouille la Fripouille…

— Je ne suis pas Jacquouille la Fripouille, mais Jacques-Henri Jacquart, l’heureux nouveau  propriétaire de l’hôtel qu’est devenu le château des Montmirail, l’interrompit sèchement, Jacquart croisant ses bras en dessous de sa poitrine.

Baba Yaga lança un regard foudroyant vers le petit Français, alors qu’un souffle d’air, comme la manifestation tangible de sa colère, parcourut les environs faisant agiter quelques feuilles à l’extérieur et quelques objets dans la salle.

—  Jacquouille la Fripouille, il est fort mal poli d’interrompre une femme prête à nous livrer des informations d’une importance capitale ! le sermonna le mage avant de se tourner vers Baba Yaga. Ô illustre ancêtre, ne prêtez attention à cet homme de rien qui a moins de valeur qu’un chien ! Daignez continuer à exprimer votre noble pensée, sans détour !

Elle opina du chef et laissa tomber sa juste colère avant de continuer.

— Godefroy de Montmirail, pour parvenir à vaincre Kochtcheï l’Immortel, il faut retrouver sa mort qui est cachée dans une aiguille. L’aiguille est au fond d’un œuf, l'œuf dans un canard. Le canard dans l’estomac d’un lièvre, le lièvre dans un coffre. Le coffre est au sommet d’un immense chêne sur une île au milieu de la mer insondable. C’est une dure épreuve pour vaincre le sorcier maléfique qui a fait prisonnier votre fiancée ! Bonne chance et bon courage, jeune homme !

— Sans paraître ignare, gente dame, … commença Godefroy.

— Appelez-moi Baba Yaga, comme tout le monde !

—  … D’accord… Baba Yaga, quel est le nom de cette île et comment la retrouver ?

Sourire énigmatique, la sorcière répondit simplement : 

—  L’île en question est l'Île de Bouïane(7) qui peut apparaître et disparaître comme bon lui semble, au milieu de l’océan ! Cette île est à l’extrême orient, par-delà le Vingt-Septième Royaume et le Vingt-Neuvième Royaume, au Trentième Royaume !

La mine du Comte devint très confuse, ses yeux se promenaient frénétiquement de la carte à Baba Yaga. 

— Et comment je me rends jusqu’à ces Royaumes ? interrogea sévèrement Godefroy, fixant Eusaebius.

Le mage consulta ses grimoires sous le regard amusé de son aïeule. Plusieurs minutes plus tard, qui semblèrent une éternité pour Jacques-Henri, le descendant de Baba Yaga répondit : 

— Nous n'avons qu’à suivre une bague en or qui roulera dans la direction à prendre ! Sans oublier quelques philtres et potions préparés selon les recettes tirées de mon grimoire qui faciliteront l’accès aux Royaumes en question.

— Cette bague, précisa Baba Yaga, extirpant des nombreux plis de sa robe un anneau en or aux apparences bien ordinaire, sera votre alliée !

Godefroy, Jacques-Henri et Eusaebius se préparèrent pour le voyage, remerciant d’un geste de la tête la sorcière slave.



Au même moment, au palais de Kochtcheï,

Le sorcier, espionnant les Français, sourit lorsqu’il voyait le trio se mettre en marche pendant plusieurs heures. Il s’envola jusqu’à la prison où était détenue son épouse et prononça le divorce en ces termes : 

— Vassilissa La Très-Belle, mon épouse légitime depuis plusieurs siècles ! Je mets fin à notre union ! Vous ne vous conduisez pas comme il sied à une épouse et une reine : Vous vous dérobez à vos devoirs conjugaux et vous fuyez ma table. Par ces paroles, je mets fin à notre union, vous n’êtes plus mon épouse, je ne suis plus votre mari ! Mais, dans ma magnanimité, je ne vous chasserai pas, je vous trouverai un mari digne de vous !

Il retira son alliance et s’approcha de son épouse pour lui retirer la sienne avant de s’éclipser. Vassilissa demeura impassible, seule une fugitive lueur de soulagement traversa ses sombres yeux.


Le tsar revint dans la salle du trône, se réjouissant de son mariage prochain avec Frénégonde de Pouille. Il s'arrêta devant son miroir sans tain et psalmodia : 

— Miroir, mon petit miroir ! Ô miroir, mon beau miroir ! Montre-moi la lignée véridique de Frénégonde de Pouille ! A-t-elle un rapport de famille avec Vassilissa la Très-Belle ?

Le miroir lui présenta un arbre généalogique complexe, mais une branche intéressa particulièrement Kochtcheï. Il la suivit du regard et constata que son épouse et Frénégonde étaient cousines de deuxième degré par leur mère.

— Ce qui explique leur ressemblance physique frappante, hurla-t-il. Même visage délicat et même beaux yeux ! Tellement charmant ! …

Il fit les cent pas dans la pièce et une idée germa dans son esprit.

— … Et si cette ressemblance se révélait être un atout ? Pourquoi pas, après tout ? Rien ne m'astreint à respecter scrupuleusement mon engagement envers Zmeï Gorynytch ! Je pourrais fort bien le duper si cet idiot venait à échouer dans sa mission !

Le Tsar s’installa confortablement sur son trône et observa les aventures des Français avec attention.



Quelques jours plus tard, au milieu de la forêt du Vingt-Septième Royaume,

Godefroy, fatigué par la marche forcée, demanda au mage : 

— Eusaebius, j’ignore absolument où nous mène cette bague ! Ne nous sommes-nous pas fourvoyés ?

Haussant les épaules, l’interpellé répliqua simplement : 

— Je ne saurais le dire. Continuons notre marche, avant de prendre l’une des potions pour accéder au Trentième Royaume. Je ne pense pas qu’il nous reste beaucoup de distance à parcourir !

Un bruissement de pas et une agitation des feuilles se firent entendre dans le fourré à proximité. Le Comte se retourna, sur le qui-vive.

— Qui que vous soyez, sortez de votre repaire ! Sinon, je tire ! menaça-t-il, arbalète en main.

De l’hallier sortit un jeune homme vêtu d’un vêtement traditionnel slave ample de couleur rouge aux motifs des plus complexes brodés en or. Il avait les bras couverts de bracelets en or et les doigts chargés de bagues sertis de pierres précieuses. Son visage fin, orné d’un duvet de barbe naissante, lui conférait un air sympathique, mais ses yeux noirs comme les ténèbres et fendus comme ceux des reptiles inspiraient la crainte aux Français.

— En voilà une joyeuse compagnie en balade ! siffla le nouvel arrivé. Je ferais bien une partie du chemin avec vous ! 

Godefroy le scruta avec méfiance, et tourna un regard interrogateur vers le mage. Ce dernier perplexe répondit : 

— Jeune homme, nous ignorons tout de vous ! Et nous avons une tâche à accomplir, et guère de temps pour vous distraire.

— Très bien, se vexa le nouveau venu. Alors gare à vous !


Il s’éleva dans les cieux et se métamorphosa en un gigantesque dragon tricéphale, dont les écailles écarlates rivalisaient avec l’éclat du rubis. Son corps imposant occulta la lumière de l’astre diurne tandis qu’il crachait des flammes infernales. D’un geste véloce, il saisit Eusaebius de ses serres acérées et s’envola dans les airs. Godefroy décocha une pluie de flèches sur le monstre, mais ses efforts ne portèrent fruits, glissant sur son armure naturelle. Dans les hauteurs éthérées, le mage, se remémorant une formule du grimoire, hurla :

— Une étoile brille au-dessus de nous dans le ciel, Personne à part elle ne peut nous aider, Dans la sombre, sombre, sombre nuit(8).

Zmeï Gorynytch se figea dans son vol et tomba en chute libre. À cause de cet atterrissage brutal, se cassant une côte, Eusaebius grimaçait de douleur, mais, au moins, le monstre ne pouvait plus lui nuire. Il se libéra des serres avec l’aide de Godefroy qui accourut rapidement, celui-ci, dégainant son épée, trancha, d’un geste sûr, les trois cous du dragon titanesque, le tuant net. Son cadavre se transforma prestement en une masse fumante.


Le Comte essaya du mieux qu’il le pouvait à soigner le mage, mais tous ses efforts se révélèrent inutiles. Soudain la voix de Baba Yaga résonna clairement à quelques mètres de lui : 

— Jeune homme, laissez-moi guérir mon descendant ! Je connais des incantations efficaces et des herbes pour accélérer sa guérison !

Aussitôt dit, aussitôt fait. Rapidement rétabli à l’aide des formules de son aïeule, Eusaebius et ses deux compagnons continuèrent leur marche forcée pendant plusieurs heures sans le moindre incident. Arrivé au pied d’un immense chêne, le mage distribua des potions qu’il avait concoctées la veille, pour leur permettre d'atteindre plus rapidement l’Île Bouïane dans le Trentième Royaume.


Dès que les trois hommes burent la potion, ils disparurent du Vingt-Septième Royaume pour réapparaître aussitôt au Trentième Royaume, au pied d’un immense chêne qui obombrait tous les autres arbres à plusieurs kilomètres à la ronde.

— Eusaebius, l’interrogea posément le Comte, ce chêne-ci recèle-t-il le coffre recherché ?

— Oui, confirma l'interpellé, il se trouve au sommet de cet arbre !

— Mais comment y accéder ?

— Votre endurance, preux chevalier, et ma formule magique nous y aideront !

Le mage entonna d’une voix forte une incantation qui fit ployer l’arbre, forçant ses branches à toucher le sol. Ainsi, Godefroy monta sur l’arbre et grimpa jusqu’au  coffre. Il redescendit plusieurs heures plus tard, coffre entre ses bras puissants. Il était très épuisé par son escalade entre les branches.

Eusaebius, lui, prit l’artefact et attendit que Godefroy se soit un peu reposé de son effort avant de l'ouvrir. Un lièvre s’en échappa et courut pour se cacher dans les fourrés. Godefroy, arbalète à la main, visa le quadrupède et le tua net. De l’animal mort, un canard sortit et s’envola. Eusaebius, d’une voix tonnante, appela Gamaïun et l’Oiseau de feu(9). Les deux volatiles mythiques pourchassèrent le canard et le tuèrent. L’Oiseau de feu revint aux côtés de Godefroy, tenant l'œuf dans son bec. Le Français remercia la créature d’un geste de la main et rangea la mort du ravisseur de sa fiancée dans une aumônière en cuir suspendue à la ceinture.

— Maintenant, s’exclama Godefroy, il faut retrouver la demeure de ce forban ! Je me débarrasserais de lui et j'emmènerais ma chère et douce Frénégonde ! Pour cela il faut revenir au Vingt-Septième Royaume !

Le mage approuva d’un geste de la tête et sortit son grimoire et ses potions.



Au même moment, au palais du Tsar du Vingt-Septième Royaume,

Kochtcheï fulminait de rage sur son trône en voyant Godefroy mettre la main sur sa mort. Au moment où il voulut se précipiter sur l'Île, Baba Yaga fit son apparition dans la salle du trône et le menaça 

—  Kostia, sac d’os pervers ! Prends mes avertissements au sérieux ! N’ose pas lever ton ignoble et maléfique petit doigt sur ces valeureux hommes ! Sinon, je vais déchaîner une tempête dans ton royaume. Ouragan tel qu’il entrera dans les annales de l’Histoire ! Tornade telle que tous tes efforts seront vains ! Je ferais venir sur toi le malheur et la malchance ! As-tu déjà oublié le soutien que j’avais offert à Maria Morevna ?

Le sorcier déglutit nerveusement, blème, se rappelant cet échec cuisant. Il n’eut même pas la force de répondre et demeura coi, ne faisant qu’opiner du chef. 

— N’oubliez pas que j’ai aidé Maria Morevna à vous affaiblir et à vous incarcérer ! Et je suis capable de le refaire !

Elle le dévisagea de ses yeux limpides, soudain glacials, durant un long moment, introduisant une atmosphère oppressante entre eux. Puis, sans un mot, elle tourna sur elle-même et quitta la pièce.


Dès le départ de sa parente, le Tsar laissa aller sans retenue sa fureur, assombrissant le ciel. Il ressentait une vive contrariété en son âme d’être ainsi menacé perpétuellement, telle une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête. Il déplorait son impuissance face à un mortel, uniquement en raison de la protection conférée par cette vieille sorcière de Baba Yaga.

Il marchait de long en large, tel un fauve blessé, quand une idée surgit en son esprit. Il sourit et murmura : 

—  Baba Yaga, ne crie pas trop tôt victoire ! J’ai un plan qui mettra à mal vos Français ! Mieux même que de faire périr Godefroy de Montmirail à la suite d’une course à cheval ! 

Il éclata d’un rire glacial, ravi par son plan machiavélique. Il lévita jusqu’aux cellules de Frénégonde et de Vassilissa, prononça une incantation, puis disparut. Cette incantation changea les vêtements de Frénégonde en un costume traditionnel slave; Vassilissa ressembla encore plus à Frénégonde dans une robe à la mode de Paris.



Plusieurs heures plus tard, au palais du Tsar,

Godefroy et Jacques-Henri, plus confus que jamais, suivis par Eusaebius, entrèrent dans l’immense forteresse de Kochtcheï l’Immortel. Cette demeure, un mélange entre un dvoretz — un château des contes slaves — et un palais européen avec ses tours majestueuses et son pont-levis était d’une beauté à couper le souffle. Mais les Français ne se laissèrent pas impressionner, imaginant plutôt Frénégonde dans l’une des tours et le ravisseur les guettant à l’entrée. Godefroy, prêt à en découdre avec Kochtcheï, marcha d’un pas preste et apostropha les gardes en ces termes : 

— Jeunes gardes ! Je suis Godefroy de Montmirail et je souhaite voir votre roi, Kochtcheï l’Immortel.

— Êtes-vous des ambassadeurs d’un royaume ? Êtes-vous attendus ? s’étonna l’un des gardes, méfiants. 

— Nous venons du Royaume de France, messire ! Et nous sommes attendus par votre roi.

— Patientez, j’irai m’informer auprès du Tsar.


Quelques minutes plus tard, le garde revint, les laissa entrer, et les accompagna vers la salle du trône.

— Cela sent le Russe… s’offusqua le sorcier, couvrant son nez d’un pan de son ample vêtement… Non le Français ! Non, les Français ! … Bref, l’homme ! Une odeur désagréable et trop forte, on dirait un brie pourri !

Il tourna la tête en direction des nouveaux venus qui apparurent dans le cadre de la porte.

— Et, grommela-t-il, je n’aime pas l’odeur du brie, trop fort pour moi ! Je préfère le tvorog(10) !

Il vida un verre de vodka pour mieux digérer la pestilence qui envahissait ses narines. Il prit son mal en patience jusqu’à ce que les Français arrivassent devant son trône. Il les fixa avec insistance, semant un malaise chez Jacques-Henri qui demeurait en retrait.


Le regard empreint de détermination, les traits figés dans une expression solennelle, Godefroy, arme dégainée, s’avança vers Kochtcheï. Il l’interpella d’une voix impérieuse :

— Immonde créature, où gardez-vous prisonnier ma fiancée, ma chère et douce Frénégonde de Pouille ?

Sourire aux lèvres, le Tsar agita sa main droite d’un geste théâtral, puis se leva de son siège, s’élevant dans les airs pour atterrir avec légèreté derrière le Comte. Jacques-Henri observait la scène, ébahi et incrédule. Godefroy se retourna et sortit de son aumônière l'œuf qui contenait la mort du ravisseur : il le fit passer d’une main à l’autre, ce qui fit sautiller Kochtcheï au même rythme, impuissant d’agir autrement. 

— Wow ! commenta Jacques-Henri en s’adressant au Tsar. Vous êtes un habile comédien ! Une parfaite synchronisation ! Dans quel mélodrame de film suis-je arrivé ?

Euaebius lança un regard noir à Jacques-Henri et lui chuchota : 

— Taisez-vous, malheureux ! Vous n’êtes point conscient que nous sommes à un moment clé de nos aventures !

Tout le monde se tut, observant l’interaction entre Kochtcheï l’Immortel et le Comte. 

Une fois que le Français cessa de ballotter ainsi le Tsar, celui-ci, d’une voix puissante qui glaça les veines dans le sang de Jacques-Henri, tonna : 

— Godefroy de Montmirail, illustre comte françois, je vous propose un marché.

— Lequel ?

— Vous me laissez en vie et je vous rends votre fiancée qui est prisonnière dans la tour occidentale de mon palais ! D’ailleurs, il n’y a que deux femmes prisonnières, mon épouse, en instance de divorce, et votre fiancée, Frénégonde de Pouille.

— Permettez que je voie les deux femmes, lui ordonna-t-il.

— Pourquoi voir toutes les deux ? Ne me dites pas que vous serez incapable de reconnaître votre promise ? le nargua Kochtcheï, avec une moue ironique sur le visage, tenant un sceptre royal apparut de nulle part entre ses mains.

Cette question piqua au vif le Français qui brisa l'œuf, cachant l’aiguille dans l’aumônière. Il baissa les paupières, réfléchissant aux paroles du sorcier folklorique.

— Votre raisonnement est juste, concéda-t-il. Conduisez-moi, je vous suis. Ouvrez la marche !

— Dans quel film suis-je arrivé ? Un film de science-fiction ou de fantasy ? Une adaptation cinématographique des contes et légendes ? commenta Jacques-Henri.

Tous les hommes ignorèrent la question absurde du propriétaire de l’hôtel. Kochtcheï, lévitant, passa devant les Français et les guida jusqu’à la tour occidentale où Vassilissa était prisonnière et s’occupait à tricoter un long et élégant manteau féminin.


À peine le Tsar ouvrit-il la cellule que Godefroy se précipita vers Vassilissa, reconnaissant en elle Frénégonde. Les femmes, cousines par la branche maternelle, avaient la même stature et la même élégance, encore plus accentuées par les vêtements à la mode française qui allaient parfaitement à la Russe. 

— Frénégonde, ma promise, je vous délivre !

Confuse, la Russe affirma en vieux français : 

—  Je ne suis pas Frénégonde ! Je suis…

Kochtcheï intervint en lançant un regard noir à son ancienne épouse et l’interrompit en lui disant d’un ton sévère en russe, langue qu’elle seule pouvait comprendre dans la pièce : 

—  Vassilissa, ma chère, c’est l’unique occasion pour vous de vous échapper de cette prison ! Je vous ai trouvé un bon mari ! Sachez saisir l'occasion, tout étrange qu’elle puisse paraître ! Vous n’avez qu’à jouer un rôle si vous ne désirez pas rester entre ces murs pour l’éternité !

L’interpellée demeura silencieuse, promenant son regard de son ancien mari vers Godefroy, dardant un regard méprisant à Jacques-Henri qui était bien ridicule dans des hardes médiévales. Le Comte, confus des paroles de Vassilissa, se tourna vers le Tsar et hurla : 

— Est-ce Vassilissa ou Frénégonde ? Je suis bien navré que Frénégonde affirme qu’elle ne soit pas elle-même. Je veux voir l’autre prisonnière !

— Pouvez-vous comprendre, Godefroy de Montmirail, que votre épouse soit un peu embrouillée ? Je l’ai un peu droguée pour qu’elle vous oublie, mentit Kochtcheï en le fixant sans cligner des yeux. En plus que je lui aie appris les rudiments du russe. Il n’est point nécessaire de voir mon épouse. Je peux vous montrer notre portrait de mariage, mécréant !

Il murmura une incantation et fit apparaître devant les Français le tableau représentant son mariage où Vassilissa apparaissait vêtue des vêtements traditionnels slaves et du kokochnik(11), en plus d’un maquillage complexe, ce qui la rendait absolument méconnaissable. Godefroy fronça des sourcils, méfiant, se demandant si Kochtcheï ne lui aurait pas tendu un piège. Il prit l'aiguille, hésita à la briser en deux, mais le magicien slave le fixa avec l’insistance de l’hypnotiseur afin qu’il ne le tuât pas, et cela fonctionna. Le Comte, ne prêtant guère attention au tsar qui se tenait non loin de lui, conduisit Vassilissa hors de de sa prison dorée. Convaincu qu’il était en présence de Frénégonde, il se réjouissait que tout se déroulât plus aisément qu’il ne l’avait escompté.



Quelques heures s’écoulèrent avant qu’Eusaebius ne fit ses adieux à son ancêtre éloignée. Il distribua ensuite les potions permettant le retour en France à Godefroy, Jacques-Henri et Vassilissa, avant d’en prendre lui-même et de prononcer la formule adéquate.


Kochtcheï, assis sur son trône, se frotta les mains, ravi de convoler en justes noces avec Frénégonde de Pouille et de berner si aisément les Français. Dans une semaine, il prévoyait de se marier avec la Française.



Arrivés en France, Godefroy murmura à Vassilissa en lui offrant galamment son bras : 

— Frénégonde de Pouille, ma chère, nous allons nous marier dans deux semaines ! Vous réjouissez-vous ?

Blème, comprenant la supercherie de Kochtcheï, elle répondit froidement dans un français avec un fort accent slave, se détachant du bras de son cavalier : 

— Seigneur Godefroy de Montmirail, vous vous trompez de personne ! Je suis Vassilissa La Très-Belle.

L’interpellé se figea à ces mots.

— Êtes-vous sérieuse, gente dame ? chuchota-t-il, lueur d’angoisse dans ses yeux sombres.

Elle opina du chef. Il lui indiqua d’un geste de la main l’immense jardin devant le château des Pouilles.

— Ne reconnaissez-vous pas la demeure de votre père ?

— Non, ce n’est pas la demeure de mon père ! Mon père est le tsar du Vingt-Neuvième Royaume ! Je ne saurais me tromper !

Le Comte se frappa le front avec la main et se demanda : 

— Que vais-je faire maintenant ? Dois-je la marier ou non  ? Ou faudrait-il mieux revenir au Vingt-Septième Royaume pour récupérer Frénégonde ? Alors Kochtcheï l’Immortel voudrait et pourrait me tuer, alors là je ne me marierais point du tout ! Que vais-je faire de Vassilissa ? Je serais bien lâche de la ramener à ce monstre ! Seigneur Dieu, éclaire-moi !

Il soupira, marchant d’un pas lourd, seul, jusqu’à la demeure de Fulbert, rongé par l’inquiétude et l’incertitude.




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(1) Vladimir et Godot, Référence à des personnages de la pièce de théâtre de Samuel Beckett En attendant Godot, composée en 1952.

(2) Sviatopolk Ier, dit le Maudit, est un grand-prince de la Rus’ de Kiev qui vécut entre 980 et 1019 après J.-C. Il a été au cœur de maintes intrigues politiques rattachées à la succession au trône.

(3) Davaï, en russe Давай, est une expression qui signifie, littéralement, « Donne » et est employée au sens de « Vas-y ! »

(4) Strophe de la chanson soviétique populaire Смуглянка (Smuglianka) (La Brune) composée en 1940 par Yakov Zakharovitch Shedov, translittération de « Нынче рано партизаны / Дом покинули родной / Ждет тебя дорога / К партизанам в лес густой ». Les maquisards mentionnés dans la chanson sont des Moldaves.

(5) La formule rituelle des contes est « Isba [Hutte ou Maison] ! Petite isba [hutte ou maison] ! Mets-toi le dos à la forêt et la face vers moi ! ».

(6) Le Temps des troubles désigne une période de l’Histoire de la Russie tsariste, soit entre 1598 et 1613, où divers tsars se succèdent au pouvoir, en pleine période d’instabilité, se terminant par l'avènement des Romanov au pouvoir.

(7) L’île Bouïane, île mythique des contes russes qui se situe au milieu de la mer. Cette île abrite Alatyr, le père de toutes les pierres, et le chêne, arbre du monde.

(8) Strophe de la chanson Звезда (Zvezda) (L’Étoile) du groupe russe Kino. Traduction de « В небе над нами горит звезда-а. / Некому, кроме нее, нам помо-очь / В темную, темную, темную-у-у - у / Но-о-о-очь. » [« V nebe nad nami gorit zvezda-a. / Nekomu, krome neye, nam pomo-ochʹ / V temnuyu, temnuyu, temnuyu-u-u - u /  No-o-o-ochʹ. »]

(9) Gamaïun et l’Oiseau de feu (Жар-птица (Jar-ptitsa)) sont des créatures mythiques des contes russes et slaves. Le premier est un oiseau à tête de femme, messager des dieux. Il prédit l’avenir et est tout connaissant, rien dans l’univers n’a de secret pour lui. Son cri est porte-bonheur. L’oiseau de feu est un oiseau d’un royaume très lointain au plumage couleur de feu qui brille dans le noir, l’une de ses plumes éclairent plus que des bougies.

(10) Tvorog, en russe творог, est un fromage russe plus dense que le fromage blanc. Le fromage le plus près est le fromage faisselle.

(11) Le kokochnik est une coiffe traditionnelle féminine russe de fête plutôt rigide portée avec le sarafane. Portée une à deux fois l’an, cette coiffure est décorée de perles et de rubans. Autrefois portée par la noblesse avant de se démocratiser, aujourd’hui, il fait partie des vêtements folkloriques. Cette coiffe est l’apanage, selon certains folkloristes, des femmes mariées. Le nom de cette coiffe qui imite la crête du coq provient du mot курица, poulet.

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