Un combat de tous les instants

Chapitre 61 : L'alliance

3081 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 09/02/2020 21:36

- Pouah, j’avais oublié que ce coin puait autant ! s’exclama Casey. Il faudra qu’on m’explique ce qui reste à épurer dans une ville fantôme !

Les autres ne relevèrent pas, tandis qu’ils franchissaient la grille d’enceinte de la station d’épuration où Slash avait élu résidence avec Rahzar, en espérant qu’ils n’aient pas changé de repaire depuis la dernière visite de Mikey, Casey et Leatherhead.

Le groupe avait atteint New York sans encombre, et avait même traversé une grande partie de la ville sans croiser d’obstacles ou d’ennemis. C’était presque trop beau pour être vrai. La chance leur souriait, mais pour combien de temps encore ? Ils craignaient à tout instant de voir un Foot-bot surgir devant eux ou se faufiler dans leur dos. Sans parler des imprévisibles Kraangs.

Alors qu’ils avançaient prudemment, Casey et Mikey ouvrant la marche du fait de leur connaissance du terrain, et Raph et Léo surveillant leurs arrières, pendant qu’April sondait les environs en quête d’une menace potentielle, un rugissement féroce retentit. Ils se figèrent tous, sur leurs gardes.

- Je reconnaîtrais ce son entre mille ! s’enthousiasma Michelangelo. Leatherhead ? Où es-tu, mon croco ?

Un bruit sourd retentit lorsqu’une masse imposante bondit devant eux. Ce n’était pas le mutant qu’ils attendaient, mais Slash, armé de sa massue. Il la pointa brièvement sur eux, puis l’abaissa, sans cesser de les fixer d’un regard méfiant.

- Les tortues ? prononça-t-il d’une voix grave. C’est bien vous ?

- Qui veux-tu que ce soit, mon pote ? répliqua Casey. On est les seuls et uniques.

- Désolé... Les Kraangs sont prêts à tout pour nous éliminer, y compris à envoyer des robots ayant votre apparence. Ils ne l’ont pas encore fait, mais venant d’eux, il faut anticiper le pire.

- Attends une minute..., coupa Raph. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Tu es une cible prioritaire pour les Kraangs, maintenant ? Et par nous, tu entends...

Au même instant, Leatherhead et Rahzar firent eux aussi leur apparition. Le premier émergea de derrière un bâtiment, tandis que le second sautait du toit pour se réceptionner souplement à la gauche de la tortue géante.

- Je me suis rendu dans votre repaire, il y a quelques semaines, mais vous sembliez avoir disparu, raconta Leatherhead. Nous n’avons trouvé aucune trace de vous dans tout New York.

- C’est à cause de Shredder, informa Donatello. Nous l’avons affronté, et nous avons échoué. Maître Splinter a perdu la vie durant ce combat, Karai est toujours dans le coma, et bon nombre d’entre nous ont écopé de sévères blessures. Nous avons dû fuir la ville le temps de nous rétablir, sans quoi nos ennemis n’auraient fait qu’une bouchée de nous.

- Et si vous êtes sur les dents, ça veut dire qu’il y a eu pas mal de problèmes pendant notre absence, renchérit Raph. Vous nous éclairez ?

Le crocodile balaya les environs du regard, comme s’il redoutait que quelqu’un épie leur conversation, puis hocha la tête. Slash abaissa sa masse de sorte que son extrémité aux pointes acérées touche le sol, tandis que le groupe d’amis formait un arc de cercle autour d’eux pour mieux entendre le récit que Leatherhead s’apprêtait à faire.

- Il y a quelque temps, j’ai découvert une information effroyable à propos des Kraangs. Le T.C.R.I. n’est pas leur unique base à New York, ils en ont implanté beaucoup d’autres à travers la ville, certes pas aussi imposantes, mais assez pour leur permettre de rebondir au quart de tour si leur quartier général venait à être détruit une nouvelle fois. J’en ai ravagé une, mais lorsque j’ai pris conscience de l’ampleur du travail à accomplir, j’ai compris que je n’y arriverais pas seul. J’ai donc fait appel à Slash et à Rahzar.

- Les Kraangs sont un fléau, confirma ce dernier. Même si je n’en ai jamais rien dit, je désapprouvais l’alliance de Shredder avec ces créatures, mais il s’associerait avec le diable en personne si ça lui permettait de vaincre ses adversaires. En attendant, c’est à cause de ces maudits extraterrestres que j’ai d’abord ressemblé à un chien hideux, et maintenant à ce monstre repoussant. Ce n’est pas pour ça que j’avais signé, à l’origine, et encore moins pour transformer New York en ville fantôme. À quoi bon avoir de l’argent et du pouvoir, dans ces conditions ?

Malgré l’aide qu’il leur avait apportée pour sauver Marion, les tortues et leurs amis ne tenaient toujours pas Rahzar en très haute estime, mais ils furent tout de même convaincus par son discours.

- Ça contrarie nos plans, commenta Marianne en se pinçant le menton. Même si on réussit en dimension X, à quoi bon ramener les citoyens de New York dans une ville qui grouille presque autant de cerveaux à tentacules ?

- En dimension X ? grogna Leatherhead. Vous aviez l’intention d’y retourner ?

Les autres acquiescèrent, puis entreprirent d’expliquer leur projet, qui était d’ailleurs l’unique raison de leur présence en ces lieux. Les trois mutants les écoutèrent attentivement, avant de s’entreregarder.

- La rousse a raison, conclut Slash. Étant donné la situation actuelle, ce plan est voué à l’échec, pas en dimension X, mais ici. Avant de vaincre la vermine dans son monde, il faudrait commencer par l’éradiquer du nôtre.

- Qu’est-ce que vous suggérez ? s’enquit Léonardo.

- On a déjà causé quelques dégâts dans les rangs adverses. Plutôt que de vous suivre, on ferait mieux de rester ici et de terminer le travail.

- À vous seuls ? Alors que les Kraangs doivent désormais vous attendre de pied ferme et être prêts à tout pour vous protéger leurs installations récentes ? releva Donatello.

- Vous avez une meilleure idée, peut-être ? répliqua Rahzar.

- On pourrait vous laisser quelques robots, si on parvient à en détourner suffisamment.

Marianne et Léonardo se retournèrent pour fusiller Marion du regard, signe qu’ils n’approuvaient pas sa proposition. Mikey, au contraire, opina frénétiquement du chef. Raph et Casey levèrent les yeux au ciel, mais Donnie et April s’accordèrent le temps de la réflexion.

- Après tout, pourquoi pas ? finit par déclarer cette dernière. On fait cause commune, non ? À quoi nous servira une armée d’androïdes en dimension X si tous nos efforts sont réduits à néant sur Terre ? Il faut qu’on travaille de concert, et par conséquent, qu’on partage les moyens à disposition.

- Les moyens à disposition ? s’emporta Raph. Je te signale qu’on n’est même pas encore sûrs d’entrer et de ressortir indemnes de l’usine de Shredder. À moins, bien entendu, qu’on puisse compter sur un coup de main...

Il posa des prunelles insistantes sur les trois mutants qui leur faisaient face. Le message était clair : ce n’était pas seulement face aux Kraangs qu’ils auraient besoin d’aide, mais également face à Shredder. S’ils devaient dérober un plus grand nombre de robots, alors mieux valait qu’ils bénéficient de toute l’assistance possible.

- Je connais les lieux, annonça Rahzar. Ainsi que la sécurité.

- Et moi, ça ne me dérange pas de casser du méchant, qu’il soit humain ou extraterrestre, reconnut Slash, ce qui lui valut un sourire plein de fierté et de satisfaction de la part de Raphaël.

- Quant à moi, jamais je ne refuserais mon aide à Michelangelo, conclut Leatherhead.

La tortue géante tendit une patte dans leur direction, que personne ne serra dans l’immédiat, pas par hésitation, mais tout simplement parce qu’il n’y avait plus de chef attitré au sein de l’équipe. Alors que la situation prenait des airs de silence gêné, Raph s’avança pour échanger la poignée de main que son ancien animal de compagnie, devenu son allié, attendait.

- On attirerait trop l’attention en y allant tous ensemble, souligna Donatello. Voilà ce que je vous propose... Slash, Leatherhead et Rahzar, vous attendez à l’écart avec l’un de nos T-Phone. Si ça tourne mal, on vous avertit et vous venez nous donnez un coup de patte.

- En parlant de T-Phone... Il vaut mieux que j’en programme un pour qu’il puisse communiquer avec les autres entre la Terre et la dimension X, indiqua Marianne. Ainsi, nous pourrons nous tenir informés de nos progrès mutuels.

- En programmer un ? Le but était de ne pas nous attarder à New York, rappela Léonardo. Tu...

- Je l’ai déjà fait quand j’ai retrouvé ma forme humaine, afin de contacter Marion. Je me souviens des lignes de code, il me suffit de les réimplanter. J’en aurai pour une heure maximum. Masse, Alligatorsky et Rasoir pourront se rendre dans les égouts récupérer le portail kraang, pendant ce temps. C’est plus ou moins ce qui était prévu à la base, non ?

- Comment elle nous a appelés ? marmonna Slash à l’oreille de Raphaël.

- Ne cherche pas, cette fille est un cas désespéré. Il n’y a rien à en tirer.

Au terme d’une courte discussion, les deux équipes se mirent d’accord : la tortue et le crocodile iraient dans l’ancien repaire chercher le portail, pendant que Rahzar resterait en compagnie de l’autre groupe pour leur parler des systèmes de sécurité protégeant l’usine de Shredder.

- On devrait vous trouver un nom, décréta Mikey pendant que Marianne se mettait à l’ouvrage. Pourquoi pas... hmm... les Mutanimaux ?

Rahzar haussa les épaules, presque avec dédain, pour manifester son indifférence, et personne d’autre ne releva. Prenant cela pour une approbation, Mikey entérina ce sobriquet.

Il ne déplut pas à Slash et à Leatherhead lorsqu’ils le découvrirent à leur retour, le portail portatif coincé sous le bras de la tortue. Ils ne s’étaient pas absentés bien longtemps, mais Marianne, malgré la fatigue accumulée, travaillait très vite et aurait bientôt terminé son codage.

- Et voilà ! annonça-t-elle au bout de quarante-huit minutes. C’est assez rudimentaire, ça ne permet d’envoyer que des messages textes, pas d’appels et encore moins de vidéos, mais ça suffira. Vous savez vous servir d’un portable ?

- Elle nous prend pour des idiots, en plus ? persifla Slash.

- S’il l’envie te prend de la pousser dans un bassin d’eau usagée, fais-moi signe avant, répondit Raph à mi-voix. Je préfèrerais me couper une patte que de rater ça.

- Si c’est vraiment ce que tu souhaites, Machiavel, on peut s’arranger.

La tortue tourna lâchement les yeux sur le côté en faisant mine de se fasciner pour un poteau électrique dangereusement incliné, et en s’efforçant d’afficher une expression innocente. Il avait parlé si bas qu’il ne s’attendait pas à ce que Marianne l’entende, mais cette fille avait apparemment une meilleure ouïe qu’un lynx.

- Et maintenant ? demanda Mikey.

- On ne peut rien faire avant la tombée de la nuit, souligna Donnie. Profitons-en pour mettre au point un plan principal, et quelques options de secours...

***

Telles des ombres furtives, les tortues gravirent la façade de l’usine jusqu’à atteindre le toit. À l’instar du drone, ils devraient se faufiler par le circuit de la ventilation, car il s’agissait du seul accès qui n’était pas protégé par une alarme. Une fois qu’ils auraient désactivé le système de sécurité, April, Casey, Marion et Marianne pénètreraient dans le bâtiment par l’arrière, pendant que les Mutanimaux monteraient la garde à l’extérieur.

Avec un sai, Raphaël arracha la plaque en tôle qui condamnait la bouche d’aération la plus large du bâtiment et s’introduisit précautionneusement à l’intérieur, les armes en avant. Mikey, plus petit et plus agile, n’eut aucun mal à le suivre, mais ce fut plus compliqué pour la haute taille de Donatello.

Ils rampèrent les uns à la suite des autres, Léo fermant la marche, durant un temps qui leur parut durer une éternité. Ils progressaient dans la poussière qui leur chatouillait le nez et devaient prendre sur eux pour ne pas éternuer sans cesse. Enfin, Raph crut distinguer une sortie, malgré la pénombre. Il souleva une grille et se laissa tomber à terre.

***

- Attendez..., murmura April, une main sur sa tempe. Je... Je sens quelque chose. J’ai un... un mauvais pressentiment. Les tortues ont ou s’apprêtent à avoir des ennuis.

- Des ennuis ? répéta Marion. Tu as affirmé tout à l’heure que tu ne percevais aucune présence humaine à l’intérieur du bâtiment.

- Je n’ai pas dit que c’était humain, juste que...

Au même instant, un son strident retentit, celui d’une alarme. Les filles se bouchèrent les oreilles, par réflexe, tandis que Casey serrait les poings et jetait un regard assassin en direction du toit où patientaient les Mutanimaux.

- C’est ce sale clébard, il nous a jetés droit dans les griffes de Shredder et de Tiger Claw ! gronda-t-il. Maintenant qu’il a découvert la toute-puissance des Kraangs, il veut sans doute retrouver les faveurs de son ancien maître pour bénéficier de sa protection.

- Rappelle-moi de lui arracher les membres un par un, quand je le reverrai, persifla Marion.

Elle éloigna ses mains de ses conduits auditifs pour dégainer son épée. Ce n’était sans doute plus qu’une question de secondes avant que le clan des Foots face son apparition au grand complet.

***

- Qu’est-ce qui se passe ? tonna Leatherhead en toisant Rahzar de toute sa hauteur, le regard menaçant. Tu leur as assuré qu’ils n’auraient pas de problèmes s’ils suivaient tes conseils !

- Et c’est le cas ! L’alarme n’aurait jamais dû se déclencher, je t’assure. À mon avis, les Foots ont repéré le drone, la dernière fois, peut-être sur des caméras ou je ne sais quoi, et ils ont renforcé la sécurité entre-temps. C’est la seule explication que je vois.

- Moi, j’en vois une autre. Tu n’aurais pas profité de l’occasion pour te venger de tes vieilles rancunes ?

Rahzar déglutit péniblement. Non, tel n’avait pas été son intention, mais si les autres le pensaient, il aurait bien du mal à s’en défendre. Après tout, il avait longtemps été l’ennemi des tortues, et malgré l’aide qu’il leur avait apporté pour secourir la fille, Marion, elles n’avaient aucune raison de lui faire confiance.

- Leatherhead t’a posé une question, menaça Slash en brandissant sa masse.

- Quel intérêt j’aurais à trahir les tortues ? Shredder connaît mon implication dans l’attaque orchestrée contre son quartier général. S’il me trouve ici, il n’aura pas plus de pitié pour moi que pour vos amis.

- Traître un jour, traître toujours, siffla Leatherhead. Tu as pu négocier avec lui.

- Négocier quoi ? Ma vie ? Quelle vie ? Vous avez entendu ce que j’ai dit tout à l’heure ? Qu’est-ce que Shredder pourrait encore me promettre ? De l’argent ? De la gloire ? Qu’est-ce que j’en ferais, bon sang ? La seule chose que je pourrais encore souhaiter, c’est...

- C’est quoi ?

Rahzar ne répondit pas immédiatement, mais c’était quelque chose que Shredder n’était pas en mesure de lui offrir. Qu’il n’avait jamais cherché à lui offrir, du moins. Les tortues, en revanche, ou plus exactement la rousse qui faisait désormais équipe avec eux, en avait le pouvoir. Du rétro-mutagène...

Le Destructeur ne se souciait pas de l’apparence de ses sbires. S’il avait fourni des jambes robotisées à Xever, c’était uniquement pour que celui-ci continue à lui être utile. Tant qu’ils servaient ses intérêts, Shredder se moquait bien de composer avec des humains, des mutants ou même des robots.

Rahzar était cependant las de cette apparence repoussante. Il voulait redevenir Chris Bradford, redevenir un homme. Il avait été l’une des figures des arts martiaux aux États-Unis, il avait tourné dans des dizaines de films et séries, dans des centaines de spots publicitaires... Il était une star, pas un monstre destiné à œuvrer de nuit pour la pègre ou à se tapir indéfiniment dans une station d’épuration désaffectée.

Le triomphe des tortues serait aussi le sien, d’une certaine manière : non seulement elles avaient l’intention de rendre New York aux humains, mais de surcroît, avec un peu de chance, elles finiraient tôt ou tard par éliminer Shredder. Ainsi, Rahzar n’aurait plus à craindre de représailles de sa part. Et, peut-être que s’il aidait suffisamment le clan Hamato, la rousse accepterait de lui fournir un peu de son rétro-mutagène.

Il s’apprêtait à ouvrir la bouche, ou plutôt la gueule, puisqu’il était pour l’heure toujours un mutant difforme, afin de révéler le fond de sa pensée à ses partenaires de combat, et ainsi se dédouaner de toute responsabilité dans le déclenchement de l’alarme, quand un rugissement trop familier se fit entendre.

Une ombre se réceptionna souplement sur sa gauche, malgré son corps massif, pendant que Rahzar pivotait lentement sur lui-même, imité par Slash et Leatherhead. Les babines de Tiger Claw se retroussèrent lorsqu’il susurra à l’intention de son ex-sous-lieutenant :

- Tiens, tiens... Comme on se retrouve.

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