Un combat de tous les instants

Chapitre 31 : L'enlèvement

2752 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 23/02/2017 16:56

- Par ici, vite !

Marion haletait et elle commençait à avoir mal au dos de devoir supporter le poids de sa sœur plus lourde qu'elle, alors qu'elle avait déjà du mal à avancer pour elle-même. D'un coup de pied, une technique que Michelangelo lui avait enseignée, elle enfonça la porte d'une maison déserte.

- C'est par là que tu comptes nous faire rejoindre les égouts ? demanda Marianne, suspicieuse.

- Non, c'est ici que je compte te cacher jusqu'à ce qu'on n'ait plus le clan des Foots sur le dos.

- Qui sont ces types ? Et ce poisson géant ? Que vous veulent-ils ?

- Ce serait trop long à t'expliquer maintenant. Reste ici et ne bouge pas, ordonna Marion.

- Pourquoi ? Où vas-tu ?

- Donner un coup de main à Raph. On est tous mal en point après les coups et les blessures qu'on a accumulés en dimension X. Seul, ça risque d'être dur, mais à deux, on a peut-être une chance de vaincre Fishface.

- Marion, tu n'es pas sérieuse ! Tu ne vas pas...

- Marianne, rappelle-toi ce que nous nous sommes dit, quand on essayait encore d'échapper aux Kraangs. Tu es celle qui réfléchit, je suis celle qui agit. Il faut que j'y aille. Tant que tu restes là, tu n'as rien à craindre.

La rousse n'était pas convaincue à l'idée de laisser sa cadette partir combattre un monstre mutant, mais avec sa jambe cassée et l'entêtement propre à Marion, elle n'avait aucune chance de parvenir à la retenir. L'adolescente souleva la porte qu'elle avait arrachée de ses gonds et la replaça devant l'entrée, comme si de rien n'était.

***

Les foot-bots étaient comme les Kraangs. Plus ils en abattaient, plus il en surgissait de partout. Karai essuya la sueur qui perlait sur son front avant de ramasser son naginata, plantée dans la carcasse d'un androïde. April, à bout de force, chancela. Elle tomba à genoux et un robot en profita pour fondre sur elle.

Donnie poussa un cri en remarquant qu'elle était en danger. Il voulut s'interposer, mais deux des sbires artificiels de Shredder bondirent sur lui au même moment. Le temps qu'il les repousse, un sabre menaçait déjà April. Elle vainquit son assaillant sans en avoir conscience, quand son organisme libéra par réflexe une onde de pouvoirs psychiques sur lui. Venant de gaspiller le peu d'énergie qu'il lui restait, elle s'effondra, inconsciente.

- Occupe-toi d'elle, je te couvre ! lança Casey à Donatello, en venant décapiter l'un de leurs nombreux adversaires avec sa crosse de hockey.

- Je veux de la pizza ! gémit Mikey.

- Tu crois vraiment que c'est le moment de penser à ça ? le tança Léo.

- Nous n'avons rien avalé depuis des heures ! Bien sûr que c'est le moment ! C'est toujours le moment ! Je vois des tranches de pepperonis danser devant mes yeux.

Léonardo soupira. Il regrettait le Michelangelo de la dimension X, dont il déplorait l'efficacité saugrenue en de telles circonstances. Il raffermit sa prise sur la garde de ses ninjatos et sectionna le buste d'un androïde, avant d'en abattre un second. Lui-même était fatigué, mais il ne se plaignait pas. À quoi bon ?

***

Raphaël se baissa pour esquiver l'une des puissantes pattes mécaniques de Fishface. L'homme de main de Shredder se mit à tournoyer sur lui-même et le frappa avec sa queue. La tortue fut touchée au flanc et propulsée sur le côté par la puissance du choc. Il roula sur le flanc, ramassa le sai qu'il avait lâché et se redressa.

Ses muscles tremblaient de fatigue, mais Xever n'avait pas l'œil assez perçant pour le remarquer. En revanche, il finirait par s'apercevoir que les coups que Raph lui portait n'étaient pas aussi farouche qu'à l'accoutumée et il comprendrait qu'il était amoindri. Les Kraangs avaient eu raison de son énergie et il n'en avait plus assez pour affronter un tel adversaire.

Il songea à Marion. Avait-elle réussi à regagner les égouts avec son insupportable sœur ? La défaite lui semblerait moins amère s'il avait la satisfaction de lui avoir permis de s'échapper et de... Il secoua la tête. Que racontait-il ? Une défaite était une défaite, et qu'importe les circonstances, elle n'était jamais acceptable.

Raphaël fit tournoyer ses armes et repassa à l'action. Fishface tenta de le mordre au bras, mais manqua sa cible de quinze bons centimètres. Le ninja rouge le frappa sous le menton, puis le repoussa contre le mur avec un kata que maître Splinter l'avait aidé à mettre au point.

Des briques s'écroulèrent en cascade sur le poisson mutant, une scène que Raph contempla d'un œil satisfait. Il allait repasser ses sais à sa ceinture quand il eut juste le temps de se protéger le visage avec ses bras, car des pierres convergeaient vers lui, projetées par Fishface qui n'était pas vaincu.

Il se redressa sur ses pattes métalliques et s'apprêtait à frapper la tortue, qui avait reculé sous l'impact des projectiles, quand un objet vint se ficher dans l'articulation de ses membres robotiques. Raphaël ouvrit des yeux ronds en constatant qu'il s'agissait d'une rapière.

- Marion ! s'exclama-t-il. Qu'est-ce que tu fais là ? Je t'avais dit de déguerpir avec l'autre.

- Moi aussi, je suis très contente de te retrouver, Raph, répliqua-t-elle, ironique, en prenant place à ses côtés. Bon, tu bouges ?

Non sans émettre un grognement, le ninja chargea Fishface et, après l'avoir blessé au niveau de la nageoire, arracha l'épée de Marion pour la renvoyer à sa propriétaire. Elle attrapa la garde au vol, puis se mit en position de combat.

- Je vais te transformer en soupe de tortue, Raphaël, et ta petite amie me servira pour l'assaisonnement, gronda Xever.

- Quoi ? Personne ne t'a dit que la peste, c'était dangereux pour la santé ?

- Personnellement, je préfèrerais être cuite à la vapeur ou à l'étouffée plutôt qu'on me prenne une fois de plus pour sa copine, intervint Marion. Compris, le sashimi ?

- Oh, il y a de l'eau dans le gaz, à ce que je v...

Fishface n'acheva pas sa phrase. Les deux autres venaient de le prendre en tenailles. Marion entailla le flanc du mutant, pendant que Raph le frappait sur le crâne. L'adolescente se boucha le nez quand un liquide s'écoula de la blessure qu'elle venait d'infliger à son adversaire. Une odeur de poisson pourri s'en échappait.

Victime d'un haut-le-cœur, elle se déconcentra du combat pour porter une main à ses lèvres et réprimer une nausée, temps qui suffit à Fishface pour lui asséner un puissant coup de queue. Les réflexes ralentis par la fatigue, Marion fut projetée sur le sol, où elle se cogna la tête.

- Non ! s'écria Raph.

Il voulut se précipiter vers elle, mais Xever s'interposa en lui adressant un sourire goguenard. D'une main palmée, il désigna la jeune fille, étendue par terre, inconsciente.

- Tu veux ta petite amie, Raphaël ? Viens la chercher.

- Elle n'est pas ma petite amie ! rétorqua la tortue.

- Non, mais tu aimerais bien, n'est-ce pas ? Ça se voit dans tes yeux. Tu crois vraiment qu'elle voudra d'un monstre comme toi ?

Le ninja rouge poussa un mugissement furieux en chargeant Fishface, sans évaluer les risques. Comme toujours lorsque sa colère le dominait, il commit une série d'erreurs stratégiques, qui permirent à son adversaire de prendre un avantage considérable sur lui. Raph fut roué de coups par le poisson mutant, mais il ne renonça pas à atteindre Marion pour autant.

Avec son sai, il tenta de blesser Fishface et de se faufiler entre ses pattes mécaniques, mais il manqua plutôt de se faire broyer entre elles. Il réussit à se dégager de l'étreinte mortelle de Xever au moment où l'un de ses os émettait un craquement lugubre. Endolori et à bout de force, il rampa jusqu'à l'adolescente, mais avant qu'il n'ait pu tendre la main dans sa direction, son ennemi l'assomma.

***

Marianne avait rampé jusqu'à la porte qui, arrachée de ses gonds, ne tenait qu'en appui contre le chambranle, et observait la rue par un mince interstice. Elle retint son souffle lorsqu'elle vit l'affreux poisson mutant rouge qui avait surgi devant eux lorsque la tortue les avait rejointes, Marion et elle.

Elle plaqua ses mains sur ses lèvres pour étouffer un cri lorsqu'elle constata qu'il tirait deux corps dans son sillage : celui de sa sœur et celui du ninja. À vouloir jouer les téméraires, l'un comme l'autre, ils n'avaient réussi qu'à se faire capturer. Elle devait faire quelque chose pour venir en aide à Marion, mais quoi ? Sa jambe brisée limitait les possibilités.

Elle ne voyait qu'une solution : revenir en arrière pour alerter le reste du groupe, à condition qu'eux ne soient pas non plus tombés entre les mains de leurs ennemis, qui qu'ils soient.

Marianne se leva péniblement se calant contre le mur, dont le crépi s'effrita au contact de ses mains, avant de repousser la porte. Elle quitta la masure délabrée en boitillant et en croisant les doigts pour ne pas s'effondrer en chemin.

***

- C'était le dernier ? demanda Casey en agitant sa batte de baseball.

- Je crois que oui.

Léonardo raccrocha ses ninjatos à sa carapace, pendant que Karai, approuvant ses propos d'un hochement de tête, rengainait elle aussi son naginata. April, entre les bras de Donatello, clignait faiblement des paupières. Elle n'était plus inconsciente, mais elle était encore trop fatiguée pour revenir totalement à elle.

- Allons-y. Retrouvons Marion, Marianne et Raphaël. Ils ne doivent pas être bien loin.

- Dis, Léo, pourquoi est-ce que Raph est parti comme ça, tout à l'heure ? s'enquit Michelangelo. Ça ne lui ressemble pas de renoncer à un combat. Je suis sûr qu'il a senti l'odeur d'une pizza !

- Mais oui, si tu le dis... acquiesça le ninja bleu, qui n'y croyait pas une seule seconde.

Léonardo était en colère contre son frère. Son attitude impulsive jouait souvent des tours au reste du groupe et ce n'était pas la première fois qu'il les laissait tomber alors qu'ils étaient en fâcheuse posture. Il se promit d'en souffler un mot à Splinter dès leur retour, dans l'espoir que leur sensei parvienne à le raisonner.

Donnie et Casey échangèrent un regard. L'un comme l'autre, ils n'étaient pas dupes et se doutaient du sentiment d'amour-haine que Raphaël éprouvait à l'égard de Marion. Les deux autres tortues, en revanche, semblait ne rien soupçonnait. Sans doute Mikey était-il trop naïve pour le comprendre, et Léo trop préoccupé pour s'en apercevoir.

Ils s'engagèrent dans la rue par laquelle les deux sœurs avaient disparu, avant d'être suivies par Raph. À présent que tous les Foot-Bots avaient été détruits, le silence était revenu. Il était presque oppressant, comme dans la dimension X, de quoi leur rappeler que la ville était aux tentacules des Kraangs, même s'ils ne risquaient pas de l'oublier.

- Et maintenant ? demanda Casey, lorsqu'ils atteignirent une bifurcation. Par où sont-ils partis ?

- Je suppose qu'ils auront tenté de rejoindre les égouts, dit Léo. Du moins, Marion et Marianne. Raph... Je ne sais pas ce qui peut lui passer par la tête, parfois.

- Eh ! Vous sentez ça ? s'exclama Mikey.

- Pitié, ne recommence pas avec ton histoire de pizza !

- Non, coupa Karai. Il y a raison, il y a bien quelque chose. On dirait... du poisson crevé.

- Fishface !

Après s'être écrié en chœur le nom de leur ennemi, les trois tortues, Casey et la kunoichi balayèrent les environs du regard, s'attendant à voir le mutant de main de Shredder jaillir de l'ombre. Rien ne se produisit, cependant. En dépit de la puanteur ambiante, Xever semblait n'être nulle part.

- Eh oh ! hurla une voix.

Elle provenait du bout de la rue. C'était celle de Marianne, qui se précipitait dans leur direction en faisant de grands gestes et en sautant sur sa jambe valide. Elle allait aussi vite que son handicap le lui permettait. Michelangelo se précipita à sa rencontre et la rattrapa entre ses bras tendus quand elle chancela, à mi-chemin du reste du groupe.

- Que se passe-t-il ? s'enquit Léo. Où sont les autres ?

- C'est horrible ! Il y avait une espèce de poisson géant aux crocs pointus et aux pattes métalliques. Marion m'a aidé à me cacher, mais...

- Mais quoi ? paniqua Mikey en la secouant par les épaules, dans l'espoir de lui arracher les épaules.

- Elle a été enlevée avec Machiavel.

- Machiavel ? répéta Donatello avant de comprendre. Oh ! Tu veux dire Raphaël ?

- Oui, lui. La tortue peu sociable.

- Est-ce que tu as vu dans quelle direction est parti Fishface ?

Marianne acquiesça, puis pointa un doigt vers la rue dans laquelle elle était demeurée cachée, pendant que Marion lui faussait compagnie. Le regard de Léonardo se durcit et il fit un pas en avant, mais Donnie le retint aussitôt en posant une patte sur son épaule.

- Arrête. Nous ne pouvons pas y aller maintenant. Tu sais aussi bien que moi ce qu'il y a par là-bas : le repaire de Shredder. C'est sûrement là que Fishface les conduit, et aussi là où ils vont tous nous attendre. Nous n'en sortirons jamais vivants.

Léo ne releva pas. Son frère disait vrai, comme toujours. Ils ne pouvaient ni compter sur Marianne, ni sur April, et eux-mêmes étaient épuisés. Ils n'avaient aucune chance de parvenir à s'infiltrer dans l'antre de leur ennemi juré et d'en ressortir en sifflotant en compagnie de leurs amis.

- Retournons dans les égouts et expliquons la situation à maître Splinter. Il aura peut-être une bonne idée à nous soumettre.

- Quoi ? bredouilla Marianne. Et ma sœur ? On ne va quand même pas la laisser entre les palmes d'un mutant ! D'ailleurs, qui est-ce ? Et qui sont ces humanoïdes que vous avez combattus ?

- Le clan des Foot, dévoila Karai. C'est un clan ninja très puissant, et leur chef n'est nul autre qu'Oroku Saki. Son principal objectif est d'éliminer Hamato Yoshi, le sensei des tortues, qui est son grand rival.

- Et cet Hamtaro Suzuki... Ne peut-il rien faire ?

- C'est lui que nous surnommons désormais Splinter, renseigna Donnie. C'est de loin le meilleur d'entre nous tous, mais il est encore convalescent, car il a subi de graves blessures au cours de l'invasion kraang. Marianne... Je sais que tu t'inquiète pour ta sœur, mais aller nous jeter dans la gueule du loup ne l'aidera pas.

- Et s'ils lui font du mal ?

- Ils ne la tueront pas, si c'est que tu redoutes. Ils vont les garder prisonniers pour nous forcer à nous montrer. C'est pourquoi nous devons d'abord songer à reprendre des forces et réfléchir à un plan d'attaque. Crois-moi, rentrer au repaire est la solution la plus sage, à l'heure actuelle.

- Moi aussi, je suis inquiet pour Marion et pour Raph, avoua Michelangelo, mais ils sont forts, tous les deux. Ils sauront tenir jusqu'à ce qu'on vienne les secourir. À moins qu'ils ne s'entretuent avant, ce qui n'est pas à exclure.

Marianne hésita. Elle n'avait pas envie d'abandonner sa sœur aux nageoires de quelque dangereux mutant, mais elle n'était pas non plus en posture de faire quoi que ce soit pour la secourir. Les tortues et leurs amis semblaient bien connaître ces nouveaux adversaires, et sa raison la poussait à s'en remettre à leur jugement.

- J'espère sincèrement que vous ne vous trompez pas... murmura-t-elle.

Elle était si apathique, bouleversée par l'enlèvement de Marion, qu'elle ne réagit même pas lorsque Mikey passa son bras autour de sa taille pour l'entraîner avec eux en quête d'une bouche d'égout. Le cœur lourd et le pas traînant, ils arpentèrent tous la rue en fixant le sol, et en tentant de se concentrer sur autre chose que leurs deux amis, prisonniers de Shredder.

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