Un combat de tous les instants

Chapitre 28 : L'arrogante

2840 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 15/12/2016 20:41

Une violente secousse agita la navette à bord de laquelle ils étaient serrés les uns contre les autres. Ils venaient d'essuyer plusieurs tirs successifs, lancés par les Kraangs depuis le sol, et le système de pilotage était endommagé. Malgré ses compétences, Mikey avait de plus en plus de difficultés à maintenir le cap.

- On va s'écraser ! prévint-il dans un hurlement.

- La soucoupe est déjà sur le point d'exploser. Si elle heurte le sol, elle nous pulvérisera, commenta Donatello, fraîchement revenu à lui.

- Il faut sauter ! s'écria Léonardo.

D'un coup de pied, il ouvrit la plaque métallique qui condamnait la seule issue du vaisseau et invita les autres à le rejoindre. Tous observèrent avec méfiance le sol en contrebas, situé à plus d'une quinzaine de mètres. Normalement, cette chute ne serait pas fatale grâce à la gravité spéciale de la dimension X, mais aucun n'était motivé à tenter l'expérience.

- Tu es sûr de ton coup, frangin ? interrogea Raph.

- Hum... Non.

- Si je me base sur les calculs que j'ai réalisés depuis que je suis ici, nous devrions atteindre le sol à une vitesse d'environ douze kilomètres heures, et le choc qui en découlerait serait minime.

Par réflexe, tout le monde se tourna vers Donnie, à l'exception de Marion qui fixait sa sœur, car c'était elle qui venait de s'exprimer. Casey secoua la tête, sa batte de baseball à la main, en grommelant :

- Formidable ! Deux encyclopédies pour le prix d'une. J'imagine déjà les débats interminables que ça va donner et je préfère ne pas être là pour voir ça. Place, je saute !

Il rabattit son masque de hockey sur son visage pendant que Léonardo et Raphaël s'écartaient volontiers pour le laisser passer. Malgré sa motivation, il marqua tout de même une seconde d'hésitation, avant de basculer dans le vide en poussant un grand cri. Marion et April se rapprochèrent des deux tortues pour l'observer.

Il était tombé sur les fesses, mais paraissait indemne. Il le confirma en levant un pouce rassurant dans leur direction, puis se retourna pour faire face aux Kraangs qui fondaient déjà sur lui. Les quelques centaines de mètres qu'ils avaient parcourues à bord de la soucoupe n'avaient pas suffi à les distancer.

- À moi de jouer ! s'enthousiasma Mikey en abandonnant son poste de pilote. Admirez ce plongeon digne des Jeux Olympiques. Booyakasha !

Il se jeta dans le vide avec une grâce presque ridicule, virevolta sur lui-même, exécuta une vrille, le tout pour se réceptionner en équilibre sur une seule jambe, ses nunchakus à la main. Seule Marion prit la peine de l'applaudir, au contraire de Marianne, que cette démonstration acheva d'agacer.

- Dépêchez-vous, nous perdons de l'altitude, indiqua-t-elle. L'impact aura lieu dans moins d'une minute.

Karai fut la suivante à se décider, suivie de près par Léonardo. Donatello proposa maladroitement à April de la porter et, mal à l'aise, elle ne se résolut à accepter que parce que son mal de tête était encore trop violent pour lui permettre de réaliser cette manœuvre seule.

- J'aurais bien dit « honneur aux dames », mais quand je te vois, je pense que ça ne s'applique pas à toi, lança Raphaël à Marion.

- Je t'en prie, passe donc devant. Les rats sont toujours les premiers à quitter le navire lorsqu'il coule.

- Bon, vous vous décidez ? s'impatienta Marianne.

Les deux autres échangèrent un regard, qui se transforma en sourire, puis le ninja rouge tendit sa main à l'adolescente. Elle y déposa la sienne et, ensemble, ils sautèrent à leur tour pour rejoindre le reste du groupe, Marianne dans leur sillage. Ils se réceptionnèrent avec souplesse.

Alors qu'ils se rassemblaient, la soucoupe s'écrasa sur la plateforme et explosa. Ils durent se cramponner les uns aux autres pour ne pas être soufflés par la déflagration, au contraire de l'armée kraang qui fut repoussée de quelques mètres. Cela ne les arrêta pas pour autant et, presque aussitôt, ils se remirent en chasse.

- Il faut atteindre mon laboratoire au plus vite ! haleta Marianne, tandis qu'ils couraient aussi vite que l'atmosphère le leur permettait.

- J'espère que ta porte est blindée, sœurette, sans quoi elle ne stoppera pas toute cette horde.

- Non, mais il y a un bouton rouge, juste à côté. C'est mon arme secrète, je la gardais pour une urgence.

- Pourquoi est-ce que tu ne l'as pas activée directement, avant de venir nous rejoindre ?

- C'est un pulsateur d'ondes à l'échelle de la plateforme. Il émet un signal qui désactive toute forme de technologie, hostile ou alliée. Je m'étais jurée ne l'utiliser qu'en cas d'extrême nécessité, car il va également court-circuiter tous les appareils de mon labo, dont certains sont très rares. Je vais aussi perdre le fruit de toutes mes recherches.

- Des recherches ? Sur quoi ? interrogea Donnie, captivé.

- Le rétro-mutagène. J'ai réussi à retrouver mon apparence normale au terme de quelques centaines d'expériences, toutes plus longues et plus fastidieuses que les autres. Finalement, je suis parvenue à trouver la formule chimique adéquate.

- Tu as... inventé... un rétro-mutagène... dans la dimension X ?

Cette fois, les yeux de Donatello scintillaient d'admiration. Michelangelo, qui était le plus rapide de l'équipe, avait pris une légère avance sur eux. Il ralentit pour les observer par-dessus son épaule. Les Kraangs les tenaient en joue avec leurs pistolets-lasers et les contraignaient à slalomer pour éviter les tirs.

- Fonce, Mikey ! lui cria Léo. Va appuyer sur ce bouton et neutralise les robots avant qu'ils ne trouent nos carapaces !

- Non ! s'écria Marianne en se frappant le front. Cet imbécile est capable de se tromper.

- Quand il s'agit de tout détruire, Mikey est le meilleur, la rassura Marion. Ne t'en fais pas pour ça.

- Oh que si, je m'en fais. Je retrouve ma petite soeur en compagnie de trois inconnus et de quatre tortues mutantes, et je ne devrais pas m'inquiéter ?

- Ils m'ont sauvé la vie. Enfin... Plus ou moins. J'essayais de te retrouver, Raphaël a fait échoué mon plan et, de fil en aiguille, je me suis retrouvée à vivre dans les égouts avec eux.

- Dans les égouts ? répéta Marianne avec une expression révulsée. Oh, ma pauvre Marion ! Heureusement que nous sommes enfin réunies, il était apparemment plus que temps.

Tandis qu'ils continuaient à courir, Michelangelo avait presque gagné l'entrée de laboratoire. Les Kraang se rapprochaient de plus en plus, désormais. Ils n'étaient plus qu'à une poignée de mètres d'eux, ce qui convainquit Léonardo de s'arrêter et de combattre, en espérant que son cadet ne tarde pas.

Ils dégainèrent tous leurs armes et se jetèrent à bras le corps dans la bataille, malgré la fatigue qui les gagnait, à l'exception de Marianne, qui n'avait aucune aptitude pour le combat, et d'April, encore trop faible.

- Est-ce que tu n'aurais pas un moyen de désactiver à distance ces ultrasons insupportables ? demanda-t-elle à la jeune femme.

- Comment se fait-il que tu les entendes ? Ils sont seulement destinés aux Kraangs.

- J'ai été leur sujet d'expérience autrefois, et je possède une part de leur ADN en moi.

Marianne observa l'adolescente de la tête aux pieds. Si elle n'avait éprouvé que du dédain et un intérêt limité pour les nouveaux amis de Marion jusqu'à présent, April venait de réveiller son esprit scientifique. Une hybride mi-extraterrestre, mi-humaine ? Cela s'annonçait passionnant à étudier.

Les tortues et leurs amis étaient en train d'abandonner leurs dernières forces face aux robots quand, soudain, ils se désactivèrent pour retomber sur le sol, inertes. Les cerveaux à tentacules s'empressèrent de se dégager des carcasses devenues inutilisables et de fuir aussi vite qu'il le pouvait.

- Il a réussi ! Il est trop fort ! s'exclama Marion avec une bouffée d'affection.

- Voilà des mots que l'on n'a pas l'habitude d'entendre dans notre monde, souligna Donnie.

Léonardo et Raphaël l'approuvèrent d'un hochement de tête, qu'ils interrompirent lorsque la jeune fille les fusilla du regard, comme à chaque fois qu'ils se moquaient ouvertement de leurs amis.

- Et maintenant ? interrogea le ninja bleu en se tournant vers le reste du groupe. Qu'est-ce qu'on fait ?

- À toi de nous le dire, Marianne. Est-ce que tu as un plan pour sauver les habitants de New-York ?

- Ce serait trop risqué d'y aller maintenant. Les Kraangs vont renforcer la sécurité et je viens de perdre tout mon équipement. Il vaut mieux se cacher le temps que la situation revienne à la normale, ce qui peut prendre... Disons quelques semaines.

- Quelques semaines ? répétèrent en chœur les tortues. Autant rentrer au repaire, alors.

- Je ne vous retiens pas, dans ce cas, répliqua Marianne. Viens, Marion. Nous ne serons pas trop de deux pour tout remettre en marche.

Le regard de l'adolescente passa de sa sœur à ses amis. Elle ne s'était pas attendue à devoir rester en dimension X avec elle et à devoir les abandonner après tout ce qu'ils avaient traversé ensemble depuis leur rencontre.

- Et si tu venais plutôt avec nous ? proposa-t-elle à son aînée.

- Avec vous ? Où ça ? Dans les égouts ?

- Eh, on est vachement bien équipé ! indiqua Mikey. Bon, beaucoup moins depuis que les Kraangs ont bousillé notre repaire, mais on a un dojo, le laboratoire de Donnie, et si April tient sa promesse, on aura de nouveau une télé sous peu !

- Et des guignols, visiblement...

- Des guignols ? Ah non, ça, on n'a pas. Léo avait des marionnettes, quand il était plus jeune, mais ça fait longtemps qu'il les a perdus.

- Marianne, ne sous-estime pas les tortues, insista Marion. Donatello est un génie, il est presque aussi brillant que toi. Ne le prends pas mal, Donnie.

- Aucun souci. Je serais incapable de mettre au point un pulsateur d'ondes à une telle échelle.

- Raph et Léo sont les meilleurs guerriers ninjas de ma connaissance, poursuivit l'adolescente.

- Parce que tu connais beaucoup de guerriers ninjas ? interrogea la rousse, les sourcils arqués.

- Tu as très bien compris ce que je voulais dire. Cesse de me jouer la scène de la tête de mule dédaigneuse. Même si tu restes ici, que tu répares ton laboratoire et que tu fabriques ton rétro-mutagène, comment espères-tu approcher les habitants de New-York ? Ton armée d'androïdes a été décimée.

- J'en fabriquerai une autre.

- Si tu travailles avec Donnie, tes recherches progresseront deux fois plus vite.

- Sauf que la seule formule du rétro-mutagène que j'ai réussi à mettre au point est à base d'ingrédients qu'on ne trouve que dans la dimension X.

- Et la mienne est constituée d'éléments chimiques rarissimes que l'on rencontre sur Terre, révéla le ninja mauve. En mettant nos connaissances en commun, nous devrions pouvoir réussir à faire quelque chose, non ?

Marianne hésitait. Faire équipe avec des tortues mutantes échappées tout droit des égouts de New-York ne l'emballait pas, mais puisque Marion tenait visiblement à repartir sur Terre avec eux, elle ne pouvait se résoudre à perdre sa cadette une seconde fois. Dans un soupir, elle demanda :

- Je peux poser une condition ?

- Laquelle ? interrogea sa sœur.

- Est-ce que je pourrais étudier l'ADN de la fille à moitié Kraang ?

Marion grimaça, mal à l'aise, avant de tourner les yeux vers April. Celle-ci se remettait doucement, à présent que les ultrasons n'étaient plus diffusés, l'appareil les produisant ayant été détruit en même temps que le reste de la technologie.

- J'ai déjà été un sujet d'expérience pour Donnie, révéla-t-elle. Je peux également consentir à l'être pour toi, si ça peut t'aider.

- Alors... Tu acceptes ? s'enquit Marion.

- Moui. Je viens avec vous.

Marianne ne semblait pas particulièrement enthousiaste à cette idée, mais elle se réconfortait en songeant qu'elle allait peut-être faire des découvertes scientifiques sans précédent grâce à la complicité de cette adolescente à demi-extraterrestre.

- Est-ce que tu sais comment nous pouvons regagner notre monde ? questionna à son tour Léonardo.

- Les Kraangs utilisent des portails portatifs, mais ils les gardent tous soigneusement. J'avais essayé de m'en procurer un, une fois, mais j'ai échoué.

- Où est-ce qu'on peut en trouver ?

- Ils ont une base, pas très loin d'ici. C'est une sorte d'usine dans laquelle ils fabriquent leurs robots et y entrer ne sera pas facile, mais...

- Pas de panique, grande sœur ! Avec Super-Mikey, l'impossible devient possible. Booyakasha !

Par réflexe, Marianne se pinça le nez et Marion passa un bras autour de son épaule en éclatant de rire. Son aînée avait perdu le sens de l'humour en grandissant, notamment à cause de toutes les responsabilités qui s'étaient abattues sur elle après la mort de leur mère et le départ de leur père alcoolique. Elle semblait aussi bien partie pour s'entendre avec Michelangelo que Raphaël avec Karai.

- Explique-nous le chemin, s'il te plaît, la pria Léonardo.

Il n'avait échappé à personne, et surtout pas à la lucidité du ninja bleu, qu'elle ne les portait pas dans son cœur, raison pour laquelle il s'efforça de se montrer aussi courtois qu'il le pouvait. Ses efforts furent remarqués par Marianne, puisqu'elle perdit un peu de sa superbe au moment de lui répondre.

- Il faut dépasser mon laboratoire et avancer jusqu'à l'extrémité de la plateforme. Il y en a une autre, juste en-dessous, sur laquelle nous devrons sauter. Attention, cependant. C'est un nid à Kraathatrogon. Il y en a plein dans ce secteur, et...

- Sans blague ! l'interrompit Casey en secouant la tête. On en a déjà délogé quelques-uns pour venir ici et, sans ta cadette, le chef de famille nous aurait bouffés. On sait en quoi s'en tenir avec ces bestioles.

- Me voici rassurée, répliqua Marianne. Je craignais que vous ne vous comportiez comme des imbéciles.

- C'est moi que tu traites d'imbécile, poil de carotte ? gronda l'adolescent.

- Ahem... La diplomatie n'est pas sa principale qualité, intervint Marion en se dressant devant son aînée pour faire obstacle à la colère de Casey. Elle ne vous connait pas et elle a tendance à...

- Insulter les étrangers ?

- À se montrer plutôt froide avec eux. Ce n'est qu'une façade, elle n'est pas aussi désagréable.

- J'espère pour elle. On a assez de Raph dans le groupe, pas besoin de quelqu'un d'autre pour rabrouer tout le monde.

- Eh ! Évite de me comparer à ça ! riposta l'intéressé. Même moi, je n'ai pas un aussi mauvais caractère.

- Mais bien sûr... ne put s'empêcher de marmonner Marion.

La conversation dégénéra rapidement en un joyeux tohu-bohu, dans lequel tout le monde voulait avoir son mot à dire. Karai observa la scène en retrait, légèrement amusée, jusqu'à ce que Léonardo, lassé par ces enfantillages, fasse éclater entre eux une bombe fumigène. Comme ils ne s'y attendaient pas, ils se mirent tous à tousser.

- Vous aurez tout le loisir de vous crêper le chignon et les écailles une fois que nous serons de retour dans notre monde, indiqua le ninja bleu. En attendant, je pense qu'il faut se recentrer sur les priorités et laisser Marianne nous conduire jusqu'à l'usine kraang où nous pourrons trouver un portail.

L'intéressée était sur le point d'ouvrir la bouche, mais Marion fut plus rapide et plaqua une main sur ses lèvres afin de la bâillonner, par mesure de prudence. Elle venait déjà de se mettre toute l'équipe à dos et, quoi que son aînée puisse dire, elle redoutait que cela ne fasse qu'envenimer davantage la situation.

- Tu as raison, Léo, approuva l'adolescente avec un sourire forcé. En route !

Elle relâcha prudemment Marianne, qui la fusilla du regard, mais conserva tout de même le silence. Après s'être frotté le menton, elle se mit en route. Mikey entreprit de bondir joyeusement autour d'elle, tandis que tous lui emboîtaient le pas. Marion réussit rapidement à le raisonner et à le convaincre de marcher à ses côtés, là où il n'importunerait pas sa sœur. Bon gré mal gré, ils cheminaient désormais ensemble vers leur nouvelle destination.


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