Le Roman de Thiercelieux

Chapitre 3 : Chapitre 1-Ni Villageois, ni Loup (-Partie II-)

4041 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 19:33

Chapitre 1-Ni Villageois, ni Loup (-Partie II-)

 

Dehors, la vie avait repris son cours normalement, la forge se remit en route dégageant les parfums des fleures de printemps pour une odeur de fonte et de métaux fondus. Madame Ingmar, la boulangère, marchandait le blé sur la place du village redevenue un endroit convivial où le marché s’installait généralement. Les événements du matin n’étaient plus évoqués, chacun se raccrochaient à ces courts moments de vie normale où ils oubliaient les morts, les tristesses et la lâcheté des joueurs. Les joyeux sons vivants du village de Thiercelieux s’élevaient jusqu’en haut des vallées et au plus profond des bois. Néanmoins, l’écho de cela ne traversait pas l’épaisse porte forgé d’acier et de bois lourd. Derrière elle, dans un long couloir de marbre noirci par les années recouvert par de la mousse et du lierre, les quarante choisis étaient là. Seules quelques torches suspendues aux murs éclairaient, d’une lueur blanchâtre, la galerie. L’homme qui les avait appelés saisi l’une d’entre elles, se mit en tête du groupe et avança vers le bout de cette allée. Ils passèrent sous une voûte et arrivèrent dans une salle aux allures étranges, et féériques ; Celle-ci était de forme circulaire, au centre se trouvait un autel d’or pure aux incrustations d’ambre et de jade,  tout autour de cette immense salle se trouvait au moins une bonne centaine de portes fermées, chacune d’elles possédaient seulement un numéro inscrit dessus. Au sol, un mandala parfait, aux détails travaillés, mélangeant des couleurs chatoyantes aux reflets sublimes, était dessiné. Des branches de lierre descendaient joliment de la toiture, donnant de la vie à cette mystérieuse salle. Une eau aussi transparente que pure, descendaient par de fines gouttes du plafond et tombaient, une à une, dans l’autel. Leur chute laissait entendre un murmure de clochette au son clair. Deux sorties étaient visibles, le silencieux couloir d’où ils venaient, et un autre, en face d’eux, fermé par d’épais rideaux.

Adrien et les vingt autres qui n’étaient jamais apparue dans cette salle y déambulaient, la bouche ouverte, l’air ébahi, fascinés par ce spectacle. En revanche leur guide et les vingt ‘’anciens-joueurs’’ ne semblèrent pas surpris, pour eux, cette salle était une habitude et la voir était devenue monotone. L’homme laissa quelques minutes aux nouveaux venus pour s’adapter à l’ambiance qui régnait là. Il reprit en main le rouleau qui comportait la liste qui avait lu, regarda le groupe et demanda aux vingt qui allaient retrouver leur liberté de se rendre à leur numéro correspondant. Ceux-là se dirigèrent vers les portes qui entouraient la salle, chacun la sienne et chacun son numéro. Ils passèrent une carte devant elles et elles s’ouvrirent, ils y rentèrent, les portes se refermèrent derrière eux, sous les regards agrandis des nouvelles recrues. L’homme émit un léger rire devant leurs airs stupéfiés.

-« Allons, écoutez-moi maintenant ! Il récupéra l’attention des personnes restantes. Voyez-vous, ceci est la salle du Juge, c’est ici que tous les votes et débat on lieu ! Chaque mardi soir, les jours de nouvelle et de pleine lune, ici, se déroulent la Partie… Je sais que vous expliquez à quoi sers tout cela sera difficile, mais tachez de comprendre, il serait dommage pour vous de mourir lors de votre premier tour. Quand vous viendrez pour jouer, c’est moi qui vous amènerez ici avec tous les autres, une fois dans cette salle, regagnez directement votre porte. Celle-ci vous est attribuée avec votre carte. »               

Il marqua une pause, pour voir si tous ici, comprenez le fonctionnement du jeu. Puis il reprit ses explications. Adrien continuait d’observer la salle de fond en comble, il regardait chaque recoin. Il se souvint de ce que lui avait dit son père un jour, en connaissant mieux ses adversaires et le terrain tout serait plus facile pour lui, et plus compliqué pour les autres. Il repérait dans les autres jeunes amenés, lesquels seraient facile d’approche, ou bien ceux qui se confiraient rapidement. Ainsi il ne dévoilerait rien sur lui, mais ferait en sorte de tout connaitre des autres, de posséder de quoi les amener à lui obéir. De plus, il n’avait pas besoin d’écouter la répétition des règles, tout ceci il l’avait lu dans les mémoires de son père.                                                                           

Une fois que tous sont rentrés dans leurs portes, la Déesse apparait et joue le rôle de la Meneuse. C’est elle qui appelle tour à tour les différents personnages, d’abord Cupidon, l’enfant sauvage, la servante dévoué et tant d’autres, mais ceux-là sont appelé seulement durant les éclipse de lune. Ensuite vient la voyante, le salvateur, et tous les rôles qu’Adrien aime qualifier de ‘’rôles secondaires’’, puis vient l’éveil des Loups-Garous, et le choix de la personne qui dévoreront, après d’autres rôles ‘’secondaires’’ sont encore demandés, et le vote de tous pour l’exécution de condamné. Quand on est appelés il suffit de mettre le masque qui se trouve derrière notre porte et de sortir à l’encontre de la Déesse pour jouer notre tour. Aucun son ne doit être entendu, si ce n’est que la voix de la Meneuse, la parole et la révélation de cartes sont des crimes graves, souvent puni par la peine de mort à Thiercelieux. Voila ce n’est pas si dur à comprendre pensait Adrien, ils devraient le savoir depuis leur naissance.                                                                                                                                                   Il s’imaginait déjà avec un rôle important, pas un de ceux que l’on donne et qui sont sans importance ! Être Loup Blanc, Infect Père des Loups, Petite Fille, Sorcière, Chaman, ou même Loup Garous simple cela lui convenait.

-« Fils de Thorium !! Une voix forte et basse le ramena de ses rêves. Ne vois-tu pas que tous sont partis rejoindre les portes que je leur avais données !! Adrien regarda autour de lui, il n’y avait plus personne. Tiens voici la tienne, ne t’en fais pas elle est ouverte puisque son possesseur est mort ! Il lui jeta un papier plié en deux sur quoi était inscrit un numéro, N°36. Et dépêche toi donc que notre Meneuse arrive vite ! »

Adrien murmura un merci, et se hâta vers la porte qui correspondait. Des qu’il l’approcha, elle s’ouvrit. L’intérieur ne mesurait qu’un mètre de largeur pour deux de longueur, cette pièce était vide, calme, accrochée au mur, une de ces torches à la lueur blanchâtre était la seule source de lumière possible. Elle éclairait un crochet d’acier, mais aucun masque n’y était suspendu, pensant que c’était la Meneuse qui les remettait, il s’assit par terre et attendit.

Pendant ce temps, les rideaux s’écartèrent doucement, l’homme ajusta sa tenue et se teint droit, gracieusement une femme entra dans la salle. Son visage dissimulé par un capuchon, il n’y avait que ces lèvres qui étaient visibles, des lèvres d’un rouge vermeil et éclatant. Une taille fine et grande, aux formes magnifiques, dans une robe moulante auquel était rattaché son capuchon. Seul de charmants doigts, aux ongles longs et vernie, sortaient de son vêtement taillé dans de l’or fin. Elle s’avança vers l’autel, s’admira dedans, regarda l’homme qui en se tenant droit, n’osait plus bouger. 

-« Allons, allons mon ami, elle passa sa main sur le visage de l’homme, je vous l’ai déjà demandé non ? Ne soyez pas si poli envers moi. Elle rigola doucement. Où sont donc mes tendres nouvelles recrues, n’est-il pas impolie que je ne les salue point ? Voyant que son serviteur ne répondait pas, elle s’appuya sur l’autel et éleva sa voix. Et vous, mes très chères victimes, je vous salue !! Je suis votre Déesse, votre Meneuse, votre Bienfaitrice et dorénavant votre unique raison de vivre ! »

Sa voix traversait les parois, une sensation de chaleur vous envahissait des qu’elle était entendue ; mais une fois qu’elle avait pénétré la peau, elle devenait aussi poignante que des lames de rasoirs, un frison macabre entrait dans tout le corps. Adrien se colla à sa porte pour mieux entendre ces paroles qui faisaient frissonner tout son être. Puis il s’adossa contre le mur et écouta les paroles de la Meneuse.

-« Soyez certains mes très chers villageois, vieux, jeune, homme ou femme, je ne fais point de différence. La Déesse fit le tour de la salle, effleurant de ses doigts les portes et les murs. Je vais appeler des numéros, dès que vous entendrez le votre, vous, nouvelles recrus, et vous, anciens joueurs, viendrez me rejoindre. Par le pacte devant cet autel sacré, l’ancien donnera ses pouvoirs et sa carte au nouveau ! Ainsi la Partie continuera, et jamais Thiercelieux ne perdra ses joueurs. »

Elle se rapprocha de l’autel et congédia son serviteur qui, depuis, attendait toujours, immobile. Celui-ci la salua, lui chuchota quelque chose et repartie par le couloir d’où il était venu. Un court moment d’intrigue passa sur le visage de la Déesse, elle jeta un vif regard vers la porte 36. S’en approcha, et finalement retourna vers l’autel. Regardant l’eau qui était à l’intérieur, elle murmura certaines paroles, soupira et sortie un horrible sourire.

-« Que le destin joue avec moi en ce moment chers joueurs. Aaaaah si vous saviez comme il est dur de lutter contre l’idiotie des Dieux ! Elle ricana, fixant d’un œil guetteur et inquiet la porte 36, mais se ressaisit aussi vite. Mais quel temps perdons-nous sur des jérémiades ! Allons que le n°54 vienne !!! »

Seul dans le silence le bruit d’ouverture d’une porte s’entendit, quelle porte était-ce ? Loin ? Proche ? En face ? Où ? Personne ne pouvait le savoir car l’écho de ce bruit résonnait dans toute la pièce, il était impossible de savoir quelle porte s’ouvrait et qui en sortait. Des pas s’entendirent, deux personnes marchaient, l’ancien et le nouveau joueur, côte à côte. 

-« Bienvenue à vous ! Aujourd’hui en ce jour de Destin, sous les planètes alignées et avec cette eau sacrée, vous échangerez de vie, de liberté de conscience. Vois, oh jeune joueur la carte qui t’est dorénavant assigné, ta vie est maintenant a moi par le serment de celle-ci. La Déesse trempa la carte dans l’autel, puis la tendis au nouveau joueur, ensuite elle regarda l’ancien joueur. Par conséquent, toi, tu ne dois plus savoir qui il est, car cela peut être dangereux pour sa vie. Veux-tu racheter ta liberté ? Puis se tournant vers le jeune joueur, elle demanda. Et toi veux-tu me donner ta vie, que je l’utilise a ma guise ?

-A toi, oh Meneuse, nous le voulons ! »

Elle esquissa un sourire vainqueur, plaqua la carte sur le torse du jeune joueur et donna de l’eau de l’autel à l’ancien. La carte pris une partie de l’âme du jeune, preuve de fidélité à sa Bienfaitrice, et l’eau effaça tout ce qui concernait la Partie dans la mémoire de l’ancien. Puis elle renvoya les deux personnes sur la place centrale de Thiercelieux.

Une bonne heure s’écoula, les rituels continuèrent, les portes se vidèrent, et peu à peu les vingt échanges eurent lieux.  Adossé contre sa porte, Adrien répétait sans cesse son numéro, « trente et six, trente et six, trente… », persuadé qu’elle l’avait surement appelé mais qu’il n’avait pas du entendre. Depuis tout ce temps-là, il rêvait de jouer, le destin l’avait poussé, maintenant allait-il resté là comme un moins-que-rien, enfermé par oubli ? Il se releva, hésita, sûr que la seule chose qui lui restait à faire était de signaler sa présence, il se prépara à frapper la porte, à montrer son existence et pensa à la chance qu’il avait d’être joueur aujourd’hui.  A ce moment la sa porte s’ouvrit brusquement, la Déesse se tenait face à lui, sans expression, le dévisageant.

-«Qu’allais-tu faire là, fils de Thorium ? Aurais-tu pensé que ta Meneuse t’avait oublié ? Tu doute donc de moi ?! Sous le coup de ses paroles, il recula jusqu’au mur derrière lui.

-Non…Enfin ce n’est pas ça, je croyais, enfin non, j’ai cru ou plutôt pensé… Mais je ne pensais pas à mal ! Croyais moi… Gesticulant ses bras dans tout le sens il cherchait des excuses et tentait, tant bien que mal, à s’exprimer. Vous ne m’avait pas appelé, je suis désolé ! »

Mort avant d’avoir pu commencer à jouer pensait-il. La pression redescendit quand il vit un sourire grandir sur le visage de la Meneuse. Elle lui attrapa la main et l’avança jusqu'au centre de la salle. Elle se plaça en face de lui, devant l’autel, et elle y prit appui.

-« Je ne pensais pas voir un jour le rejeton de Thorium dans cette salle. Mmmmh tu ressemble à ton père sur beaucoup de choses. Oui, ton père était un bon joueur, un très bon joueur et un amant formidable si tu savais. Elle laissa échapper un rire aussi doux que malsain, en le dévisageant. Tu lui ressemble beaucoup tu sais. »

Elle se rapprocha de lui, lui saisit le visage, étant plus grande que lui de quelques centimètres elle se pencha et lui chuchota dans l’oreille « Ton père avait une trop grande passion pour ce jeu, mais toi, je suis sur que tu seras être beaucoup plus gentil avec moi non ? Laisse moi te faire gagner cette Partie Adrien, et reste avec moi… » Une goutte de sueur coula sur son front tandis qu’il prenait peur à être aussi près d’elle. Il n’était pas son père, et cette femme le répugnait.

-« Assez !! Il lui dégagea ses mains et la repoussa violemment contre l’autel. Avec tout le respect que je vous dois, j’ai plus d’attrait pour le jeu que pour vous ! Je n’ai pas besoin de vous pour tuer quelques stupides villageois et encore moins pour gagner, souvenez-vous-en !! La Déesse retrouva son sourire dérangeant à l’écoute de ces mots.

-Aussi fougueux et teneur que ton père Adrien. Elle se redressa. J’ai hâte de voir tes exploits ! Elle lui jeta un regard brusque ; à ce moment là, il eut la respiration coupé, chancela sur les genoux et se tint la gorge pour pouvoir respirer le peu d’air qui pouvait prendre. Elle se pencha vers lui. Mais n’oublie pas que ta vie m’appartient, et que j’obtiens toujours ce que je veux, de tous ! Si tu ne me crois pas demande donc aux cadavres de tes parents ! La gorge d’Adrien se libera dès qu’elle eu fini de prononcer ces paroles. J’ai était très clair je pense n’est-ce pas ? Sa main lui caressait tendrement la joue.

-Lucide, Meneuse… » Adrien reprenait doucement sa respiration, mais ne quittait pas le visage de la Déesse, la fixant d’un regard noir pour lui exprimer tout le dégout qu’il avait pour elle. 

Elle se releva, sortie de son décolleté une carte portant le logo du jeu et la lui jeta à la figure.

-« Pour un aussi jolie regard, tu peux très bien m’appeler Héloï, car c’est mon nom Adrien. »

 Elle se dirigea vers la sortie qui possédait des rideaux et retourna d’où elle était venue, rigolant de l’arrogance dont le jeune homme avait fait preuve envers elle. Adrien attendit qu’elle soit suffisamment loin pour regarder sa carte, il prit appui sur l’autel pour se relever, jeta de vifs coup d’œil autour de lui, et se dirigea vers l’autre sortie. Arrivé devant la porte, il s’y arrêta, submergé par des émotions qu’il haïssait, il donna un violent coup de poing dans celle-ci. Reprenant ses esprits, il chassait l’idée qu’il pouvait pleurer comme un faible et un idiot désarmé, il n’était pas comme ça, il était fière, fort, indestructible ! Mais aussi un être humain, incapable de reconnaitre ses propres faiblesses, un môme de quinze ans qui venait de se rendre incompétent et vulnérable aux yeux de la personne la plus importante de Thiercelieux. On ne peut pas tout contrôler dans la vie, mais dans son corps oui ; il ne pleurerait pas.                                                                                          

 Ouvrant la lourde et épaisse porte, un ciel noir possédant milles éclats de feu l’accueilli, la nuit était descendu sur le village, tout était désert, fermé, silencieux. Même si, une légère canicule d’été semble revenir la journée, le soir, c’est encore le froid d’hiver qui domine. Il croisa les bras pour essayer de garder un peu de chaleur et pour ne pas que le froid rentre dans sa chemise. Quand il était entré dans la salle, l’après-midi venait de commencer… Alors les rumeurs seraient vraies ?  Le temps s’écoule bel et bien plus lentement à l’intérieur de la salle du Juge. Arrivé en bas des escaliers, il contempla la place centrale, et reprit son chemin vers sa masure, tout envie de jouer lui était passé. Bien sur, mourir ou bien tuer des gens ne l’inquiétez pas, affronter la folie d’Héloï ne le dérangeait pas non plus. Sa carte… sa carte lui avait enlevé toute passion ou goût pour le jeu. Comment voulez-vous garder espoir de gagner, quand vous n’êtes que Simple Villageois, autrement dis un pion sans valeur qui comble la Partie, un amuse-gueule pour les ‘’Vrai Joueurs’’ ! Adrien les haïssait, ces villageois stupides qui avaient une carte importante alors qui n’en feraient pas bon usage, cette Déesse qui se croyait toute permis sur lui et avait fait exprès de lui donner cette carte, sa sœur qui ne comprenait pas l’importance de ce jeu, son père pour sa défaite si pathétique ! Et tous les autres encore. Remontant la montée qui allait jusqu’a chez lui, il nourrit sa haine pour Thiercelieux. Dorénavant, perdu par ces événements, il ne savait plus quoi faire. Après tout que peut faire un Simple Villageois dans un carnage, carnage auquel il voulait tellement participer…

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