Les animaux fantastiques 2 ou l'histoire après que les rideaux soient tombés

Chapitre 2 : Promenade matinale et sinistre découverte

1132 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/01/2017 14:13

David se promenait comme chaque matin sur les quais de Douvres, le long de la Manche. Il lâcha son chien dans le port pour le laisser gambader comme à son habitude. David avançait avec difficulté. Il détestait la brise hivernale et les frimas qui arrivaient avec. Son arthrose due à la vieillesse l’empêchait déjà assez de faire un pas devant l’autre pour que l’emprise du froid pétrifiant ses muscles ne vienne s’ajouter à ces maux. Le vétéran de la Grande guerre marchait prudemment sur l’allée gelée qui accueillait les bateaux. Un léger courant d’air glacial annonçait le temps maussade des prochains jours. David grogna et rappela son chien. Il ne voulait pas s’éterniser plus longtemps dans ce lieu triste et gris. Lui qui adorait le printemps, sa lumière et sa chaleur, se dépérissait en chaque fin d’année à l’arrivée du mauvais temps. Le chien de nouveau en laisse, le vieil homme fit demi-tour, décidé à rentrer chez lui.

Il passa à côté de deux femmes qui discutaient gaiement. En le voyant elles s’arrêtèrent de rire et le contournèrent silencieusement en baissant leur regard. L’ayant dépassé elles reprirent leur conversation, plus doucement. Les gens avaient pris l’habitude d’éviter l’ancien soldat dans la rue. Personne ne voulait être confronté à cet ours mal léché. Sa réputation était telle que tous les touristes venus faire une halte dans un des bars de la petite ville connaissaient son nom et ses manières. Certains habitants du village racontaient qu’il avait eu six voisins différents, et qu’aucun n’était resté plus de trois mois à cause des sauts d’humeur du vieux. D’autres disaient que même sa famille l’avait abandonné, trop agacée de devoir chaque fois faire face à ses caprices et ses plaintes. David ne se souciait même plus de toutes ses rumeurs, il n’acquiesçait que parce qu’il en avait assez de devoir s’expliquer auprès de ces personnes qui ne l’écouteraient pas. David se retrouvait souvent seul. Pour casser le silence perpétuel dans sa maison il parlait à son chien, qui était son plus grand ami. Malgré ses airs de loup solitaire, le vétéran vivait très mal ce rejet de la part des autres.

Seul le parfum iodé apaisait un peu son chagrin. Cette douce odeur qu’il connaissait si bien ! Il se rappelait de ses longs séjours en mer, bercé par le va-et-vient incessant des vagues, et du cri des mouettes qui indiquait la terre après de grands périples. Le vieil homme aimait voir dans ce vaste étendu d’eau le début d’une nouvelle aventure. Chaque jour cet océan de possibilités l’attendait à bras ouvert. C’était un monde qu’il connaissait bien, il avait passé les quatre ans de la guerre sur un bateau, à défendre les côtes anglaises de l’attaque allemande. Il se souvenait encore de la victoire qu’il avait remportée à la tête de la Royal Navy pendant la célèbre bataille navale de Heligoland.

Un bateau à marchandises accosta à un ponton, tirant David de ses pensées. Les ouvriers commencèrent à débarquer des caisses arrivant tout droit de Paris. Paris, cette ville l’agaçait. Il avait dû y aller à la fin de la guerre, pour célébrer l’armistice. Il n’avait jamais compris pourquoi les gens avaient un tel engouement pour cet endroit. Tout était sale là-bas et les Parisiens étaient impolis et grossiers. La ville en elle-même n’avait pas non plus un grand intérêt. Les rues étaient bondées et tous devaient se bousculer pour se tracer un chemin dans la foule. Pas un pardon ou un merci ne sortait de la bouche de ces étranges individus qu’étaient les Parisiens Ils regardaient devant eux, trop pressés pour faire attention aux autres qui partageaient pourtant leur quotidien. Les sans-abris peuplaient par dizaines les grandes avenues. Personne ne leur prêtait un regard. Tous les yeux les évitaient quand ils passaient près de ces pauvres gens, comme pour essayer d’oublier la misère de la grande ville, trop souvent appelée ville des lumières ou de l’amour. Le marin bougonna derrière sa barbe. Il préférait décidément son bon petit logis de Douvres, loin de tout et surtout loin des ennuis et des nuisances des grandes villes.

Il comptait reprendre sa route lorsque son chien se mit subitement à aboyer et à grogner. Intrigué, David s’approcha du navire de charge. Sur la coque du bateau on pouvait distinguer une forme suspecte. Le vieil homme crût d’abord à un amas de déchets récoltés pendant le trajet en mer. Mais devant l’insistance de son chien il s’avança encore un peu plus près. Il s’aperçut dans la masse de saleté se dessinait une silhouette humaine. Il se dit qu’il voyait surement mal à cause du brouillard. Mais un rayon de soleil traversant le ciel gris dévoila l’objet de ses interrogations. David poussa un cri d’effroi, et porta sa main à son visage. Il fit quelques pas en arrière pour s’appuyer à un muret qui longeait la digue. Il tremblait d’horreur devant cette chose immonde. Devant lui se dressait le corps meurtri d’un jeune homme. Le sang séché sur ses membres montrait que l’individu avait été torturé avant d’être mis à l’eau. L’inconnu devait être encore vivant quand il a été attaché à ce bateau. Il était certainement faible et endolori mais assez conscient pour avoir le temps de voir la Mort le narguer avant de l’emporter avec Elle, non sans une souffrance inimaginable. Les vagues qui l’avaient noyé lui avaient laissé en souvenir un effroyable calvaire : celui de l’eau salée léchant ses plaies, les rouvrant dans les cris de douleur de l’homme. Ses doigts étaient noirs, brûlés par le froid polaire. Sa tête sans vie pendait lamentablement le long de son corps. Le regard de David s'arrêta sur un détail intrigant. Rien n'attachait le corps de la victime à la coque du navire de charge. Aucune corde visible, aucun clou enfoncé dans sa chair. Le cadavre restait fixé au bateau grâce à une force inconnue. David frissonna à cette idée. Il ne savait pas ce que cela pouvait être et il ne voulait pas le savoir. Tout ce qu'il comprenait c'était que les ennuis ne faisaient que commencer.


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