Dîner de famille chez les Crownguard
Chapitre 1 : Dîner de famille chez les Crownguard
3049 mots, Catégorie: K+
Dernière mise à jour 12/05/2023 14:54
~ Alerte révélation : cette histoire contient des références aux événements survenus dans les comics sur Lux et Katarina et dans le jeu The Mageseeker ~
Lux et Sylas remontaient la longue allée menant à la demeure des Crownguard dans la cité de Haut-Lac-d’Argent.
– Tu crois toujours que c’était une bonne idée ?
– Heu évidemment. Regarde, papa et maman ont l’air ravi de nous voir.
Sur le perron, les attendaient de pied ferme Pieter et Augatha Crownguard. Celle-ci manqua de défaillir en voyant l’homme qui s’avançait au bras de sa fille.
– Est-ce que c’est Sylas ? Sylas de Liebourg ?
– Il semblerait.
– Lux aurait pu être reine de Demacia, et au lieu de ça elle nous ramène le pire criminel du royaume ?
– C’est un choix… discutable… Mais nous pensons d’abord au bonheur de notre fille, pas vrai ?
– Bien sûr ! Trouve-moi un prétexte pour que j’aille discrètement prévenir les gardes.
– Restes là, nous allons les accueillir convenablement.
– Bon on les a vu, tu es contente. On part avant ou après qu’ils appellent les traqueurs de mages ?
– Laisse leur une chance.
– Ce n'est pas comme si ta mère avait voulu me faire exécuter pour t'avoir seulement adressé la parole.
– Donne moi ta main.
Lux serra la main de Sylas dans la sienne. Sa magie se déversa en lui et se trouva absorbée dans ses menottes de pétricite.
– Voilà, au cas où ils leur prendraient l’idée de recommencer, tu as de quoi t’en sortir.
– Merci, petite lumière. Très rassurant.
Ils gravirent la volée de marche et Lux fit son plus beau sourire. Elle savait que c’était un de ses meilleurs atouts. Elle s’en servait souvent étant enfant pour attendrir ses parents et adoucir leurs réprimandes.
– Père, Mère, je vous présente Sylas.
En voyant l’expression de sa mère, elle comprit que cette fois, elle ne s’en sortirait pas avec un simple sourire.
Augatha scruta Sylas de la tête au pied. Hormis l’énorme collier et les chaînes à ses poignets, il ne portait pour tout vêtement qu’un pantalon noir.
– Jugez-vous cette tenue convenable ? N’avez-vous aucun haut à vous mettre ?
– C’est à cause des menottes. Je ne peux rien enfiler.
– Vous ne pourriez pas les retirer ?
– Je les garde en souvenir des oppressions racistes et bourgeoises dont j’ai été victime, nargua-t-il.
– Je vois. Et bien cela me dispense de vous indiquer le porte manteau je suppose.
Lux dévia rapidement la conversation avant qu’elle ne dégénère.
– Garen et son invitée ne sont pas encore arrivés ?
– Ils ne devraient pas tarder.
– Je me demande de qui il s’agit.
– Je l’ignore. J’espère seulement que ton frère a trouvé mieux à nous ramener qu’un criminel.
Sa tentative de dévier le sujet pour apaiser sa mère se soldait sur un échec flagrant. Lux se tut et fit profil bas, incitant Sylas à faire de même.
Garen apparut au bout de l’allée quelques minutes plus tard. Bien qu’elle ne l’ait vue qu’une fois, Lux reconnut la jeune femme aux cheveux rouges qui l’accompagnait.
– Mais… c’est… Dereen ?
Lux regretta immédiatement ses paroles. Quelque chose lui dit qu'elle aurait mieux fait de rester discrète.
– Nous nous sommes... croisées une fois, expliqua-t-elle devant le regard interrogatif de ses parents.
Inutile de rentrer dans les détails.
– Alors, quand est-ce qu'on leur annonce que je suis une assassin de Noxus ? Dès les présentations ou bien je garde la surprise pour le dessert ?
– Et bien... On n'est peut-être pas obligé d'en parler.
– Tu veux cacher ça ? Arrête, tu sais encore moins mentir qu'un prisonnier dans une salle de torture.
– Oui, mais toi tu sais.
– Ah non ! Tu as insisté pour que je rencontre ta famille, à quoi ça sert si c'est pour que je me fasse passer pour une autre ? J'ai déjà fait l'effort de mettre cette tenue ridicule, ne m'en demande pas plus.
– Elle te va bien je trouve cette tenue.
Augatha était soulagée. Au moins l'un de ses deux enfants semblait être doté de bon sens. Cette jeune femme était ravissante. Elle portait un pantalon moulant recouvert par d'élégants volants qui tombaient sur ses hanches, un chemisier à haut col, surmonté d’un corset et à ses manches flottaient les mêmes volants gracieux qu’à sa taille. Le tout aux couleurs de Demacia : bleu blanc et or. Elle était ainsi parfaitement assortie à Garen, vêtu de sa tenue officielle de Capitaine du Détachement Hardi. Ils formaient un très joli couple.
Ils atteignirent à leur tour le perron et Garen s’avança.
– Père, Mère, Lux.
Il marqua une interruption devant son beau-frère et lâcha d’un ton glacial :
– Sylas.
Il se tourna vers sa compagne et la prit par la main.
– Je vous présente Katarina.
Katarina ? Pas Dereen ? Pieter et Augatha interrogèrent Lux du regard.
– J'ai dû me tromper. Moi et les prénoms... justifia-t-elle maladroitement.
Bien que les us et coutumes de la noblesse aient toujours été plus la spécialité de sa mère et sa sœur, Katarina savait se conduire en soirée mondaine et ses manières étaient irréprochables.
– C’est un honneur de vous rencontrer.
– Katarina, nous vous souhaitons la bienvenue dans la famille, répondit Augatha, ravie.
Elle poursuivit ses salutations en s’adressant à sa belle-sœur.
– Lux, je suis contente de te revoir. Et voici le fameux criminel préféré de Lux. Enchantée, ajouta-t-elle avec un clin d’œil et un sourire qui lui montait jusqu’aux oreilles.
Lux restait sur la réserve. Contrairement à Sylas, la compagne de son frère avait fait le meilleur effet auprès de Pieter et Augatha. Pourtant elle était prise d'un mauvais pressentiment. Elle savait que Dereen, ou plutôt Katarina, avait des choses à cacher, et elle craignait que ça ne soit pas au goût de ses parents.
****
Un instant plus tard ils étaient tous installés à table. Pieter et Augatha occupaient les extrémités, Lux et Garen étaient assis face à face près de leur mère, leur conjoint respectif à leur côté. Des serviteurs déposèrent devant chacun d'eux des mets raffinés.
Sylas resta en suspens devant le nombre de couteaux et fourchettes qui s'étalaient devant lui, avant de jeter un coup d’œil discret à sa voisine pour savoir lesquels utiliser.
Personne n’avait encore osé prononcer un mot.
Augatha lança les hostilités.
– Alors Lux, dis-moi. Il paraît que vous vous êtes rencontrés en prison ?
– Heu… Oui.
– Et on pourrait savoir ce que vous faisiez en prison Sylas ?
– Des pompes et des abdos. Vous savez, il n’y a pas grand-chose à faire en cellule, on s’occupe comme on peut. Oh, vous vouliez savoir pourquoi je suis arrivé en prison ? Quelle version voulez-vous ? Celle du terrible mage sanguinaire ? Ou celle du pauvre adolescent opprimé ?
– Vous voulez vous faire passer pour une victime ? Combien de mort avez-vous causé ?
– J’ai perdu le compte après 125.
– Cruel et idiot alors.
Lux se redressa brusquement.
– Sylas, je t’en pris calme toi ! Et maman, tu sors les évènements de leur contexte de façon malhonnête. Sylas n’est pas qu’un criminel, il est également quelqu’un de bien et surtout le seul à m’avoir acceptée telle que je suis vraiment.
Lux se surprenait d’avoir défié l’autorité de sa mère aussi frontalement, mais elle était fière d’elle. Elle se rassit, satisfaite. Mais Augatha n’avait pas dit son dernier mot :
– Lux, as-tu eu des nouvelles de ta tante Tianna ?
Elle soupira, sachant très bien où sa mère voulait en venir. Son répit avait été de bien courte durée.
– Non… Pas récemment…
– Elle ne s’est toujours pas remise de la mort de son mari. Quel malheur qu’Eldred ait été assassiné froidement. C’était un brave homme, travailleur, dévoué à sa patrie et à la protection des citoyens.
Augatha savait appuyer exactement là où ça faisait mal. Et ça ne manqua pas.
Sylas bondit de sa chaise et pointa un doigt rageur vers sa belle-mère, la chaîne de ses menottes cliquetant bruyamment sur la table.
– Cet homme était un monstre, son sort était mille fois mérité. J’ai déjà été indulgent de lui offrir une mort rapide !
Lux attrapa la main de Sylas, l’enjoignant à se rasseoir.
– Sylas !
Il rit nerveusement et se rassit.
– Je veux dire : transmettez toutes mes condoléances à cette bonne tante Tianna. Quel terrible drame !
– Mais enfin Augatha, qu’est-ce que tu racontes ? s’étonna Pieter. Personne n’appréciait Eldred, pas même ma sœur. Et toi…
Il s’interrompit en remarquant les éclairs que sa femme lui lançait du regard.
Augatha garda toute sa contenance et toisa Sylas qui ne cachait pas son sourire ironique. Il ne s’en sortirait pas comme ça. Elle avait encore des sujets à amener sur la table.
– Et le prince Jarvan, comment va-t-il ? reprit-elle innocemment. Le pauvre avait déjà perdu sa mère, le voila orphelin à présent.
– Ça je n’y suis pour rien, répliqua Sylas en mordant dans un morceau de pain. Bien que ça ne m’aurait pas déplu.
– Vous admettrez que c’est difficile à croire.
– Je veux bien l’admettre mais ce n’est pas moi. De mon avis, ça avait tout l’air de l’œuvre d’un assassin professionnel.
Garen s’étouffa soudain dans une quinte de toux.
– Garen, tout va bien ? s’inquiéta Augatha.
– Inutile de ressasser le passé n’est ce pas ? éluda-t-il. Ce qui est fait est fait. Parlons plutôt d’autre chose.
Elle se méprit sur la gêne de Garen, croyant qu’il s’en voulait encore de son échec à avoir su protéger le roi. Soucieuse de ne pas embarrasser son fils et sa ravissante compagne, elle décida de ne pas insister et accorda une trêve à Sylas.
– Tu as raison. Garen, Katarina, je vous présente mes excuses, je manque à mes devoirs. Je ne vous ai même pas demandé : comment vous êtes-vous rencontrés ?
Garen s'assena une claque mentale. Aussi improbable que cela puisse paraître, il s’était surpris à apprécier la présence de son détestable beau-frère pour sa formidable performance à accaparer toute l’attention. Et il n’avait rien trouvé de mieux que de la ramener stupidement à lui.
– Nous... nous sommes rencontrés au... au… bafouilla Garen.
– Au travail, compléta Katarina pensant esquiver le sujet fâcheux.
Raté !
– Ah oui ? Faites-vous parti du Détachement Hardi ? demanda Pieter enthousiaste.
– Heu... Non.
– D'un autre régiment peut-être ?
– Non plus…
– Que faites-vous alors ? interrogea-t-il, pris par l’incompréhension.
Elle lança un regard à Garen qui ne trouva rien pour lui venir en aide. Comment avait-il pu imaginer une seule seconde que la vérité resterait cachée ? C’était illusoire. Il devait bien s’attendre à ce qui allait arriver.
Il soupira et Katarina lut la résignation dans son regard.
– Assassin... professionnel… avoua-elle.
Elle en avait trop dit ou pas assez. Maintenant que le couteau était planté, mieux valait le retirer d'un coup sec plutôt que de le retourner dans la plaie.
– … pour Noxus, acheva-t-elle.
Le silence s’abattit.
Garen guetta les réactions autour de la table. Lux ne trahissait aucune surprise. Sylas se retenait de rire avec difficulté. Pieter observait son assiette avec grand intérêt, feignant de n'avoir rien entendu. Et Augatha pâlissait à vue d’œil. Garen se tint prêt à la rattraper au cas où elle viendrait à perdre connaissance.
– Pieter, dis quelque chose ! lâcha-t-elle finalement.
Pieter reposa la fourchette qu'il s'apprêtait à engloutir.
– Heu… passons au dessert ?
– Passons au dessert ?! C’est tout ce que tu trouves à dire ?
– Que veux-tu que je dise ?
– Tu acceptes ça ? Nous sommes la famille Crownguard, dévouée depuis des générations à la protection de la couronne. Notre fille fréquente celui qui a tenté de tuer le roi et notre fils celle qui a réussi. C’en est fini de notre lignée !
– Qu’est-ce que je peux y faire ? Ils sont grands, ils font leurs propres choix.
Augatha était abasourdie.
Les domestiques vinrent ramasser les assiettes et apporter les desserts.
– Allons, mangez donc, encouragea fébrilement Pieter.
Une flamme nouvelle brillait dans les yeux d'Augatha.
– Ainsi donc, chère Katarina, vous êtes Noxienne ?
– Et fière de l'être.
– Et vous avez assassiné le roi Jarvan III ?
– C'était sa mission, intervint Garen. Elle n'a fait qu'obéir à ses ordres.
– Et si votre prochaine "mission" était de vous débarrasser du Capitaine du Détachement Hardi ? Que feriez-vous ?
Katarina hésita en regardant Garen.
– Et bien, on... aviserait à ce moment là.
– Garen, n'es-tu pas dévoué à ta nation ? N'es-tu pas sensé arrêter les ennemis de Demacia ?
Garen se tassa sur sa chaise. Il aurait aimé se faire tout petit, et en cet instant il maudit son imposante carrure.
– Si bien sûr... Mais Katarina… C’est différent.
– Mais enfin, les Noxiens sont barbares, violents et sans pitié. Pourquoi crois-tu que cette fille dérogerait à la règle ?
– Tout est question de point de vue, rétorqua Katarina. Si Sylas était né Noxien par exemple, il n'aurait pas été enfermé pour le seul fait d’être né mage. Au contraire, de nombreuses opportunités se seraient offertes à lui pour son précieux don. Alors, qui sont les barbares dans ce cas ?
Une coalition ! C'était une coalition ! Ses propres enfants et leurs conjoints se liguaient contre elle !
– C'est vrai ça, remarqua Sylas. Petite lumière, et si on déménageait ?
C'en était trop pour Augatha. Elle baissa les bras et à l'image de son mari focalisa son attention sur son assiette. Une part de gâteau au chocolat encore intacte y trônait. La sombre génoise était entrecoupée de crème onctueuse et un glaçage la recouvrait ainsi que des morceaux de fruit. Jamais elle n'avait trouvé un dessert aussi captivant.
Augatha s'étant retranchée dans son mutisme, plus personne ne parlait.
Se fut Lux qui osa reprendre la parole, lançant une banalité pourvu que le silence pesant cesse et qu’aucune dispute endiablée ne s’engage à nouveau.
– Katarina tes cheveux sont magnifiques. Est-ce leur couleur naturelle ?
– Je les ai teints dans le sang de mes victimes, plaisanta Katarina.
Constatant que cela n’avait amusé personne, elle se racla la gorge et se reprit.
– C’était... de l’humour d’assassin… C’est leur couleur naturelle…
La gêne passée, Katarina rebondit sur l’intervention de Lux pour engager une nouvelle conversation.
– Et Lux, ta magie, ça doit être pratique pour lire le soir ?
– Heu… Oui, c’est... pratique.
– Tu pourrais nous faire voir ?
Elle hésita. Longtemps elle avait considéré son don comme une malédiction. Elle avait tout fait pour garder son secret pendant des années et même maintenant que sa nature de mage était révélée elle ne faisait que rarement usage de sa magie en public.
Mais elle n'avait aucune raison d'avoir honte après tout.
– D'accord.
– Est-ce vraiment nécessaire ? demanda Pieter mal à l'aise.
Apprendre que Lux était une mage lui avait fait un choc, et si son amour pour sa fille n'en avait été nullement entaché, il avait toujours du mal à accepter sa nature et appréciait qu'elle reste discrète sur ses aptitudes.
– Ne t'inquiètes pas, j'ai eu un excellent professeur.
Augatha ne fit aucune objection. Elle fixait toujours sa part de gâteau.
– Et bien, si tu le dis, abdiqua-t-il nerveusement.
Lux tendit sa main, paume vers le ciel et ouvrit ses doigts. Une boule de lumière, de la taille d'un gros poing, se mit à flotter au dessus de la table. C'était de la lumière pure, parfaitement blanche, d'une intensité telle qu'elle illuminait toute la pièce et à la fois si douce que les convives pouvaient en fixer la source sans en être éblouis. Lux pouvait en percevoir les moindres composants. Elle se concentra et, tout en pivotant sa main, travailla à isoler chacun d'entre eux. Les nuances apparurent peu à peu et bientôt la boule blanche se transforma en une explosion de couleur. La salle à manger fut envahie d’un gigantesque arc-en-ciel. Les teintes bariolées dansaient sur les murs, le sol et le plafond, virevoltaient le long de la table, baignaient les invités. Tous furent émerveillés par le spectacle, absorbés par la farandole de lumière, jusqu’à en oublier les ressentiments et les rancœurs.
Augatha leva les yeux de son assiette. Katarina s’était blottie dans les bras de Garen et ils admiraient tous les deux les lueurs dansantes. Lux et Sylas se tenaient par les mains et faisaient évoluer ensemble le spectacle lumineux. Leurs visages à tous les quatre irradiaient. Non pas de la lumière de Lux. Ils irradiaient de bonheur. Ils étaient heureux. Vraiment heureux.
En face d’elle Pieter lui souriait. La magie qu’elle et lui avaient tant craint envahissait leur demeure et pourtant il était serein.
Augatha aussi avait retrouvé son calme. Comment avait-elle pu oublier qu’ils n’étaient encore que de jeunes adultes plein d’espoir ? Y avait-il vraiment qui que se soit à blâmer autour de cette table ? C'est ce monde qui était cruel et ils ne faisaient que tenter d'y trouver leur place, chacun à leur manière. Elle ne donnait pas cher de leur relation dès que la réalité les aurait rattrapés. Mais n'avaient-ils pas le droit de rêver un peu ?