Sacrés Champis

Chapitre 1 : Sacrés Champis

Chapitre final

2783 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/01/2022 23:13

Cette fanfiction participe aux Défis d’écriture du forum Fanfictions.fr : Crossover improbable - (janvier février 2022).



Regis éclate de rire en écho à la dernière anecdote racontée par Jaskier, accompagné du barde, de Zlotan et de Ciri. Geralt prétend prendre la mouche en arborant une mine renfrognée mais tous ses amis connaissent l'étincelle joyeuse qui dément son attitude. Il reprend une bonne gorgée de liqueur de mandragore avant de dissuader sa fille de manger le cake servi par le nain. 

Ciri lui rit au nez et mord dedans à pleines dents après lui en avoir tendu une généreuse part. Geralt prend une première bouchée et laisse les saveurs épicées et sucrées apaiser la savoureuse brûlure laissée par la liqueur. L'effet se fait rapidement sentir, ravivant l'hilarité de tous les participants qui commencent à voir le décor prendre des couleurs inhabituelles. 

Prise d'un fou-rire, Ciri lui met une grande claque sur l'épaule et pouf !


***


Geralt se relève avec difficulté, le sol semble tanguer sous ses pieds. 

– Schtroumpf alors, où est-ce qu'ils sont tous Schtroumpfés ?

Il fronce les sourcils face à l'incongruité des mots qui sont sortis de sa bouche. Il observe autour de lui et tout est décidément très étrange, excessivement coloré et démesuré. Il tend l'oreille et entend schtroumpfer « Lala, la schtroumpf lala, schtroumpf un air joyeux ! Lala, la schtroumpf, lala, tout ira bien mieux ! Ne te laisse pas abattre, c'est pas compliqué, pour être heureux comme quatre, il suffit de schtroumpfer ! »

Intrigué, il suit la mélodie et arrive bientôt devant un village d'amanites tue-mouches de la taille de maisons. D'ailleurs ce sont des maisons. Des maisons en champignons, il n'avait encore jamais vu ça. Des portes sont découpées dans les pieds immaculés et des fenêtres dans les chapeaux rouges à points blancs. Il y a même des rideaux de couleur pour les égayer et des cheminées.

Les habitants du lieu le laissent encore plus perplexe : torses nus, il sont la peau bleu ciel et ne portent pour tout vêtements qu'un collant et un bonnet blanc. Ha non, il y en a un dans le lot qui porte du rouge et une barbe. Et une fille aux cheveux jaune et à la robe rose. 

Geralt se gratte la tête, décidément la liqueur de Regis et les champis de Zlotan ne lui ont jamais fait un tel effet. Soit, l'hallu n'est pas désagréable alors autant en profiter. 

Les Schtroumpfs, qui étaient en train de préparer à dîner en chantant, font silence en voyant arriver l'étrange humain. Déjà, il fait la même taille qu'eux, ce qui est assez inédit, en plus il à vraiment une sale mine avec sa peau crayeuse, ses cheveux laiteux, ses yeux jaunes de chat et ses cicatrices. Il ferait presque peur. 

Geralt s'arrête, lève la main et affiche un rictus qui se veut un sourire :

– Heu, salut. Vous préoccupez pas de moi, je suis juste de passage.

– Joins-toi à nous, l'étranger, l'invite le Grand Schtroumpf. Tu as l'air complètement schtroumpfé, laisse-nous te schtroumpfer de quoi te schtroumpfer.

Geralt hausse les épaules et accepte l'invitation. Autour de lui, les discussions reprennent. Schtroumpf à Lunettes décide de s'installer à ses côtés et entreprend de lui schtroumpfer tout ce qui schtroumpfe les schtroumpfs mais Geralt n'y schtroumpfe pas grand chose. Il observe les attitudes des uns et des autres en se demandant combien de temps cet état va durer.

Le Grand Schtroumpf lui fait servir une assiette de soupe de salsepareille et un godet de remontant de sa composition. Geralt goûte avec prudence. C'est pas mauvais. Il boit cul sec et tombe à la renverse. 


***


Geralt ouvre péniblement les yeux. Il s'accommode aussitôt à l'obscurité ambiante en laissant ses pupilles se dilater. Il a la bouche pâteuse, les pensées embrumées. Des bribes de ses hallucinations de la veille lui reviennent. Des hommes bleus dans un monde digne d'une peinture colorée, sacré voyage ! Il va leur en dire des nouvelles de leurs substances à Regis et Zlotan !

Il se lève sans hâte et fronce les sourcils. Ça ne colle pas. Il sent pourtant que son organisme a évacué ce qu'il a consommé quelques heures plus tôt alors pourquoi schtroumpf a-t-il encore l'impression d'être dans un dessin d'enfant ?! 

– Ah ! Vous êtes enfin schtroumpfé ! s'écrie le Grand Schtroumpf en entrant. Je crois que j'ai un peu sur-schtroumpfé mon schtroumpf. Mais vous avez l'air de vous schtroumpfer mieux, c'est le principal. D'où schtroumpfez-vous ? 

– D'où je schtroumpfe ? De chez des amis. Je ne sais pas comment j'ai schtroumpfé ici. 

– Vous ne semblez pas schtroumpfer de notre monde. Je vais voir si je peux vous schtroumpfer à schtroumpfer chez vous. En attendant, peut-être pouvez-vous nous schtroumpfer ? 

– Comment ?

– Nous avons un schtroumpfe avec un schtroumpfe et son schtroumpfe qui veulent nous schtroumpfer et quelque chose me dit que vous pourriez nous schtroumpfer d'eux. 

Geralt acquiesce et serre la main tendue du Grand Schtroumpf, scellant leur accord. Il avale une rapide collation et part en exploration du village. Les maisons champignons sont réunies autour de la place. Chacun semble affairé en fonction de ses compétences et des Schtroumpfs sont en chemin vers l'extérieur. Geralt leur emboîte le pas et découvre l'ouvrage en cours : une palissade de bois réalisée, en chansons, sous les ordres de Schtroumpf Bricoleur.

Il observe les drôles de bonshommes bleus, la manière dont chacun se distingue des autres par une attitude ou un détail, malgré leur apparence quasiment identique. Geralt constate d’ailleurs que, contrairement aux humains, les Schtroumpfs sont dotés d’une courte queue en pompon, aussi bleue que le reste, qui dépasse de leurs collants blancs. Il sourit. Ces drôles de créatures pacifiques le changent agréablement de celles de son monde d’origine. D’ailleurs, ici tout est léger, serein. Il a l’impression d’être en vacances.

Le sorceleur rêvasse, confortablement adossé à une pierre, sous les doux rayons du soleil, bercé par les chants des Schtroumpfs qui le changent agréablement des braiements de Jaskier. Il pourrait presque s’assoupir.

Une agitation soudaine le met en alerte. Des cris, une ombre monstrueuse. Geralt tend la main par dessus son épaule pour se saisir de sa lame mais schtroumpf ! Il ne l’a pas avec lui. Face à lui, un colossal chat roux au menton et à la gorge blanche et aux vilains yeux jaunes perçants. Il saute parmi les êtres bleus, essayant de les atteindre de ses pattes énormes et de les saisir comme de vulgaires souris dans sa gueule aux longs crocs blancs. 

Geralt commence à réaliser à quel point il est petit. Dans un glapissement, Schtroumpf à Lunettes est happé par son postérieur. Sans plus tergiverser, le sorceleur utilise le Signe Ignii pour projeter des flammes vers le matou, lui roussissant les moustaches. Dans un feulement contrarié, la bête lâche sa proie dont l'homme atténue la chute d’un signe d’Aard. Le félin géant plisse les yeux, fixant le bipède en noir et blanc qui est venu perturber sa chasse. Il allonge une patte griffue pour le balayer mais Geralt évite d’un bond dans les airs avant de retomber souplement au sol, jambes écartées, une main sur la terre grasse.

– C’est Azraël, le chat de Gargamel. Ils veulent nous schtroumpfer, indique doctement Schtroumpf à Lunettes au lieu de se mettre en sécurité.

Son intervention attire l’attention du prédateur sur lui. Le matou se lèche les babines en plaquant sa patte sur la créature bleue, l'emprisonnement de ses longues griffes aiguisées. 

– Au secours !

Geralt secoue la tête d’un air atterré, finalement, ça ne lui change pas beaucoup de Jaskier. Il tend à nouveau la main par-dessus son épaule mais son glaive n’est pas apparu par magie. Le prédateur le fixe, observant le moindre de ses gestes et mouvements. Il a une lueur sournoise dans l'œil.

Geralt n’a jamais eu grande affinité avec les chats, et ils le lui rendent bien. Il a quelques scrupules à se frotter à celui-ci, désarmé de surcroît mais le boulot c’est le boulot et il a un contrat moral avec le Grand Schtroumpf. 

– Minou, minou, rend-moi ce Schtroumpf.

Azraël se lèche les babines et se couche, la patte toujours ostensiblement posée sur le pauvre Schtroumpf à Lunette tremblant de peur mais toujours aussi loquace. Il déblatère toutes les informations qu’il à en sa possession concernant la bête et son sinistre maître mais il faut bien avouer que son discours schtroumpfement schtroumpfé de schtroumpfs manque de clarté pour notre sorceleur. 

La diversion vient des camarades bleus qui sont partis chercher de quoi repousser l’ennemi. Schtroumpf Costaud profite de son attention occupée pour lui asséner un grand coup de maillet sur la queue. Azraël bondit en miaulant de douleur. Geralt passe à l’attaque, s'élançant pour agripper la douce fourrure couleur carotte. Il se hisse à la force des bras tandis que le félin caracolant lui offre un spectacle digne d’un rodéo. Arrivé sur son échine, Geralt utilise Axii, tentant de prendre le contrôle de l’esprit de la bête. Azraël s’apaise, se couche en ronronnant et se laisse saucissonner par les petits êtres bleus qui entreprennent de le ramener au cœur du village.


***   


À l’issue du conseil de Schtroumpfs, il est convenu que ces derniers ramènerons son favori à leur ennemi afin de lui faire une proposition de paix. Pour cela, Schtroumpf bricoleur a conçu un chariot qui sera tiré par Schtroumpf Costaud et Geralt qui, malgré sa petite taille, a gardé sa force surhumaine. Au Village des Schtroumpfs, tout le monde sait dans quel coin de la forêt se trouve la chaumière du terrible sorcier Gargamel.

L’attelage roule en souplesse sur le sol forestier. Bientôt, Geralt aperçoit les murs de bois et le toit de paille de la cabane. Schtroumpf Costaud aide le sorceleur jusqu’au seuil puis disparaît. L’homme est seul devant la porte démesurée. Il toque, puis s’assoit sur la nuque d’Azraël, toujours ligoté et gardé calme par le Signe qu’il maintient actif.

La porte s’ouvre en grinçant. Gargamel est surpris de ne voir personne derrière. En baissant les yeux, il découvre un lilliputien blafard sur son chat entravé. Il est pris d’un élan de colère et veut saisir l’albinos qui a maltraité son compagnon mais Geralt évite habilement la grosse main maladroite du sorcier bossu et hirsute, abstraction faite de la surface glabre du sommet de son crâne qu’il a dévoilée en s’abaissant. 

– Nous avons à parler, annonce le sorceleur d’une voix qui paraît ridiculement ténue et aiguë aux oreilles de Gargamel. 

Il éclate d’un grand rire. 

– Je n’ai pas l’habitude de discuter avec les avortons, plutôt de les jeter dans une soupe ou une potion mais tu n’as clairement pas la couleur souhaitée pour ça.

– Justement, vos voisins Schtroumpfs m’ont indiqué que vous schtroumpfiez les utiliser pour concocter une potion schtroumpfant vos pouvoirs. Schtroumpf ! Ce que c’est pénible ces schtroumpfements intempestifs ! Bref, je crois pouvoir vous aider.

– Et qu’est-ce que cela me coûterait ?

– Juste votre parole de laisser les Schtroumpfs en paix.

– Et qu’est-ce qui me garantie que vous tiendrez parole ?

– La même chose que ce qui me garantie que vous schtroumpferez la votre.

Gargamel, sourcils froncés, hoche la tête sèchement. 

– D’abord, libérez Azraël. 

Geralt sort son poignard de sa botte et scie les liens du matou, qui se laisse faire en ronronnant. Le vieux sorcier reste bouche bée de voir son compagnon aussi docile avec le lilliputien. Il tend sa paume au sorceleur qui hésite un instant avant de monter dedans. Son cœur incroyablement lent accélérant imperceptiblement à la perspective que cette pogne passablement mal odorante puisse se refermer sur lui.

Azraël bondit sur la table sur laquelle Gargamel dépose Geralt pour se préparer un bol de soupe. Le sorceleur en profite pour sortir de sa veste en cuir la sacoche contenant ses élixirs. Il dévoile ses flacons sous l'œil intrigué du sorcier, en sélectionne quelques-uns qu’il mélange en dosant avec précision dans un petit bol de bois qu’il à sorti pour l’occasion. Il sort ensuite ses diverses herbes et en ajoute différentes sortes. De la lumière émane un instant du bol puis la mixture change de couleur jusqu’à prendre la teinte exacte des petits êtres convoités par le grand sorcier.

– Voilà, c’est prêt. Vous n’avez qu'à schtroumpfer ça dans votre cuillérée.

Le sorcier tend l’ustensile plein de soupe au lilliputien blafard et l’observe verser sa potion dedans. Aussitôt la soupe orangée prend une superbe nuance bleue. Il la regarde d’un air satisfait avant de la porter à ses lèvres. Slurp !

Flouf ! Blurp ! Bilibilibili ! Pshiiiiiiii ! Splang !

Devant l’air ébahi d’Azraël et Geralt, Gargamel passe par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, de la fumée lui sort par le nez et les oreilles et il commence à convulser et rétrécir, jusqu'à gagner la taille du sorceleur qui le fixe d’un air impassible.

– Ce n’était pas vraiment l’effet escompté mais le bleu vous va bien.

Furieux, Schtroumpf Gargamel lève les mains pour lui jeter un sort mais Geralt utilise le Signe Quen et le maléfice rebondit sur son bouclier magique, atteignant Azraël qui se retrouve changé en souris verte. Il s’empresse aussitôt de grignoter le quignon de pain qui traîne sur la table tandis que son méconnaissable maître essaie de le chasser. 

Geralt hausse les épaules et utilise la robe à présent vide du sorcier pour se laisser glisser au pied de la table et rentrer au Village des Schtroumpfs.


*** 


Après un compte-rendu laconique, qui aurait sans aucun doute désespéré Jaskier, Geralt et les schtroumpf partagent un festin de graines, fruits, légumes et salsepareille. Un bien triste menu aux yeux de notre sorceleur, il faut bien l’avouer. D’ailleurs, l’absence de femmes (la Schtroumpfette ne semble pas intéressée) et pis encore, d’alcool, lui laissent un amer goût d’ennui. Il est plus que temps qu’il rentre chez lui et le Grand Schtroumpf l’a bien compris. Il lui tend un godet qu’il l’invite à vider d’un trait avant de s’allonger. Geralt obtempère et le charme opère.


***


– Geralt ! Oh ! Tu m’entends ?!

Une claque vigoureuse du nain s’abat sur la joue du sorceleur. Une seconde toute aussi enthousiaste s’apprête à atterrir mais Geralt l’intercepte en grognant. 

– Nom d’un Schtroumpf ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

– Nom de quoi ?

Jaskier, Zlotan, Regis et Ciri le regardent d’un air perplexe, voire inquiet.

– Qu’est-ce que vous avez à me Schtroumpfer comme ça ? Aidez-moi plutôt à me relever ! J’ai schtroumpfé un drôle de rêve…

– Visiblement. Je note : « le sorceleur ne supporta pas l’ingestion simultanée de liqueur de mandragore et de champignons délicatement préparés. Malgré ses mutations et ses multiples élixirs couramment employés, ces substances aux propriétés pourtant connues et étudiées eurent sur lui des effets parfaitement inescomptés. Elles entraînèrent perte d’équilibre et du sens commun avec apparition d’un vocable insensé : l’inénarrable et méconnu verbe schtroumpfer ». Voilà qui semble une bonne base pour une nouvelle ballade, conclut le barde.

Et c’est sur un éclat de rire goguenard que se termine cette histoire ! 


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