Le monstre de Caerbannog
Chapitre 1 : Le monstre de Caerbannog
1815 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 11/05/2021 21:23
Cette fanfiction participe au défi d’écriture du forum fanfictions.fr : « Le coup du lapin » (avril-mai 2021) ainsi qu’en deuxième chance au défi d’écriture du forum fanfiction.fr « Vous m’en direz temps » (février-mars 2021)
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Geralt regarde d’un air blasé les chevaliers qui galopent à pied devant lui, accompagnés par le tintement de noix de coco percutées en rythme par les écuyers qui les suivent. Il secoue la tête, l’air désabusé. Quand Ciri lui a annoncé qu’elle avait besoin de lui pour une mission de la plus haute importance, et qu’elle l’a ensuite téléporté dans ce futur, il ne s’attendait pas du tout à ce genre de mise en scène. Le pire c’est que ces gens semblent se prendre très au sérieux.
La forêt bruisse tout autour d’eux. La lumière semble vert vif tant les nuages dans le ciel sont sombres. Le sorceleur à la chevelure blanche comme le lait et au regard de chat regarde sa fille de cœur qui marche à ses côtés. Elle affiche cet air concentré qu’il lui connaît bien. Le silence s’étire, confortable, uniquement troublé par les noix de coco qui miment le son des sabots de chevaux. Il se décide à le rompre attirant sur lui les yeux émeraude de Ciri :
– Tu veux bien m’expliquer pourquoi tu m’as amené ici, avec ces… gens ?
– Ce ne sont pas n’importe qui, il s’agit de Galaad et Lancelot, deux chevaliers réputés du Roi Arthur qui restera célèbre dans les siècles à venir. Enfin, s’il survit à sa quête actuelle. Hors il s’avère que je ne connais que toi pour venir à bout du monstre de Caerbannog qu’il doit affronter pour la continuer. Il a déjà décimé cinquante de ses plus valeureux chevaliers…
– Je me demande ce que ça peut être pour que tu ne t’en sois pas chargée toi-même…
– À dire vrai je pourrais m’en occuper mais ça m’ennuierait de devoir me téléporter d’un bûcher. Ici les pécores passent leurs vies à hurler « Burn the witch! Burn the witch! » et à faire toute sorte d’expériences sur les femmes accusées de sorcellerie. Je ne sais pas comment sont montées leurs balances mais ils arrivent à faire croire que ces femmes sont moins lourdes que des plumes. Ils les plongent alors dans l’eau et si elles flottent comme un canard ils les brûlent sur un bûcher mais si elles se noient c’est que ce n’était pas des sorcières. Elles sont donc mortes mais lavées de tout soupçon. Enfin bref. Un monde de dégénérés passablement dangereux mais sur lesquels l’avenir repose.
– Hum, je vois. Et donc cette bête ?
– Crois-moi, tu n’en a jamais affrontée de pareille. Mais tu vas vite le voir. Nous arrivons.
Ils sortent de la forêt et traversent une étendue herbeuse légèrement vallonnée. Une petite bruine se met à tomber du ciel menaçant. Devant eux, les chevaliers marquent un temps d’arrêt pour leur désigner un amoncellement rocheux au pied d’une colline.
– That is there. King Arthur is waiting for you.
– Il dit que c’est là-bas et que le Roi Arthur nous attend.
– Vous ne venez pas ?
– Too dangerous! répondent-ils en faisant un demi-tour empressé, toujours suivis de leurs écuyers bruiteurs.
– Hem. Allons-y.
Geralt et Ciri marchent sans hâte. Ils rejoignent le Roi, reconnaissable à ses vêtements blancs ornementés d’une énorme croix dorée. Il porte une lourde couronne prolongée d’une protection de mailles dorées, elle aussi, couvrant sa nuque. Il se tient accroupi derrière des rochers et est accompagné de plusieurs chevaliers et d’un homme étrange. Ce dernier, tout de noir vêtu, arbore deux cornes de bélier sur sa capuche ajustée ainsi que des moustaches et une longue barbe noires et argentées. Tous regardent avec appréhension une grotte nichée sous la colline à une vingtaine de pas devant eux.
Tim The Enchanter toise Geralt, son bâton de magicien fièrement brandit. Il interpelle Ciri :
– Why do you get that old man? The rabbit will kill him like the others…
– Que dit-il ?
– Il te prend pour un faible vieillard pouffe Ciri qui répond aussitôt : He is the most powerfull man I know. You can trust him.
– Ok, we’ll see.
– Il a l’air dubitatif.
– Il l’est mais peu importe. Voilà la créature.
Geralt observe ce que Ciri lui désigne : à l’entrée de la grotte se trouve un minuscule lapin blanc au yeux rubis qui grignote en toute quiétude des herbes délicate. Il remue innocemment ses longues oreilles et fronce son petit nez dans une attitude absolument adorable.
Le sorceleur ne s’y trompe pas. L’absence de crainte du petit lagomorphe semble indiquer qu’aucune créature dangereuse n’est à proximité, ce que dément l’impressionnante quantité d’ossements et de cadavres au milieu desquels il broute. L’attention de Geralt s’attarde sur la dépouille fraîchement décapitée d’un chevalier en armure. Le sang encore frais tâche son plastron blanc d’une fleur écarlate.
– Qui était-ce ?
– Le chevalier Bors…
– C’est le lapin qui a fait ça ?
– Bien vu, lui répond-elle avec une œillade appuyée. L’enchanteur les avait prévenus mais ils n’ont rien voulu entendre. Il lui a bondi à la gorge immédiatement. Méfie-toi, il a une sacré détente.
– Je suppose que tu as envisagé une parade ?
– Je ne vais quand-même pas te mâcher le travail mais sache qu’il est diablement rapide. Pour ce que j’ai pu observer, il peut bondir jusqu’à hauteur d’homme sur plusieurs pieds de long.
– Je vois.
Geralt fouille dans sa sacoche à élixirs pour choisir celui qui convient pour la situation. Il opte pour le blizzard : il est assez désagréable à l’usage mais à l'intérêt non négligeable d'accélérer très nettement ses réflexes et sa vitesse. En contrepartie, tout semble se dérouler au ralenti dans un halo de lumière filée.
– Restez en sécurité, annonce-t-il en avalant la mixture cul sec.
Le groupe observe l’homme aux cheveux blancs et aux yeux étranges qui dégaine son sabre dans une note cristalline. Des runes se mettent à luire sur la lame bleutée. Il s’élance sans peur vers le terrible lapin qui essaie aussitôt de lui bondir à la gorge. Il semble voler autour de Geralt qui pirouette et tournoie pour l’éviter, plongeant dans une roulade pour essayer d’atteindre la vicieuse petite créature du tranchant de sa lame.
L’un et l’autre se meuvent bientôt avec une telle vélocité que la scène devient floue pour les spectateurs. Le petit animal évite tous les coups de Geralt qui tente alors de faire le signe de l’Aard, des pierres volent mais la créature est indemne. Un éboulis se forme. Opiniâtrement, le lapin continue d’attaquer sans relâche le sorceleur qui se retrouve condamné à parer et esquiver sans réussir à le toucher.
Une ouverture, la lame siffle. Geralt croit atteindre le monstre mais seule une touffe de poils tombe au sol. La bête pousse un cri effroyable en se jetant vers sa gorge, tentant de l’atteindre de sa gueule aux longues dents tranchantes et de ses griffes acérées. Le sorceleur tombe à la renverse et est contraint de lâcher son épée pour attraper au vol la boule pelucheuse qui essaie de Le toucher à la carotide.
La lutte est terrible. Geralt doit recourir à toute sa force et toute sa volonté pour empêcher le monstre de l’atteindre. Il est entraîné de droite et de gauche, tiraillé, repoussé. Il ne peut rien faire d’autre que de le maintenir à distance, tentant en vain de l'écraser entre ses mains puissantes.
– Par la peste, Ciri, un coup de main n s'rait pas d’refus ! appelle-t-il en se roulant sur le sol.
La lame de la fille chante et la tête du lapin tombe sur le visage du père qui peut enfin se relâcher, essoufflé. Allongé par terre, le vieux sorceleur maculé de sang de lapin éclate d’un rire tonitruant. Sa fille lui tend la main pour l’aider à se relever. Ses yeux verts pétillent de malice derrière ses cheveux gris souris. Elle laisse son père tendre le trophée, qu’il tient par les oreilles, au Roi Arthur puis les téléporte soudainement.
Tim The Enchanter, King Arthur et ses chevaliers restent interdits devant la tête de la terrifiante créature. Un grand sourire fend le visage du Roi qui voit sa quête du Graal reprendre. De leur côté, les chevaliers chuchotent et scandent entre eux « It was a witch, burn the witch! » mais leur souverain les fait taire d’un regard.
***
Dans leur domaine de Toussaint, profitant du soleil, Yennefer lève les yeux du livre qu’elle lit, confortablement installée sur un banc dans leur jardin. Elle lisse du plat de la main sa robe noire et blanche puis les toise son sorceleur et leur fille adoptive, qui viennent d’apparaître, d’un air faussement sévère :
– Où étiez-vous passés tous les deux ? Geralt, dans quel état t’es-tu encore mis ?!
Le vieil homme échange un regard complice avec la jeune fille et tous deux éclatent de rire. Il s’essuie le front d’un revers de main, étalant davantage le sang qui le macule déjà sous le regard aussi amusé que désapprobateur de son aimée.
– C’est ma faute, maman, j’avais besoin d’aide avec un lapin !
– Un lapin ?
Yennefer secoue ses longues boucles noires aux reflets plume de paon en souriant. Elle le connaît son sorceleur, toujours prêt à courir au devant des ennuis. Et Ciri n’est pas la dernière à l’y encourager.
– Vous me raconterez tout ça au dîner. En attendant filez vous laver. Non, pas de bisous monsieur l’ensanglanté ! File ! Un lapin… répète-t-elle amusée en replongeant dans son roman.