Les Mémoires d'une Barde
Face à cette porte close, je me tiens dans une confuse indécision.
La main sur la poignée, je prends une minute pour remettre de l’ordre dans mes pensées.
Kaléidoscope de senteurs, de couleurs,
Malstrom de sensations et de passion.
Un instant. En suspend. Puis, une inspiration.
Il est temps de déchirer le voile du passé.
Je pénètre encore une fois dans cette intimité tant de fois explorée.
Du bois sombre, des notes d’encens et d’ambre.
Des volumes centenaires et des notes griffonnées d’une plume légère.
Je t’entends, tu es là. Plongée une nouvelle fois dans des pages poussiéreuses.
Sereinement, je m’avance jusqu’à la porte entrouverte de ton cabinet de curiosité.
Tu es ici : nymphe sublime lovée dans un écrin d’éternité.
Ta tête dodeline délicatement.
D’une main tu soutiens ton menton, l’autre repose avec nonchalance sur le recueil précieux.
Le saphir de ton regard s’attarde sur quelque énigme d’encre et de papier…
L’astre flamboyant caresse le mordoré de ta chevelure qui cascade avec sensualité jusqu’à ta nuque.
Dans ta quête, tu as désordonné ton chignon d’une main paresseuse.
Etourdie et rêveuse, tu as laissé glisser ta tunique sur ton épaule dénudée.
Dans ton absolue concentration, tu as quitté les entraves à tes pieds.
Durant ton exploration, tu as échoué sur la méridienne pourpre où nous nous sommes si souvent aimés.
Je m’attarde, je grave en moi ce tableau si charmant.
Je retiens encore un instant, l’innocence de nos derniers moments.
La course effrénée du passé à rejoint le présent, révélant à mon esprit mis à nu, une histoire à reconquérir et des gens oubliés à chérir.
Toi qui a été mon tout, aujourd’hui je suis venu te faire mes adieux silencieux…
Je me détourne de toi. Tu chuchotes mon nom avec tant de douleur dans la voix.
Je m’arrête, le temps d’un battement.
Tu sais. Douloureuse, tu te résignes.
En moi résonne l’écho des mots que tu ne prononces pas.
Dans un dernier claquement sourd, la porte se referme sur notre fugace élan d’amour.
Tu as empli le vide et chassé les ombres de mon passé éteint.
Je tracerai mon présent et embrasserai mon nouvel horizon lointain…
Le Chuchoteur