Mon aventure avec le Sorceleur

Chapitre 3 : L'évasion

3116 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 14/12/2020 14:58

Chapitre 3 : L'évasion


Je m'éveillai aux premiers rayons du soleil. Lui était toujours endormi et j'eus le loisir de contempler son visage serein, incapable que j'étais de me dégager de son étreinte. Je murmurai son nom à son oreille pour le tirer, en douceur, du sommeil. Il m'offrit un sourire éclatant en ouvrant les yeux puis pris un air sérieux.


-Il est temps de nous pencher sur notre évasion. Commençons déjà par voir ce que nous avons sous la main.

-Bonne idée. Nous étions tellement occupés que nous n'avons même pas pensé à jeter un œil a ce coffre! Réalisai-je en me cognant le front de la paume de la main.


Il fallait s'y attendre, le coffre en question était verrouillé. Il en fallait plus pour arrêter Geralt qui parvint à casser la serrure à l'aide de la cuillère en bois, qui rendit l'âme par la même occasion, nous offrant une arme de fortune. Le coffre contenait uniquement des vêtements. Geralt trouva des braies à peu près à sa taille bien qu'un peu courtes. Les hauts étaient clairement trop étroits ce qui lui donnait un air franchement cocasse tant il y semblait engoncé, le nombril à l'air.


-Bon, ben je laisse tomber le haut. Mieux vaut être torse nu qu'entravé dans mes mouvements.

-J'avoue que ce n'est pas pour me déplaire. Comment est-ce que tu vois les choses? D'ailleurs qui nous retient ici et qu'est-ce qu'ils veulent de toi?

-Qui ? Des gens qui se croient importants et qui prétendent me faire faire leurs sales besognes. Ils ont profité que je sois affaibli après avoir lutté contre une strige pour essayer de m'imposer une mission dont je ne voulais pas. Comme tu as pu voir ils se sont contenté des soins sommaires pour m'enfermer ici. A croire qu'il n'y a que la couture qu'ils sachent faire. C'est une chance que je ne me sois pas chopé une infection par dessus le marché. Certes les mutations que j'ai subi me rendent résistant mais je ne suis pas invincible.

-Ce n'est peut-être pas un hasard s'ils m'ont interceptée pendant ma cueillette de plantes médicinales alors... Depuis qu'il y a la guerre, j'ai tendance à éviter les lieux peuplés pour me tenir loin de ce genre d'ennuis, ceci dit je ne refuse jamais mon aide à qui en a besoin. Ils ont dû en avoir vent...

-Probablement... Désolé que tu te sois retrouvée ici à cause de moi et merci pour ton aide. Veux-tu me montrer le baume avec lequel tu m'as soigné ?


Je lui montrai le contenu de mon sac de toile, les plantes que j'avais récoltées, les quelques baumes et onguents que j'avais sous la main. Ma serpe m'avait été confisquée lors de ma capture, cela me contrariait beaucoup : elle faisait partie de mon héritage familial. Comme la connaissance des plantes et de leurs vertues, elle se transmettait de mère en fille depuis des générations. Peut-être ne pourrais-je jamais la transmettre à mon tour à ma propre fille. L'angoisse m'ettreignit : ma famille était-elle en sécurité ?


Avec mon mari, nous avions convenu que si nous devions être séparés nous nous rendrions dans un refuge secret au cœur de la forêt Brokilone : une de mes aïeules avait contribué à la protection d'un groupe de Dryades et avait acquis un statut particulier auprès de ce peuple, libre d'aller et venir entre la forêt et les territoires humains. Elles lui avaient offert la précieuse serpe que ces soudards m'avaient confisquée et transmis un chant d'amitié ancien, signe de reconnaissance, que nous nous étions également transmis de mère en fille. Cela faisait longtemps que notre famille n'avait pas été en contact avec les Dryades et j'espérais que cette amitié transgénérationnelle serait encore présente dans leurs mémoires. Mon mari connaissait l'histoire et j'avais transmis ce chant à ma fille dès son plus jeune âge. Si son père restait en retrait cela devrait bien se passer. Restait à convaincre Geralt de m'y accompagner : sans lui il me serait difficile d'arriver saine et sauve à destination. Il perçut mon inquiétude :


-Tu t'inquiètes pour tes proches ? Nous allons faire ce qu'il faut pour que tu les retrouves. 


Je hochai la tête en lui tendant un récipient.


-C'est ce baume que j'ai utilisé pour toi. Il contient du miel, de la consoude, du millepertuis, du calendula et de l'essence de clou de girofle, entre autres. Une recette de famille. D'ailleurs, si ça ne t'ennuie pas j'aimerais jeter un oeil à l'évolution.


Il s'assit docilement sur le lit et me laissa ôter les bandages au niveau du thorax. Je fus agréablement surprise par l'état de la cicatrisation. Les sutures apparaissaient à présent comme de longues boursouflures rougies, les lèvres des plaies étant quasiment soudées. Cela restait un peu chaud au toucher, témoin de l'inflammation mais il ne semblait pas y avoir d'infection. Je murmurai pour moi-même :


-Je n'ai jamais vu personne cicatriser aussi vite, puis lui demandai, est-ce très douloureux ?

-J'en ai connu d'autres, ça ira. 


Je remis néanmoins une couche de baume avant de rebander :


-D'ici quelques jours nous pourrons enlever ces fils.


J'examinai à présent la blessure à la cuisse dont la cicatrisation semblait moins rapide. Le Sorceleur tressaillit sous mes doigts :


-Une strige dis-tu? Ce n'est pas passé loin de l'artère fémorale... A moins qu'elle ne visait ta virilité ? Cette blessure risque de te ralentir.


J'enduisis généreusement de baume avant de serrer fermement la bande. Geralt crispa les mâchoires et rajusta ses braies. Je repris :


- Pour en revenir à notre affaire, soyons clairs, je ne suis pas une guerrière... Je connais quelques moyens de défense mais me sais incapable de causer la mort. Je ne suis même pas sûre que je saurais faire couler le sang de quelqu'un. Par contre j'ai la ferme intention de survivre.

-Je me charge de faire couler le sang si nécessaire. Peut-être pourrais-tu faire diversion ? Au moins le temps de réduire au silence ceux qui viendront, histoire qu'ils n'ameutent pas le reste du camp.

-Je ferai le mieux que je peux. En attendant je vais avoir besoin de ton aide pour adapter ma tenue. Je ne veux pas me retrouver empêtrée dans cette robe. Est-ce que tu veux bien la déchirer ici et là ? lui demandai-je en désignant la face externe de chacune de mes jambes.


Geralt s'agenouilla pour faire un accroc dans le tissu à l'aide de ses dents puis étira le tissus jusqu'à ce qu'il se déchire... bien plus haut que ce que j'avais escompté ! Il répéta l'opération de l'autre côté avec le même enthousiasme. Oui, j'allais être libre de mes mouvements mais chacun serait également libre de voir la totalité de mes jambes et d'apercevoir mes dessous ! Quel embarras !


-Oups, fit-il faussement confus. Il me fit un clin d'oeil coquin et ajouta : Diversion! en élargissant mon décolleté par la même occasion. 


Cela me contraria franchement être réduite à faire ainsi étalage de mon corps ! Il allait donc être nécessaire que je trouve également des vêtements et rien ne semblait convenable dans ce fichu coffre! Non seulement tout était beaucoup trop long mais en plus impossible de faire tenir ma générosité dans un de ces hauts.


Nous avions les grande lignes de notre stratégie. Geralt se remit dans le lit et feignit d'être toujours solidement lié, je le couvrit bien-sûr du drap pour dissimuler ses vêtements. Nous avions pris toutes les précautions possibles. Geralt avait sur lui notre arme de fortune, puisque je me croyais incapable de verser le sang. J'avais réuni dans mon sac de toile mes quelques affaires et ce qu'il restait de chiffons propres, cela pouvait toujours servir. J'y avais également glissé une paire de braies pour moi, même trop grandes elles pourraient s'avérer utiles. J'essayais de tromper l'angoisse qui montait en moi en me répétant notre plan et en listant à nouveau le contenu de mon sac. Mon cœur battait à tout rompre et je me sentais trembler comme une feuille. Je me forçais à respirer lentement. 


-Reste calme et tout ira bien, me souffla Geralt. Tu fais diversion et je nous protège.


Les pas résonnèrent dans le couloir, la serrure fût déverrouillée et les mêmes soudards que la veille entrèrent. Enfin, le plus petit, large d'épaules entra et le second, plus grand et massif resta dehors. J'avais croisé mes bras sur ma poitrine pour cacher le décolleté déchiré. Il n'était pas encore temps. Le petit, barbu et balafré m'apostropha en me positionnant au visage :


-Alors la guérisseuse, il est opérationnel ou pas encore ? Il te reste six heures devant toi, le commandant l'attend pour une mission très spéciale ! D'ailleurs nous aussi on t'attend pour ta récompense très spéciale également ! On est nombreux à t'attendre ! Je frissonnai de dégoût quand il me caressa la joue en disant cela.

-Comment ça une récompense spéciale ?! Tout ce que je veux c'est rentrer chez moi ! Quant à lui je fais ce que je peux. Où est-ce que vous avez appris à suturer sans nettoyer ?!

-Par les temps qui courent c'est déjà une belle récompense de pouvoir rester en un seul morceau ! reprit-il de plus belle en passant sa langue sur ses lèvres, Allez bon appétit ! Cria-t-il en jetant le plateau par terre. 


Il fit demi-tour pour quitter la pièce puis se ravisa, se dirigeant brusquement vers le lit où Geralt faisait semblant d'être inconscient et ligoté. Je vis le soudard porter la main à son arme, prêt à dégainer. Je poussais un cri d'alarme :


-Geralt attention ! 


Le Sorceleur aux réflexes aiguisés avait déjà réagi, saisissant l'homme par le col de son vêtement, il lui asséna un coup de tête magistral en plein sur le nez et lui prit son arme dans le même mouvement. Le deuxième homme avait bondit dans la pièce à mon cri, prêt à se battre lui aussi. Il fallait que je sorte de là pour ne pas finir en otage ou autre dommage collatéral.


-Aidez-moi! Lui criais-je au visage ouvrant grand les bras pour laisser voir mon décolleté plongeant. 


Je profitai de sa surprise pour plonger entre ses jambes et filer par la porte restée ouverte, non sans l'avoir gratifié d'un bon coup de mon sac dans les parties sensibles au passage. Voilà au moins un avantage à ma petite taille songeai-je en fermant prestement la porte derrière moi le temps que Geralt finisse le travail.


J'étais dans le couloir sombre, le coeur battant, surveillant les alentours, guettant les sons de pas, tout en gardant une oreille à l'intérieur de la pièce. Le silence vint très rapidement. Geralt ouvrit la porte et me fit entrer. 


-Change-toi, me dit-il en me lançant les vêtements du petit râblé qu'il avait déshabillé. Lui même portait la tenue du plus grand sans pouvoir en fermer la veste.


J'abandonnai avec soulagement ma robe indécente. Les braies étaient un peu moins longues que celles du coffre, je pu les ajuster pour ne pas marcher dessus. Geralt me découpa de grandes bandes de tissu dans les autres pour que je puisse en faire une ceinture pour tenir les braies et un haut de fortune pour contenir et dissimuler ma poitrine que la veste, trop étroite ne pouvait couvrir. Je me sentais déjà plus à l'aise. Geralt me tendit un poignard. Bien que réticente à l'idée de m'en servir, je le glissai dans ma ceinture de fortune, repris mon sac et nous quittâmes la pièce a la recherche de nos affaires et de la liberté.


Nous nous déplaçâmes en silence dans les couloirs sombres. Je le suivais comme son ombre, comptant sur ses sens, bien plus aiguisés que les miens, pour nous protéger. Nous traversâmes ainsi le bâtiment sans trop d'encombres, Geralt ayant discrètement réduit au silence les rares soudards que nous avions croisé. Où donc étaient tous les autres ? Peut-être en train de s'entraîner ?


Était-ce la chance, le hasard ou la Destinée mais le fait est que nous trouvâmes nos effets personnels dans une pièce sans surveillance. La porte était ouverte et c'est l'éclat métallique de sa lame qui attira l'attention de Geralt. Sa veste cloutée avait un peu souffert de sa rencontre avec la strige, il se débarrassa cependant avec soulagement de la veste trop étroite qu'il avait sur le dos, enfila son pantalon de cuir et enfin ses bottes. Avec soupir de satisfaction, Il installa son glaive dans son dos et en vérifia la bonne position. Ainsi rééquipé, nous étions sur le point de repartir quand je vis ma précieuse serpe sur un meuble dans un coin de la pièce. Un élan de gratitude me traversa en la glissant à ma ceinture au côté du poignard. 


Nous étions proches de la sortie quand je humai des odeurs de nourriture. La cuisine devait être proche. J'adressais un regard à Geralt qui hocha la tête : il avait senti lui aussi. Nous suivîmes le fumet jusqu'à la cuisine. La porte était entrebâillée. Un coup d'œil à l'intérieur laissa voir un cuisinier, seul et très affairé, nous tournant le dos. Je me faufilai comme une petite souris tandis que Geralt couvrait mes arrières depuis l'extérieur. Je me déplaçai de manière à ne pas dépasser des meubles, tendant juste la main pour m'emparer des aliments repérés : une belle miche de pain, quelques saucissons, des pommes et du fromage que je glissai successivement dans mon sac de toile. Je trouvai aussi une outre pansue que j'emportai également. Je ressortis avec mon butin, un sourire triomphale sur les lèvres. Il me fit un clin d'œil. Les choses jusque là se déroulaient bien, probablement trop bien...


Restait à présent à quitter les lieux. Toutes les fenêtres étaient pourvues de barreaux ce qui ne nous laissait pas d'autre choix que de passer par l'entrée principale. Nous arrivâmes devant la porte : le calme régnait de l'autre côté, trop calme. Nous traversâmes la cour vide. Mon coeur battait à tout rompre et je sentais la sueur froide glisser le long de mon dos. J'avais un très mauvais pressentiment. 


Ils étaient à la sortie de la cour. Ils nous attendaient. Le commandant pris la parole, toute sa troupe derrière lui, prête à agir.


-Je n'en attendais pas moins de toi Sorceleur. Je sais que tu n'es pas de ceux qui se soumettent facilement. J'ai pris un risque en t'envoyant cette guérisseuse donc j'ai couverts mes arrières à ce que tu vois.

-Je vois. Répondit laconiquement Geralt en portant la main à son épée et en modulant un drôle de sifflement avec ses lèvres. Jusqu'ici je me suis contenté d'assommer tes hommes mais si tu tiens à verser le sang, allons-y. Laisses-la juste partir avant. 


Le commandant ricana.


-Toujours aussi naïf à ce que je vois. Je ne comprends pas pourquoi tu refuses de t'occuper de ce monstre. C'est pourtant ton travail, Sorceleur. Et dans cette situation c'est clairement le moindre mal. Allez, sois raisonnable.

-Je ne crois pas au moindre mal. Le Mal c'est le Mal qu'il soit petit, moyen, ou incommensurable. Je ne souhaite pas prendre partie dans cette affaire.

-Tant pis pour toi alors. 


En parallèle de cet échange j'eus la surprise de voir apparaître au galop un cheval harnaché, sans cavalier. Les soudards étaient trop occupés à guetter l'ordre de leur commandant pour l'avoir remarqué, d'autant plus qu'il arrivait dans leur dos et sur un terrain souple qui amortissait le son de ses sabots. Ils le découvrirent trop tard, au moment où il déboula derrière eux, les bousculant brutalement. Les moins chanceux furent piétinés. D'autres tombèrent et il régna un moment de confusion que Geralt mit à profit en me lançant littéralement sur l'animal à qui il donna un coup du plat de l'épée sur la croupe en criant "Fonce Ablette!"


Je me réceptionnai comme je pus, saisissant les rênes avec empressement et m'agrippant au pommeau de la selle pour n'être pas désarçonnée. La jument avait un galop souple et puissant. Elle m'entraîna à bonne distance du combat que je pus observer, fébrile et anxieuse depuis des hauteurs.


Geralt était entouré par les soudards. Je le voyais parer, feinter, pirouetter et défendre chèrement sa vie. Les archers ne pouvaient heureusement pas tirer sur le Sorceleur en pleine danse macabre sans risquer d'abattre un de leurs hommes. Les soudards tombaient les uns après les autres mais le combat était inégal. Je réalisai qu'ils étaient trop nombreux : tôt ou tard il serait inévitablement submergé.


Je n'y tins plus. Talonnant la jument je décidai d'aller le chercher. Je fonçai dans le tas brandissant l'épée que j'avais trouvée attachée à la selle. Faisant corps avec l'animal, je criai de toutes mes forces, un cri suraiguë presque insupportable pour mes propres oreilles. Les soudards se désorganisèrent à nouveau sous l'effet de la surprise. J'en blessai certains au passage. Je sentais la lame tranchante comme un rasoir tailler les chairs et heurter les os au hasard. Le sang giclait sur moi rendant l'arme glissante. Je la serrais de toutes mes forces. J'essayais de ne rien voir et de ne tout simplement pas penser. 


Geralt bondit derrière moi dès qu'il en eut l'occasion et, me reprenant sa deuxième épée, continua de nous défendre pendant que je guidais la jument vers la liberté. Les archers tentèrent de nous atteindre mais Geralt dévia les traits. Bientôt nous fûmes tout à fait hors de portée. Je tremblais de tous mes membres, nauséeuse. En me penchant pour vomir, je manquai de tomber de la jument. Seule la poigne de Geralt m'évita la chute. 


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