Elfe des Ténèbres
Lylwing est tellement inquiète qu'elle n’entend pas le nain qui lui parle. C’est Aragorn qui la tire de ses pensées.
- Houhou, jeune fille… lui dit-il pour la faire réagir.
- Oui? répond Lylwing en sortant soudain de sa transe.
- Je t’ai posé une question, fait le nain. Ça t’arrive de pleurer? Parce que je t’ai bien vue, quand on s’était arrêtés. Tu n’as pas lâché une seule larme. Même celui-là, ajoute-t-il en désignant Legolas, il a eu les yeux humides.
Lylwing hausse les épaules sans répondre.
- Je le savais! crie le nain, soudain en colère. Tu as quelque chose à cacher, hein? Tu n’es pas normale. Inutile de nier, ajoute-t-il en la voyant ouvrir la bouche pour protester. Il y a quelque chose qui cloche, chez toi.
Lylwing ne répond pas et se contente de regarder devant elle. Boromir reprend, sur un ton lui aussi soupçonneux.
- C’est vrai que je n’ai jamais entendu parler d’un elfe qui ait peur du vide… et encore moins d’une elfe ayant peur des forêts…
- Ce qui m’étonne, intervient Aragorn, c’est qu’elle se soit retrouvée seule et loin de chez elle, visiblement. Les elfes sont peut être un peu étranges, mais très protecteurs envers leurs enfants. Pourquoi une jeune fille comme toi aurait-elle été envoyée seule à travers des terres dangereuses?
Lylwing se met à trembler. “Ça y est…”, pense-t-elle. “Ils vont tout deviner…”
- Je… je vous ai dit que… bafouille-t-elle. Je ne me souviens de rien avant l’attaque des orques…
- Et pourtant tu te souviens bien de l’attaque, répond le nain. Tu devrais te souvenir, si quelqu'un avait voyagé avec toi?
- Tu mens… intervient Merry. Même si tu n’étais pas en forme quand Legolas t’as ramenée, tu aurais dû te souvenir de ça…
- D’ailleurs cette histoire de poison me trotte dans la tête depuis un bon bout de temps, reprend Aragorn. Je ne pense pas que Gandalf se soit trompé. Tu nous caches quelque chose, Gimli a raison.
- Et la neige au col, ne l’oubliez pas! rajoute Boromir. Ce n’était pas Gandalf, et aussi vrai que l’Anneau est puissant, il n’aurait jamais pu faire ça. Je pense que c’est toi qui a stoppé la neige!
- Je…
- Qui es-tu? demande Frodon. Tu n’es pas juste une elfe arrivée par hasard sur notre route. Il y a autre chose.
- Arrêtez! intervient Legolas. Je crois à son histoire, même si certains détails peuvent être obscurs. Qu’elle nous cache des choses, c’est une chose, que vous l’accusiez à tors, c’en est une autre! Elle est bien trop frêle pour lancer des sorts comme celui du col, et c’est tout à fait possible qu’elle ait peur du vide!
- C’est à cause d’elle que Gandalf est mort, dit Gimli en appuyant chacun de ses mots. Si elle n’avait pas été là, il serait encore vivant, car on aurait réussi à sortir plus tôt!
- Même en admettant que cette… gamine soit aussi innocente qu’elle le prétend, poursuit Boromir, c’est un fardeau pour nous. Nous n’aurions jamais dû la prendre avec nous.
- Je reconnais qu’elle nous a un peu ralentis, admet Legolas, mais…
Lylwing sent les larmes lui monter aux yeux. Alors comme ça, elle les gêne? S’ils savaient… ils seraient terrifiés. Mais les mots de Legolas résonnent en boucle dans sa tête… ils refusent donc de l’accepter… elle s’enfuit en courant vers la forêt, en ignorant les voix dans sa tête. Elle entend Legolas l’appeler, mais continue à courir droit devant elle sans s’arrêter. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive. Elle se sent… trahie. Legolas ne pensait sûrement pas à mal, mais ses mots ont été pour elle comme un coup de poignard. Ce qui la fait enrager. Pourquoi est-ce qu’elle se met à pleurer comme ça ? Elle a pourtant été habituée à un tel traitement! Elle aurait dû s’y attendre… Elle revoit l’image de son rêve, l’arc bandé de Legolas pointé sur elle… Sauron avait raison, il la tuerait s’il savait la vérité…
Autour d’elle la forêt se fait plus dense. Elle entend au loin les membres de la Communauté l’appeler, surtout Legolas. Ses appels sont plus inquiets que ceux des autres. Et le son de ses pas se rapproche d’elle. Elle finit par s’arrêter en pleurant au pied d'un arbre… et hurle de surprise devant la flèche pointée sur elle. Aussitôt, elle entend des pas se rapprocher et se stopper net derrière elle.
- Qui êtes vous ? demande l’archer elfe qui menace la jeune fille. Que venez vous faire ici?
- Vous le savez bien, fait Aragorn.
- Dame Galadriel vous a vus approcher. Elle vous attend. Mais si vous voulez entrer, il faudra que le nain ait les yeux bandés.
- Hors de question! crie Gimli. Ou alors, eux aussi, ajoute-t-il en désignant Legolas et Lylwing.
- Nous partagerons tous son sort et irons les yeux bandés, décide Aragorn.
Les elfes leur bandent les yeux. Lylwing a un léger mouvement de recul quand l’un des soldats s’approche d’elle, mais finit par se laisser faire. Ils sont dirigés à travers la forêt. Les elfes les guident de manière à leur faire éviter les branches ou les racines. Quelques minutes plus tard, ils arrivent sur un sentier visiblement plus praticable. Au bout d’un moment, ils s’arrêtent et les elfes leur enlèvent les bandeaux. Lylwing est éblouie par ce qu’elle voit. La forêt est si belle… puis elle voit apparaître deux elfes, un homme et une femme. La femme est magnifique. Tous deux ont l’air très âgés et sages.
- Dame Galadriel, Seigneur Celeborn, dit leur guide, Haldir, en s’inclinant. Voici la Communauté de l’Anneau.
- Bienvenue, dit Galadriel.
Elle tourne la tête vers Lylwing. Cette dernière sursaute quand elle entend la voix de l’elfe dans sa tête: “tu viens de loin, jeune elfe, et ton origine est bien obscure…” .Puis elle s’adresse au reste de la communauté :
- Vous resterez le temps qu’il vous faudra pour vous remettre de vos épreuves. Vous dormirez en sécurité cette nuit.
Tous s’en vont dans une direction différente. Lylwing grimpe haut dans les arbres et disparaît jusqu'à la tombée de la nuit. Elle ne fait pas attention aux autres. En fait, dès qu’elle pose sa tête contre une branche de l’arbre, elle s’endort.
Quand elle se réveille, elle entend immédiatement la voix de Galadriel. Elle a l’impression qu’elle l’appelle. Elle descend de l’arbre en souplesse, puis se dirige vers une clairière où se trouve un bassin d’argent. Galadriel est assise sur un banc et chante doucement. Lylwing n’ose pas s’approcher davantage. Quand la Dame l’aperçoit, elle lui fait un sourire et l’invite à la rejoindre. La jeune fille hésite, puis s’avance. Quand elle arrive à son niveau, Galadriel lui dit:
- Viens t’asseoir, jeune elfe. Ça fait longtemps que nous n’avons plus vu d’enfants de ton âge dans nos forêts…
Lylwing obéit et s’assoit près de Galadriel. Cette dernière lui dit:
- Je sais d’où tu viens, Mormegil.
La jeune fille frissonne. Comment connaît-elle son vrai nom?
- N’aie pas peur. Je sais ce que Sauron t’a dit. Nous sommes tes ennemis, d’après lui. Mais écoute ton cœur, Lylwing. Il te mènera à la vérité.
La jeune elfe ne répond pas.
- Je ne dois pas… chucote-t-elle. Ils vont s’énerver, et je risque les ennuis… je vais les décevoir…
- Que penses-tu de la Terre du Milieu ? Comment trouves-tu nos terres et nos forêts?
- Je… je ne sais pas…
- Crois tu vraiment que tout cela doive disparaître, comme le veut ton maître?
- Heu…
- Penses-tu vraiment que tous ces gens, autour de toi, méritent la mort? Que le monde soit dirigé par ces ignobles orques?
Lylwing baisse la tête. Elle ne sait plus quoi penser…
- Réfléchis à tout ça. Et sache que la Communauté de l’Anneau t'emmènera avec elle. Tu ne peux pas rester éternellement ici. Sauron te chercherait et je ne peux me permettre de mettre mon peuple en danger. À toi de choisir qui tu serviras. Mais sache que Sauron est maléfique, et qu’il ne tiendra jamais ses promesses.
Sur ce, Galadriel se lève.
- Passe une bonne nuit, Arëalia.
Elle effleure son front du bout des lèvres. La jeune fille est complètement perdue. Mais le plus impressionnant, c’est que le nom que lui a donné Galadriel lui rappelle quelque chose. Plus surprenant encore, lorsque l’elfe l’a embrassée sur le front, la jeune fille a vu des images dans sa tête… tout était flou, mais la réalité des images la fige sur place. Elle voit des visages troubles, entend résonner des voix cristallines près d’elle… puis tout est remplacé par une image unique: un oeil rouge brillant, comme fait de flammes. L’oeil de Sauron. Lylwing secoue la tête. Quand elle se redresse, Galadriel a disparu. Le soleil se lève au loin. A-t-elle rêvé ? Elle n’en a pas l’impression…
Quelques jours plus tard, la Communauté se prépare à reprendre la route. Tous ont un peu grogné en apprenant que Lylwing allait rester avec eux, sauf Legolas qui semblait un peu inquiet à l’idée qu’elle affronte de nouveaux dangers. Avant de partir, Galadriel leur remet à chacun un cadeau: Aragorn reçoit un fourreau uniquement conçu pour Anduril. Il est d’une beauté à couper le souffle. Boromir reçoit une ceinture d’or, Merry et Pippin une ceinture d’argent à la boucle en forme de fleur en or. Legolas, quand à lui, reçoit un arc des Galadhrim, avec un carquois et des flèches. Quand à Gimli, la Dame de Lórien ignore quoi lui offrir.
- Il m’a suffi d'avoir vu la Dame des Galadhrim, répond simplement le nain.
Mais, devant l'insistance de la reine, il finit par avouer qu'il souhaiterait trois de ses cheveux d'or, qu'il ferait monter sur une gemme blanche en hommage à son amitié avec elle. Puis elle appelle Frodon et lui dit:
- Pour vous, j’ai préparé ceci.
Elle lui tend une fiole blanche, qui étincelle comme une étoile.
- J’y ai capté la lumière d’Aërendil. Elle vous guidera dans les plus profondes ténèbres.
Enfin, elle s’adresse à Lylwing. La jeune fille s’approche timidement. Galadriel lui dit:
- Sache que tu seras éternellement accueillie comme une des nôtres parmi les peuples elfiques. Et j’espère que ceci te sera utile.
Elle lui tend une petite boîte blanche. Lylwing l’ouvre et pousse une exclamation de surprise. Un collier d’argent repose dans la boîte. À la chaîne fine et pourtant solide pend une fleur composée de milliers de petites gemmes brillantes comme de petites étoiles. Au centre de la fleur, un minuscule saphir orné d’un cercle d’or ressemble à une goutte d’eau posée sur la fleur.
- Ce collier a été forgé pour toi il y a longtemps, Lylwing. Il te protègera et te guidera tout le temps que tu le porteras.
Galadriel l’accroche au cou de la jeune fille, sonnée par la beauté du cadeau que lui fait la Dame de Lórien. Sa voix résonne dans sa tête:” puisses-tu choisir le bon allié, Arëalia.” la jeune fille lève la tête. Galadriel lui sourit et lui tend une petite dague ornée de motifs floraux.
- Je pense que tu en auras besoin. Utilise la à bon escient.
Lylwing sent des larmes lui monter aux yeux. Elle murmure un merci ému, ce qui fait sourire Galadriel.
- Puisse tu trouver ce que tu cherches, fille des forêts.
Elle l’embrasse sur le front, comme si elle lui donnait sa bénédiction, puis dit au groupe:
- Que les étoiles vous guident. Puissiez-vous détruire le mal qui se répand dans le monde.
Ils montent à bord de bateaux elfiques, et s’éloignent lentement sur la rivière…