Un Peuple Oublié

Chapitre 31 : Chapitre 30 _ Reveil Difficile

3314 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/06/2020 16:21

Reprenant soudain conscience, Naé était complètement sonnée.

Avant même de réussir à ouvrir les yeux, l'odeur si particulière et en même temps si réconfortante de l'elfe lui piqua le nez.

Elle sourit, et, petit à petit ses yeux s'ouvrirent. Elle ignorait complètement combien de temps elle avait dormi, mais elle était à présent seule.

Doucement, elle se redressa.

Sortant de la couverture, elle remarqua d'abord ses bras, et toutes les cicatrices qu'ils portaient.

Cela était sans doute signe qu'elle n'avait pas dormi trop longtemps, sinon tout ceci se serait effacé.

Elle porta ensuite sa main dans le bas de son dos, et le simple fait d'effleurer sa plaie lui arracha une grimace.

Encore plus doucement, elle essaya de mettre ses pieds au sol. Le fait de se mettre debout lui valut une douleur dans toute la colonne vertébrale, qu'elle calma par un juron. Découvrant qu'elle était nue, elle pensa tout de suite que Legolas l'avait ainsi déshabillée pour son propre confort, et cela lui arracha un sourire idiot.

Elle se rapprocha de la glace salie et brisée qui demeurait dans un coin de la pièce, afin de voir la cicatrice qui lui barrait le dos.

Et ce qu'elle vit lui arracha une grimace.

Elle avait à présent tant maigri qu'on devinait clairement ses cotes, sous une peau blafarde, traversée de croûte et de coupure. Ses cheveux, évidemment, étaient très sales, et encore tachés de sang par endroit. Elle puait à réveiller un mort, et elle regretta le doux parfum qui l'avait réveillée. Ses cuisses lui parurent minuscules, elle ne s'était jamais vue en si piteux état. Elle se tourna, et vit que la chair de son dos était toujours à vif, légèrement rosie par endroit.

-Vous voila réveillée.


La voix d'Eowyn la surprit, et elle se retourna vers l'embrasure de la porte.

-Certains pensaient que cela n'arriverait jamais, continua-t-elle, avec un sourire triste.

Naé ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit.

-Venez avec moi, il faut vous lavez. Vous aurez déjà meilleure mine.

L'elleth s'apprêtait à la suivre bêtement, quand la jeune femme s'approcha du lit, et retira le drap pour en habiller l'elleth, qui avait, semblait-il, oubliée qu'elle était nue.


En silence, elles traversèrent une petite partie du château, et ce qui choqua Naé fut le silence. Pas celui qui régnait entre elles, non. Celui dans lequel semblait plongé les couloirs. Il y aurait du y avoir du bruit, celui des blessés, celui des gardes, celui de la vie. Mais il n'y avait rien.

Pénétrant dans les cuisines, les rares femmes qui étaient là s'écartaient sur leur passage, jusqu'à ce qu'elles arrivent devant la grosse cheminée, où était posée une grosse bassine, remplit d'eau.

-Je vais vous chercher des vêtements propres.


Sur ce, la jeune femme tourna les talons, et disparut dans les couloirs de pierre. Naé resta un instant immobile, comme sonnée, puis défit le drap qui l'entourait. Doucement, elle mit une jambe dans l'eau, puis la deuxième, jusqu'à s'y asseoir complètement. L'eau était tiède, sans doute avait-elle déjà dû servir une fois, mais cela lui remit les idées en place.

Pourquoi n'y avait-il pas de bruit ?

C'est comme si tout le château était au ralenti. Ou vide. Peut être y avait-il eu bien plus de morts que ce qu'elle pensait ?

Elle frottait sa peau, et ses cheveux, leurs faisant peu à peu retrouver leur couleur d'origine. Un peu de savon avait été déposé au sol, et elle s'en servit, jusqu'à ce que l'odeur de la mort s'en aille totalement.


-Tenez, c'est là tout ce que j'ai trouvé.

Eowyn lui rapporta une chemise légère, avec un nouveau pantalon de cuir et des bottes qui ne montaient pas vraiment haut.

Lorsque Naé se releva, et sortit de l'eau, la jeune femme grimaça.

-Attendez, votre plaie n'est pas très jolie.

Doucement, elle fit rasseoir l'elleth dans l'eau, et frotta délicatement son dos, pour ne pas lui faire mal.


Naé ressentit un profond sentiment de bienveillance, à se voir chouchouter de la sorte. Personne ne l'avait jamais aidé à se laver, et en même temps une impression d'impuissance vraiment dérangeante.

Une fois que son dos fût propre, elle l'aida à se relever, à se sécher, et même à s'habiller.

Elle n'eut d'autre choix que de laisser ses cheveux détachés, puisqu'elle n'avait rien pour les retenir.

Une fois que ce fût fait, Eowyn l'emmena jusqu'à la table de la cuisine, et lui dégota quelques restes qui pourraient bien lui remplir le ventre.

Elle avait l'air affamée.

Les minutes s'écoulèrent, silencieuses, tandis que l'elleth mangeait tout ce qui lui passait sous la main. Une fois qu'elle fut rassasiée, elle se releva.

-Je vous remercie, infiniment. Voulez vous m'accompagnez prendre l'air?

Celle ci acquiesça de la tête. Elle ne voulait pas annoncer les choses trop brutalement à Naé, mais il le faudrait tout de même. Il faudrait qu'elle lui parle de la guerre. De celle que les hommes étaient partis faire. Le silence de l'elleth l'avait surprise au début, puis elle se remémora son propre réveil, et son besoin de solitude face à l'horreur des images qui la hantaient.

Et puis la guerrière n'était pas idiote, elle devait avoir comprit que le château s'était vidé, sinon elle aurait demandé à voir ses compagnons...

Eowyn emmena celle qu'elle considérait à présent comme son amie, dehors. Sur la grande place au sommet de la cité, là d'où elle pourrait tout voir.


Le vent soufflait, comme pour les convaincre de retourner dans le couvert du château. Mais Naé au contraire apprécia ces rafales, comme pour lui rappeler qu'elle était en vie.

-Ils sont repartis, n'est-ce pas ?

Après de longues minutes, Eowyn fut surprise par sa voix.

-Réclamer justice, ou se battre contre ce qu'il reste de Ses armées, répondit-t-elle avec tristesse.

-Combien ?

-Tous les survivants en état de se battre.

L'elleth ne répondit pas tout de suite, mais la jeune femme vit bien le désespoir s'emparer d'elle. 

-Il faut que je les rejoigne.

-Vous n'êtes pas en état. La colère n'y changera rien, vous ne pourriez même pas porter votre armure.

Un court silence s'en suivit. Naé serrait les poings, et semblait réfléchir.

-Moi aussi, j'ai été en colère. Mais un autre travail vous attends ici.

Continuant à marcher, elles s'approchèrent du bord de la terrasse, et Naé put voir au-delà des murailles de la cité.

Partout des cadavres en décomposition empestaient l'air ambiant. Nombre d'oiseaux rongeaient le ciel, trop heureux de ce festin. Ils allaient se rassasier en poussant des piaillements de réjouissance. Et là, en contrebat, l'elleth put deviner quelques silhouettes hésitantes, qui semblaient creuser une énorme fosse commune.

En se décalant, elle vit que dans les murs de la cité, d'autres silhouettes s'activaient, à débarrasser les décombres des effondrements, à ranger le peu de choses qui pouvaient l’être, ou encore, dégager les corps qui pourrissaient les rues.


-Combien de temps ai-je dormi ? Demanda soudain l'elleth à son amie.

Surprise, celle ci mit quelques secondes à lui répondre.

-Lorsque le soleil se couchera, ce sera la septième fois depuis la guerre.

Naé ne répondit rien, elle resta muette, pensive. Comment se faisait-il que ses blessures n'aient pas mieux cicatrisé dans ce cas ?

Il était normal qu'elle ait toujours mal au dos, bien sur. Mais les quelques coupures sur ses bras auraient déjà dû avoir presque entièrement disparu.

Elle n'avait aucune idée du pourquoi, et après tout, cela lui parut dérisoire.

Le reste de la journée, la jeune femme préféra rester seule, et de toute façon Eowyn avait des occupations plus urgentes que sa petite personne.

Elle se rendit dans la cité, et contempla les dégâts vu d'en bas.

Par les Valars. Tellement de choses auraient besoin d'être reconstruites. Tellement de toits, tellement de murs, tellement de deuils. Les rares personnes qu'elle croisaient baissaient la tête sur son passage. Comme si elles avaient peur de la regarder dans les yeux. Tout le monde savait pertinemment qui elle était. Une elfe, cela n'est pas chose courante à la cité Blanche.


L'odeur de la tristesse était présente partout, et la peur régnait encore autours de quelques jeunes femmes.

La peur des image qu'elles avaient dans la tête sans doute.

Ou la peur qu'un blessé ne survive pas à ses blessures.

Ou celle encore de ne jamais revoir les hommes qui étaient partis chercher justice.

Celle la, l'elleth aurait presque pu dire qu'elle la partageait...

Elle aida comme elle le pu le reste de la journée. Déplaçant les cadavres dans les rues, pour aller les déposer à l'extérieur de la cité, près des tombes ou des fosses que creusaient les femmes les plus vaillantes. Son dos la brûlait chaque fois qu'elle se baissait, mais cela était préférable à ses yeux que de rester inoccupée, victime de ses propres pensées.

Les cadavres étaient lourds. Pas ceux des hommes non, mais ceux des monstres. Ceux des bêtes noirs, immenses, et toujours terrifiants.

La plupart des femmes ne voulaient pas les approcher, laissant ce travail à l'elleth, ou aux plus courageuses. Sans doute avaient-elles peur qu'ils ne se réveillent et les dévorent. Et on ne pouvait les blâmer, la violence de leur carnage était bien trop récente.



La journée passa ainsi, doucement. Et lorsqu'enfin le soleil se coucha, Naé remonta au château. Désireuse de ne croiser personne, elle alla piquer de quoi grignoter en cuisine, et s'installa dans un des jardins, à présent dévasté d'énormes pierres.

C'était une cour intérieure, et de grands arches la délimitaient. Elle trouva un banc resté intact pour s'asseoir, sous la lueur automnale de la lune qui montait. Doucement, elle s'allongea sur la pierre froide, et ferma les yeux, profitant de l'étreinte de la nuit.

Cela lui rappela la première nuit aux cotés de son amant, il n'y a pas si longtemps, lorsque cette même lueur éclairait son visage. Les traits du prince se dessinèrent dans son esprit, et elle ne put retenir un sourire.

Elle entendit alors des pas légers sur le sol de pierre, derrière elle. Elle se redressa d'un bond, ouvrant les yeux. Une silhouette passait discrètement son chemin, sous le couvert des arches, sans ne prêter aucune attention à l'elleth. Néanmoins, cette forme avait quelque chose de familier, comme un lointain souvenir, d'on ne sait plus d'où il vient. Et soudain, elle s'en souvint.

-Boromir ? Appela-t-elle, si doucement qu'elle n'était pas sur d'avoir réellement parlé.


Et pourtant, l'intéressé se retourna, et s'approcha d'elle, avec prudence. Avant même de voir son visage, elle sut qu'elle s'était trompée. Cette carrure était bien plus fine, et bien plus discrète que ne l' était son ancien compagnon.

Lorsque son visage fut découvert par la lumière de la lune, Naé retint son souffle.

Non, bien sur que ce n'était pas lui. Boromir était mort. Mais ce visage le lui rappelait tellement, sans pourtant vraiment lui ressembler.

L'homme, sembla aussi surprit qu'elle ne l'était elle même, mais malgré son étonnement, il s'approcha encore d'un pas, et retira sa capuche.

-Mon nom est Faramir. Il marqua une pause. Boromir était mon frère.

Naé le dévisagea, sans la moindre gêne.

-Je suis désolée, je ne sais pas ce qui en vous me l'a rappelé. Naé, finit-elle par se présenter en inclinant légèrement la tête.

Le jeune homme ne put cacher sa surprise. Il la dévisagea à son tour alors avec aplomb, comme s'il s'était attendu à ce qu'elle soit quelqu'un d'autre. Cela ne dura pourtant qu'un instant, mais elle n'avait pas envie d’être scruter de la sorte par d'aussi jolis yeux verts.

-Et je suis désolée, pour votre frère.

Étrangement, il lui sourit.

-Pipin m'a raconté de quelle façon vous avez essayé de le sauver. J'imagine que votre cicatrice vous le rappelle à chaque instant. Si vous me devez quelque chose, ce n'est certainement pas des excuses.

Ce que dégageait cet homme était tellement doux, tellement sincère, que l'elleth douta une seconde qu'il puisse être le frère de Boromir.

-Son coeur était bon. J'ai peu connu d'homme si courageux. Dit-elle en inclinant la tête par respect.

Ces mots arrachèrent un rire à Faramir.

-Courageux... il sembla réfléchir. Cela à toujours fait la fierté de notre père.

A la lumière qui s'éteignit dans ses yeux, elle comprit qu'il l'avait lui aussi perdu.

-Voulez vous vous asseoir? Essaya alors l'elleth, tentant de changer de sujet.

La encore, il sourit.

Il inclina simplement la tête, et doucement, ils s'assirent l'un à coté de l'autre, prenant quelques minutes pour admirer le ciel.

-J'ai toujours adoré la lumière des étoiles, commença-t-il. Elles apportent à la fois le réconfort à ceux qui en ont besoin,

-Mais aussi la solitude à ceux qui la cherchent.

-Ou l'humilité aux orgueilleux.

-Et quelques rêves aux rationnels.

Il sourit.

-Et vous qu'y cherchez vous ? Demanda-t-elle alors.

-Peut être un peu de tout ça à la fois.

Ce fut à son tour de rire, réfléchit un instant, et prit une grosse voix pleine de reproches, qui se rapprochait de celle de Gandalf.

-Celui qui ne sait pas ce qu'il cherche ne sait pas où il va.

Il rit, puis soupira.

-Et vous le savez vous ?

-Je n'en ai foutrement aucune idée ! S'écria-t-elle. Je suis vivante, et ce soir c'est là tout ce qui importe. J'étais tellement sur de mourir, ici. Que je n'ai pas vraiment prit le temps de faire des projets ...

Il sourit.

-Quoi ?

-Je commence à comprendre d'où vient l'estime que Dame Eowyn vous porte.

Elle fut touchée par toute la tendresse que contenait cette phrase.

-Je suis contente que vous vous en soyez fait une amie. C'est une jeune femme bien surprenante.

-Et son courage fera de merveilleuses chansons.

Elle se retourna vers lui, intriguée.

-Le nazgul, repondit-il simplement. Mais voyant qu'elle ne semblait pas comprendre, il lui demanda. Le roi sorcier d'Angmar. Vous n'êtes pas au courant ? Elle l'a tué.

Naé avala de travers, et manqua de s'étouffer. Non, ce n'était pas possible. Alors le jeune homme lui conta l'histoire, légèrement enjolivée qu'on lui avait raconté. Et Naé ne sut que dire.

-Une femme bien surprenante, n'est-ce pas, termina-t-il.

-Ce qui serait surprenant, serait qu'elle n'ait pas remarqué l'éclat dans vos yeux à son égard.

Il sourit avec douceur.

-Est-ce mal ?

-Bien sur que non ! Il semblerait que l'espoir soit même de nouveau permis, déclara-t-elle, comme si elle prenait seulement conscience de ses mots après les avoir prononcé.

-Alors quel est le votre ? Demanda-t-il timidement, mais après tout, elle savait suffisamment de chose sur lui pour quelle se confie au moins un peu.

Elle réfléchit quelques minutes, et la réponse vint naturellement.

-Que les hommes nous reviennent victorieux, avec la tête de Sauron.

Il releva la tête, et se perdit dans les étoiles.

-Cette sensation est insupportable n'est-ce pas ? Il marqua une courte pause. L'impuissance de n'avoir pu aller avec eux. D'être dans l'attente de l'issue d'une guerre à laquelle nous ne pouvons participer. Cela fait-il de nous des lâches ?

Elle sourit tristement.

-Il ne nous reste plus qu'à prier, diraient certains.

-Je ne crois plus en la prière. Si les Valars nous entendaient, beaucoup de chose auraient été différentes.

Cela arracha un nouvel éclat de rire à l'elleth. Provoquer les Valars devant une elfe, cet homme était décidément étonnant.

-Peut être en ont-ils simplement marre de rattraper nos bêtises.

Il sourit tristement, puis tous les deux se turent, perdus dans leurs pensées.


Le lendemain, et puis les jours suivant, se déroulèrent de la même manière.

Naé passait sa journée à s'occuper. S'occuper, et occuper son esprit, voilà tout ce qui l'importait.

Elle ne voulait pas avoir peur.

Elle ne le supportait plus.

Chaque fois qu'elle fermait les yeux, elle voyait les visages qu'elle aimait. Celui de Gimli, d'Aragorn, bien sur de Legolas, et puis certains autres. Celui d'Eomer lui revenait souvent. Les traits de Merry, ou de Pipin. Quelques fois ceux de Frodon, ou de Sam.

Elle savait que les souvenirs finissaient toujours par se tarir. Et que petit à petit, on en oubliait les détails. On oubliait les couleurs, les contrastes, les intensités.

Comme un linge que l'on a trop lavé.

Et cela, elle ne le voulait pas.

Alors elle s'empêchait de penser. Bien sur, le souvenir dont elle ne voulait pas se séparer était celui de l'elfe. Elle voulait pouvoir se le rappeler dans ses moindres détails. Elle voulait que ses traits lui reste gravés. Qu'ils continuent à la faire sourire, chaque fois qu'elle fermait les yeux...


Alors toutes ses journées, elle travaillait avec les autres, à nettoyer la cité. À réparer ce qui pouvait l'être.

Au début, son dos lui faisait mal à en pleurer, mais elle continuait. Et plus les jours passaient, plus la douleur semblait lointaine.

À surveiller la plaie, elle vit que même si c'était long, elle finissait par guérir. À un rythme bien trop lent, mais régulier.


Et tous les soirs, elle revenait sur ce banc. Admirant la lueur de la nuit.

Et Faramir venait lui tenir compagnie. Ils parlaient longuement. Et certains soir, ils ne parlaient pas du tout.

Des fois même, Eowyn se joignait à eux, et l'elleth apprenait à les connaître un peu plus.

Soir après soir, elle se rendait compte de ce qui les liait, sans évidement jamais en aborder le sujet. Parfois même, quand elle était d'assez bonne humeur, cela lui arrachait un sourire. Mais sa bonne humeur se faisait de plus en plus rare...

Souvent, Naé n'arrivait pas à dormir. Alors elle sortait.

Elle allait regarder l'arbre blanc qui se mourrait, et fixait l'horizon.

Espérant voir une silhouette, qui lui annoncerait l'arrivée des hommes.

Mais soir après soir, l'horizon demeurait vide.

Et bien souvent, elle dormait là. À même le sol, sous la lueur des étoiles, sentant le vent d'hiver qui s'approchait.

Cela apaisait son esprit, et lui rappelait toutes les nuits passées à veiller sur ses compagnons de route.

C'était comme une mélancolie malsaine, mêlée à un espoir fou et à son entêtement.

Plus les jours passaient, et plus elle se demandait ce qu'elle faisait toujours là.

A attendre.

Et tous les soirs, elle se disait « encore un soir ».

Mais le lendemain, l'horizon était vide.

Son impuissance se transformait en colère. Et elle en arrivait à tout remettre en question.

À se questionner sur les choses les plus élémentaires qui l'entouraient.

Voila qu'elle se mettait à penser maintenant, elle qui ne l'avait jamais vraiment fait.

Elle avait toujours suivit son intuition, sans vraiment se poser de question.

Et voila qu'elle en arrivait à se demander ce qui aurait pu arriver si ... « avec des si, on ne peut que refaire le monde » lui avait dit un jeune soldat convalescent un soir à la taverne, mais elle ne pouvait s'en empêcher.

Elle se martelait le crâne de choses de plus en plus absurdes, et le lendemain, l'horizon était toujours vide. 


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