L'elfe Noire et la Communauté de l'Anneau
Le soulagement envahit aussitôt la pièce. De joie, les trois Hobbits encore debout se sautèrent dans les bras en hurlant. Mithrandir, Glorfindel et l’homme, plus réservés, se contentèrent d’un sourire sincère. Eliana, elle aussi, était heureuse. Au fond d’elle-même, elle savait que ce qu’elle venait de faire avait totalement convaincu le seigneur Elrond de sa bonne foi. Mais elle était bien trop fatiguée pour esquisser ne serait-ce que l’ombre d’un sourire. Sans un mot, pensant que personne ne faisait attention à elle, elle se retira, sans remarquer que le regard de Mithrandir la suivait, ni que l’homme se lançait à sa poursuite. Une fois dehors, elle s’appuya contre une colonne et prit une grande goulée d’air frais. Elle n’avait plus aucune force et ses sens s’en trouvaient affectés. Sa vue était trouble et son ouïe était moins fine qu’à l’accoutumée. Aussi sursauta-t-elle brusquement lorsqu’une main se posa délicatement sur son bras.
« -Allez-vous bien ma dame ? Vous semblez exténuée.
-C’est vrai, mes forces m’ont abandonné. Je ne me sens pas capable de me mouvoir sans danger et mes sens sont altérés.
-Cela explique donc votre sursaut. Vous ne m’aviez pas entendu arriver. Laissez-moi vous aider à trouver un endroit où vous pourrez vous reposer. »
La princesse acquiesça sans se donner la peine de répondre. Prenant le bras que l’homme lui tendait, elle commença à marcher, le suivant. Il l’a mena jusqu’à un petit banc de pierre, l’aida à s’asseoir, avant de se poser à côté d’elle. La jeune elfe avait bien senti que l’humain était dévoré par la curiosité, depuis qu’il l’avait vu dans la chambre. Elle ne dit rien, attendant qu’il commence, ce qui ne tarda pas.
« -Je voulais vous remercier d’avoir sauvé mon ami. Le seigneur Elrond m’a expliqué que vous étiez notre dernier espoir. Grâce à vous Frodon est sorti du mal qui le rongeait.
-Je n’ai fait que ce qu’il me fallait faire. Le seigneur Elrond avait vu juste. La magie des Nazguls est ancienne et puissante. Rares sont les magies elfiques qui peuvent encore combattre et soigner leurs dommages.
-Mais vous l’avez fait. Qui est donc la personne qui se cache sous cette cape elfique ? Etes-vous vous-même une elfe ?
-J’en suis une, c’est exact. Mais je ne peux ici montrer mon visage à loisir. L’histoire de mon peuple est trop ancrée dans les mémoires des habitants de la vallée d’Imladris pour qu’elle puisse ne serait-ce qu’être prononcée ici. Et vous, seigneur ? Qui êtes-vous ? De toute mon existence, j’ai rarement croisé un humain maniant aussi bien l’elfique.
-Une elfe au pouvoir ancestral vivant cachée… Voilà qui est étrange, vous en conviendrez. Je suis un simple humain, qui a été élevé en grande partie parmi les elfes de Fondcombe, et qui a vécu avec eux. De temps à autre, je pars rôder dans la Terre du Milieu, en quête d’informations sur ce qui se prépare en Mordor.
-Et dois-je vous appeler Grand Pas ou Estel ? Bien que je me doute qu’en réalité, vous ne portez aucun des deux.»
L’homme la regarda, un peu étonné. Cette personne était décidément pleine de surprises. Il se promit de questionner les seigneurs Elrond ou Glorfindel à la première occasion, vu qu’elle ne semblait pas décidée à répondre à ses questions. Voyant qu’elle attendait la sienne, il répondit avec un demi-sourire
«-Grand Pas est le nom que m’ont donné les Hobbits lorsque je les ai rencontré à Bree. Estel est celui que les elfes m’ont donné lors de mon arrivée ici.
-Un nom signifiant « Espoir », cela veut tout dire n’est-ce pas ?
-J’ignore ce que vous voulez dire, ma dame. »
Eliana n’insista pas. Après tout, c’était son droit de ne pas lui donner son vrai nom. Ils ne se connaissaient pas. Elle-même avait refusé de lui dire qui elle était.
Le silence régna quelques instants. Les deux êtres étaient plongés dans leurs pensées. Ils étaient totalement immobiles. Ce ne fut que lorsque des pas se firent entendre qu’ils relevèrent la tête. Les trois Hobbits approchaient, suivit par Mithrandir. Ils semblaient quelque peu intimidés, et même un peu méfiants face à cette personne qu’ils voyaient mais sur laquelle ils ne pouvaient pas mettre de visage. Un geste rassurant de Gandalf les incita à s’approcher plus près. La princesse les regarda faire, sans bouger. Pour la première fois de sa très longue existence, elle regretta de devoir porter cette cape, qui était un rempart pour tous ceux qui tentaient de l’approcher. Elle n’avait jamais vraiment eu d’amis et n’en n’avait jamais ressenti le besoin. Pourtant, là, elle se tendait en sentant l’hésitation des semi-hommes. Quels jugements allaient-ils porter sur elle ? Fuiraient-ils ? Ou au contraire, verraient-ils en elle une bête de foire, comme tant d’êtres humains l’avaient fait avant eux ?
«-Ne craignez rien, Eliana. Les semis-hommes sont en général inoffensifs. Ceux-là ne vous veulent pas le moindre mal et sont, au contraire, plus intimidés par vous que vous par eux.
-Alors c’est vrai ? Je veux dire, vous êtes une elfe ? Vous comprenez l’elfique ?
-Oui maître Hobbit. Je suis une elfe et je parle elfique aussi bien que le langage des Hommes.
-Mais pourquoi portez-vous… Aie Merry !
-Excusez mon cousin, ma dame. Il a coutume de poser des questions gênantes.
-Ce n’est pas grave, maître Hobbit. J’ai l’habitude ne vous inquiétez pas. Comment va votre ami Frodon ?
-Il se repose. Gandalf et Elrond ont dit qu’il serait sur pied d’ici quelques jours.
-Tout va pour le mieux alors. Je crois que je vais faire comme lui et partir me reposer. Le soigner m’a épuisé. Mithrandir m’accompagnez-vous ?
-Bien sûr mon enfant. »
La princesse prit le bras que le magicien lui tendait galamment. Elle était consciente que son départ pouvait être vu comme une fuite, mais elle était réellement fatiguée. Mithrandir marchait doucement à ses côtés, la reconduisant à ses appartements.
« -Que vous a dit A… Estel ?
-Il était curieux. Ma cape l’intrigue. Il va sûrement chercher à connaître mon identité. Mais j’ai la sensation que lui aussi cache une part de mystère qu’il n’a pas l’air de vouloir dévoiler.
-Ne vous inquiétez pas, je pense que ni le seigneur Elrond, ni le seigneur Glorfindel ne dévoileront quelque chose vous concernant. »
La Nimrôl hocha la tête. Elle fit mine de ne pas avoir remarqué que le vieil Istari avait hésité sur le nom à donner à l’homme et qu’il ne répondait pas non plus à la question qu’elle avait sous-entendue. Le reste de la marche se fit en silence. Mais ce n’était pas gênant. Il s’agissait d’un de ces instants où être avec l’autre en silence est simplement un moyen d’être plus proche de lui. Ils arrivèrent devant la chambre de la jeune elfe au bout de quelques minutes. Alors que Mithrandir allait la laisser se reposer, un elfe travaillant avec le seigneur Elrond arriva. Il s’inclina devant eux comme il l’aurait fait pour deux personnes importantes, et Eliana supposa que c’était ce qu’ils étaient.
« Mithrandir, ma dame. Le seigneur Elrond m’envoie vous dire que les délégations du Gondor, du royaume des nains et du royaume de la Forêt Noire arriveront dans les jours qui viennent. Par ailleurs, mon seigneur souhaite tenir un conseil dès que tous seront là. Vous y êtes tous deux conviés. »