Ada & Newt

Ça fait maintenant deux semaines qu’on a mis en place les soirées de lecture. De plus en plus de blocards y assistent et ça me fait vraiment plaisir. Depuis que je fais ça, l’ambiance est plus posée à la Ferme le soir. Avant, les garçons se chamaillaient ou discutaient jusque tard dans la nuit et surtout certains faisaient des cauchemars. A présent ils se couchent dès la fin de mon histoire et il y a beaucoup moins de réveils nocturnes. Je suis fière de savoir que j’aide les blocards à surmonter l’angoisse que notre emprisonnement créé. En journée, je soigne les corps, et le soir, je soigne l’esprit. C’est ce que m’a dit Jeff un jour. Je suis en train de ranger notre stock quand Clint me fait signe de venir le voir.

-         Ada, j'ai besoin que tu apportes de la pommade à Newt, s'il te plaît.

Il me tend un pot et je grimace. Depuis la dernière fois qu’on s’est vu, le sarcleur ne m'a plus parlé, sauf pour s'exprimer par monosyllabe et avec froideur. Je l'ai parfois surpris à me regarder de manière indéchiffrable et j'ai fait en sorte de le croiser le moins possible pour ne pas avoir à supporter son humeur bizarrement lunatique en ma présence.

-         Je suis obligée ?

-         Ada ! Jeff est occupé et je dois finir l'inventaire. Donc oui, tu es obligée.

Je me résigne à y aller et Clint ajoute :

-         Ah ! Et assure-toi qu'il l'utilise, s'il te plaît. Il a tendance à oublier le pot dans un coin si on ne le lui dit pas.

Je lève les yeux au ciel. Pourquoi se donner la peine de dire « s'il te plaît » si c'est pour ne pas me laisser le choix de toute façon. J'arrive près de la hutte de Newt quand j'entends des bruits de hache. Je contourne le bâtiment et le trouve en train de couper du bois. En me voyant, il suspend son geste et me fixe, surpris :

-         Qu'est-ce que tu veux ?

Son ton est cassant, comme d'habitude. Je ne comprends vraiment pas ce qu'il a contre moi, surtout qu’il est gentil avec tous les autres. Je lui montre le pot. Il attrape une buche et me lance, sans me regarder :

-         J’en ai pas besoin !

-         Clint dit que si et qui suis-je pour remettre en question ses ordres ?

-         Parce que tu obéis aux ordres toi maintenant ?

C'est vrai que je n’aime pas quand on me donne des ordres. C’est d’ailleurs la raison principale de la plupart de nos disputes. Je ne me laisse pas démonter et le fixe avec détermination. Il semble agacé :

-         Tu ne vas pas me lâcher tant que je ne l'aurai pas récupéré c'est ça ?

Je lui souris avec insolence.

-         Je dirais même mieux : je ne te lâcherai pas tant que je ne t'aurai pas vu l'utiliser.

Il lâche sa hache avec humeur et se dirige vers sa hutte. Je le suis, plutôt contente de l'avoir énervé. Il commence à déboutonner son pantalon quand il s'arrête pour me fixer :

-         Tu comptes me mater encore longtemps ?

Je me retourne, entre la gêne et l'agacement. J'ai même l'impression de l'entendre rire.

 ___

Newt émet un petit rire satisfait. Elle semble bien décidée à l'emmerder, alors il ne va pas se priver de lui rendre la pareille. Et s’il arrive à la faire rougir, c’est bonus. Elle est mignonne quand elle rougit. Il s'assoit sur sa couchette et pose un drap sur le haut de ses jambes pour cacher son caleçon pudiquement.

-         C’est bon, tu peux te retourner.

Elle lui lance un regard méfiant avant de lui faire face et de lui tendre le pot de crème. Il l’ouvre sans ménagement et en applique une grosse quantité sur sa cicatrice avant de lui lancer un regard contrit.

-         Voilà, tu es contente ?

 ___

Je le regarde avec exaspération.

-         Tu m'expliques l'intérêt d'en mettre autant ? Et puis tu vas pas la laisser comme ça j'espère : il faut masser ta jambe pour faire absorber la crème, sinon ça sert à rien.

Il ne fait aucun effort alors je décide d'intervenir. Je m'assois au pied de son lit et pose sa jambe sur mes genoux avec autorité. Je commence à masser son mollet, le long de sa cicatrice. Je suis medjack, je ne fais que mon boulot.

-         C'est pas bien compliqué, tu vois ?

Il tourne la tête avec une moue presque boudeuse. Un vrai bébé ! Néanmoins, après quelques secondes, je le sens se détendre et l'atmosphère se fait moins pesante. J'ose alors une question indiscrète qui me trotte dans la tête depuis notre rencontre :

-         Comment tu t'es fait ça ?

Il ne dit rien et je me demande s’il compte me répondre.

-         Je me suis cassé la jambe dans le Labyrinthe.

Je le regarde, surprise. Il est allongé sur le dos, les yeux au plafond.

-         Je croyais que seuls les coureurs avaient le droit d'y entrer.

-         J'en suis un... enfin, je l'étais.

Le silence s'installe entre nous pendant que je fais pénétrer la crème. Je laisse mes pensées vagabonder jusqu'à ce que je ne sente plus la substance sous mes doigts. Alors je m'arrête et le regarde. Il a fermé les yeux et semble dormir. Bizarrement, comme ça, il est plutôt craquant.

 ___

Newt ouvre les yeux et se rassit, déçu que le massage soit déjà fini. Il ose un regard vers Ada et la surprend en train de le fixer d'une manière troublante.

-         Merci... Ada.

C'est la première fois qu'il l'appelle par son prénom. Elle détourne le regard et quitte la pièce sans un mot, laissant une drôle d'atmosphère derrière elle. Ce n'est après son départ que Newt se rend compte que ce massage lui a fait plus d'effet qu'il ne voudrait bien l'avouer. Mort de honte, il prie pour qu'elle ne se soit rendu compte de rien.