Le Royaume d'Orodreth
CHAPITRE 2
Sur la route au nord de la Lórien, l'étalon galopait à vive allure, évitant les obstacles présents sur son passage. Sur son dos, Mina se cramponnait à sa crinière de toutes ses forces. Plus elle approchait d'Orodreth, plus son cœur s'emballait : elle redoutait ce qu'elle allait trouver là-bas mais en même temps, elle ressentait de l'impatience et voulait savoir. En cent soixante et onze ans, la végétation avait repoussé, faisant disparaître toute trace du carnage causé par Smaug. Plus un tronc ou buisson n'était calciné, la nature avait repris ses droits et dissimulait presque le chemin principal qui menait à la cité d'Orodreth. Lorsqu'elle franchit la frontière de son royaume, elle fit ralentir sa monture pour continuer de progresser au pas. L'immense arche de pierre qui marquait l'entrée était presque entièrement recouverte de lierre et de ronces, mais on pouvait apercevoir, par endroits, les marques noires d’un incendie encore discernables sur les pierres. En son sommet l'emblème du royaume sculpté à même la pierre, était ébréché et presque invisible. Lorsqu'il franchit l'arche, le cheval piaffa nerveusement.
— Calme-toi… doucement, le rassura-t-elle, en accompagnant ses mots d'une caresse sur son encolure.
La nervosité du cheval la décida à continuer à pied. Le laissant brouter au niveau de l’arche, elle s’avançait déjà dans la cité. Malgré l’envahissement par les plantes, elle remarquait les stigmates du ravage : les pierres de tous les bâtiments étaient noircies, brûlées par le feu de Smaug, ceux qui n'avaient pas brûlé avaient été détruits et les gravats se trouvaient un peu partout dans les allées. C'était déjà très émouvant de voir l'étendue des dégâts causés au niveau de l'architecture mais ça n'allait pas aller en s'arrangeant.
Elle continua, jusqu'à arriver sur la grande place entièrement dévastée, couverte de débris et également d'ossements calcinés. L'émotion était trop forte et cette fois, elle ne put retenir les larmes qui commençaient à couler sur son visage. Elle avança au milieu de ce cimetière à ciel ouvert, parmi les squelettes d'elfes, de chevaux et de dragons, tous tombés sous la force de Smaug. Elle fit glisser ses doigts sur le crâne d'un dragon jusqu'au niveau de sa nuque brisée net mais ce n'était pas le seul. Smaug les avait tous tués en leur brisant les vertèbres.
—Smaug je te maudis... chuchota-t-elle entre ses larmes.
Tout autour d'elle, ce n'était que mort et désolation. Maintenant les événements lui revenaient en mémoire, elle se souvenait de ce qui s'était passé. Si ce royaume réussissait à renaître de ses cendres, ce serait un miracle. Elle se laissa tomber à genoux pour pleurer librement .Ce n'était pas dans ses habitudes de se laisser aller. Elle avait bien sûr déjà perdu des hommes au combat mais là, c'était totalement différent. Pleurer ainsi lui permettait d'évacuer sa peine, ça lui faisait du bien.Elle ne sut pas combien de temps elle était restée ainsi, mais elle avait dû y passer de longues minutes car un bruit attira son attention derrière elle. Il s'agissait de Celeborn, Haldir ainsi que cinq autres gardes qui venaient s'assurer qu'elle allait bien. Celeborn s'approcha d'elle et posa ses mains sur ses épaules.
— Mina, ne restez pas là...
Elle ne répondit pas mais elle coopéra quand il l'aida à se relever.
— Rentrons, ajouta-t-il.
— Oui, mais avant je veux vérifier une chose, répondit-elle.
Elle se dégagea doucement des bras de Celeborn pour se diriger vers les restes d’un bâtiment circulaire, enfin plutôt ce qu'il en restait. Le toit avait été littéralement éventré. Mina contourna tout un pan de mur pour accéder à l'entrée de ce qui était jadis la nursery : abritant les œufs de chaque couple de dragon. Celeborn fit signe à Haldir de rester vigilant, on ne savait jamais ce qui pouvait se trouver dans les parages, puis il marcha dans les traces de Mina.
Il la retrouva près des supports qui servaient de nid et dont la plupart avait été démolis. Quant aux œufs qui s’y trouvaient, leurs coquilles écrasées jonchaient le sol au milieu des débris de poutres, de tuiles et de pierres.
— Il n'en reste pas un... constata-t-elle en poussant des fragments de coquilles du pied.
— Ce n'est pas bon de rester ici... insista Celeborn. Venez !
La reine des lieux accepta de le suivre pour revenir sur la place. Là, elle stoppa et observa l'abomination qui s'offrait à ses yeux : tous ses dragons avaient été tués dans ce périmètre, sûrement en essayant de protéger les œufs. Elle remarqua pourtant une chose qui lui redonna du baume au cœur. Parmi les cadavres, elle ne comptait que dix-huit squelettes de dragons. Smaug s'étant enfuit ça faisait dix-neuf mais le royaume abritait en tout vingt dragons et il manquait le corps de l'un d'eux. Peut-être un possible survivant?
— Mina, qu’avez-vous ? s'inquiéta Celeborn en la voyant stoïque.
— Il... il manque un dragon, balbutia-elle.
— Oui Smaug ! acquiesça le seigneur de la Lórien.
— Non, non, Orodreth abritait vingt dragons, Smaug s'est enfui, il devrait y avoir dix-neuf squelettes mais je n'en compte que dix-huit, expliqua-t-elle en désignant les ossements.
Vu leur taille, c'était facile de les compter, Celeborn revérifia à deux reprises et en effet, il n'y avait que dix-huit corps.
— Vous pensez que l'un d'eux s'est échappé?
— Je suppose et je me permets de l'espérer, répondit-elle.
Celeborn décela une lueur d'espoir dans les yeux de la reine. En effet, si un dragon avait vraiment survécu au massacre, le royaume d'Orodreth n'était pas totalement perdu. Ce lieu avait toujours été synonyme de dragons. Quand les gens parlaient de dragons, ils pensaient directement à Orodreth et à la reine Mina Lùinwë qui suscitait l'admiration pour son habileté à dresser et contrôler ces monstres du ciel.
— Je vais partir à sa recherche, déclara-t-elle d'un ton déterminé.
— Si tel est votre souhait, vous aurez le soutien de la Lothlórien, approuva Celeborn. Pour le moment, rentrons.
— Vous pensez que je peux récupérer quelque chose ? dit-elle en se tournant vers la cité tourmentée.
— Après l'attaque, mes gardes ont collecté ce qui pouvait l'être. Nous avons tout stocké dans le pavillon nord, répondit Celeborn.
D'un signe de tête, elle acquiesça et se résigna à suivre Celeborn. Les gardes de la Lórien les attendaient patiemment, l'un tenait le cheval de Celeborn et Haldir se chargeait de celui de Mina. En le récupérant, elle remercia le chef des gardes avec un signe de tête, avant de avant de remonter en selle.
Le chemin de retour en Lórien se fit dans le silence. Mina était plongée dans ses pensées. Maintenant, son but était de retrouver Smaug, de le tuer et ensuite de retrouver le dragon qui avait survécu. Elle souhaitait éliminer Smaug avant le retour du dragon survivant, sinon il aurait pu vouloir terminer ce qu'il avait commencé il y avait cent soixante et onze ans.
Arrivés en Lórien, c'est Celeborn lui même qui la conduisit jusqu'au pavillon nord, pendant qu'Haldir s'occupait des chevaux. Le seigneur des lieux tenait à lui montrer ce qui avait été récupéré en Orodreth. Le pavillon était grand, même trop pour une seule personne mais Mina n'allait sûrement pas se plaindre, elle était consciente de la chance qu'elle avait que ses amis de la Lothlòrien veuillent bien l’accueillir.
Le seigneur elfe la conduisit vers une porte se trouvant tout au fond du pavillon et il l'ouvrit avant d'inviter la reine à entrer. A l'intérieur de la pièce, se trouvait tout ce qui avait pu être sauvé des flammes. Des armes, quelques armures, des bijoux, une grande tapisserie représentant Mina entourée par deux dragons et quelques babioles sans grande importance. Elle regarda attentivement chaque objet. C’était la tout ce qui restait de sa vie passée. En une nuit, tout avait été détruit, parti en fumée.
— Ceci n'est pas le principal, reprit Celeborn, suivez-moi.
Sans dire un mot, Mina obtempéra, curieuse de voir ce qu'il allait lui montrer. Ils marchèrent jusqu'à une pièce dont l'entrée était cachée par des voilages blanc et qui n'était autre que la chambre à coucher.
— Ouvrez l'armoire, l’encouragea-t-il.
Elle s'exécuta et dans cette somptueuse armoire de bois clair, elle reconnut quelques-unes de ses robes, son anneau de pouvoir : Nàpoldë. Son diadème et son armure avec ses armes : son épée, son arc et son carquois.
— Votre épée avait été endommagée pendant le combat, nos forgerons l'ont remise en état, dit doucement Celeborn alors qu’elle observait sa lame.
— Galadriel et vous faites tant pour moi… Je ne sais comment vous remercier.
— Nous avons conscience de votre gratitude, ne vous en faites pas. Nous faisons cela de bon cœur, répondit-il. Aussi faites-nous l'honneur de vous joindre à nous pour le dîner, ajouta-t-il.
— Avec plaisir, accepta-t-elle.
— Galadriel sera ravie. Je vais maintenant vous laisser vous installer. À ce soir, Mina.
— A ce soir, seigneur et merci.
Chacun se salua respectueusement puis Celeborn quitta le pavillon, laissant Mina seule avec ses souvenirs.
Mais elle avait un but, donc elle ne devait pas se laisser abattre par le poids des souvenirs et de la culpabilité. Dès ce soir, elle ferait part aux seigneurs de la Lórien de sa décision de partir, pour rejoindre la montagne solitaire et se confronter à Smaug. Son départ se ferait le plus vite possible, car si elle voulait pouvoir reconstruire Orodreth, il n'y avait pas de temps à perdre.
Déterminée, elle décrocha une robe dans l'armoire et passa dans la salle de bains pour arranger sa tenue. Elle retira celle qui lui avait été généreusement prêtée, mais avant de se changer, elle se glissa dans un bain chaud et relaxant. Le contact de l'eau avec sa peau eut pour effet de la détendre immédiatement et ce fut avec plaisir qu'elle y resta de longues minutes, en s'efforçant de ne penser à rien. Quand elle en sortit et après s'être séchée, elle enfila sa robe, ce qui était plus décent pour une reine. Elle s'affaira aussi à arranger sa coiffure : elle coiffa ses cheveux de devant en arrière qu'elle noua avant de les tresser en épi de blé. Ensuite, elle se fit deux fines tresses à partir de chaque tempe qui rejoignirent la tresse principale à l'arrière de son crâne. Sa coiffure étant plus respectable, elle l’habilla de son diadème en argent finement sculpté, d’où une petite goutte en saphir descendait sur son front en pointant vers la base de son nez. Elle était maintenant plus présentable pour tenir son rang. Dans la chambre, elle n'oublia pas de passer son anneau à sa main gauche. Maintenant qu'elle était prête, elle quitta son pavillon pour aller retrouver son cheval, que le chef des gardes avait conduit aux écuries. Il fallait qu'elle le nomme et elle savait exactement comment elle allait l'appeler.
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Merci à ma correctrice: OldGirlNoraArlani.