Un Vide de Vérité
Anna se laissait guider, son esprit bouillonnait de manière confuse. Elle suivait Metiger, mécaniquement tandis qu’ils avançaient dans un boyau de roche. Elle était tellement perturbée qu’elle n’avait même pas le temps d’avoir peur.
« J’ai des pouvoirs ?
-Oui.
-Et vous avez connu mes parents ?
-Oui.
-Et c’est vous qui m’avez déposé devant le château d’Arendelle.
-Oui. »
Jusque-là, elle faisait un sans-faute.
« Et mes parents ? Ils étaient comment ? Et mes pouvoirs ? Qu’est-ce que c’est ? Et pourquoi je ne les ai pas ? Ca pourrait expliquer le déséquilibre ? »
Metiger prit plusieurs inspirations pour tenter de répondre au milieu des questions, mais à quoi bon. Il attendit quelques secondes de silence pour être sûr que l’interrogatoire était terminé.
« Je répondrai à toutes vos questions sur vos parents plus tard, je ne connais pas vos pouvoirs, je les ai juste… dissimulés. Et ça doit expliquer la situation. J’espère.
-Vous espérez ? »
Ils pénétrèrent dans une immense salle voûtée, le plafond et les parois irrégulières montraient qu’elle avait été creusée naturellement, sans aide humaine. Il y circulait un léger courant d’air frais et une odeur de champignon humide. Instantanément, Anna s’y sentit bien. L’homme lui glissa une pierre plate et lisse dans la main.
« Tenez ça.
-Qu’allez-vous faire ?
-Rien de douloureux, je vous le promets.
-Que suis-je supposée faire ?
-Accepter. »
Si Metiger se mettait à parler comme Grand Pabbie, les conversations risquaient de devenir complexes. Elle sentit la main froide de l’homme sur son front et tout à coup, le monde autour d’elle s’effaça. Anna naviguait dans ses souvenirs, remontait le temps à une vitesse folle, les moments partagés avec Olaf, les chants, Kristoff… Le tourbillon accéléra encore et encore, son adolescence, son enfance, et il était là, le visage Metiger en beaucoup plus jeune qui se penchait sur elle, sur son regard un peu flou de nouveau née. Des picotements lui parcoururent le corps, une armée de fourmis qui piétinait chaque parcelle de peau, chaque muscle, jusqu’à la sensation de ses cheveux sur son crâne. Une énergie nouvelle qui affluait en elle, s’engouffrait comme un séisme puissant. Une seconde de calme suspendue dans l’air et tout explosa. Une onde magique déferla avec force, elle illumina les parois de la salle, éclaboussa la voûte d’un milliard d’étoile et ce qui n’était qu’une vaste salle vide, obscure et poussiéreuse sembla prendre vie. Le son d’une berceuse depuis longtemps oubliée monta en écho. Anna pleurait. Elle observa ses mains, incertaine. Elle avait vu Elsa manipuler la glace avec facilité tellement souvent. Et maintenant que c’était son tour, elle ne savait pas comment faire. D’un geste timide, elle fit naitre une fleur sur le sol aride.
« Oh ! »
Puis une seconde, une troisième et bientôt des centaines. Metiger observait le spectacle avec émerveillement.
« Vous êtes lié à l’esprit de la Terre. Vous êtes le 6ème esprit.
-Que dois-je faire ?
-Eohialan va vous guider. Je vais aider Elsa. »
Sous ses yeux, l’homme se transforma en loup et repartit dans le tunnel, la laissant seule avec ses incertitudes. Les souvenirs s’animèrent tout autour d’Anna sous forme de personnages de terre. On y voyait un homme tenant la main d’une jeune femme dans un paysage bucolique. Ils échangeaient quelques paroles anodines au cours desquelles elle put saisir leurs prénoms. L’homme s’appelait Kelu, et la femme Olavara. Ils avaient l’air simplement heureux, faisant des plans sur l’avenir. La scène se modifia, le couple avançait ensemble dans le village Skamjorder, main dans la main, elle, le ventre arrondi, lui, l’air fier comme un paon. Ils semblaient très heureux mais un peu à l’écart des autres habitants. Anna essuya quelques larmes, la ressemblance physique avec ses parents étaient évidentes, parce qu’il s’agissait de ses parents, elle en était certaine. Kelu de terre souriait, les voix résonnaient.
« Je suis sûr que c’est une fille.
-Comment peux-tu le savoir, bêta.
-Je le sens. Et elle sera magnifique, comme toi. »
Anna posa sa main à l’endroit où battait son cœur. Le village disparut, Olavara tenait maintenant un bébé tout contre elle.
« Bonjour Anna. Ton père avait raison, tu es une fille et tu es magnifique. » Kelu couvait la scène du regard. Il tendit un bouquet à sa femme, dont certaines plantes, encore en bourgeons. Elles s’épanouirent en fleurs sauvages magnifiques lorsque bébé Anna tendit la main vers elles.
La reine d’Arendelle était absorbée par toutes ces découvertes. Ses parents étaient debout, en pleine discussion. Olavara faisait les cents pas.
« Nous devrions rejoindre ton ancienne tribu. Tu penses qu’ils m’accepteraient ?
-Sans l’ombre d’un doute. Nous partirons demain. »
Une version bien plus jeune de Metiger fit irruption dans la scène.
« Jordand est au courant pour les pouvoirs de votre enfant, il va venir la chercher à la nuit tombée.
-Je ne le laisserai pas faire.
-Tu ne pourras pas lutter contre lui et ses hommes, Kelu, tu le sais bien.
-Alors qu’est-ce que tu proposes ?
-Confiez-la moi. Je vous promets de la mettre en lieu sûr. »
Olavara éclata en sanglot. Elle prit son enfant qui s’était réveillée et la berça tout contre elle, lui chantant une berceuse.
« Quand le vent frais
Vient danser
Le mont s’éveille
Pour ne pas oublier
Ferme les yeux si tu veux voir
Tes souvenirs et tes grands d’espoirs
Dans l'air du soir
Tendre et doux
La terre éclaire
Un chemin pour nous
Si tu plonges dans le passé
Attention de ne pas t’y retirer
Elle chante pour qui sait écouter
Cette chanson
Danse de la vie
Il faut, nos peurs, apprivoiser
Pour trouver
L’amour endormi
Quand la terre ferme vient trembler
Une maman rêve toute éveillée
Dors mon enfant, n'aie plus peur
Le passé reste au fond des cœurs »
Ses parents l’emmitouflèrent soigneusement dans un linge et la déposèrent dans un couffin. Olavara y joignit une simple note qu’elle déposa dans les plis de la couverture. Metiger leur adressa un signe de tête et se transforma en renne. Le panier dans sa gueule, il disparut, et avec lui, les souvenirs.
Anna avait toujours les yeux plein de larmes. Les esprits de l’air, de l’eau, du feu et de la terre volaient tout autour d’elle, ils s’alignèrent au sol en 4 cristaux, et elle prit place au centre. Une fois de plus, le temps se suspendit l’espace d’une seconde avant que tout n’explose en une myriade d’étoiles. Anna opéra sa mue, ses vêtements changèrent : sa cape pourpre s’orna d’un fermoir en métal, une spalière en cuir apparut sur son épaule gauche pour venir compléter un plastron finement orné d’arbres et de feuilles. Des brassards en cuir gravés avec le symbole de la terre se matérialisèrent sur ses avants bras, et pour venir parachever l’armure, des bottes à lacets jusque mi-mollet et une ceinture avec un tasset qu’elle portait sur la hanche droite et une épée.
« Wow… »
Anna rit doucement, c’est comme-ci on venait soudainement de lui ôter une chape de plomb.
Un peu plus loin, Metiger venait de débarquer au beau milieu d’un tourbillon de glace et d’ombre. Elsa et Jordand s’affrontaient avec véhémence, aucun ne semblait prendre le dessus sur l’autre, pour le moment. Chacun remplissait l’espace à arme égale, avançant les attaques, reculant sous les coups. Des pics de glace entourèrent Jordand qu’il fit voler en éclat, Elsa trancha les ombres qui s’approchaient d’elle d’un geste sec. Le sorcier exultait de rage.
« Vous êtes sur mes terres ! Vous n’avez aucune chance !
-Ces terres ne vous appartiennent pas !
-Il n’y aucune issue ! Vous ne pouvez pas sortir, j’ai encore d’autres gardes dehors. »
Elsa grogna de rage et dans un ultime effort, tapissa entièrement la pièce de glace jusqu’au plafond qui fut instantanément recouvert de milliers de stalactites. Jordand étouffa un cri de surprise lorsqu’elles se décrochèrent toutes en même temps, transperçant les ombres, les clouant au sol comme de vulgaires insectes et finirent par l’assommer lui-même. Elsa se retint à la paroi pour ne pas s’effondrer, épuisée et affaiblie.
« Anna… »
Sa vue se troubla, elle lutta contre l’évanouissement. Le combat l’avait privée de ses dernières forces et ce froid… Ce froid qui n’en finissait pas de la ronger de l’intérieur. Metiger bondit à ses côtés et reprit sa forme d’homme.
« Vous êtes fiévreuse.
-Où est ma sœur ?
-Elle a retrouvé ses pouvoirs, ce n’est qu’une question de minute avant qu’elle ne devienne le 6ème esprit. Tenez le coup. »
Il se releva et commença à fouiller dans les ingrédients et les potions à la recherche d’un remède qui pourrait aider Elsa. Des bruits de pas et de métaux se firent entendre à l’extérieur, les gardes dont Jordand avait parlé venaient sûrement d’atteindre leur destination.
« Je vais m’occuper d’eux, restez au calme, ce sera bientôt fini. »
L’ancienne reine observa le sorcier disparaitre sous sa forme de loup. Il bondit vers la sortie.
Elle se releva et emprunta le chemin qui menait vers le centre de la montagne, sa main parcourait la roche pour lui apporter le support dont elle avait besoin. Elle fut frappée par une onde de choc magique qui la jeta au sol, inconsciente pour de bon.