Un Vide de Vérité

Chapitre 6 : L'aide Northuldras

2948 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/09/2020 23:54

Elsa caressa le museau de Nokk qui réagit en agitant sa crinière. Elle réajusta le sac qu’elle portait en bandoulière.


« Tu reviens bientôt ? »


Elle se tourna pour faire face à la mine inquiète de sa cadette et prit sa main dans la sienne.


« Oui, c’est promis.

-J’aurai préféré être avec toi pour lire les carnets de papa.

-Moi aussi mais… Il faut bien que je fasse traduire ceux de notre mère. »


Se faisant, elle tapota le sac qu’elle portait à la hanche. Elle salua Kristoff, Sven et Olaf, fit un dernier câlin à Anna avant de chevaucher Nokk et de s’élancer en pleine mer comme s’il s’agissait d’une simple plaine.


Elsa respira à plein poumon l’air iodé, un sentiment sauvage de liberté s’empara d’elle. Elle lança Nokk au galop, que cette course effrénée ne s’arrête jamais et se mit à rire d’une joie simple, seule, au milieu de l’étendue d’eau. Elsa remonta rapidement le cours du fleuve et dépassa le barrage maintenant effondré. Un géant de pierre lui offrit un pont impromptu de son bras, elle le salua d’un sourire. Devant elle la forêt s’étendait maintenant à perte de vue, des feuilles rouges et dorées avaient envahis les arbres. Courant d’air vint la saluer, comme un défi à faire la course, il virevolta devant elle, tourna autour des troncs et fila à tout allure sur l’horizon. Elsa lança Nokk à sa poursuite dans un éclat de rire. Elle bondit par-dessus le bras de la rivière et dévala la pente légère. Le village Northuldra était sur sa gauche mais Elsa ne lui accorda même pas un regard, elle avait tout à coup besoin de s’échapper, besoin de liberté, d’oublier tout son passé pour ne se préoccuper que du vent dans ses cheveux détachés. L’air froid de l’automne glissait sur elle, insensible à sa fraicheur, Nokk déployait toute sa puissance pour rattraper Courant d’air, mais ici, sur la terre ferme, il ne pouvait pas donner le meilleur de lui-même. Elsa lui flatta l’encolure pour l’encourager, ils lui avaient manqué, chacun des 4 esprits. Elle se sentait entière en leur compagnie. Tout comme elle se sentait parfaitement à sa place lorsqu’elle était avec sa sœur.


Nokk hennit de frustration lorsqu’il s’arrêta brutalement à quelques mètres d’une falaise qui tombait abruptement. Courant d’air sifflotait de victoire, tourbillonnant dans les airs comme pour mieux le narguer. Elsa rit doucement et mit pieds à terre. Elle guida le cheval jusqu’ à la rivière qu’elle entendait toute proche et le regarda disparaitre. Non, elle n’avait pas besoin de dormir à la belle étoile, mais jamais elle n’avait été aussi proche de la nature et de la forêt que depuis qu’elle était devenue le 5ème esprit. Même après 1 an, elle avait encore un peu de mal à s’ajuster à son nouveau rôle. Faire le lien entre les hommes et les esprits n’était pas toujours chose aisée. D’aucun lui attribuait souvent des pouvoirs qu’elle n’avait pas. Heureusement, ce n’était pas le cas des Northuldra qui avaient toujours vécu en harmonie avec les esprits de la nature. Yéléna le lui répétait souvent : « Quand la nature parle, nous l’écoutons ». Et c’était curieusement, aussi simple que ça. Le peuple d’Arendelle en revanche avait encore beaucoup de méfiance vis-à-vis des esprits de la forêt, des années de mensonges ne s’effaçaient pas si facilement et même si Elsa avait pu stopper l’immense vague qui menaçait le château, certains continuaient d’y voir une attaque des esprits contre le royaume. Nouer des liens entre les deux peuples n’était donc pas si simple malgré la présence rassurante d’Anna et d’Elsa pour les représenter.


Bruni sauta sur son épaule, la saluant de ce cri si particulier qui était le sien. Elsa lui chatouilla la tête avec affection et il grimpa au creux de sa main. Elle fit tomber quelques flocons sur lui et le regarda bondir au milieu avec délectation. Tout semblait si simple lorsqu’elle était avec les esprits, libre des contraintes humaines et pourtant… Elle n’était jamais tout à fait avec eux. Faire le pont entre les deux mondes faisait d’elle quelque chose de nouveau et Elsa n’était pas très sûre de savoir à quel monde elle appartenait vraiment. Celui des humains ? Parce qu’elle aimait toujours le chocolat. Ou celui des esprits ? Parce qu’elle pouvait parler à une salamandre et à un courant d’air pendant des heures. Bruni siffla de satisfaction tandis qu’il s’enfonçait dans un petit tas de neige qu’Elsa venait de faire apparaitre. Elle rit doucement. Le village Northuldra n’était plus très loin, elle pouvait déjà distinguer les premiers bruits en provenance. Elle se saisit du sac à sa hanche pour jeter un œil à l’intérieur. Elle n’avait pris que trois carnets en partant et elle se demandait à qui les confier entre Yéléna et Honeymaren.


La première, en tant que cheffe de clan, lui semblait toute indiquée. Elle avait la connaissance et la mémoire des histoires de son peuple. En revanche, c’était aussi la plus occupée et Elsa n’était pas certaine d’avoir la patience d’attendre très longtemps pour qu’une partie de son passé lui soit révélé. Honeymaren d’un autre côté aurait certainement plus de temps pour traduire rapidement le texte, mais probablement moins d’anecdote à partager. Elle aurait dû demander son avis à Anna avant de partir. Comme elle aurait aimé qu’elle soit à ses côtés en cet instant. Avait-elle commencé à lire les carnets de leur père ? Et si oui, qu’avait-elle découvert ? Elsa secoua la tête, ça ne servait à rien de se torturer l’esprit avec des questions dont elle n’avait pas les réponses.


« Déjà de retour ? »


La voix de Yéléna la sortit de ses pensées. La cheffe se tenait devant elle, bien droite, avec son bâton et ses cheveux attachés en arrière. Elle avait une présence indéniable et une autorité naturelle qu’il était difficile de défier.


« Oui, les esprits me manquaient.

-Je peux le comprendre. Comment se porte le peuple d’Arendelle ? »


Chaque fois que Yéléna lui posait cette question, Elsa ne pouvait s’empêcher de se demander si elle était sincère. La cheffe de clan avait de quoi en vouloir au roi Runeard qui les avait trahi, même si elle les avait par la suite accueillit à bras ouverts, Anna et elle.


« Ma sœur fait de l’excellent travail. Vous ne trouvez pas ?

-Elle a commencé à instaurer des routes commerciales oui, je pense que c’est une bonne chose pour l’entente de tout le monde.

-Et maintenant que le barrage est tombé, la forêt a retrouvé toute sa splendeur.

-En effet. »


Sans qu’elle ne comprenne vraiment pourquoi, Elsa se sentit obligée de rajouter :


« Anna ne vous trahira pas. »


Yéléna lui sourit avec affection.


« Je le sais mon enfant. »


C’était un peu étrange de se faire materner par quelqu’un d’autre que sa mère, d’autant plus étrange qu’après tout ce qu’elle avait vécu, et la puissance de ses pouvoirs, Elsa ne se sentait certainement plus comme une enfant. Et pourtant, la bienveillance dont Yéléna faisait preuve lui faisait beaucoup de bien.


« Vous avez ramené quelque chose de votre voyage ? »


La vieille femme indiqua le sac d’un geste du menton. Elsa posa sa main dessus et acquiesça d’un signe de tête.


« En effet, puis-je vous poser une question ?

-Bien sûr.

-Ce sont des carnets qui ont appartenu à ma mère mais ils sont écrits en Aldrien du nord et je ne sais pas lire cette langue.

-Vraiment ? Votre mère ne vous l’a pas enseigné ?

-Non… »


Comment dire avec délicatesse que la langue avait été bannis sur la base du mensonge de la bataille du barrage. Mais visiblement, Yéléna, qui n’était pas née de la dernière pluie, n’avait pas besoin qu’on lui fournisse plus d’explication. Elle tendit la main vers l’un des carnets qu’Elsa avait sorti.


« Je peux ? »


Elle l’examina après s’en être saisie et parcourut quelques pages avant de le lui rendre.


« Du peu que j’ai lu, Iduna parle de ses filles et de son inquiétude pour elles.

-Je pensais que vous pourriez m’aider à le traduire, vous ou… Honeymaren.

-Honeymaren me semble tout indiquée. Vous devriez inviter votre sœur à venir nous rejoindre ici. Je pourrais partager quelques anecdotes avec vous.

-Des anecdotes ?

-Votre mère faisait partie de notre tribu. Je l’ai connue quand elle était enfant.

-J’aimerai beaucoup les entendre, et Anna aussi évidemment. »


Yéléna sourit.


« Prévenez-moi quand elle viendra.

-Je n’y manquerai pas. »


Les deux femmes se quittèrent à l’entrée du village et Elsa bifurqua en direction de la hutte d’Honeymaren. Elle trouva son amie accroupie près de la rivière, occupée à écailler un poisson.


« Bonjour Honeymaren.

-Oh ! Bonjour Elsa ! Tu es déjà de retour ? »


Mais pourquoi donc tout le monde semblait si étonné de la voir déjà de retour ? Passait-elle si peu de temps avec sa sœur ?


« Ce sera notre repas de ce soir, est ce que tu te joins à nous ?

-Est-ce qu’il y aura du gâteau au chocolat ? »


Honeymaren la fixa comme si un troisième œil venait de lui pousser au milieu du front. Elsa secoua la tête en souriant.


« Oublie ce que je viens de dire. Peut-être que je suis rentrée trop tôt, effectivement. Et je serai ravie de me joindre à vous. »


La simplicité de la vie au village lui avait manqué aussi, loin du poids des traditions de la royauté et des « votre majesté » dans tous les couloirs. Honeymaren s’adressait à elle sans se poser de questions, sans s’embarrasser d’un titre ou d’une étiquette. C’était d’autant plus vrai qu’elle brandissait actuellement deux poissons écaillés et vidés devant elle.


« Je les ai pêchés à l’aube ce matin ! Ils seront parfaits pour ce soir ! Ryder nous a promis du vin de sureau ! »


Elsa n’avait aucune idée de ce qu’était le vin de sureau mais elle se laissait gagner par l’enthousiasme de son amie. Honeymaren se lava longuement les mains dans un sceau d’eau propre, luttant pour faire disparaitre l’odeur tenace du poisson. Elle pencha la tête face au silence d’Elsa tandis qu’elle se séchait les mains dans un linge.


« Je peux faire quelque chose pour toi ?

-Oh. Heu… Oui. Anna a découvert des carnets, ils appartenaient à nos parents, mais ceux de notre mère sont écrits en Aldrien du nord et je ne sais pas lire cette langue. Yéléna pensait que tu pourrais m’aider à les traduire, si tu veux bien. »


Elle sourit et s’approcha de son amie, un carnet ouvert entre les mains pour qu’elle puisse parcourir les premières pages.


« Oui, à priori ça ne devrait pas poser de problèmes. Je serais ravie de t’aider. »


Elsa sourit franchement, elle rangea le carnet à l’abri des mains humides d’Honeymaren. Elle souffla doucement pour se donner un peu de courage.


« Il faut quand même que je te prévienne de deux ou trois choses que tu pourrais lire. 

-Ah ? D’accord ?

-Quand tu auras un peu de temps ?

-Maintenant si tu veux. On peut prendre quelques minutes pour discuter. »


Elsa sentit ses mains devenir moites, elle serra la bandoulière du sac. Elle avait déjà des difficultés à parler de son enfance avec sa sœur, alors avec son amie, la discussion ne s’annonçait pas plus facile.


« Merci, c’est parfait. »


Alors pourquoi sa bouche devenait pâteuse tout à coup ? Honeymaren face à elle fronça légèrement les sourcils.


« Je vais nous préparer une infusion, installe-toi au soleil, je reviens. »


Elsa hocha la tête. Elle s’éloigna du billot sur lequel son amie avait écaillé le poisson en longeant la rivière, le son cristallin avait un effet apaisant. Elle s’installa dans l’herbe encore bien verte, le dos contre l’écorce rassurante d’un arbre. Elsa déposa le sac sur ses genoux repliés et se laissa bercer quelques instants par les bruits de la nature environnante. Elle aurait pu finir par s’assoupir si Honeymaren n’était pas revenue avec son infusion.


« Voilà, c’est à la Passiflore, je me suis dit que ça te ferait du bien.

-Vraiment ?

-La Passiflore a des vertus relaxantes. »


Honeymaren lui fit un clin d’œil avant de s’installer en face d’elle.


« Quand tu seras prête, Elsa. »


Elle prit d’abord une gorgée du breuvage, laissant le goût de la plante envahir ses sens. Tout ici lui semblait plus naturel, les Northuldra vivaient au rythme des saisons et de ce que la nature voulait bien leur donner. Elsa souffla doucement sur la fumée qui s’échappait du bol.


« Mes parents ont toujours été aimants et attentionnés. »


Ce qui était vrai, ils n’avaient jamais voulu lui faire de mal.


« Mais ils ont été dépassés par mes pouvoirs, tout comme moi. »


Elsa créa quelques flocons qui s’illuminèrent sous les réverbérations du soleil, pour se rassurer, car non, ses pouvoirs n’étaient pas néfastes.


« Ils se sont manifestés dès ma naissance et si au début, tout se passait bien, les choses ont dégénérés après un accident.

-Quel genre d’accident ?

-Celui qu’Olaf a résumé. »


Honeymaren fronça les sourcils un instant tandis qu’elle se remémorait la présentation d’Olaf lors de leur première rencontre.


« D’accord, d’accord, les portes fermées, Anna qui te pousse à bout, Hans qui prétend séduire ta sœur. Oui d’accord, je vois. Enfin je crois. Non ? »


Elsa rit doucement.


« C’était un résumé expéditif mais efficace. Les carnets de ma mère concernent la période où les portes étaient fermées.

-Pas la meilleure période de ta vie j’imagine. »


Et comme il n’y avait pas de questions, Elsa ne répondit pas, elle se contenta de reprendre.


« J’aimais beaucoup mes parents, mais, maintenant que je contrôle mieux mes pouvoirs, que j’ai compris où était ma place, je leur en veux un peu de m’avoir isolée et de m’avoir appris uniquement à avoir peur de moi. J’ai fait beaucoup de mal à notre famille, malgré moi. Et durant toutes ces années, je n’ai jamais pu m’empêcher de me demander si mes parents ne m’en voulaient pas. Tout comme il m’arrive encore d’avoir le sentiment de devoir m’excuser auprès d’Anna.

-Outch ! Elle doit détester ça ! »


Elsa rit doucement. C’était surprenant avec quelle facilité Honeymaren avait réussi à lire en elles et à comprendre leur relation. Yéléna avait raison, elle était toute indiquée pour l’aider dans la traduction. Son amie hocha la tête.


« D’accord, je pense que je comprends. Tu as peur que je lise des choses désagréables à ton sujet en traduisant ces carnets, c’est bien ça ?

-Oui.

-Je n’ai pas connu tes parents alors je ne sais pas si je peux leur faire confiance. En particulier s’ils disent du mal de leur propre enfant. Je ne sais pas pour toi, mais moi, ça ne me semble pas être un gage de confiance. Je ne sais pas comment te rassurer, mais je peux te garantir que, quoique je lise, ça n’influencera pas l’opinion que j’ai de toi.

-Comment peux-tu en être sûre ?

-Tu n’étais qu’une enfant, Elsa. Tu faisais des bêtises d’enfants, mais… avec des pouvoirs. Ryder a mis le feu à notre hutte une fois, et crois-moi, il a bien essayé d’accuser Bruni à sa place. Pourtant, c’est toujours mon frère et je l’aime toujours autant ! »


L’anecdote fit rire Elsa.


« D’accord, je pense que je comprends. Merci Honeymaren. »


Elle lui tendit le sac avec les carnets à l’intérieur.


« Je suis ravie de pouvoir aider. »

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