Avant toi, c'était moi la reine
CHAPITRE UN
LE COMMENCEMENT…
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Emma Lafont et sa meilleure amie Clara, suivie de son petit Fanclub, s’esclaffait sur le dernier râteau qu’elle avait distribué à un grand maigre boutonneux. Un râteau « Mé-mo-rable », comme l’avait si bien qualifiée Clara Brown : le pauvre garçon lui avait fait sa demande et elle avait répliqué que, "si un jour elle n'avait plus assez d'argent pour s'acheter une calculatrice, elle le rappellerait". Or la plupart de la petite bande qui la suivait riait jaune: à part Emma, Clara, et le tout récent petit ami de la reine, la plupart d'entre eux était eux aussi des "boutonneux", des "planches à pain", des "fils de fer", des "obèses", des "taupes bigleuses" ou même des "voies de chemins de fer". En effet, Emma Lafont était une garce de première, n'hésitant jamais à rabaisser son prochain. Son fou rire durait depuis une bonne dizaine de minutes, soit juste après la sonnerie de fin de journée. Quand elle eut enfin tourné la tête et regarder devant elle, le son mélodieux mourut sur ses lèvres roses et pulpeuses. Le petit groupe suivit son regard et tous se figèrent. A la vue du Traqueur, certains reculèrent d'un pas, d'autres s'enfuirent en courant, mais tous étaient terrifiés. Chacun s'inquiétait pour sa vie. Bien qu'elle l'ignora, Emma lu dans le regard du Traqueur que c'était "Elle". Elle serra les dents, parant le choc, mais lorsque la paume tendue en avant de l'homme heurta son front, la reine du lycée se trouva projetée en arrière et tomba sur le sol en carrelage du lycée. En tombant, elle saisit un flot de mots :
"Emma Lafont! La Nuit t'a choisie, ta mort sera ta renaissance. La Nuit t'appelle, prête l'oreille à sa douce voix. Ton destin t'attend à la maison de la nuit!" N'y tenant plus, la fille du maire perdit connaissance.
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EMMA LAFONT
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Quand les points blancs eurent enfin quitté mon champ de vision, je vis le visage baigné de larmes de Clara à quelques centimètres du mien.
"Ton mascara, c'est vraiment de la daube. Fis-je, il a tellement coulé que tu ressembles à un raton laveur. Cela ne calma pas mon amie.
-Oh mon Dieu, faites que ce ne soit qu'un rêve! Lâcha-t-elle dans un sanglot. La situation devait vraiment être grave, elle n'était une très bonne chrétienne, étant donné tous les mecs qu'elle se tapait...Elle ne priait ainsi que dans des circonstances extrêmes. Elle reprit ses lamentations : Bordel; il t'a marquée Emma! Marquée!
-Merde..." Je passai une main tremblante sur mon visage, avant d'être prise d'une terrible quinte de toux qui déchira mon opulente poitrine. Quand elle se finit, je regardais autour de moi : Brad, l’adorable blondinet qui me servait de petit ami depuis une semaine, chassait "mes toutous", comme j'aimais appeler mon fanclub, et ce non sans mal. Quand il eut enfin fini sa lourde tâche, il nous rejoint. En me voyant, il pâlit, les traits figés par la terreur. Il traça sans le toucher le tatouage qu'avait laissé cette vermine de Traqueur sur mon doux visage. Il lâcha une série de jurons. Je fulminais : j'en avais marre de voir les réactions des gens alors que moi-même je ne connaissais pas l'étendue des dégâts.
"Brad! Cesse de jurer, et porte moi jusqu'aux toilettes. Cette satanée migraine est atroce, je ne ferai pas un seul pas. Clara, ramasse mes affaires et prend mon sac. " Chacun s’exécuta, m'obéissant docilement. Brad porta mon corps engourdi jusqu'aux toilettes de l'étage. Je descendais de ses bras et me regardais dans le miroir.
C'était plus qu'étrange. Je rapprochais mon visage du miroir. Le croissant de lune qui prouvait que j'étais devenue une novice était boursouflé, entouré de rouge. Il me lançait légèrement. Je passais mon doigt manucuré dessus. Le contact du tatouage était rugueux sous mon index, et provoqua un léger picotement dans mon front. En deuxième plan, je me souciais (enfin!) de mon apparence. La couleur saphir du tatouage jurait avec le bleu de mes yeux, les agrandissant naturellement. Il donnait un côté plus mystérieux à ma beauté indéchiffrable. Avec mes cheveux blonds vénitiens qui m’entouraient comme une voile et ma peau pâle, je ressemblais à une déesse antique. Le plus inquiétant changement sur mon visage n’était point ce nouveau tatouage, mais plutôt mes cernes noirs et profonds. Un jour, j’arriverais sûrement à mettre en valeur ce croissant de lune. En attendant, il allait falloir que je le masque aux yeux de tout le lycée, car les rumeurs allaient vite, trop vite.
"Fond de teint."
Je tendis la main vers Clara, elle fouilla dans le sac et en sortit mon fond de teint de luxe et un pinceau à maquillage. J’appliquais la substance généreusement à l’aide de ce dernier. Après avoir vaguement unifié avec le reste de mon visage, on ne pouvait voir qu’en y faisant bien attention le contour du croissant de lune bleu. Je défaisais les premiers boutons de mon chemisier blanc afin d'attirer l'attention des garçons, qui, de toute façon, faisaient rarement attention à mon visage...
"Anti-cernes".
Clara le déposa dans ma main, reprenant le fond de teint. J'en appliquais plusieurs couches, afin d'effacer les valises que j'avais sous les yeux.
"Casquette".
Cette fois, j'avais la main tendue vers Brad. J'enfonçais sa casquette des New Yankees sur mon crâne, attachant mes cheveux blonds en queue de cheval qui passait dans la sangle de la casquette. Je laissais quelques mèches lâchées pour encadrer mon visage, récupérais mon sac, et donner quelques instructions : Brad m'amenait chez moi avec sa camionnette, Clara étouffait la rumeur de ma marque et je l’appellerai quand je le pourrais.
Ainsi parée, je partais avec mon petit copain sur les talons. Je traversais mon futur ancien lycée pour gosses de riches. Je dus traverser la foule pour accéder à la camionnette de Brad, mais ce mec étant une armoire à glace, peu de gens eurent le cran de venir me les casser. Je montais sur le siège passager tandis que Brad démarrait. Le trajet se fit dans le plus plat des silences, qui fut interrompu par moment par mes quintes de toux horribles. J'en profitais pour (enfin!) réfléchir.
Tout le monde connait l'existence des vampires : ce n'est plus un secret pour personne. Nous n'avons pas de canines, comme s'y prêtent les légendes. Nous ne mourrons pas pour devenir vampires dans une sorte de seconde vie, nous ne nous consumons pas au soleil, nous n'avons aucun rapport avec les chauves-souris (beurk, heureusement, ces bestioles sont affreuses). Je dis "nous", mais au fond, je me sens encore bien plus humaine que vampire. Bref. Les vampires, une fois marqué, suivent un cursus dans des écoles privées pour vampires appelées Maisons de la Nuit. Ils y restent quatre ans, le temps que leur corps subit les transformations physique nécessaire au passage dans la race de la Nuit. Durant ces quatre années, certains vampires meurent, car leur organisme ne supporte pas la Transformation. Les autres survivent, et vivent dans la beauté, le luxe et l'argent, écopant de tatouages étalés sur leurs visages autour de leur croissant de lune rempli. La mort due à la Transformation est un phénomène assez flou pour les humains, on sait juste que la victime crache son sang par tous les orifices. Je préférais ne pas y penser. Autre chose sur les vampires : ils honorent une déesse, la déesse de la nuit. Je ne me souviens plus de son nom. C'est cette déesse qui nous dote d'un contour de croissant de lune quand on est novice, qui se remplit et s'étale lors de la Transformation. Tout ça, on l'étudie en cours, mais il suffit de chercher sur Wikipédia "La Maison de la Nuit", et on trouve tout un tas d'explications.
Brad serra le frein à main et s'arrêta, mettant fin à ma réflexion. Je m'armai de courage ; dire Adieu à Brad ne serait rien comparé à ce qui m’attendait à l'intérieur, auprès de ma génitrice...