La dernière quête de Cacahuachi

Chapitre 1 : La dernière quête de Cacahuachi

Chapitre final

2597 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 05/01/2024 23:49

Cette fanfiction participe au Défi d’écriture du forum Fanfictions .fr : Chroniques d’antan (janvier – février 2024).



La Bande à Picsou :

La dernière Quête de Cacahuachi




Courbant ses bras autour de ses hanches après avoir gonflé d'air ses joues, Donald fit quelques pas maladroits, imitant la démarche caricaturale d'une surcharge pondérale. Comme si le mime ne suffisait pas, et en dépit de son défaut de langage habituel, le canard blanc annonça, hilare :

-Un gwos bonwomme!

Fier de sa remarque spirituelle, il se roula par terre en se tenant les côtes.

L'idée d'un chevalier rondouillard le faisait mourir de rire.

Sans vraiment faire état de l'exubérance de son neveu, le vieux Picsou lui fit tout de même remarquer que :

-Le courage ne se mesure pas aux crans de la ceinture.


Répercutés par les remous du lac à l'extérieur, les reflets du soleil dansaient sur les parois de la caverne. Des murs ruisselaient végétation et humidité.

Le sac à dos d'où il avait tiré son lourd volume toujours ouvert, Riri repris le déchiffrage de symboles gravés dans la roche.

Studieux, les yeux du caneton faisaient des allers-retours entre les pages du manuel des Castors Juniors et les dessins sinueux qui formaient la fresque murale.

Le jeune canard en rouge venait déjà de confirmer qu'ils étaient sur la bonne piste : celle de Cacahuachi le Capybara, héros légendaire du peuple Ayarmacouac.

Évidemment, son oncle Donald, qui n'avait suivi qu'avec peu d'intérêt le briefing que leur avait militairement détaillé Picsou dans l'avion, venait seulement de comprendre qu'ils étaient sur la piste d'un petit chevalier rondouillard et trapu. Étant le seul à trouver l'imagine hilarante, il se releva, réajusta son uniforme bleu de marin puis ramassa son calot en grommelant.


Deux jeunes palmipèdes au plumage immaculé firent irruption dans l'étroite cavité, vêtu tous deux de casquettes et t-shirts, ensemble bleu pour Fifi, vert pour Loulou. D'une même voix, ils interpellèrent le chef de l'expédition :

-Onc' Picsou ! Onc' Picsou ! Flagada s'en va !

En guise de confirmation, un bruit de moteur se fit entendre.

-Mais qu'est-ce qui lui prend à cette australopithèque?! Hurla le vieux canard en se précipitant au-dehors.

Les guêtres dans le sable du rivage, sa canne dans une main, son haut-de-forme dans l'autre, Balthazar Picsou faisait d'amples signes tout en hurlant des insultes couvertes par le bruit des moteurs.

L'hydravion manœuvrait au centre du lac. Par la fenêtre, le pilote, un balourd au sourire niais accroché au bec, faisait de grands signes à son patron :

-Vous inquiétez pas, m'sieur Picsou ! Je serai vite revenu !

Impuissant, le canard le plus riche du monde regarda l'imposant véhicule s'arracher de la surface de l'eau pour disparaître au-dessus de la jungle.

-Il a pris le temps de décharger nos affaires, firent remarquer Fifi et Loulou.

Leur grand-oncle ironisa :

-Quelle grandeur d'âme...

La buée de colère qui montait de ses narines rendait opaque ses lorgnons. Picsou mobilisa tous les efforts possibles pour se ressaisir :

-Les enfants, est-ce que ce grand babouin a pris la peine de vous expliquer pourquoi il nous a abandonnés au beau milieu de la jungle du Pérou ?

À tour de rôle, ses petits neveux expliquèrent :

-Il retourne en ville faire le plein...

-Il ne nous restait que de quoi rentrer alors...

-Flagada a pris l'initiative de retourner à Maras remplir les réservoirs.

Balthazar soupira, inspira, puis hurla de nouveau en direction des nuages :

-Mais il faut un demi réservoir pour faire le trajet !!

Il réajusta son veston, puis résuma aux enfants :

-Quand cet imbécile sera de retour, il aura autant d'essence dans le réservoir qu'en partant...

Il se résigna :

-Je le retiendrai sur sa paie. Ça le fera peut-être réfléchir...

Flagada Jones n'était pas le canard le plus futé, ni même le meilleur pilote de Canardville, mais il était le moins cher. C'était bien l'unique raison pour laquelle Picsou ne l'avait encore ni viré, ni étranglé.


Alors que Fifi et Loulou réunissaient les sacs à l'entrée de la grotte, Picsou retourna auprès de Donald et Riri.

-Cwapybawa.

-Non, Capybara.

-Ché che que je dis : Cwapybawa!

Balthazar décida de rendre service à son petit neveu et d'interrompre la dispute :

-Alors mon petit Riri, qu'avons-nous là ?

-Tu avais vu juste Oncle Picsou: Cacahuachi est bien venu jusqu'ici.

Donald s'installa sur une pierre humide, puis glissa, se retrouvant les fesses dans la mousse lorsque que ses deux autres neveux arrivaient. Comme pour accompagner l'histoire de Riri, Picsou alluma sa lampe torche et en promena le halo sur les symboles de poissons, de barques et de serpent géant. De sa voix fluette, le jeune Castor Junior commença son récit :

-La pêche s'était raréfiée en ce temps-là. Afin d'assurer l'approvisionnement en poisson, les Ayarmacouacs s'aventurèrent plus profond dans la jungle, jusqu'à la découverte d'un lac prodigieux.

Il marque une pause pour indiquer de l'index le plan d'eau au-dehors :

-Ce lac.

Voyant qu'il avait capté jusqu'à l'attention de Donald, toujours assis à même le sol, Riri repris :

-Le lac était généreux en poisson, mais protégé par Yocumama, le dieu Anaconda. Long de plusieurs dizaines de mètres, une tête gigantesque, des crocs acérés, Yocumama avala l'un des pêcheurs. C'est là que Cacahuachi entre en scène : chevauchant une tortue géante, le chevalier capybara s'attaqua à Yocumama.

-Il chevauchait une tortue géante ? S'ébahit Loulou.

-C'est plus classe qu'un VTT, ajouta Fifi.

Leur frère continua :

-Après un rude combat, Cacahuachi libéra le pêcheur des entrailles de Yocumama, mais le paya de sa vie.

Le caneton ménagea son effet dramatique en gardant quelques secondes le silence. Silence que son oncle captivé, la tête dans les mains, les coudes sur les genoux, brisa :

-Il est mowr le gwos bonwomme ?

Devant une telle naïveté, Picsou s'emporta :

-Les Ayarmacouacs ont vécu dans cette jungle il y a 1500 ans ! Évidemment que le "gros bonhomme" est mort, Donald !

Le petit narrateur reprit son récit :

-Ce qui est étrange, c'est qu'il est dit ici que pour honorer le courage de Cacahuachi, les Ayarmacouacs lui ont bâti un tombeau au centre de la langue fourchue de Yocumama.

Le vieux canard avait retrouvé un sourire bienveillant :

-Hé bien pas vraiment mon cher Riri. Regarde !

Le vénérable aventurier plaqua une vieille carte contre le mur, pile dans le faisceau de sa lampe.

Il s'agissait d'un dessin du lac, indiquant l'emplacement de la caverne dans laquelle ils étaient en ce moment même. L'étendue bleue était au centre de deux lignes azur, deux cours d'eau. Le premier était presque en ligne de droite, le second était sinueux, tortueux.

Les trois canetons avaient l'esprit vif :

-Le serpent!

-L'anaconda!

-Yocumama!

-Bravo les enfants, s'enthousiasma Picsou. C'était une image, le serpent de la légende n'existait pas réellement. Il s'agissait en réalité d'un fleuve. De rapides pour être précis.

Alors que tout les autres avaient leurs becs collés à la carte. Donald se leva, puis s'approcha pour demander discrètement à son oncle :

-Et le gwos bonwomme auchi ch'est un imwage?

La lampe torche de Balthazar vint s'écraser sur le haut du crâne de Donald Duck.

-Ha, mais flûte à la fin avec ce gwos bonwomme !

Picsou glissa ensuite la carte dans sa redingote et annonça solennellement :

-Préparez vous les enfants, nous allons faire du rafting !


L'équipe s'affairait sur le rivage à mettre à l'eau le radeau pneumatique à gonflage autonome, invention breveté Geo Trouvetou. Picsou repris son briefing :

-Les rapides font un peu moins de quinze kilomètres, et se terminent en une fourche qui divise les courants en deux.

En cœur, les trois Castors Juniors s'exclamèrent:

-La langue fourchue de Yocumama !

La fierté de leur grand-oncle éclata d'un rire sonore et satisfait :

-Tout à fait les enfants ! Et c'est à cet endroit que nous trouverons le tombeau de Cacahuachi.

Il sortit une pagaie rétractable qu'il déplia, et la lança à son neveu :

-Toi Donald, tu rames.

Le canard bougon, qui se débattait déjà avec son gilet de sauvetage, réceptionna l'outil métallique dans l'estomac, se prit les pieds dans les sangles des sacs à dos qui traînaient au sol, puis bascula, dans l'eau, par-dessus l'embarcation.

-Attachez bien les sacs, tout le monde vérifie que son gilet est bien serré. Méfiez-vous, les enfants, nous allons être rudement malmenés.


Le lac, bordé d'une végétation sombre, reposait au pied d'une montagne, dans laquelle était creusé la grotte des Ayarmacouacs. À sa surface, un point orange suivait le courant menant aux rapides. Un radeau, fier comme un galion, avec à son bord cinq canards prêts à braver les éléments.

Loulou demanda :

-Comment Cacahuachi à pu affronter des rapides à cheval sur une tortue géante, Onc' Picsou ?

-Mais enfin Loulou, fit Fifi. C'est peut-être qu'une image. La coque de son bateau avait peut-être des allures de tortue.

-Ou alors, ajouta Riri. Son bateau était vraiment une carapace de tortue retournée.

À cette idée, les trois Castors Juniors poussèrent un râle de dégoût, puis s'esclaffèrent de bon cœur.

Picsou, de son côté, fier de la capacité de déduction de ses jeunes compagnons, ne dit rien.

Donald, entre deux coups de rames, chercha à participer :

-Pouwquoi on chewche le tombeau du gwos bonwomme ?

Une fois n'étant pas coutume, Balthazar fit preuve de patience envers son neveu, qui décidément n'avait rien écouter aux instructions matinales.

-Cacahuachi n'allait nulle part sans Salinor. À en juger par les différentes gravures que j'ai pu trouver, il s'agirait d'une épée.

Les rapides se reprochaient dangereusement, mais galvanisé par la légende du chevalier Capybara, Picsou poursuivi :

-Vois-tu, Donald, les Ayarmacouacs étaient une tribu de canard, et Cacahuachi venait possiblement d'une cité voisine, très certainement de la cité mythique d'El Dorado. Inutile de préciser que mettre la main sur une épée venant d'El Dorado serait une découverte inestimable.

Emportée brutalement comme dans un siphon géant, l'embarcation sembla faire un bond en avant. Les enfants se tenaient serrés les uns contre les autres, Picsou les entourant au mieux afin de les empêcher de tomber.

Fouetté par les branches tombantes, balloté par les ressacs, détrempé par l'écume, l'équipage subissait la violence du voyage.

Le radeau pneumatique sautait dans les remous, percutant par endroit la roche sous l'eau.

À l'arrière, se débattant avec le manche de sa rame, seul Donald semblait s'amuser. Ses quatres compagnons auraient même pu jurer l'entendre chanter "iwétait un petit naviwe".

Apparurent enfin des aiguilles rocheuses longues et aiguisées, semblables aux crocs d'un serpent. Nombreuses.

Se jetant vers le navire, tels des couteaux de lancés, elles obligèrent Donald à manœuvrer finement, slalomant entre le tranchant des roches.

Tout en protégeant de son corps les trois canetons, Picsou indiqua un point au loin. Le cours d'eau allait se diviser. Donald compris qu'il devait viser la touffe d'arbres en son centre.

Utilisant sa pagaie comme un gouvernail, il était désormais debout sur le bourrelet arrière.

L'une des roches trancha le caoutchouc de l'embarcation, qui commença à se dégonfler, devenant ainsi impossible à diriger.

C'est sur le flanc que le bateau pneumatique frappa la terre, déversant son contenu et ses passagers dans un buisson touffu aux larges feuilles qui réceptionna le tout en douceur.

Balthazar se releva, vérifia que ses trois petits neveux étaient intacts, puis poussa un cri victorieux.

-Ha ha! Beau travail Donald !

Pas de réponse.

-Donald?

Il le trouvèrent facilement, quelques mètres au-delà du buisson, cramponnant sa pagaie, les palmes en l'air, la tête en bas, délicatement posée sur une pierre. Il chantonnait :

- Iwétait un petit naviwe, iwétait un petit naviwe, qui n'await za za zamais nawigué...



Confiant, Fifi et Loulou examinaient les dégâts qu'avait subis le radeau pneumatique :

-Nous devrions pouvoir colmater la déchirure avec l'aide de la sève de ces arbres, Onc' Picsou.

-Le système de gonflage de Géo fera le reste !

Riri avait le nez dans son manuel des Castors Juniors :

-Si nous arrivons à rejoindre l'un des lacs voisins, nous devrions pouvoir signaler notre présence à Flagada avec l'aide de l'une de nos fusées de détresse.

Satisfait, leur vieil oncle Picsou donna ses instructions :

-Nous avons deux machettes. Fifi, Loulou, vous prenez la première afin de collecter la sève qui réparera le radeau. Riri, Donald, nous prenons la seconde. Mettons-nous à la recherche du tombeau de Cacahuachi.


Quelques dizaines de minutes plus tard, et le double en coup de machette pour se frayer un chemin au travers la végétation, le trio se retrouva face à deux colonnes de pierre carré. Blanches, hautes de deux mètres, elles se terminaient chacune par une tête d'anaconda sculptée. Elles encadraient un petit escalier descendant vers une dalle verticale enchâssée dans une imposante butte herbeuse. Armée de sa machette, Picsou continua d'ouvrir la marche, suivit de Donald et de Riri, respectivement équipé de la pagaie et du manuel des Castors Juniors.

Utilisant l'épaisse lame pour faire levier, le vénérable aventurier fit glisser la stèle. La lumière du jour s'engouffra dans la cavité, ouvrant la voie aux explorateurs.


Le tombeau n'avait rien de clinquant. Il s'agissait d'une petite pièce aux murs de briques blanches et épaisses. En son centre, emmailloté en boule dans un épais tissu marron se trouvait :

-La momie de Cacahuachi.

La voix de Picsou résonnait.

Appuyé contre le mur derrière Cacahuachi montait un long bâton gravé de volutes et de symboles.

Il se terminait par une partie plate.

-Une pagaie, commenta Riri, surpris.

Picsou, loin d'être déçu, semblait admiratif :

-Salinor n'était pas une épée. Cacahuachi n'était pas chevalier, mais pêcheur.

L'écho d'un froissement, presque imperceptible, fit réagir Donald qui cria :

-Onwcle Pikchou!

Il lança sa pagaie avec force, accompagné d'un cri sourd :

-Bwaah!

Le fracas métallique de son outil sur la tête de l'anaconda qui venait de surgir face à Balthazar se répercuta sur les parois de pierre.

Le serpent s'effondra a côté de la rame tordue.

La surprise laissa place à la reconnaissance dans les yeux de Picsou. Il posa sa main sur l'épaule de son neveu, le remercia puis se tourna vers la momie. Il s'agenouilla et lui dit :

-Ho courageux Cacahuachi, nous allons devoir t'emprunter Salinor. Mais sache que j'emporterai le secret de l'emplacement de ton tombeau, dans le mien.

Les aventuriers rebroussèrent chemin, puis remplacèrent la stèle.


Le bruit des moteurs de Flagada Jones effraya les oiseaux sous la canopée. Levant le bec, Picsou, Donald et Riri virent au-dessus de leur tête passer l'hydravion. Juste à côté, tirée depuis la rive, s'élevait la longue traîné rouge du pistolet de détresse.


À leur retour, Picsou n'estima pas nécessaire de démentir la légende autour du serpent géant. Il tint cependant à préciser une chose essentielle :

Cacahuachi n'était pas un chevalier.

Cacahuachi était un courageux pêcheur.

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