Étrangère

Chapitre 9 : Envol

2588 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/06/2019 13:27

-Il faut la laisser !


-Non, hors de question !


La situation m'échappait. Ma vision était brouillée. De ma hauteur, je n'apercevais que les jambes des personnes qui étaient entrain de se crier dessus. Une des deux me tenait fermement par la main.


-C'est ta fille, tu ne peux pas lui faire ça ! cria une voix masculine.


-Relâche-la et donne-la moi, grogna froidement son interlocuteur, tout de suite.


En relevant les yeux, j'aperçus la personne qui avait depuis tout à l'heure l'emprise sur moi. C'était un homme. Seulement, comme à mon habitude, je ne voyais pas son visage. Je n'entendais que sa voix. J'avais néanmoins reconnu celle avec il se querellait. Il s'agissait certainement d'une énième conversation entre mon père et ma mère.


-Je n'abandonnerai pas notre enfant. Je trouverai un moyen de la -moi confiance !


-Soit tu restes avec nous, lui dicta ma mère, soit tu pars avec elle.


Pourquoi faudrait-il me cacher ? Ma mère venait de lui imposer un dilemme dont j'étais clairement l'enjeu. J'étais complétement perdue. Mon père essayait de me protéger de quelque chose tandis que ma mère tentait par tous les moyens de se débarrasser de moi. J'essayai de parler, de m'interposer mais c'était comme si je n'était qu'une simple figurine, spectatrice de la scène.


-Très bien, dit-il d'une voix déterminée.


Il me tira par le bras pour m'inciter à avancer. Je le suivis, sans vraiment avoir le choix. Seulement, il s'arrêta quelques pas plus loin avant de lancer un regard dur à ma mère.


-Tu n'as jamais su l'apprécier à sa juste valeur.


Un bruit sourd éclata, comme un canon. Ce n'était pas vraiment un canon, mais plutôt le son d'une arme à feu qui venait de se déclencher. La prise sur ma main se desserra petit à petit. Plus personne ne parlait , plus personne ne bougeait. Mon père tomba à genoux. Son visage, jusqu'à maintenant invisible, se recouvra de sang. Perdue, je levai les yeux vers ma mère. Un regard froid était suspendu aux siens. Elle avait le bras allongé devant elle. Dans sa main se tenait l'objet de ce massacre. Au milieu de ce silence, seuls les bruits agonisants de mon père étaient audibles.


-J'ai toujours su que tu préférais ta fille à ta femme.


Elle baissa son bras avant de me fixer droit dans les yeux. J'avais peur, peur de subir le même sort que mon père.


-Ta juste valeur ? Tu ne vaux rien pour moi.


Elle pointa d'une vitesse fulgurante l'arme devant mon regard apeuré. Par réflexe, je commençai à courir dans la direction opposée. Je savais pertinemment que cela ne m'empêcherait pas de m'enfuir. Un cliquetis s'enclencha et une douleur atroce me percuta de plein fouet.


Je me cognai soudainement le crâne contre un objet. Je serrai les dents, essayant de refouler ma souffrance. J'ouvris doucement les yeux tout en me massant la tête. J'étais tombée de mon lit. L'objet contre lequel je m'étais cognée était ma commode. J'avais peut-être basculée à cause de ma précipitation dans mon rêve. D'ailleurs, celui-ci me revint en mémoire instantanément. Il ne pouvait pas être réel. Elle ne m'avait pas tué puisque j'étais toujours vivante. De plus, je me rappelais très clairement qu'elle m'y avait conduite dans cette forêt. Et mon père, il était mort ? Soudain, je me remémorai les paroles du major. Mon père avait été tué d'une balle à la tête. Se pourrait-il que ma mère était l'auteur de ce geste ? Cela n'avait aucun sens.


Je me levai pour rejoindre la salle de bains. En passant devant le miroir, je remarquai l'horrible bleu sur mon front. En sortant de ma chambre, je notai que les couloirs étaient plus bondés que d'habitude. Tandis que je traversais le bâtiment, je me rappelai de ma soirée d'hier. Le caporal n'était pas venu à ma rencontre. Ma déception n'avait pas disparu. Un jour perdu dans cet endroit était semblable à une semaine. Je voulais absolument rattraper mon retard.


Je n'avais pas très faim. Je décidai à la place de me balader sur le campement. L'entrainement ne débutait que dans quelques heures. La folle idée de rendre visite à Hanji me traversa l'esprit. Néanmoins, je décidai d'aller voir notre major. Peut-être que je devais lui raconter mes rêves, que cela lui serrait utile. Un rêve cachait toujours une part de vérité. En passant devant son bureau, je me stoppai.


-Pendant cette excursion je te pris de revoir tes priorités. Ta mission sera de protéger Eren. Hana est importante mais pas autant que lui. Si un choix venait à se faire, alors il serait vite fait.


L'individu à qui il parlait ne rétorqua pas immédiatement. Il installa un silence pendant plusieurs secondes.


-Évidemment.


Cette voix aussi froide, il n'y en avait qu'une. Je manquai de me prendre la porte en pleine figure lorsque le caporal quitta le bureau. J'étais assez étonnée de voir qu'il n'avait pas encore enfilé son uniforme. Il était habillée seulement d'un pantalon gris et d'un haut blanc. Tout en l'observant, j'essayai de deviner les sous-entendus de leur conversation. J'étais un peu déçue d'apprendre que ma vie ne valait pas la peine d'être sauvée face à celle de Eren. D'un autre côté, cette préférence était plutôt évidente. Je n'étais qu'une simple recrue sans don quelconque pour le maniement d'arme, d'équipement ou pour la stratégie. Cependant, pourquoi Eren ? Il était souvent absent, très peu avec le groupe. Est-ce qu'il faisait équipe avec nos supérieurs ?


Après avoir entendu cette conversation, l'envie de parler avec Erwin s'était évaporée. En prenant un couloir, j'aperçus Hanji entrain de taper sa main contre son front. En me remarquant, elle se dépêcha de venir dans ma direction.


-Hana ! me cria-t-elle au visage. J'ai besoin de ton aide !


Je n'avais de toute façon rien à voir. Si je pouvais lui rendre service, je le ferai sans hésiter. En guise de réponse, je hochai la tête.


-J'aurais besoin que tu apportes ceci dans la chambre de Livaï. Étant donné que je l'ai manqué il y a quelques instants, j'aimerais que tu lui déposes !


Dans ses mains étaient rassemblés des tas de papiers entourés d'un élastique. Cela avait l'air plutôt important. Je ne comprenais cependant pas pourquoi elle ne pouvait pas lui déposer elle-même. J'acceptai tout de même sans broncher.


Sa chambre n'était qu'à quelques pas de la mienne. En réalité, toutes les chambres des supérieurs étaient au même endroit. Jean avait raison. J'avais plutôt de la chance. Face à sa chambre, je toquai plusieurs fois. Personne ne répondait. J'insistai une nouvelle fois. Soudain, une voix grave m'ordonna d'entrer.


Hésitante, je poussai la porte. J'entrai alors dans une chambre impeccablement propre. Tout était rangé. Ses affaires étaient correctement pliées l'une à côté de l'autre. Seulement, la chambre était vide. Je me dirigeai vers son bureau avant d'y déposer soigneusement les documents. Mon regard se posa à tout hasard sur un petit journal qui se cachait dans une étagère. Peut-être que l'homme le moins expressif du monde tenait un journal intime. À cette pensée, je lâchai un rictus.


-Encore des papiers, grogna quelqu'un.


Je me reculai immédiatement avant de me retourner vers Livaï. Le rouge me monta instantanément aux joues en apercevant dans quelle tenue il osait m'aborder. À en juger par sa serviette sur l'épaule et ses cheveux encore mouillés, il venait de sortir de sa douche. Il avait seulement son pantalon. Je m'avouai dans un coin de ma tête que son corps était parfaitement athlétique.


-Hanji m'a demandé de vous les apporter.


-Si j'avais su que c'était toi, cracha-t-il méchamment, je ne t'aurais pas laissé entrer dans ma chambre.


Je fronçai les sourcils. Il me tourna aussitôt le dos, prêt à retourner dans sa salle de bains. Il m'indiqua de m'en aller et de retourner à mes occupations. Il ne m'avait même pas remercié.Je refusais de bouger. Je ne pouvais pas agir comme si rien ne s'était passé.


-Je vous ai attendu plus d'une heure hier.


-Et tu n'en est pas morte, répliqua-t-il.


Il était le premier à détester les retards. Lorsque j'osai lui demander des explications, il me coupa immédiatement. Il n'avait apparemment pas à se justifier auprès de moi. Furieuse, je me précipitai vers la sortie puis claquai la porte derrière moi. Quelque mètres plus loin, je tombai nez à nez avec mon instructeur Keith. Il me rappela sévèrement que je ne devais en aucun cas louper l'entrainement de tout à l'heure.


Une fois sur le terrain, je devais avouer que j'étais ailleurs. Je faisais semblant de pratiquer quelques mouvements et de me battre. J'en avais assez du corps à corps. Je voulais utiliser la manœuvre tridimensionnelle. Livaï n'était pas présent. En son absence, je gagnai plusieurs combats notamment contre Sasha encore une fois, Connie et une autre fille dont je ne connaissais pas le nom.


Un nouveau combat commença, celui contre Eren. Il tenta de m'envoyer plusieurs coups de pieds et coups de poings. Je ne savais pas si ma colère me donnait de l'agilité mais je réussis à tous les esquiver. Il essaya ensuite de me balayer en me tapant dans la cuisse gauche. Je lui donnai à mon tour un coup de genoux dans le ventre. Par automatisme, sa tête se baissa légèrement. Je lui assenai un second coup dans le menton. Il tomba en arrière. Je me dépêchai de me mettre au dessus de lui. Il n'avait pas l'air de vouloir abandonner puisqu'il continua à se débattre. Je plaçai mon tibia sous sa gorge pour l'immobiliser tout en maintenant ses jambes avec mes bras.


-Hana, cria Keith, vainqueur !


La fin de la journée arriva très rapidement. Sur le chemin du retour, je croisai Eren. Il me félicita à nouveau de ma victoire. En guise de réponse, je lui souris. J'étais plutôt timide en sa présence car je ne le fréquentais pas souvent. J'avais tout de même une certaine fierté de l'avoir battu. Livaï devrait m'énerver plus souvent.


En sa compagnie, je rejoignis le reste du groupe à la cantine. Pendant notre repas, les autres discutèrent de tout et n'importe quoi. J'appris que Eren avait été à nouveau absent aujourd'hui. Il avait passé le plus clair de son temps avec ses supérieurs. Il n'était revenu que pour l'entraînement. La curiosité était un vilain défaut je le savais mais je ne pouvais m'empêcher de m'imaginer un tas de scénarios différents dans ma tête. En observant Connie, je notai qu'il était ailleurs. Il n'était pas aussi bavard que d'habitude. Était-ce peut-être parce que Sasha n'était pas encore arrivée ?


Il faisait déjà nuit dehors lorsque je terminai mon repas. Je saluai le reste de mes amis avant de partir en direction de ma chambre. Me battre contre Eren m'avait bizarrement très fatiguée. J'étais toujours assez remontée car je venais de perdre une journée de plus. Comment allais-je survivre si Erwin m'envoyait dès demain à l'extérieur des murs ? Lorsque j'insérai la clé de ma chambre dans la serrure, quelqu'un m'interpella. Je me retournai, rencontrant les yeux gris de mon caporal.


-Prends tes affaires, me dit-il en continuant sa route.


J'hésitai un instant. Je n'avais pas envie de me faire de faux espoirs. Je retirai tout de même ma clé avant de le suivre. Il m'expliqua simplement que nous étions en route pour rejoindre une forêt. N'ajoutant rien de plus, le trajet resta lourdement silencieux.


Au bout d'une vingtaines de minutes, nous arrivâmes à notre destination. Je pouvais apercevoir au loin deux sacs posés à côté d'un arbre. J'avais un drôle de sentiment, je n'arrivais pas à le décrire. Cette forêt en pleine nuit me rappelait le soir de mon abandon.


-Tu es en sécurité ici, me lança-t-il. Dans ces sacs se trouvent deux manœuvres tridimensionnelles. Je compte t'apprendre ce que je n'ai pas pu hier.


Un sourire s'accrocha automatiquement à mes lèvres. Il m'ordonna de me rapprocher pour m'expliquer comment j'allais devoir procéder. Je m'habillai de mon habituel harnais de sécurité. Il enfila le sien avant de s'équiper sous mon regard attentif. Je n'avais pas l'habitude d'avoir deux poids lourds autour de mes hanches ni même de tenir des épées dans mes mains.


Il me demanda tout d'abord d'essayer quelques mouvements, comme par exemple de viser une cible. Au bout de plusieurs essais, pendant lesquels je manquai d' embrocher mon caporal, je réussis à viser correctement. Je réessayai à de nombreuses reprises à des hauteurs et angles différents. Je trouvais l'exercice de plus en plus facile. Il m'indiqua ensuite de viser une cible puis de me projeter contre elle. Je n'arrivais pas vraiment à jauger la puissance de mon élan. Sans surprise, je tombai de nombreuses fois. Livaï leva les yeux au sol avant de se placer à côté de moi. Il me dicta de mimer chacun de ses gestes. Cela me faisait réellement plaisir. J'étais contente d'enfin pouvoir évoluer.


Le soleil était entrain de se lever. J'avais passé toute la nuit à m'entrainer. J'étais maintenant capable de me déplacer d'arbre en arbre. Livaï n'avait pas fermé l'œil de la nuit non plus. Il ne m'avait pas une seule fois quitté des yeux. Me sentant enfin prête, je regagnai la terre ferme.


-Déjà fini ? me demanda-t-il ironiquement.


-Je suis désolée, vous n'avez pas dormi de la nuit par ma faute.


-Ce n'est pas grave, soupira-t-il, si tu sens le besoin de t'entrainer à nouveau nous reviendrons.


Je lui tournai le dos pour lui cacher mes joues roses. Par moment, j'appréciais sa compagnie. Il pouvait se montrer très amical quand il le voulait. Était-ce un sentiment réciproque ? Je me rappelai soudainement de sa discussion avec Erwin. M'éviter la mort n'était pas dans ses plans. Je ne pouvais compter que sur moi-même. Néanmoins, je voulais tout de même connaitre sa réponse si je le questionnais à ce sujet.


-Si j'étais en danger, vous me sauveriez ?


Un petit silence s'installa. Je pestai intérieurement. J'avais été stupide de penser qu'il comptait gentiment me répondre.


-Évidemment.


C'était la même réponse qu'il avait donné au major. N'était-il pas justement entrain de me mentir, de me rassurer ? Je me contentai finalement de sa réponse, lui répondant d'un simple sourire. J'étais fatiguée. Et, pas seulement moi. Cependant, Livaï ne me montra aucun signe qu'il voulait rentrer. Je décidai de m'installer au pied d'un arbre. Je patientai pendant des secondes puis des minutes. J'étais fortement tentée de m'endormir. Puis, sans pouvoir m'y empêcher, je me laissai tomber dans les bras de Morphée.

***


[Chapitre relu et corrigé]



Laisser un commentaire ?