Étrangère

Marchant dans un étroit couloir, j'aperçus une silhouette. Elle était entrain de rassembler des affaires, dans ma chambre. Je me rapprochai discrètement d'elle, essayant par la même occasion de deviner l'identité de cette personne.

-Tu as fini de rassembler tes affaires ?

Sa voix me remémora automatiquement celle de mon frère, Samuel. Je ne comprenais cependant pas le sens de sa phrase. Partions-nous quelque part ? Il leva les yeux au ciel en entendant ma question.

-Pour rejoindre les murs ! Tu as déjà oublié ?

Les murs ? J'étais perdue. Je n'avais pourtant aucun souvenir des murs. Je doutais même qu'ils existaient.

-Pourquoi ?

-Pour être en sécurité, dit-il en baissant la tête. C'est devenu trop dangereux à l'extérieur à cause des..

La présence d'un nouvel individu interrompit sa phrase. Les bras croisés sur sa poitrine, ma mère pesta de notre retard.

-Samuel, ne commence pas à lui déballer ce qu'elle n'a pas besoin de savoir, grogna-t-elle. Elle est trop jeune pour comprendre de toute manière.

-Elle a raison, enchérit quelqu'un d'autre. Laisse Hana en dehors de ces histoires.

Je ne savais pas qui s'adressait à mon frère. Sa voix était beaucoup plus douce. Une voix masculine que j'avais déjà entendu auparavant, dans un autre rêve.

Les bagages bouclés et la maison fermée à clé, je suivis ma famille en direction des murs. Pendant notre trajet, j'entendis des hurlements étranges. Ma mère m'incita aussitôt à avancer, ne voulant que je fasse attention à ce qui se passait autour de moi. Je marchai pendant des heures et des heures. Au bout d'un moment, mon père s'arrêta. Je me cognai contre sa jambe. Tout en me frottant le front, je levai la tête. Nous étions devant une énorme porte, semblable à celle d'un château. Alarmés de notre arrivée, des hommes au dessus de cette porte lancèrent un fumigène dans le ciel.

-Nous devons nous assurer que vous ne représentez pas une menace pour l'humanité, nous cria un des leurs.

Ma mère et l'homme, qui je supposais être mon père, hochèrent la tête. Ils nous amenèrent dans une pièce lugubre. Un homme, habillé tout de blanc, me demanda de venir m'installer sur la chaise en face de lui.

-Je vais juste te prendre un peu de sang, m'indiqua-t-il.

Je tentai de me rassurer en essayant de ralentir mes battements de cœur irréguliers. J'étais effrayée, pourtant je n'avais pas le sentiment de vraiment l'être. En serrant mon poing, j'attendis nerveusement la pointe de la seringue transpercer ma peau. Je fermai les yeux, impatiente. Je sentis un picotement, allégeant soudainement mon corps comme une plume. J'étais entrain de perdre connaissance.

Je me réveillai subitement, observant mon propre reflet dans le miroir en face de moi. Je soupirai, lassée de ces rêves que je ne comprenais pas. Pourquoi étais-je à l'intérieur des murs alors que ma mère m'avait abandonné dans une forêt ? Ces rêves ne devaient vraiment qu'être le fruit de mon imagination. Je décidai de me lever pour me diriger vers la douche, j'avais envie de me rafraichir les idées. En sortant, je remarquai que le bleu sur mon épaule avait pratiquement disparu. Il fallait croire que j'avais de la chance. Je m'habillai rapidement avant de descendre, affamée. Une nouvelle journée m'attendait.

En entrant dans la salle, je remarquai que celle-ci était pratiquement vide. Armin et Jean étaient à une des tables du fond. J'attrapai un plateau puis me dirigeai vers eux.

-Bonjour, les saluai-je.

Joyeux, Armin me salua en retour tandis que Jean hocha simplement la tête. Je m'installai à côté du blond puis entamai mon petit-déjeuner. Mon regard curieux se posa sur le groupe de personnes qui venaient d'entrer. Livaï était accompagné de son escouade. Je me rappelai instantanément de la scène d'hier soir. Je m'étais endormie à l'infirmerie mais réveillée dans ma chambre. À moins d'être somnambule, quelqu'un m'avait sans doute déplacé.

-Tu es bien tête en l'air, m'accusa Jean en rigolant.

-Désolée j'ai du mal à me réveiller, mentis-je, mes cauchemars m'empêchent de dormir correctement.

-Il va bien falloir si tu veux survivre aux entrainements, se moqua Armin.

En guise de réponse, je lui souris. Je ne voulais pas être en retard aujourd'hui. Mon repas terminé, je me dirigeai aussitôt à l'extérieur. Néanmoins, lorsque je traversai un couloir, quelqu'un me rentra dedans.

-Hana ! m'interpella Hanji.

Tandis que je me frottais la tête, je m'excusai auprès de ma supérieur. Je repensais immédiatement à la question que je m'étais posée tout à l'heure. Hanji était présente à l'infirmerie, elle avait certainement tout vu.

-Je me demandais Hanji, déclarai-je gênée, quelqu'un m'a ramené dans ma chambre hier soir ?

-Oui, m'avoua-t-elle, c'est moi.

Je n'étais pas surprise mais plutôt soulagée. Hanji détala rapidement en entendant son ventre gargouiller. Une scène qui m'avait bien fais rire. Je repris néanmoins mon sérieux en rejoignant le terrain d'entrainement. À mon plus grand étonnement, je n'étais pas seule. D'autres soldats étaient déjà présents sur le terrain. Parmi eux, la blonde de la dernière fois ainsi que Sasha. Cachée dans un coin, elle était entrain de manger une patate douce. Le temps passa et le nombre de recrues présentes augmenta jusqu'à ce que Armin, Eren, Mikasa et Jean arrivèrent enfin.

-Tu es en avance cette fois-ci Hana, me lança Armin.

Je lui souris en guise de réponse. Soudain, toutes les têtes se retournèrent vers notre caporal. Il nous expliqua qu'aujourd'hui nous allions nous entraîner au corps à corps avec un couteau en bois. Les paires seront tirées au hasard. Par chance, je tombai sur Sasha. Elle n'avait pas l'air d'une adversaire très coriace. Je n'eus, en effet, aucun mal à placer le couteau sur sa poitrine. Elle avait essayé de me foncer directement dessus. J'en avais profité pour lui faire un croche-pied qu'elle n'avait même pas pris la peine d'esquiver. Par flemmardise ou par réel manque de vitesse, je n'en savais strictement rien. Mon état d'esprit changea immédiatement lorsque je rencontrai mon adversaire suivant. La blonde, dont je ne connaissais toujours pas le nom, se plaça sans rien dire devant moi. Je me positionnai, attendant de recevoir la première attaque.

Elle ne bougea pas, aussi immobile qu'une statue. Je décidai finalement de lui envoyer un coup de poing qu'elle esquiva aisément. Je tentai alors un coup de genou qu'elle bloqua aussi. Elle lança son pied pour atteindre mon visage mais je le bloquai avec le dos de mes mains. Elle avait l'air d'étonnée de ne pas m'avoir touché. D'un mouvement rapide, elle appuya sur ma poitrine et me balaya de sa jambe pour me faire tomber en arrière. La pointe de son couteau se posa inévitablement sous ma gorge. J'étais au sol et la chute m'avait sacrément bien amoché. Je devais me l'avouer, cette fille était forte. En levant les yeux, une main était tendue dans ma direction.

-Merci, dis-je en attrapant sa main, tu es vraiment forte.

-Tu n'es pas mal non plus. Tu es juste trop lente.

C'était la première fois que j'entendais sa voix. Je ne m'attendais pas à une voix aussi douce pour une personne aussi froide. Remettant sa mèche de cheveux derrière son oreille, elle me tourna le dos pour partir.

-Comment tu t'appelles ? lui demandai-je un peu hésitante.

-Annie.

Elle se retira aussitôt. J'étais plutôt contente d'avoir pu faire sa connaissance. L'entraînement se termina rapidement. J'avais remarqué Livaï me jeter quelques coups d'œil pendant mes combats. Il me surveillait. Peut-être qu'il avait ordre de prévenir le major Erwin si j'agissais bizarrement.

Plus tard dans la soirée, je m'affalai sur mon lit en m'enroulant dans mes couvertures. Après avoir pris ma douche et m'être mise en pyjama, mon corps était à son niveau maximum de fatigue. Seulement, je n'arrivais pas à trouver le sommeil. Je pensais trop, à tout ce que j'avais traversé jusqu'à présent, les personnes que j'avais perdu, mes rêves que je n'arrivais pas à comprendre. Le couvre-feu était déjà passé mais j'avais envie de prendre l'air. J'enfilai malgré tout un gilet avant de sortir de ma chambre en essayant de faire le moins de bruit possible.

Le bâtiment était calme à cette heure-ci. Je n'eus aucun mal à monter jusque sur le toit. La brise du soir me rafraîchissait. Je pouvais sentir le vent glacial faire frissonner la peau de mon visage. Je commençai à rêvasser un instant, je pensais à Ben. Au fond de moi, j'espérais un miracle. J'espérais qu'il soit encore en vie, sûrement entrain de construire une maison avec deux feuilles et un caillou. Cette pensée me faisait rire mais en réalité, mon cœur était envahi de tristesse et d'inquiétude. J'entendis soudainement quelqu'un venir dans ma direction. Je ne comptais pas me cacher. Il était déjà trop tard de toute façon.

-Tu ne devrais pas être dans ta chambre ?

-J'en avais marre d'être enfermée entre quatre murs, répondis-je immédiatement en reconnaissant la voix du caporal.

Il s'avança lentement pour se positionner à côté de moi. Accoudé sur le muret, il resta silencieux. Même s'il ne parlait pas, sa présence me rassurait. Nous ne nous connaissions que depuis peu mais j'avais l'impression qu'un lien spécial s'était créé entre nous.

-Ce garçon avec qui tu étais dans la forêt, était-il quelqu'un de ta famille ? me demanda t-il en brisant le silence.

Je rougis légèrement à l'entente de sa question. Même s'il avait complètement tort, m'associer à Ben me faisait toujours quelque chose. Notre relation aurait sûrement évolué si tout cela n'était pas arrivé.

-Nous étions amis, lui répondis-je gênée.

-Je vois.

-Et vous ? Est-ce que vous avez de la famille entre ses murs ?

Un silence s'installa. Je devais avouer que ma question était personnelle mais cela me permettait de continuer le dialogue. Il faisait nuit. Il était tard. Sa voix était différente. J'avais l'impression de découvrir une autre personne. J'avais envie de continuer à lui parler.

-Oublier ce que je viens de dire.

-Tu devrais retourner dans ta chambre, grogna-t-il légèrement irrité.

J'étais à la fois surprise et vexée de sa réponse. Il était vrai que ce n'était pas une question que je pouvais poser à mon supérieur. Néanmoins, je décidai de ne pas bouger. Silencieuse, je regardai les étoiles qui surplombaient le ciel. Quelques jours plus tôt, je les observais encore de la forêt. J'étais nostalgique, je combattais intérieurement mes sentiments pour ne pas pleurer.

-Je suis désolé de ne pas avoir pu sauver ton ami, se confia Livaï.

Je pouvais voir qu'il était sincère rien qu'au ton de sa voix. Il avait dû remarquer que Ben me manquait terriblement. Je ne voulais pas qu'il se pense responsable de sa disparition. Ce n'était pas de sa faute s'ils ne l'avaient pas retrouvé. En me tournant vers lui, j'essayai de le rassurer un maximum.

-Vous n'êtes en aucun cas responsable de ce qui est arrivé, murmurai-je. Rappelez-vous que ce même jour, vous avez donné une seconde chance à ma vie.



Sur ces dernières paroles, je me retirai du toit avant de retourner dans ma chambre. Cette nuit, je ne trouvai pas le sommeil. Mes larmes inondèrent le coussin contre lequel j'essayai de trouver du réconfort. J'aurais donné n'importe quoi pour retourner en arrière.

***

[Chapitre relu et corrigé]