L'automne d'une vie

Chapitre 29 : XXVIII- Vingt-huitième

2277 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 21/04/2019 17:08

Aki était enroulée dans une couverture, les mains autour d'une tasse de thé bouillante. Elle était tournée vers le feu qui brûlait dans la cheminée.

Il y avait peu de recrues, ces temps-ci. Ils avaient quelques jours de libres, pour leur permettre de passer Noël et le Nouvel An avec leurs familles. Pour ceux qui en avaient. La jeune fille n'avait nul autre foyer qu'ici. Elle passait ses journées à l'intérieur, évitant le plus possible les quelques personnes restantes.

Et surtout, Levi. Ils ne s'étaient pas adressé un seul mot depuis le 15 décembre, et son anniversaire était le lendemain.

Elle avait une peur bleue de sa réaction si elle lui parlait.

C'était allé tellement loin qu'elle mangeait soit très tard, soit très tôt, pour ne pas croiser son supérieur.

Elle passait toute ses journées seule, et ça commençait sérieusement à lui miner le moral. La jeune fille aimait être seule, mais depuis qu'elle avait rencontré Levi, c'était différent.

Elle soupira longuement avant de poser sa tasse et de s'allonger, en parallèle de la cheminée.

Qu'est-ce que Levi pouvait bien être en train de faire? Est-ce qu'il pensait à elle?

Apparement, penser à lui le faisait venir, puisque la porte du petit salon dans lesquel elle se trouvait s'ouvrit et il y entra, referma rapidement la porte derrière lui et s'y adossa, soupirant.

-Putain elle va vraiment pas me lâcher…

Il se rendit compte que la pièce était plongée dans un noir complet excepté pour la faible lumière qu'émettait la cheminée.

Il aperçut Aki, assise, l'air confus.

-Oh, salut.

Elle faillit rire considérant le fait qu'ils ne s'étaient pas parlé depuis une semaine et qu'il lui balançait un "Oh, salut". Vraiment?

-Bonjour.

-Bonsoir, plutôt, vu l'heure.

Un silence suivit cette déclaration.

-Je… peux m'asseoir?

-Je ne pense pas que vous ayez besoin de mon autorisation, Caporal.

-Ouais, effectivement.

La dernière chose à laquelle notre blonde s'attendait, c'était qu'il s'assoit à quelques centimètres d'elle.

Il lui en voulait toujours? Ou non? Elle était tellement perdue.

-Tu restes dans le noir. Pourquoi?

-Je ne suis pas dans le noir complet.

-Ouais. Euh, tu savais qu'on a une expédition prévue pour le 3 janvier?

-Oui, je sais.

Ils ne savaient pas quoi se dire et un silence pesant s'installa.

-Écoute, gamine… Je-

Il déglutit lentement et continua:

-suis désolé.

Elle tourna la tête vers lui.

-Pour?

-Tu sais très bien de quoi je parle.

Elle esquissa un sourire.

-Oui.

Elle aimait juste beaucoup le son de sa voix quand il s'excusait. Il avait une façon tellement spéciale de le dire, le chuchotant à voix basse comme si c'était un secret bien à eux…

Elle secoua la tête. Est-ce qu'elle était vraiment en train de s'extasier sur le timbre de sa voix quand il disait "je suis désolé" ?

Le brun bougea un peu et, en déplaçant sa jambe, renversa la tasse de la jeune fille, laquelle se déversa directement sur ses petits doigts.

Elle ne put retenir un cri de douleur.

-Oh putain, merde, merde ! Ça va ? Bouge, il faut qu'on passe ta main sous l'eau froide !

Il s'empressa de la relever et l'entraîna à sa suite, pour trouver la source d'eau la plus proche. Ils atteignirent des toilettes et Levi ouvrit le robinet.

-Voilà. Tu ne devrais pas avoir de cloque.

-Merci.

Elle rit.

-Vous n'aviez pas besoin de tant paniquer, Caporal. C'est juste une brûlure.

-Ouais, euh…

Son visage, à la grande surprise d'Aki, prit une teinte rosée. Il avait décidé d'être adorable aujourd'hui ou quoi?!

-Désolé. J'aime pas te voir souffrir.

Il réalisa ce qu'il venait de dire et rectifia, les joues de plus en plus rouges:

-Euh, je veux dire, j'aime pas voir les gens avoir mal. Ouais.

Aki prit un air inquiet.

-Vous êtes sûr que ça va, Caporal? Vous n'êtes pas comme d'habitude.

-Ouais, ça va.

En fait, ça n'allait pas. Il avait désespérement besoin d'elle, de l'avoir à ses côtés, d'entendre son rire qui allégait tellement son coeur, de voir ses fossettes apparaître tandis que son sourire s'élargissait…

Elle avait tellement grandi depuis la première fois qu'il l'avait rencontrée. Certes, elle n'avait pris que quelques centimètres, mais elle était devenu une personne tellement forte malgré toutes ses peurs, tellement plus souriante, tellement mature, raisonnable, et si belle.

Bien qu'elle ne semble pas capable de le voir, les gens se retournaient sur son passage et certains ne se gênaient pas pour la mater. En même temps, Levi avait envie de leur foutre son poing dans le visage, et en même temps il compatissait.

Elle était tellement magnifique. C'était difficile de détacher ses yeux d'elle une fois qu'on les avait posés sur ses doux yeux lagons, ses longs cheveux blonds…

-Hum, Caporal?

La jeune recrue le fixait de ces susnommés yeux bleus, interrogatrice.

-Vous allez bien ? Vous étiez vraiment perdu dans vos pensées, à l'instant. Vous êtes sûr que ça va ?

Il déglutit. Si elle ne s'éloigne pas de moi bientôt, ça va pas le faire…

Il recula d'autant de pas que le lui permettait l'espace étriqué des toilettes. Autrement dit, pas assez.

Aki, n'ayant pas l'air de comprendre le message, ferma l'eau glacée du robinet, se rapprocha de lui et alla poser ses lèvres sur son front.

Levi bugua. Totalement.

-A-Aki ?! Qu'est-ce que tu fous ?!

-Je prends votre température.

Il n'avait pas son mot à dire et c'était clair. Très clair. Au bout de quelques secondes qui lui parurent une éternité, Aki recula.

-Votre front est chaud. Vous avez attrapé froid ?

-Je pense pas, non…

-Est-ce que vous avez mal à la gorge ? Vous toussez ? Mal à la tête ?

-J'ai un peu mal à la gorge, oui, mais pas de quoi en faire un plat…

-Vous n'allez pas passer votre anniversaire malade, Caporal.

Alors là, elle le prenait de court.

-Qu'est-ce que… Tu t'en souviens?

-Ce n'était pas si difficile, c'est le jour de Noël.

-Ah oui… l'ancienne fête.

-Exact!

Elle sourit, ravie qu'il s'en rappelle.

-Le tien est encore plus facile à retenir, puisque c'est le Nouvel An. On ne peut pas faire plus simple à mémoriser.

-C'est vrai…

-Enfin bref, les toilettes c'est pas le meilleur endroit pour discuter… On pourrait retourner dans l'autre pièce?

-Oui, évidemment.

Mais pourquoi est-ce qu'ils avaient été assez bêtes pour ne pas se parler pendant tout ce temps ? Aki ne s'était jamais senti plus en sécurité qu'avec lui. Elle commençait même à le toucher de son plein gré, et à apprécier son contact, ce qui signifiait beaucoup pour elle.

Levi s'assit sur le sofa crème tandis qu'Aki s'asseyait à nouveau par terre, serrant contre elle un coussin vert pomme.

-C'était Hanji qui vous suivait tout à l'heure?

-Ouais. Comme d'habitude.

-Pourquoi?

-Tu la connais, elle fantsame sur toi et moi, elle voulait absolument que je te parle et que je m'excuse…

-Ce que, de vous-même, vous avez fini par faire.

Levi ne pouvait pas voir ses lèvres, car elle avait le visage à moitié enfoui dans son coussin, mais il était certain qu'elle souriait.

-Ouais. Peut-être qu'elle a raison, après tout.

C'était plus fort que lui. C'était sorti tout seul.

-Peut-être…

Et elle acquiesçait, en plus ?

-Gamine, tu voudrais pas venir t'asseoir sur le canapé ? Le carrelage, ça va un moment.

Elle hocha la tête et s'assit à ses côtés.

Ils restèrent silencieux un long moment, avant que les douze coups de minuit sonnent.

-Joyeux anniversaire, Caporal!

-Merci, gamine.

La blonde, sans prévenir, l'embrassa sur la joue avant de l'attirer dans une étreinte qui lui donna envie de s'abandonner dans ses bras et de ne plus jamais les quitter.

La blonde demanda, la tête sur son épaule:

-Je ne sais pas si je suis censée demander, mais ça vous fait quel âge ?

-32 ans.

Il s'attendait à ce qu'elle ait une réaction de recul, qu'elle le repousse, mais elle se contenta de sourire.

-Vous avez pile le double de l'âge que j'aurais dans cinq jours…

-Effectivement, j'avais pas pensé à ça. Ca te dérange?

-Non. Enfin, je veux dire, un peu, parce que les gens ont un regard tellement dur et appuyé sur nous quand on est ensemble…

-Ouais, c'est vrai. En même temps tu fais bien tes 18 ans, alors je vois pas pourquoi les gens s'embêtent à nous faire chier.

Ils parlaient comme s'ils étaient en couple et Levi aimait beaucoup ça. Si seulement…

-J'ai quelque chose pour vous, Caporal, mais je ne l'ai pas sur moi…

-Hanji a dit qu'on se retrouverait avec quelques autres personnes pour fêter nos deux anniversaires en même temps, et le Nouvel An. Peut-être, garde-le jusque-là?

-Je n'étais pas au courant… Mais oui, d'accord.

-Le problème c'est que j'ai envie de savoir ce que c'est maintenant.

Elle rit doucement.

-Je n'aurais peut-être pas dû vous le dire alors.

-Nope. Qu'est-ce que c'est ?

-Vous croyez vraiment que j'allais vous le dire ?

-Ben…

-Vous allez devoir attendre cinq jours de plus, Caporal.

-D'accord, Aki. J'attendrai.

Les longs doigts du brun était posés dans son dos et ils remontèrent, pas vraiment intentionellement, vers la nuque de la blonde.

-Tu devrais aller pioncer, gamine.

Il ne le pensait pas, évidemment, mais elle était jeune et elle avait besoin de sommeil.

-Je devrais…

Aucun des deux ne bougea.

-Est-ce que… je veux dire, ma chambre est tout près et la tienne est super loin…

-Vous me proposez de dormir avec vous?

-C'est juste que… Il y a de l'orage et tu as dit que…

-Oui, j'en ai une peur bleue. Merci, Caporal.

Elle lui sourit et le brun dû lutter pour ne pas le lui retourner.

-Vous avez besoin que je vous aide avec des papiers?

-Putain, Aki, dormir, pas travailler! On a des jours de repos, tu te rappelles?

-Effectivement.

-T'es vraiment accro au travail, toi…

-Seulement quand c'est avec vous, Caporal.

Elle lui adressa un sourire complètement naïf, n'ayant aucune idée de ce que ça signifiait pour le brun.

-Aki, merde, ferme-la avant que je m'imagine des trucs.

Il la prit par le poignet et la guida jusqu'à sa chambre, où il ferma la porte derrière eux.

-Caporal, vous avez réussi à venir à bout de l'immense pile de paperasse seul?

-Ouais, euh, j'ai pas vraiment dormi ces trois dernières nuits donc c'était pas difficile.

Elle soupira.

-Vous devez être épuisé.

Il l'était, mais il n'était pas question qu'elle le sache.

Il alla s'allonger sur le lit double, avant d'allumer sa lampe de chevet.

-C'est le déluge que tu attends?

-Non, euh…

De toute façon, vu les trombes qui tombaient dehors, elle n'avait pas besoin de l'attendre, le déluge.

Elle s'assit précautionneusement sur le côté droit du lit du brun et attendit qu'il éteigne.

-Sérieusement, Aki, tu comptes dormir assise ? J'ai besoin de te rappeller qu'on a déjà dormi ensemble ? C'est pas nouveau.

-Je sais bien…

Elle s'allongea sur le dos, sous l'épaisse couette, les mains sur le coeur.

-Qu'est-ce que tu fais ? Tu écoutes tes battements de coeur ?

-Oui, c'est… une vieille habitude.

-Et ? Ton coeur bat ?

-Il bat très vite.

Ça ne veut rien dire. Elle n'était pas en train d'insinuer que c'est parce qu'elle est avec moi.

-Pourquoi ?

Elle esquissa un léger sourire.

-Peut-être à cause de vous ?

Ben là elle est clairement en train de l'insinuer. Elle ne veut pas m'embrasser, ce serait plus explicite?

Il éteignit la lampe, plongeant la pièce dans le noir complet.

-Bonne nuit, Caporal.

-C'est ça.

Au bout de quelques minutes, un éclair déchira le ciel et Aki sursauta tellement fort que le brun crut qu'elle allait tomber du lit.

-Tout va bien, c'est juste un éclair.

-Je sais. Tout va bien.

Il pouvait clairement entendre sa respiration tremblante. Pour elle, très clairement, tout n'allait pas bien.

-Hé, Aki, je suis là.

Pour appuyer ses dires, il pressa sa main dans la sienne.

-Je sais.

Un autre éclair détonna; la réaction d'Aki ne se fit pas attendre: elle serra la main de son supérieur tellement fort que celui-ci retint un cri.

-T'as une de ces poignes gamine.

-Désolée Caporal ! J-je vous ai fait mal ?

-Non, je vais bien, t'inquiète.

Il retira sa main et, n'y tenant plus, attira la blonde vers lui. Celle-ci eut un mouvement de recul avant d'articuler un "merci" à peine audible.

Elle enfouit son nez dans la nuque du brun, de manière à être en contact direct avec sa peau -qui était d'ailleurs étonnament douce-, et inhala à fond son odeur de café. Oh, bon Dieu, qu'est-ce qu'elle aimait son odeur.

Levi, sentant la chaleur de la recrue contrastant tellement avec la température de sa propre peau, frissona. Il n'avait jamais voulu quelqu'un tellement fort, ça lui nouait le ventre tant il la désirait. Elle le rendait fou.

Il fallait qu'il trouve un moyen de l'éloigner, il ne se sentait plus capable de lui résister.

Il se rendit rapidement compte qu'elle s'était endormie, lovée contre lui. Il ne pouvait se résoudre à l'éloigner...

-Bonne nuit, Aki.

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