L'automne d'une vie
Et comme d'habitude, elle se réveilla en hurlant.
Il était 3 heures du matin. Elle suait comme elle ne l'avait jamais fait. Elle pleurait toutes les larmes de son corps. Elle se redressa lentement, essuyant rageusement son visage mouillé, et se leva. Elle portait un pyjama ample, bleu ciel. Ses longs cheveux blonds comme les blés étaient détachés et complètement en bataille. Elle les attacha rapidement en une tresse pour éviter d'être gênée par leur faute. Elle enfila promptement un pull écru, et ouvrit prudemment la porte du dortoir. Elle traversa les sombres couloirs, un peu perdue. Quand elle trouva une porte qui semblait mener au-dehors, elle s'y précipita et sortit.
Ravie de la légère brise sur sa peau, Aki soupira d'aise et leva les bras vers le ciel. Au travers de ses mains tendues filtraient les doux rayons de la lunes, se mélant harmonieusement au bleu cobalt du ciel nocturne.
Elle s'allongea dans l'herbe humide. Apparement, il avait plu cette nuit. Effectivement. Elle se souvenait d'avoir entendu la bruine s'échouer contre les vitres.
Elle soupira une fois de plus. Elle avait hâte d'enfin intégrer le bataillon d'exploration, pour pouvoir enfin être utile au monde. Pour pouvoir faire d'elle une humaine, une humaine contribuant au bien de l'humanité. Elle voulait servir quelque chose, être capable de sauver des familles. Elle voulait pouvoir éviter à des enfants, la peine qu'elle avait elle expérimentée. Elle souhaitait à tout prix que plus personne ne souffre plus jamais comme elle. Elle aurait pu se damner pour éviter ça. Elle aurait pu porter d'elle-même toute la souffrance de ce monde -et Dieu sait combien il y en avait.
Elle leva les yeux vers le ciel, observant la vôute céleste. Le ciel était dégagé, ce soir. Elle s'y connaissait un peu en astronomie, et elle savait qu'elle avait une channce inouïe de voir un ciel aussi beau. Elle aurait pu compter les étoiles, si elle s'y était attardée.
Elle savait que si elle l'avait vraiment voulu, elle aurait pu dormir à cet instant. Elle était tellement bien installée, avec un si beau paysage sous les yeux... Mais non. Ses insomnies était certainement en partie dues à sa volonté. Elle en avait vaguement conscience. Vaguement, certes. Mais un peu quand même.
Une chose douce comme une plume l'effleura. C'était froid.
Il neigeait.
Après tout, en janvier, c'était chose banale. Mais cette magnifique matière froide l'éblouissait et la fascinait toujours autant, années après années. La neige était un total paradoxe à ses yeux. Elle était à la fois si douce, et à la fois si froide. Elle la plongeait dans une profonde mélancolie sans qu'elle ne puisse expliquer pourquoi, et la rendait en même temps réellement heureuse.
Elle soupira en recevant un autre flocon. Elle allait devoir rentrer pour éviter d'être mouillée. Mais après tout, qu'est-ce qui était grave dans le fait de rester sous la neige ? Elle n'allait pas en mourir. Elle attraperait, au pire, une petite grippe, mais peu importe.
Elle resta donc étendue sous la neige, souriante, jusqu'à ce qu'elle finisse par retrouver raison et retourner au chaud. Elle avait passé deux heures sous la neige, et elle ne les échangeraient, ces deux heures, pour rien au monde.
Elle était assise dans un grand fauteuil devant la cheminée, un livre à la main, quand Haru et Yuki arrivèrent en discutant de tout et de rien, comme d'habitude.
La grande blonde s'assit dans le fauteuil à côté du sien tandis que le brun se penchait par-dessus son épaule pour tenter de voir le titre de son livre.
-Qu'est-ce que tu lis ?
-Une light novel. Ça vient du passé, quand les Titans n'existaient pas -du moins ne dominaient pas le monde. C'est japonais.
-Japonais ?
-Un des pays de l'Ancien Monde. Hum...Est-ce que tu vois qui est Mikasa Ackerman ?
-Oui, je crois.
-Elle doit être japonaise. Les Japonais avaient les yeux bridés, comme elle, et souvent des cheveux noirs. Enfin, revenons au livre. Il s'appelle Kyokai no Kanata.
-C'est du japonais, j'imagne ?
-Oui. Ça signifie "Au-delà des limites".
-Et c'est écrit en quelle langue ?
-En anglais. Je ne maitrise pas complètement le japonais, parce que ce sont des idéogrammes et non des lettres.
-Et où tu as trouvé ce bouquin ?
-Dans la bibliothèque. Ils ont des superbes perles. Comme celui-là.
Elle regardait le livre avec des yeux brillants, émerveillée par cet antiquité qui semblait avoir tant de valeur à ses yeux. Elle qui d'habitude était si inexpressive.
Le brun éclata de rire.
-Allez, lâche ton vieux bouquin, il a neigé cette nuit !
-Il est peut-être vieux, mais il a une valeur inestimable.
-Peut-être. Allez, viens !
La jeune fille posa précautionneusement le livre sur la table basse et suivit les deux autres après avoir enfilé son manteau.
Les deux aînés redevenaient des enfants. Ils s'envoyaient des boules de neige comme deux gamins.
Et Aki les regardaient calmement, assise sur les marches. Elle les trouvaient vraiment mignons. Elle n'aurait su expliquer ce qu'elle pensait d'eux, mais elle trouvait leur relation tellement magnifique. A travers leurs actions transparaissait que, l'un sans l'autre, ils se seraient sentis comme privés d'une partie d'eux-même. Et elle trouvait ça merveilleux.
Elle pencha la tête. Ferma les yeux, et inspira à fond. L'hiver avait cette odeur si particulière, qu'elle adorait autant qu'elle la détestait. Si elle devait la décrire, elle aurait simplement dit que c'était l'odeur de l'hiver. Parce que c'était indescriptible, comme l'odeur de l'automne, celle de l'été et celle du printemps. Celle de l'océan, aussi. Elle aurait pu trouver des milliers d'exemples d'odeurs indéfinissables.
Elle poussa un cri aigu en sentant quelque chose de froid se glisser dans son cou.
Les deux plus grands étaient en train de mourir de rire en se tenant le ventre.
La petite blonde se leva, se baissa pour ramasser de la neige, la modela en une boule sphérique, et se rapprocha dangeureusement des deux accolytes.
-Oh oh, alerte, alerte, on a mit la naine en colère !
-Je ne suis pas naine ! ,Hurla-t-elle.
La blonde en jupe et le brun se mirent à courir, toujours en train de rire, pour échapper à la jeune fille aux yeux bleus -parce qu'ils savaient qu'elle était très précise en matière de lancer, pour leur plus grand malheur.
Elle finit par leur lancer sa boule de neige, et comme prévu, atteignit très facilement leurs cous.
Les trois finirent par s'effondrer dans la neige.
-A-Arrêtez, j'ai mal au ventre ! ,se plaignit Haru tout en continuant de rire.
-Moi aussi ! Protesta Yuki.
La blonde se contenta de sourire à leurs protestations.
-Vous vous faites rire tout seuls, qu'est-ce que vous voulez... Vous êtes trop enclin à rire.
-Espèce de rabat-joie !
-Je vois juste la réalité en face.
Malgré le poids de ces mots, les deux grands ne purent s'arrêter de rire.
La petite blonde commençant à sentir ses mains s'engourdirent, elle se leva et s'étira.
-Je retourne lire.
En s'éloignant, elle put les entendre la charrier dans son dos :
-Rabat-joie ! Rabat-joie !
Elle leva les yeux au ciel et ferma la porte.