En passant

Chapitre 3 : En passant 3

Chapitre final

5797 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 07:38

Et celui-là un tit peu plus long… Enjoy encore

Deux jours après, un samedi, j’étais allé au zoo. D’habitude je n’y allais pas en week-end, mais ma mère n’était pas là, et mon père avait eu une réunion au dernier moment. Il avait neigé toute la nuit, et nous avions ce matin eu droit à un magnifique paysage blanc. J’enfilai mes bottes marron par-dessus mon jean bleu foncé, mon manteau kaki et mon bonnet noir avec un joli pompon. J’étais fin prêt, alors je partis de la maison en vitesse. J’avais deux heures devant moi, alors je devais me dépêcher de rentrer avant que mes parents ne le remarquent.

J’avais pris le bus, et je me rendis en courant presque au zoo. Je connaissais à peu près les horaires de Levi, j’avais réussis à lui tirer les vers du nez, bien qu’il ait rechigné ensuite. Le temps enneigé m’ayant quelque peu excité, lorsque je vis Levi de dos je ne pus pas m’en empêché.

« Leviii !

Il se tendit, puis se tourna vers moi, les sourcils froncés.

- Qu’est-ce que tu fous là le go –

Et je lui balançai une belle boule de neige sur la jambe. Le temps sembla s’arrêter autour de nous. Détrompez-vous, je connaissais Levi, et je savais que mon geste n’allait sans doute pas lui plaire, mais bon… Je ne résistais jamais à la tête qu’il faisait par la suite. Exaspération. Incompréhension. Colère. Mais surtout, stupéfaction. Et là, je ne pouvais pas m’en empêcher, je me mettais à rire comme un imbécile. Bref, je me mis ensuite à courir vers lui pendant qu’il semblait encore essayer de comprendre ce qui lui arrivait. Je lui bondis dessus, mais un éclair de lucidité lui traversa les yeux, et il m’évita souplement. Inutile de préciser que je m’étalai dans la neige.

- Qu’est-ce qui te prends sale mioche ! s’exclama-t-il. C’est le temps qui te rend comme ça ?

Il épousseta son pantalon.

- Je te jure ça fait flipper ton comportement parfois, en plus c’est dégueu, on sait jamais sur quoi ça a traîné cette foutue neige !

- Mais Levi…

- Je te jure faudrait que tu réapprennes le respect parfois, et –

- Mais –

- Quoi encore !

Je relevai la tête, faisant les grands yeux innocents. Il mit sa main devant mon visage.

- Arrête de faire ça, tu sais bien que tes yeux me font peur.

Je pris discrètement un peu de neige sur le sol.

- Mais Levi, on s’en fiche de là où elle a traîné. Ce qui compte c’est de s’amuser !

Puis, hilare, j’en étalai sur sa cuisse et m’enfuis en courant.

- Au pire t’auras qu’à te laver en rentrant chez toi !

Je crois que je l’avais vraiment mis en rogne, car je me reçus une grosse boule blanche dans le dos, puis une sur les fesses, et une à l’arrière du genou. C’était une catapulte ou quoi ?! Je me cachai derrière un arbre pour me réapprovisionner. Je savais que j’étais moins fort, il fallait donc que je sois près pour tirer. L’espace étant totalement dégagé autour de Levi, je décidai de faire la seule chose possible : une attaque suicide. Je pris une boule de neige dans chaque main, puis m’élançai en poussant un cri de guerre. A la place je m’en pris tout simplement une dans la tronche et tombai sur le dos. Sonné, je restai quelques secondes allongé, clignant des yeux, essayant de réaliser ce qui avait bien pu se passer. J’entendis des pas accourir vers moi, puis la tête de Levi entra dans mon champ de vision.

- Eh le mioche, ça va ?

Il avait une moue inquiète, ce qui me fit plaisir de le voir comme ça. J’hochai la tête et me redressai en position assise.

- Oh mer – Zut.

- Qu’est-ce qu’il y a ? marmonnai-je.

Je sentis alors un liquide chaud couler sur ma lèvre, puis le long de mon menton. Je m’essuyai, puis fus surpris de trouver du sang sur mes doigts. Je n’avais pas vraiment mal en fait, j’étais surtout tout engourdi. Levi me redressa par le bras, et je fus soulevé dans les airs, pour venir atterrir sur ses épaules.

- Allez viens, grogna-t-il. Je vais te soigner.

Il me porta jusqu’à l’accueil du parc, je m’assis sur une chaise et le laissai s’occuper de moi.

- T’es une brute, boudai-je.

- Tu l’avais cherché, riposta-t-il.

- Ouais mais quand même.

Il n’ajouta rien. Il s’empara d’un coton et d’un produit pour désinfecter ma plaie. Il m’appliqua ensuite délicatement le tout sur le nez. Je me laissai faire, fixant sa mine concentrée, puis je me mis à sourire, un sourire de plus en plus grand, un sourire heureux.

- C’est quoi cette tête d’abruti que tu me fais ? grogna-t-il.

J’eus un petit rire.

- T’es gentil en fait.

Il s’arrêta dans son geste.

- Pardon ?

- Tu m’aimes bien hein ?

Il reprit le nettoiement de ma plaie, puis, au bout d’un moment durant lequel je ne dis rien – je savais qu’il fallait parfois lui laisser son temps pour répondre, si tout du moins il répondait – il me dit :

- Ouais. T’es un peu stupide mais je t’aime bien. Maintenant laisse-moi finir.

Mon sourire s’agrandit, découvrant mes dents.

- J’le savais ! »

Je l’observai le temps qu’il termine, il le remarqua, et bien que cela ait semblé le déranger un peu, il ne fit pas de commentaire. Je regardai sa peau blanche, presque autant que la neige, et sans aucun défaut, puis je remontai jusqu’à son nez fin, ses beaux yeux gris comme la pluie, ou les nuages annonciateurs de mauvais temps. Moi j’aimais bien la pluie, le vent, le ciel couvert, sombre. Je contemplai ses cheveux noirs de jais qui retombaient sur son front, contrastant avec la pâleur de sa peau, puis descendis mon regard sur ses lèvres, pincées en une ligne mince. Moi aussi, je l’aimais bien.

Aujourd’hui fut mon premier véritable contact avec Levi. Un simple jeune adulte qui nettoyait la blessure d’un gosse de dix ans.

.

.

Dix-huit mars.

Aujourd’hui Levi parlait moins que d’habitude. A vrai dire, il ne parlait même pas du tout. Cela m’inquiétait de le voir ainsi, et je tentai de découvrir ce qui le tracassait afin de le rassurer.

« Qu’est-ce qui se passe ?

Son regard tourna dans ma direction, une seconde à peine pas plus. Je shootai dans un caillou, mine de rien, comme si je n’avais prononcé aucun mot. J’attendis sa réponse patiemment, qui d’ailleurs ne tarda pas.

- Des complications nazes.

- C’est quoi ? demandai-je, curieux.

- Un truc de ma fac, marmonna-t-il.

Je ne cherchai pas plus loin, sachant qu’il n’avait pas envie de m’en dire davantage.

- Ben t’as qu’à ignorer ton problème, tentai-je de l’aider.

Il soupira.

- Et le fuir ? Non merci, pas mon genre. De toute façon c’est inévitable.

- Mh.

Je changeai de sujet, celui-ci étant clos :

- Tu vas rester travailler ici durant les vacances d’été ? fis-je avec espoir.

- Ouais. Jusqu’en fin juillet. »

Cela me rassura. Nous partions rarement en vacances avec la famille, et j’étais à peu près certain d’être là pendant cette partie de l’été. Il remarqua ma mine réjouie sans trop de difficulté, et un sourire en coin apparut sur son visage.

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.

En vérité j’étais tombé amoureux de Levi sans même m’en rendre compte immédiatement. C’était comme Armin avait dit non ? Levi était devenu mon quotidien dont je ne me lassais jamais. Et puis il tenait à moi un minimum, je le savais. Je savais également que mes sentiments ne seraient jamais partagés, au vu de notre différence d’âge, et puis il n’aimait sans doute même pas les garçons puisque c’était chose moins courante…

Mais tant pis, ça m’étais tombé dessus, et je ne pouvais rien faire contre. Je me demandais d’ailleurs comment ça avait pu arriver. Après tout n’avait-il pas un caractère de cochon excessif, ainsi qu’un certain manque de politesse – pas forcément par rapport au langage – qui devait en exaspérer plus d’un ? Même moi, parfois, m’enfin surtout avant. Je m’étais habitué je suppose, et j’étais même parvenu à y prendre goût. J’étais sans doute un peu bizarre. Et puis… L’idiot que j’étais continuait à espérer qu’il y avait peut-être une micro chance pour que mes sentiments soient partagés, mais sans y croire réellement.

.

.

Trois semaines plus tard, un vendredi, j’accompagnai Levi jusqu’à la fin de son service, et cette fois-là même jusqu’à ce qu’il sorte du zoo. Il ouvrit la porte d’un petit local, y laissa le porte-poubelle et sa veste de travail, puis tira le sac rempli de détritus jusqu’à une benne. Il le balança dedans sans ménagement avec une mine dégoûtée et en pestant, je cite, contre « ces porcs qui ne respectaient pas le travail d’autrui ». Nous nous avançâmes ensuite jusqu’à la grille du parc, et il salua le type qui surveillait l’entrée. J’avais décidé d’accompagner le noiraud pour une bonne raison. Il se doutait de quelque chose évidemment, méfiant comme il était, et il stoppa brusquement.

« Qu’est-ce que tu veux me demander microbe ? Vas-y, accouche.

Microbe. C’était devenu mon nouveau surnom depuis quelques jours, et je le prenais comme une forme d’indice comme quoi, mine de rien, il tenait à moi.

- Que – Qu’est-ce qui te fait dire que je veux te demander un truc ?

Il haussa un sourcil.

- Je l’ai remarqué, c’est tout. D’autant plus que tu as été beaucoup moins bavard que d’habitude.

- Mh.

Il s’arrêta, et je suivis le mouvement. Il patienta tranquillement avec une cigarette jusqu’à ce que j’ose parler. Je croisai les bras, réfléchissant le plus rapidement possible, puis je les décroisai brusquement.

- On mange ensemble ce soir ?

Il toussa, recrachant subitement la fumée.

- Ça va pas nan ? Je suis pas riche moi !

Il s’agissait là pour moi d’un rendez-vous, en quelque sorte.

- Viens chez moi alors.

Il fronça les sourcils.

- Et tes parents ?

- Oh, mon papa est parti à Paris et ma maman termine à vingt-deux heures.

Il croisa les bras.

- C’est réglo de laisser un gamin de ton âge tout seul ?

J’agitai les mains.

- J’aime bien moi, et puis j’ai l’habitude ça me dérange pas.

Puis, voulant paraître un peu plus adulte, j’ajoutai :

- Et puis je suis grand, je sais parfaitement m’occuper de moi tout seul !

Il n’eut pas l’air convaincu.

- Alors, on mange ensemble ?

Il parut embêté.

- Ecoute, je suis plus âgé, alors pas question que j’aille chez toi et qu’on me prenne pour un pédophile.

- H-hein ?

Je réfléchis à toute vitesse.

- Alors allons chez toi !

- Je suis en résidence universitaire, je peux pas incruster des gens.

Ça m’embêtait bien, ça m’embêtait même beaucoup.

- Ben t’as qu’à dire que j’suis ton petit frère et que t’étais obligé de me garder.

- Impossible. Et pas question de te faire passer pour quelqu’un de ma famille, tu me déshonorerais trop.

J’étais super déçu, et ça devait se voir sur mon visage à trois cent kilomètres.

- Je voulais aller au café boire un coup de toute façon, dit-il mine de rien, bien que ces mots aient semblé lui écorcher la bouche. Tu viens ou tu viens pas, c’est comme tu veux.

Il partit, me plantant là-dessus. Je le regardai s’éloigner, puis le rattrapai en courant.

- Je t’accompagne ! »

.

.

Il m’avait payé un chocolat chaud, puis j’étais rentré à la maison. Cependant, alors que j’arrivai devant ma porte, vers vingt heures, je vis ma mère en train de l’ouvrir. Elle m’entendit et se retourna.

« Eren ? Mais enfin, qu’est-ce que tu fais là ?

Elle n’était pas censée finir si tôt. Nous entrâmes dans l’appartement, puis elle s’assit sur une des chaises de la table et me demanda de la rejoindre.

- Eren, je veux des explications.

Etant un très mauvais menteur, je lui racontai à peu près la version des faits, en moins pire bien sûr. Je lui dis que j’allais de temps en temps au zoo quand elle rentrait tard, et que j’y avais rencontré quelqu’un. Elle prit peur.

- Qui est ce quelqu’un, Eren ?

- C’est un garçon qui travaille là-bas.

Elle parut un peu rassurée, mais pas complètement.

- Et quel âge il a, ce garçon ?

- Vingt ans. On est devenus amis.

Elle souffla de soulagement, un peu moins inquiète, puis elle me prit les mains.

- Je ne veux plus que tu rentres aussi tard mon chéri. Je sais que papa et moi on n’est pas toujours présents, mais il faut garder certaines règles. Je veux que tu sois à la maison à dix-huit heures trente dorénavant, et que tu fasses bien tes devoirs.

Avant que je ne puisse répliquer elle continua :

- Et tu as de la chance que je ne te punisse pas.

- Mais ça c’est une punition maman ! m’exclamai-je.

- Baisse d’un ton enfin ! Tu es un enfant de dix ans, c’est normal que j’exige ça de ta part. Tu n’as pas vingt ans comme ton ami. Tu devrais peut-être le voir un peu moins d’ailleurs.

- Mais !

- Pas de mais Eren ! s’emporta-t-elle. Vas dans ta chambre !

Je sautai de la chaise.

- C’est lui qui m’empêche de me sentir tout seul.

Je la vis avaler sa salive.

- Ecoute mon chéri –

- J’ai pas envie de t’entendre te justifier !

- Ne me parle pas comme ça !

Je lui tournai le dos, puis lui avouai, les yeux plein de larmes :

- En plus je crois que j’suis amoureux de lui.

- Oh Eren…

Elle s’approcha de moi et m’enlaça. Nous restâmes ainsi quelques minutes.

- Dix-neuf heures à la maison, me dit-elle. Pas après.

Je relevai la tête et me tournai vers elle, les yeux brillants. Elle essuya une larme sur ma joue.

- Mais tu sais, il est grand, ton ami. Il a quand même le double de ton âge.

- Je sais.

Elle me reprit dans ses bras et me caressa la tête.

- Mon tout petit… » murmura-t-elle.

.

.

Trente mai.

Levi et moi nous étions un peu plus rapprochés. Nous avions toujours les mêmes discussions, lorsque nous en avions bien entendu, et notre rapprochement était principalement dû au temps que nous passions ensemble. Nous ne partagions rien de très concret, nous étions simplement au même endroit au même moment, avec un semblant de discussion. Mais ça suffisait.

.

.

« Qu’est-ce que tu vas faire pendant l’été microbe ? Rester comme une loque devant des dessins animés débiles ?

- Non ! m’offusquai-je immédiatement. Peut-être un peu… Mais pas que !

Je compris à son sourire moqueur que j’avais eu la réaction escomptée.

- Et toi ? répliquai-je.

- Comme tu sais je taffe jusqu’en fin juillet. Pour la suite on verra.

Il me sembla éviter un peu le sujet.

- Je viendrai te voir de toute façon, dis-je du tac-au-tac.

- Comme tu veux.

C’était une habitude. J’étais le gosse collant et lui l’adulte je-m’en-foutisme. Au moins ça ne le dérangeait pas que je sois autant de temps avec lui, sinon il me l’aurait signalé, croyez-moi. Il me jeta un regard en coin que je surpris. Ses sourcils s’étaient légèrement froncés.

- Quoi ? demandai-je aussitôt.

Il détourna les yeux rapidement, sortit une cigarette de son paquet.

- Rien.

Je le dévisageai aussitôt, soupçonneux. Il avait déjà agi de manière assez similaire la fois dernière.

- D’accord.

Je savais qu’il m’en parlerait, tôt ou tard. Je le connaissais un minimum, depuis le temps que je le fréquentais. Il paraissait surpris à chaque fois que je parvenais à me contenir de le presser de questions. Il me tapota la tête, comme il avait pris l’habitude de le faire quand je me montrais obéissant.

- C’est bien, fit-il distraitement.

Puis il retourna son attention sur moi.

- Pourquoi tu passes pas un peu plus de temps avec tes amis ?

Il m’avait posé une question sur moi. Cela n’arrivait que très rarement, et à chaque fois j’étais pris au dépourvu.

- Heu…Ben… Ils doivent rentrer chez eux, leurs parents sont là, alors…, expliquai-je maladroitement. Et toi ? Y en a jamais qui viennent ici non ?

- Je connais pas grand monde, répondit-il simplement.

Je fronçai les sourcils.

- Pourtant t’es génial Levi.

Il plissa les yeux, ne sachant pas s’il devait le prendre ou non avec ironie.

- Tais-toi un peu le gosse. »

Je ris, amusé par la petite sensation de gêne qui avait pris place dans ses yeux ; puis, pris d’un élan subit d’affection, je vins enlacer mes bras autour de sa taille, et ma tête se posa juste au-dessus de son estomac. Ce qui fut encore plus surprenant fut la réponse de Levi, qui passa maladroitement un bras dans mon dos, et de sa main gauche continua de fumer sa cigarette. Nous ne restâmes pas longtemps ainsi, vraiment pas longtemps. Peut-être dix secondes à tout casser. Mais c’était toujours ça de prit, et j’étais heureux.

.

.

Je comptais bien parler à Levi de mes sentiments pour lui un jour ou l’autre, mais je ne parvenais tout simplement pas à trouver le bon timing. Sans doute qu’il n’y en avait pas. Après tout nous avions, quoi, dix ans d’écart ? Il était déjà à l’université, en âge de travailler, et moi j’étais au collège, en première année qui plus est. Première année terminée par ailleurs. Nous étions en milieu juillet, et mon passage en cinquième n’allait pas tarder.

Aujourd’hui j’avais décidé d’ouvrir mon cœur à Levi. Je le considérais déjà comme mon meilleur ami. Pas davantage qu’Armin ou Mikasa à vrai dire, c’était juste différent. Nous avions une relation qui n’était pas vraiment basée par les mots, mais pas uniquement les gestes non plus. Il y avait autre chose, de plus subtil, mais que j’étais encore sans doute trop jeune pour comprendre.

Lorsque j’arrivai au zoo je remarquai Levi en train de discuter avec un homme de taille moyenne, chauve. J’attendis tranquillement à l’écart qu’ils terminent leur discussion, m’adossant contre une grille.

« Qui c’était ? demandai-je une fois l’homme parti.

- Personne, grommela Levi. Mon patron.

Ses sourcils étaient plus froncés qu’à l’accoutumée, et ses pensées semblaient se diriger ailleurs que dans l’instant présent. Il m’inquiétait un peu dernièrement.

- Qu’est-ce qu’il se passe ?

- Viens. »

Il me tourna le dos, et je trottinai à ses côtés, attendant qu’il s’explique. Ce n’était finalement pas un bon moment pour lui avouer mes sentiments. J’avais de toute manière décidé de les lui montrer principalement dans quelques années, lorsque je serai suffisamment mûr pour pouvoir me permettre d’être avec quelqu’un de son âge. Mais je voulais qu’il les sache maintenant, pour le préparer, ou je-ne-sais trop quoi.

Il sortit une cigarette et s’assit contre une grille, derrière laquelle nous pouvions apercevoir toutes sortes d’oiseaux plus étranges et majestueux les uns que les autres. Je vins m’installer en tailleur en face de lui, le cœur battant un peu plus rapidement, un étrange ressentiment au fond des entrailles.

« Qu’est-ce qu’il se passe ? répétai-je plus bas.

Il tira une latte de sa cigarette et fit un joli rond de fumée face au ciel, puis il agita l’air de sa main pour le faire disparaître. Sa phrase tomba comme une sentence.

- Je vais partir.

J’avalai ma salive.

- Quand ?

- Bientôt.

- Quand ? fis-je un peu plus fort, ma voix menaçant de se briser.

Il me fixa en plissant les yeux.

- Dans deux semaines.

- Où ?

- Loin, trop loin.

- Où ? insistai-je.

Il prit une profonde inspiration, puis se pencha légèrement vers moi.

- Je ne reviendrai pas, Eren. Tout du moins pas avant plusieurs années.

Je fermai les paupières, tâtai l’herbe tiède sur le sol, vérifiant qu’elle n’avait pas disparu et que j’étais bien là. Que j’assistai en effet à cette scène que je ne méritais pas, que j’étais un acteur de cette scène.

- D’accord, dis-je simplement parce que je ne pouvais rien faire pour empêcher cela.

J’étais impuissant, trop impuissant.

- Je suis désolé, murmura-t-il.

Adieu la déclaration à deux balles.

- Je ne peux pas faire autrement, qu’il ajouta.

Adieu mes moments silencieux, où aucun de nous ne ressentait le besoin de parler.

- Vraiment désolé… » s’excusa-t-il encore.

Adieu, Levi.

Je plongeai dans ses bras, la gorge me faisant mal, m’étouffant tant elle s’était resserrée. Mes yeux étrangement secs me brûlaient, et un nœud se formait petit à petit dans mon estomac. Des bras, d’abord hésitants, vinrent me presser contre sa poitrine. Je lâchai alors tous les sanglots qui s’étaient coincés dans mon cou, pleurant à chaudes larmes, de frustration de colère, de tristesse. Les bras me pressèrent encore plus fort.

Vous voyez, je l’avais bien dit. Il n’y avait pas de bon timing.

.

.

Je profitai un maximum des derniers jours qu’il me restait avec Levi, ne ratant pas une seconde pour m’enfuir au zoo à tout moment. Nous passâmes les mêmes jours que d’habitude, lançant une remarque de temps à autre. Nous ne parlions que très peu du futur, de nos projets. Lui parce qu’il n’en n’avait pas envie, moi parce que je n’avais pas vraiment encore d’idée précise. Malgré tout chacun de ces instants étaient précieux, et j’essayai de graver chacun d’eux dans ma mémoire.

 

Vint le moment fatidique. Nous nous étions donné rendez-vous – pour la première fois – un vendredi trois août après-midi à quinze heures. J’avais insisté, bien qu’il m’ait assuré qu’il ne pourrait pas rester.

Il était passé dire au revoir au patron et à deux ou trois collègues. Je l’attendais devant les grilles du parc, un taxi sur le trottoir juste en face de moi. Je l’observais tout du long en fronçant le nez avec appréhension et amertume.

« En avance, hm ?

Je fis volte-face. Levi se trouvait juste derrière moi, sur ma gauche, accoudé nonchalamment contre un des barreaux de la porte immense, une cigarette au bec. Je ne sus pas s’il s’adressait à moi ou bien si c’était par rapport au taxi. Quoi qu’il en soit je ne pus résister à mon envie de lui prendre la main, et je serrai ses doigts. Il descendit ses yeux sur moi.

- Tu es vraiment obligé de partir, hein…, soufflai-je.

Il ne répondit pas. Bien sûr qu’il partait, c’était on-ne-peut-plus évident. Je redressai le menton vers lui, brusquement, attirant son attention.

- Je suis amoureux de toi, fis-je d’une traite. Pour de vrai.

Je ne m’attendais pas à ce que ça le retienne, j’avais juste besoin de le lui dire avant qu’il ne s’en aille. Il sembla le comprendre, et là encore il ne dit rien. Un sourire malicieux s’empara alors de ses lèvres, et il posa une main sur ma tête, sans la tapoter cette fois-ci.

- On en reparlera quand tu auras quelques années de plus.

Une petite étincelle vint illuminer mes yeux. Il avait beau me dire cela sûrement pour que son départ m’attriste moins, ça m’était égal, et je ne pus m’empêcher de répondre tout de suite :

- C’est vrai ?

Il eut un petit rire, et retira sa main.

- Si t’es resté un gosse stupide, peut-être.

Il tira une dernière fois sur sa cigarette, puis il l’écrasa contre la barrière, signifiant qu’il était temps qu’il parte. Il alla jeter son mégot dans une poubelle proche de nous, et se tourna vers moi. Je courus lui sauter dans les bras. Il resta un instant figé, puis s’accroupis à ma hauteur et me serra contre lui. Une minute après il s’était redressé, et un doux sourire comme je n’en avais jamais vu venant de lui flottait sur ses lèvres.

- Merci, murmura-t-il. De m’avoir tenu compagnie tout ce temps.

Je m’éclaircis la gorge.

- Merci à toi aussi, Levi, chuchotai-je encore plus bas, mais il m’avait entendu.

Joignant son index à son majeur, il me fit un petit salut style cow-boy, et tourna les talons. Cette fois-ci ce fut moi qui ne répondis pas à son geste. La portière du taxi côté passager claqua, et le moteur se mit en route. Une fenêtre s’abaissa, et le visage de Levi apparut.

- A plus Eren ! » lança-t-il en me faisant un clin d’œil.

Je lui fis le plus beau sourire que j’avais en réserve, et un instant plus tard la voiture avait disparu à l’angle de la rue. Fichu Levi, il ne m’avait pas appelé une seule fois par mon prénom alors qu’il le connaissait parfaitement, et voilà que c’était maintenant le dernier mot que j’avais entendu sortir de sa bouche. En fin de compte il était simplement entré dans ma vie, juste comme ça, en passant.

Je rentrai chez moi d’un pas lent, et attendis mon bus. Une fois qu’il parvint à ma hauteur je montai, validai ma carte et allai m’asseoir sur un siège vers le centre du véhicule. Accoudé à la fenêtre, je regardai le parc défiler devant moi. Je le fixai jusqu’à ce que je ne puisse plus le voir. Je ne comptais pas y remettre les pieds de sitôt. J’avais trop de souvenirs. Et puis il fallait bien que je m’ouvre un peu aux personnes qui m’entouraient. J’avais des choses plus importantes que des animaux sur lesquelles je devais me concentrer.

/ATTENTION\ A Lire attentivement pour ceux qui ont apprécié !

Voilà, je modifie ce dernier chapitre pour finalement vous signaler que j'ai en effet fait une suite, s'intitulant...attention... Tadaam ! En Passant - Partie 2. Originalité excessive, ça déborde en moi vous le sentez ? Bref, c'est tout ! A très vite ! Beuzouilles ! Sinon vous pouvez me laissez un review sur cette fic en plus d'une sur l'autre *-*

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