En passant

Chapitre 1 : En passant 1

5166 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:29

Salut à tous ! Petit OS en 3 chapitres sur Eren x Levi. Vu qu’il était un tit peu long je l’ai découpé en trois parties, parce que je trouve qu’un seul chapitre trop long ça décourage… Ou bien ça encourage, justement, à sauter quelques passages (mon point de vue). Si vous avez le courage de lire jusqu’au bout faites bien attention à la note en fin du chapitre 3 :) Bonne lecture à toutes et à tous !

C’était humide, froid, et un peu rugueux aussi. Cependant, je sentais également un souffle chaud juste en-dessous de ma paume, une respiration lourde et profonde. Il était calme en apparence, mais je décelai tout de même une certaine nervosité au fond de ses prunelles. Je souris et ses yeux s’écarquillèrent légèrement, c’était assez comique. Un spasme secoua mon corps tendit qu’un gloussement remontait le long de ma gorge, que je tentai de ravaler – sans succès. L’animal redressa la tête, écartant son museau humide de ma main, et partit rejoindre son troupeau. Je regardai le renne s’éloigner, ressentant une pointe de déception. J’avais enfin réussi à le toucher, et voilà que je l’avais fait fuir ! Bravo Eren ! Je bougonnai, et croisai mes bras autour de mes genoux. Je m’étais accroupi pour ne pas intimider le renne, même si au final ça avait été chose ratée. Mes bottes en caoutchouc couleur chocolat trempaient dans une large flaque d’eau. Il avait beaucoup plu aujourd’hui, mais ça s’était bien calmé en fin d’après-midi.

Bon. Je me remis debout et époussetai mon jean, puis soufflai sur une mèche de cheveux qui tombait devant mon œil gauche. Où allais-je aller maintenant ? Voir les girafes ? Non, je n’avais pas envie de lever le cou. Les crocodiles peut-être ? Un peu ennuyeux au bout d’un moment mais… Je jetai un coup d’œil en direction des portes du zoo. Il n’allait pas tarder à fermer. Une personne, un homme il me semble, nettoyait devant l’entrée. Il se tourna d’ailleurs dans ma direction, et je me fis tout petit, mais ce ne fut pas évident de passer inaperçu sachant qu’il ne restait plus que moi. Il me fit un signe m’indiquant la sortie. Je détournai la tête en sifflotant. Ouais, les crocodiles, j’avais le temps pour ça. Je me détournai et courus voir les bêtes écailleuses. J’entendis l’homme me héler, mais fit mine de ne pas l’avoir entendu. Je ne voulais pas rentrer à la maison tout de suite.

Maman était infirmière, elle finissait tard ce soir, et papa était parti en Suède pour une conférence. Il était un archéologue assez réputé, et il lui arrivait fréquemment de partir à l’étranger, mais seulement pour quelques jours en général. Je m’arrêtai devant la grille, et m’assis en tailleur sur le sol humide. Heureusement que j’avais mon k-way. J’aimais beaucoup le froid à vrai dire, le vent, la neige, mais surtout la pluie, et le ciel assombri par de longs nuages grisâtres. Mais je préférais avoir les fesses au sec tout de même. Je laissai mon regard s’attarder sur le corps des reptiles. C’était fou à quel point ils pouvaient rester immobiles pendant aussi longtemps ! Une ombre m’enveloppa. Zut, le monsieur qui nettoyait l’entrée m’avait retrouvé. Il me prit par la manche de mon manteau et me releva.

« Hé ! lâchai-je.

- Arrête de te ficher de moi gamin. Le zoo ferme ses portes et j’ai pas envie de te courir après, alors rentre chez toi bien gentiment.

Je levai vers lui un regard furibond.

- Oui j’ai compris, c’est pas la peine de faire la brute !

En fait il était plutôt jeune, c’était sûrement un lycéen. Il me regarda un peu surpris, puis il eut un sourire en coin. Il n’avait pas l’air très gentil. En un large geste du bras, mon interlocuteur regarda sa montre.

- Allez, c’est l’heure gamin, soupira-t-il.

Il n’était décidément pas très aimable. Je grognai un vague oui et m’éloignai d’un pas lent. Je n’avais décidément vraiment pas envie de rentrer chez moi. Maman me laissait un peu d’argent pour que je m’achète un petit dèj d’habitude, mais ce matin elle avait oublié. J’utilisais ces sous pour me prendre une boisson dans un café après l’école, chose qu’elle ne savait pas, car je n’aimais pas spécialement être tout seul à la maison vu qu’elle rentrait fréquemment tard, tout comme papa.

- Au revoir monsieur, marmonnai-je tout de même.

Il eut un petit rire rauque.

- C’est ça. »

Je trainai des pieds jusqu’à la sortie, et me dirigeai vers l’abris-bus. Je m’assis sur le banc en métal, et balançai mes jambes dans le vide jusqu’à voir le bus arriver. Je montai dans celui-ci, lançai un petit bonjour au conducteur et allai me trouver une place dans le fond, sans oublier de valider ma carte d’abonnement. Je descendis au neuvième arrêt. Je marchai les mains dans les poches jusque chez moi, les pieds frottant le sol. Une fois devant mon immeuble, qui était d’un mauve clair assez étrange, je tapai le code du portail et m’engouffrai dans la propriété. Je mis une petite clé dans la porte du 1 bis et pris l’ascenseur jusqu’au sixième étage, puis attendis qu’il parvienne à destination en tapant du pied, les bras croisés et soufflant un coup sur ma mèche qui me tombait dans les yeux. Je repensai au garçon pas très sympa qui m’avait éjecté du zoo. Ses cheveux noirs et ses yeux gris durcissaient ses traits, ça lui donnait un petit côté strict assez déplaisant. Je fis la moue. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire ? Maman n’arrivait que dans une heure…

Un petit cling familier résonna, me signifiant que j’étais arrivé à mon étage. Je tournai à droite dans le large couloir et ouvrit ma porte. Je retirai mes chaussures dans l’entrée et les laissai traîner dans un coin, puis posai mon sac sur le grand canapé gris clair. Mon sac qui d’ailleurs glissa et s’écrasa sur le sol avec fracas. Sans y prêter plus d’attention que ça, j’allai me servir un verre de jus d’orange dans le frigo puis me dirigeai vers la baie vitrée. Je l’ouvris et m’assis sur une des chaises en plastique rouge du balcon, l’orientant face à la ville qui s’étendait devant moi. M’affalant contre le dossier, je posai mes pieds sur la rambarde et regardai le paysage en buvant quelques gorgées du jus de fruits. Je posai ensuite le verre sur la table métallique, qui était tout aussi rouge que la chaise, croisai mes bras sur mon ventre et contemplai le ciel, la tête vidée de toutes pensées.

.

.

«  Mon chéri ? Eren !

J’ouvris lentement les paupières et baillai bruyamment. Quelqu’un se tenait au-dessus de moi, une femme brune avec une longue couette sur le côté, qui chatouillait mon visage. Je me redressai et me frottai les yeux.

- M-maman ? Tu es déjà là ?

Elle prit mon visage entre ses mains.

- Je suis désolée, je suis un peu en retard.

- Mmh ? Ah, c’est pas grave.

De toute façon je m’étais endormi comme une pauvre loque. Je me mis sur mes pieds et la suivie à l’intérieur.

- Ce n’est pas bien de t’endormir comme ça dehors Eren, tu as vu le temps qu’il fait ? Tu aurais pu attraper froid, si ce n’est pas déjà fait ! me morigéna-t-elle.

- Moui… tu as raison, répondis-je sans vraiment l’avoir écoutée, car j’étais encore dans les vapes.

Elle soupira et me regarda avec douceur.

- Bon, tu m’as l’air tout fatigué, tu veux que je te prépare quelque chose de rapide avant d’aller te coucher ?

Je soufflai sur ma mèche de cheveux qui me chatouillait les cils et baillai à nouveau.

- Non ça va m’man, je vais dormir maintenant je crois.

- Ok mon chéri, dors bien.

Elle me fit un bisou sur le front et m’ébouriffa les cheveux.

- Hé ! Arrête !

J’aplatis mes mèches rebelles. Elle se mit à rire.

- Il faudrait couper tout ça ! On ira chez le coiffeur ce week-end !

Je grimaçai et m’enfuis dans ma chambre.

- Chuis très bien comme ça ! A demain ! »

Je l’entendis s’esclaffer. Ma maman était vraiment la meilleure, un véritable ange. J’enfilai mon pyjama bleu à carreaux rouges et me faufilai en vitesse sous la couette. J’appuyai sur l’interrupteur sur le mur à côté de mon lit et m’endormis rapidement.

.

.

Mon réveil me sortit du sommeil d’un coup sec, et je bondis en-dehors de mon lit. Le mardi était une bonne journée, car j’avais beau commencer à huit heures, je finissais à quinze heures trente, et ça c’était génial. Je me préparai en vitesse, remarquai avec déception que maman avait encore oublié de me laisser de la monnaie, bus un peu de mon jus d’orange avant de partir et fermai la porte derrière moi.

Je venais d’avoir dix ans, en fin d’année, mais j’avais sauté une classe à l’école primaire alors je me retrouvai en première année de collège. Cela faisait déjà quatre mois que les cours avait repris. L’été avait petit à petit laissé place à l’automne, puis l’hiver s’était approché à grands pas. L’école n’était qu’à vingt minutes à pied de chez moi, je pouvais toujours prendre un bus, ce qui me ferait gagner du temps, mais je préférais marcher. Cela me permettait de me réveiller et de me mettre en forme pour la journée, parce que rester plusieurs heures à un bureau sans faire un peu d’exercice dans les vingt-quatre heures non merci ! J’avais toujours été un enfant qui avait besoin de bouger, pas un hyperactif mais… quoique, peut-être un peu en fin de compte.

« Eh ! Eren ! Eereeeen !

Trop obnubilé à me raconter des histoires idiotes dans ma tête, je n’avais pas remarqué que mes pieds m’avaient porté aussi loin, et je n’avais pas non plus tout de suite entendu mon ami qui me courait après. Je m’arrêtai et me tournai vers lui. C’était Armin, un petit blondinet qui était dans ma classe, et était donc de un an mon aîné, tout comme mes autres camarades. Il me rejoint, à bout de souffle. Il n’avait jamais été quelqu’un de très sportif…

- T’étais encore dans les vapes toi ! Je t’ai appelé au moins dix fois !

- Désolé Armin, je pensais à autre chose.

- Ouais, grommela-t-il.

Mais il retrouva tout de suite sa bonne humeur quotidienne, et un sourire étincelant s’étala sur visage.

- Alors, qu’est-ce que tu as fait hier soir ?

- Pas grand-chose en fait, je me suis endormi sur le balcon.

- Haha, vraiment ? Et ta mère est rentrée tard ?

Il ne me le disait pas clairement, mais il s’était toujours inquiété de me savoir aussi souvent seul chez moi.

- J’ai pas vraiment fait attention en fait, répondis-je.

- Ah bon, fit-il, pas très convaincu.

Je m’étirai et repoussai mes cheveux en arrière.

- Sinon, quoi de neuf ? demandai-je.

- Rien, j’ai fini mon roman dans mon lit.

J’ouvris grand les yeux.

- Le super gros, qui pèse deux tonnes ?! T’as lu toute la nuit ou quoi ?

Il se gratta la joue.

- Ben… nan… une partie de la nuit seulement…

- Et tu arrives à suivre en cours après ?

- Je ne trouve pas ça très compliqué à comprendre. » sourit-il.

Je me frappai le front. Ah oui, c’est vrai, Armin était un as dans toutes les matières. Je ne le surpassai – et à plate couture – qu’en sport, et ce n’était pas très compliqué. Nous arrivâmes devant le portail du collège, un attroupement s’était déjà formé mais je retrouvai sans difficulté la personne que je cherchai : Mikasa. Elle avait de beaux cheveux noirs corbeau, n’était pas très bavarde – ce qu’on pouvait prendre pour de la timidité alors que ça n’en était pas forcément – et avait, elle aussi, un an de plus que moi. Quand je la vis je lui fis de grands signes jusqu’à ce qu’elle me remarque, et elle se dirigea vers nous les joues légèrement rosies.

« Salut Mikasa ! Ça va ? l’apostrophai-je avec énergie.

Elle hocha la tête en souriant.

- Oui oui, et toi Eren ?

- Ça va !

Elle se tourna vers Armin :

- Bien dormi ?

Elle avait remarqué un joli début de cerne sous ses yeux. Il se mit à rire nerveusement.

- Ca peut aller !

Elle haussa un sourcil. Je les pris par la manche :

- Venez, on va être en retard ! »

L’heure qui suivit fut assez pénible, je dirai même toute la matinée. J’avais deux heures de français et deux d’histoire. C’est pas humain de faire ça à des enfants… Je devrai me plaindre, j’ai à peine la dizaine moi ! Une fois la pause de midi terminée, durant laquelle je mangeais à la cantine avec mes deux amis, je me rendis à mon dernier cours. Ce début d’après-midi passa rapidement, j’avais un professeur passionné par ce qu’il faisait, et ce qu’il racontait était donc un minimum intéressant. Quand la sonnerie résonna dans tout le bâtiment, je remballai mes affaires rapidement et parti à toute allure. Je pris le chemin du retour, et une fois près de chez moi j’attendis le bus qui me mènerait au zoo. Ce dernier se situait dans un très grand parc, et l’entrée était gratuite, ce qui m’arrangeait bien. J’arrivai bientôt devant le gigantesque portail doré et stoppai net. Où allais-je aller aujourd’hui ?

« Tiens tiens, qui c’est ce que voilà… murmura une voix dans mon dos.

Je fis volte-face avec surprise, et reconnu le jeune qui nettoyait le zoo.

- B-bonjour !

Il sortit une cigarette de sa poche.

- Me fais pas perdre mon temps cette fois.

- Promis » grommelai-je.

Je me détournai de lui et partis le plus loin possible de ses yeux gris inquisiteurs.

Le même manège se déroula le lendemain : j’allais en cours, je sortais, j’allais au zoo en saluant le noiraud avec sa cigarette à la bouche, et je rentrai chez moi d’un pas tranquille.

Pareil le jeudi, et je sentis encore une fois le regard du jeune me picoter les omoplates.

Vint ensuite le vendredi. Ma mère était de garde jusqu’à vingt et une heures cette fois-ci, et elle s’excusa mille et une fois auprès de moi, mais je la rassurai en lui disant que ça ne me dérangeait pas. Elle pensa à me laisser de l’argent ce jour-là, et d’ailleurs plus que d’habitude. Je l’utiliserai pour m’acheter à manger au café, je n’avais pas la motivation de faire la cuisine.

Je ne croisai pas l’homme en entrant dans le zoo, après les cours. Il était un peu plus de dix-huit heures, et il fermerait bientôt ses portes. Je décidai de m’asseoir en face des singes, attendant l’heure fatidique. Ils étaient marrants à voir, leurs têtes et leurs gestes me faisaient souvent rire. Cependant aujourd’hui ils restaient dans leur cabane, et les seules fois où j’en vis un ou deux sortirent ils allaient se blottir dans un coin et ne bougeaient plus. C’était vraiment une mauvaise journée, d’un ennui mortel. Je posai ma joue dans ma main et laissai la dépression m’envahir petit à petit, jusqu’à ce que j’entende de légers pas derrière moi, mais je ne me retournai pas, trop occupé à ruminer. La personne s’accroupie à côté de moi, et je reconnus le jeune du coin de l’œil.

« Hey gamin, m’apostropha-t-il.

- Bonjour, répondis-je en retour.

Sa voix semblait contenir un tout petit soupçon de douceur, presque infime, mais bien présent. Et je dois dire que cela m’agaça. Ce n’était pas son genre, ça signifiait donc qu’il avait pitié de moi à me voir tous les jours tout seul. Mais moi je m’en fichais d’être seul, et je voulais pas de ses bons sentiments.

- T’es encore là toi ?

Je soupirai.

- Oui.

Il ne dit rien pendant quelques instants, fumant sa cigarette et jouant avec la fumée en faisant des ronds, puis il se remit debout.

- On va fermer, me prévint-il.

Je laissai mon regard s’attarder sur la plante devant moi. Une mèche de cheveux vint me chatouiller le nez, je l’écartai et me relevai.

- D’accord.

Je levai les yeux vers lui. Il me fixait en fronçant légèrement les sourcils, mais son regard était indéchiffrable.

- Bon, et bien à plus gamin.

Il partit sans attendre ma réponse en poussant une petite poubelle à roulettes et agita la main, le dos tourné. Je le regardai s’éloigner un bref instant puis, prenant mon courage à deux mains, je le rattrapai en courant.

- Attends ! m’exclamai-je.

Il se retourna, surpris. Je tripotai la fermeture éclair de mon manteau.

- Est-ce que je peux rester un peu avec toi, s’il te plaît ?

Il tira une bouffée de sa cigarette et la recracha lentement. Il semblait en pleine réflexion, et était plutôt surpris par ma demande. Je sentis une forme d’anxiété monter petit à petit en moi.

- D’accord, dit-il subitement, seulement si tu piailles pas trop. J’ai pas envie de devenir sourd à cause d’un gosse.

Il partit sur ces mots, me laissant étonné et ravi. Je sautillai jusqu’à lui :

- Je suis pas un gosse, je suis au collège, en sixième !

Il se pinça l’arête du nez.

- Qu’est-ce que je viens de dire… ?

- Oups pardon, je me tais ! »

Je fis le geste de fermer ma bouche avec une clé puis de la jeter au loin. Il soupira avec exaspération. Il regrettait sans doute de m’avoir laissé l’accompagner.

Nous marchions dans le silence depuis vingt bonnes minutes. Je regardais le jeune aux cheveux d’ébène ramasser les quelques détritus qui croisaient son chemin à l’aide d’une longue pince. Ne pas parler ne me dérangeait pas tellement, j’étais habitué à une certaine solitude. Je le surprenais de temps en temps me jeter un coup d’œil, il devait sans doute être étonné que je parvienne à tenir ma langue pendant aussi longtemps, surtout de la part d’un gosse. Je shootai dans un caillou et me rapprochai de lui.

« J’m’appelle Eren, craquai-je.

Ses yeux papillonnèrent dans ma direction, mais il ne répondit pas. Je pinçai les lèvres.

- La politesse veut pas que tu me dises ton prénom ?

Je le vis froncer légèrement le nez.

- Tu parles pas toujours comme un gosse… Tu veux me faire la morale aussi ?

Je tiquai, puis décidai d’ignorer sa remarque sarcastique, alors je ne dis rien. Enfin je ne dis rien pendant un petit moment, puis, ne résistant plus, je parlai à nouveau :

- T’as une tête de vampire.

Pourquoi je devais toujours sortir des trucs idiots comme ça ? Je remarquai qu’il avait ouvert grand les yeux, carrément étonné. Je m’expliquai :

- Ben t’as les cheveux supers noirs, des yeux gris tout froids, la peau bien blanche et des petites cernes.

Il se toucha en-dessous des yeux sans prononcer le moindre mot. Je posai mon index à un endroit bien précis sous mon œil.

- Juste là.

Il laissa tomber sa main et repris son travail, puis sortit une nouvelle cigarette. Il fumait beaucoup visiblement. Juste avant de l’allumer il se tourna vers moi.

- T’es un peu bizarre pour un gamin.

Je ne relevai pas sa remarque.

- Pourquoi tu travailles là ?

Il me retourna la question.

- Pourquoi tu viens tout le temps ici ?

Puis il se reprit immédiatement :

- Tu sais quoi je m’en fous un peu, tu peux bien faire comme tu veux. Tes problèmes ça te regarde.

J’haussai un sourcil.

- J’ai pas de problèmes ! J’aime bien venir là c’est tout !

- Ah.                             

Son comportement pouvait être un peu exaspérant parfois. Je soufflai sur ma mèche de cheveux en travers de la figure et fit mine de bouder.

- Toute façon y a personne chez moi.

Il ne me regarda pas et continua à ramasser les déchets, mais je sentis qu’il m’écoutait, et cela m’incita à continuer.

- Mon papa il part souvent en voyage, et ma maman elle travaille tout le temps du coup elle rentre vers dix-neuf heures trente en général.

Un autre silence, durant lequel je tapai du bout du pied dans un caillou et me répétai intérieurement le charabia que je venais de lui sortir.

- Je taffe là pour me faire des thunes, intervint-il tout à coup, ce qui me fit louper mon kick dans la petite pierre. Le patron est l’oncle d’une pote, il m’a embauché sans trop de problème.

Il s’arrêta et s’accouda contre sa poubelle à roulette.

- Je suis en fac de droit, je veux faire avocat.

J’étais vraiment heureux qu’il me parle, et le fait qu’il ait prononcé autant de mots à la suite semblait être un miracle.

- Waw c’est la classe ça, avocat ! Ça prend pas plusieurs années ?

Il tira sur sa cigarette.

- Je m’en fous.

Je souris de toutes mes dents.

- Ouais, on s’en fout !

Il me jeta un drôle de regard mi amusé mi exaspéré, puis tira sur sa manche et regarda sa montre.

- J’ai fini mon taffe le gosse.

Un semblant de sourire en coin se dessina sur ses lèvres quand il vit ma mine déconfite.

- Je serai là lundi normalement, il me semble… A quelle heure je commence déjà ?

Il se l’était dit pour lui-même, mais je le pris comme une invitation. Ne voulant pas paraître envahissant je me tus. Bien évidemment je pensai au fait que moi aussi je serai là le lundi après-midi, et qu’ainsi nous pourrions peut-être passer un peu de temps ensemble à nouveau.

- Bon, je vais y aller alors, fis-je en me grattant l’arrière de la tête.

- Ouais. A plus gamin. »

Je partis en agitant la main, et même s’il ne répondit pas à mon geste et se détourna, je savais qu’il l’avait vu. Je me dirigeai vers l’arrêt de bus d’un pas léger. Drôle de bonhomme, mais plutôt sympa en fait, dans le fond.

Je ne me rendis pas au café pour manger un petit quelque chose, car je n’avais absolument pas faim. A la place je rentrai tranquillement à la maison, fis quelques exercices de maths pour le lendemain, bu un peu de jus d’orange – bien évidemment – et allai dans ma chambre. Je me tournai face à ma bibliothèque et passai mon doigt sur les bandes dessinées qui s’y trouvaient, ne sachant laquelle j’allai prendre. Mon choix s’arrêta sur un livre un peu plus petit, et beaucoup plus épais. Armin me l’avait prêté il y avait de cela déjà quelques semaines, mais je ne l’avais toujours pas commencé. Il me semble que l’histoire concernait un jeune homme qui découvrait la mer pour la première fois. Cela ne m’emballait pas franchement mais le petit curieux que j’étais se décida à feuilleter le bouquin, et puis je me souvenais des yeux brillants d’Armin lorsqu’il m’en avait parlé. Finalement, je m’installai sur mon lit et le dévorai. C’était vraiment intéressant !

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