Le destin des Ackerman - Tome 1
Chapitre 46 : Chapitre 45 - Se tourner vers l'avenir
4607 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 20/05/2020 18:10
Annie tourne la tête en direction de son interlocuteur et le jauge du regard, pendant une seconde. Est-il sérieux ?
Décidément, elle va de surprise en surprise avec lui.
Pendant ces derniers jours, elle en est venue à la conclusion que son comportement n'avait rien à voir avec une manipulation orchestrée par le bataillon afin qu'elle parle à quelqu'un qu'elle pourrait considérer comme de confiance. En effet, sinon il n'aurait pas disparu pendant environ une semaine, ou alors personne ne se serait occupé d'elle pour créer une sorte de sentiment de manque.
Elle essaye d'imaginer tous les scénarios possibles en tentant de réfléchir comme eux mais la seule possibilité crédible est qu'il est sincère et suit un objectif personnel, il est même possible qu'il agisse en contradiction avec les consignes de ses supérieurs, mais dans ce cas... Pourquoi ?
Annie doit reconnaître qu'il est difficile à lire, surtout après qu'elle ait remarqué cette rancœur dans son regard, la première fois qu'elle a croisé ces deux billes bleues.
Mais bref, sur l'heure il lui pose une question que la jeune femme aurait pu considérer comme une mauvaise plaisanterie mais il a l'air déterminé et dans l'attente de sa réponse.
Intégrer le bataillon — certainement sous conditions — est une offre à rejeter catégoriquement de prime abord mais elle n'est pas du genre impulsive ni à se laisser aveugler par ses sentiments. Annie s'efforce de comprendre son raisonnement pour en venir à cette proposition et surtout, comment peut-il imaginer qu'elle puisse dire oui ?
— Je ne crois pas que cette idée puisse plaire à grand monde, surtout pas au bataillon.
— C'est vrai... Après tout lors de la cinquante-septième expédition tu as tué beaucoup de membres de ce corps d'armée, directement et indirectement avec la horde de titans que tu leur as lâché dessus. Commente Thomas.
Dans sa formulation elle décèle un indice intéressant : il a dit « tu leur as », ça veut sûrement dire qu'il n'étais pas encore un soldat du bataillon à cette époque.
La blonde fixe les yeux bleus de l'homme qui lui fait face avec son air détaché et exaspéré.
— Et si je me transforme ? Répond-elle.
— Je ne crois pas que tu aies envie de nous mettre des bâtons dans les roues, au contraire. Rétorque le jeune homme qui prend bien soin de ne pas prendre un air hautain ni suffisant.
Annie hausse un sourcil.
— J'imagine que la seule chose que tu veux c'est retourner à Mahr et ce n'est pas en restant cloîtrée ici que tu y arriveras. Alors que, si tu es libre, tu pourrais sûrement contacter quelqu'un là-bas et t'arranger pour obtenir une porte de sortie, il ne te resterais donc plus qu'à avoir un sauf-conduit jusqu'à la côte. En accompagnant le bataillon qui va enchaîner les expéditions afin de vider l'île de tous les titans qui y rôdent encore, par exemple. Explique Thomas.
La jeune femme baisse la tête sans laisser toutefois la moindre expression transparaître sur ses traits : il a tout bon. C'est effectivement le plan qu'elle a échafaudé ces derniers jours en ayant relativement compris la situation actuelle du peuple des murs. Armin est sûrement celui qui a percé à jour ses intentions, comme la dernière fois, ce brun doit être leur porte-parole.
— Qu'est-ce qui me dit que vous n'allez pas juste m'utiliser comme une arme et me donner en pâture à quelqu'un pour récupérer mon pouvoir une fois que vous n'aurez plus besoin de moi ? Demande-t-elle.
— Dans ce cas là ça serait déjà fait non ? Interroge en retour le jeune homme.
Certes. Son raisonnement semble ne souffrir d'aucune faiblesse. C'est une chose à laquelle elle a aussi pensé : ils vont rapidement avoir envie de transférer son pouvoir à quelqu'un d'autre, quelqu'un de confiance qui est de leur côté. S'ils voulaient juste son pouvoir elle serait déjà morte ou, en tout cas, ils n'oseraient pas prendre autant de risques.
Mais qu'espère vraiment Thomas ?
— Pour ce qui est de t'utiliser comme une arme, tu tapes dans le mile... On t’utilisera forcément de cette manière, mais on ne peut pas nier que tu es formidable au combat, de ce que j'ai lu. Reprend-il.
Est-ce qu'il essaye de lui faire un compliment pour endormir sa méfiance ? Ça la pousse, au contraire, à être d'autant plus sur ses gardes. Mais il y a une chose qu'il n'a pas mentionné et qui pourrait jouer en sa faveur si tout le monde sur cette île l'ignore aussi : s'ils transfèrent son pouvoir à quelqu'un cette personne serait à même d'accéder à ses souvenirs et donc rendre caduque son statut d'intermédiaire et d'informatrice notoire.
— Tu dois te demander à quel moment on va te duper tout en réfléchissant à la façon de nous la mettre à l'envers. Mais pour l'instant nous avons besoin l'un de l'autre pour servir nos objectifs, même si ça ne nous plaît pas, tu ne crois pas ? Essaye-t-il de la raisonner.
Annie entend bien tout ce qu'il dit et en comprend cette logique.
— Et toi, c'est quoi ton objectif ? Demande-t-elle, parce que les motivations personnelles du jeune homme peuvent tout changer.
Thomas semble désorienté l'espace d'un instant avant de soupirer, le temps de formuler sa réponse.
— Ce qui me plairait c'est que les terres du mur Maria soient reprises pour que les gens puissent retourner chez eux et manger à leur faim, parce qu'on pourrait produire toute la nourriture nécessaire. Ça me plairait que le bataillon ne se mette pas à fonctionner comme la division centrale, aussi.
Il soupire une nouvelle fois.
— Ça ne me semblait pas juste que le Major te torture pour les choses que tu as faites sans te rendre vraiment compte des conséquences. On t'a demandé de tuer des milliers de gens alors que tu étais encore une enfant, je n'imagine pas le courage et l'abnégation qu'il faut pour réussir à faire ça. Ça me glace déjà le sang d'avoir à supprimer une seule vie, même celle de quelqu'un qui veut ma peau et s'apprête à me flinguer...
La jeune femme ne sait pas vraiment quoi dire et préfère continuer de l'écouter pour le moment. Elle est curieusement intéressée par son discours.
— Eren nous a dit que Reiner avait des problèmes de personnalité à force, qu'il y avait des moments où il oubliait complètement qui il était vraiment et se prenait pour un habitant des murs qui lutte contre les titans. Alors c'est facile d'imaginer que toi aussi tu souffres à ta manière de tout ça, même si je suppose que tu ne l'avoueras jamais...
Ce qu'il dit n'est pas faux. Le regard des gens qui savent ce qu'elle a fait, la peur dans leur yeux, lire dans leur regard qu'elle est un monstre... Sans parler des cauchemars.
— Pourquoi tu parles comme si tu savais tout de moi ? Lance-t-elle sur un ton réprobateur mais sans hausser le ton, son regard inexpressif aux sourcils froncés posé sur lui.
— Désolé je ne voulais pas...
— Tu ne voulais pas quoi ? Que je vois clair dans ton petit jeu ou que je comprenne que tu espères qu'un jour je change d'avis et soit de votre côté ? Elle expire bruyamment. T'es juste un rêveur.
Elle se montre un peu plus loquace et investie dans la conversation mais son discours l'a énervé, il a pratiquement touché juste à chaque fois qu'il s'est avancé. Ce n'est pas tant qu'il puisse la comprendre qui la met hors d'elle, c'est cette naïveté que Annie croit percevoir chez lui. Est-ce qu'il espère vraiment qu'il suffira de purger l'île du Paradis pour vivre en paix ?
Thomas baisse la tête en acquiesçant lentement.
— Oui, tu as raison... Répond-il avec un air mélancolique. Je ne te connais pas, je ne sais rien de toi à part ce que j'ai lu dans les rapports. Mais ce qui me plairait vraiment c'est qu'un jour tu fasses ce qu'il te plaît et pas ce qu'on te demande de faire. Pour moi, on ne peut pas avancer sans rêver. Dit-il.
C'est au tour de la jeune femme originaire du continent d'avoir besoin d'une seconde pour encaisser les déclarations de son interlocuteur. Ce mot, « rêver », lui semble être une illusion enfantine qui est de trop dans ce monde sadique qui ne fait aucun cadeau, encore moins aux naïfs comme ce soldat du bataillon.
Pourtant, il est vrai que toute sa vie a été régie par des personnes plus fortes et plus ambitieuses qu'elle. Son père, l'unité des guerriers de Mahr, sa mission... Si elle devait faire ce qu'il lui plaît, qu'est-ce que ça serait ? Si elle devait survivre à cette guerre, quel rêve aimerait-elle accomplir ?
Annie n'a pas les réponses à ces questions qu'elle n'avait certainement jamais osé se poser.
Alors qu'elle y réfléchit, son attention est attirée par du mouvement : le brun sort quelque chose de sa poche.
— Je t'aurai bien rendu ça pour te prouver ma bonne foi mais si on te trouve avec, ça risque de mettre le feu aux poudres... Lance-t-il en ouvrant sa main, montrant au milieu de la paume cette bague qui dissimule une petite lame, quelque chose qui lui est aussi familier que précieux.
Elle comprend alors qu'il a dû lui prendre cet anneau quand elle a été emmenée dans cette petite cellule, après son réveil. La jeune femme se rend compte que c'était lui, ce jour là, et non Eren. Prendre cette bague était un autre moyen de la protéger ? Si on le voit avec ça il se pourrait qu'il soit considéré comme son complice, comme quand il s'est interposé.
— Je te la rendrai quand tu sortiras d'ici. Promet Thomas.
La blonde hoche la tête sans conviction — toujours aussi expressive, de toute façon elle est obligée de laisser les choses se passer comme il l'entend. Elle se penche pour attraper le croissant dont l'odeur emplit ses narines avec délice, ça lui met l'eau à la bouche.
Le soldat Ralle tourne les talons et monte les escaliers. Elle le regarde s'éloigner avant de prendre une première bouchée de cette pâtisserie encore tiède.
En sortant de là, il respire profondément pour enfin longuement soupirer : c'était difficile de ne pas craquer et de ne pas montrer sa faiblesse au moment de parler de l'expédition qui a eu lieu il y a quatre mois.
Lorsqu'il lève la tête il voit Julia passer avec ce mystérieux inconnu qu'elle ne lâche plus d'une semelle.
Il les observe un moment et remarque que la jeune femme arbore un petit sourire et range timidement une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle porte un livre dans son autre main. Son compagnon porte aussi un bouquin et semble joyeux et souriant. Un gars envers qui on a envie d'aller au premier regard.
Thomas fronce, quelque chose cloche. Julia n'est pas du genre à aller d'elle même vers des inconnus et il l'a toujours vu rester avec les membres de l'escouade tactique puisque l'escouade Hanji puis Arlelt le faisaient aussi. En plus de ça ce serait étonnant voire impossible qu'elle le connaisse depuis plus de cinq jours puisque c'est une nouvelle recrue, en sachant son passé...
Le jeune homme hausse les épaules, après tout il s'en fait sûrement pour rien. Il devrait plutôt le prendre comme une bonne nouvelle qu'elle commence à se sociabiliser d'elle-même après toutes les difficultés qu'elle a eu en passant des années enfermée dans sa tour d'ivoire. La prochaine fois qu'ils se croiseront il lui posera la question.
[ Quatre heures plus tard - Terrains d'entraînement, district de Trost ]
Les deux escouades d'élite viennent de terminer un entraînement de plus de trois heures. Il n'était pas du tout intensif, c'était plus de la remise en forme après quelques jours de repos pour certains, la mission de reconnaissance pour d'autres. Cependant, Thomas n'est pas présent parce qu'il a été dispensé de celui-ci et du prochain pour être certain qu'il ait bien pris le temps de se reposer — le médecin doit sûrement en avoir marre qu'il fasse des rechutes.
Julia n'était pas là non plus.
Eren, Jean et Conny partent devant, ces trois là sont en train de se marrer à gorge déployée et se dirigent vers le réfectoire pour déjeuner. Armin, Sasha et Mikasa les suivent de loin d'un pas nettement moins rapide.
— C'est bizarre que tu ne cours pas vers la bouffe ce midi Sasha. S'inquiète Armin.
— J'ai les ovaires en feu depuis ce matin. Dit-elle en se tenant le bas-ventre.
Mikasa ne dit rien, elle fixe son bracelet qu'elle fait doucement tourner autour de son poignet pour le mettre dans le bon sens, un fin sourire aux lèvres, absente.
— Ah. Merde. Si tu as mal au point de ne pas avoir faim, je n'imagine pas la douleur... Répond le blond. J'serai à cran aussi si ça m'arrivait.
— T'es vraiment ma meilleure copine, Armin. Plaisante Sasha qui se marre mais est rapidement rappelée à l'ordre pas son mal de ventre. Ah, outch.
Le capitaine se tourne vers son amie d'enfance et remarque qu'elle n'est pas vraiment avec eux. Il a l'habitude qu'elle soit pensive et reste en retrait par rapports aux conversations mais ce qui l'interpelle c'est ce petit sourire, cet air heureux, cette façon dont elle rayonne aujourd'hui en jouant avec ce bijou qui entoure son poignet gauche, qu'il imagine être un cadeau de Thomas.
— Mikasa..? L'appelle-t-il.
— Uh ? Elle semble étonnée qu'il s'adresse à elle.
Armin sourit avec une expression entre complicité et amusement. Il n'ajoute rien cependant, continuant de la dévisager.
— Que... Elle regarde Sasha et Armin, tour à tour, ne comprenant pas pourquoi ils font autant attention à elle. A-t-elle l'air triste ou préoccupée ? Elle aurait oublié de faire quelque chose contrairement à d'habitude ?
Sasha passe un bras autour du cou du blondinet.
— Cherche pas, elle est comme ça depuis qu'on est rentré, vas savoir ce qu'il s'est passé dans cette forêt... Dit-elle avec un ton et un sourire idiot qui laissent entendre qu'elle fait allusion à quelque chose de sexuel.
Armin observe madame patate pendant une seconde puis revient à la brune.
— Tu as l'air heureuse. Finit-il par dire.
— C'est vrai ça... Confirme Sasha. Je crois que je ne t'avais jamais vu sourire comme ça de façon spontanée.
Mikasa comprend alors qu'elle s'était perdue en pensées et devait se remémorer certaines choses qui se sont passées et qui ont été dites entre elle et Thomas, ces derniers jours. Une autre chose occupe pourtant son esprit, un projet à vrai dire.
Elle prépare en effet quelque chose qui devrait surprendre son conjoint, en plus de lui faire plaisir et de lui prouver qu'elle compte bien respecter sa promesse.
En plus de ça la jeune Ackerman a été heurtée quand il a dit ne pas mériter l'affection qu'elle lui donne. C'est vrai qu'il a fait des erreurs et l'a rejetée deux fois mais, à l'origine, c'est bien elle qui avait les torts en étant exécrable avec lui et son envie de l'aider. Elle n'oublie pas non plus ses propres faux pas qui ont mené à des doutes sur les fondements mêmes de leur relation.
Finalement, c'est elle qui ne se sent pas méritante. En définitive, c'est lui qui n'a pas hésité à sacrifier sa vie pour lui permettre de sauver Eren. Comment pourrait-elle payer une telle dette un jour ?
La jeune femme hoche la tête.
— Je vous laisse j'ai quelque chose à faire. Dit-elle.
Elle fait un peu de mystère mais ses deux amis savent très bien ce que ça veut dire : retrouver Thomas. C'est pourquoi Sasha hausse répétitivement les sourcils de façon suggestive.
Quelques minutes plus tard elle se rend à la chambre qu'occupe encore sans partage son compagnon. Elle frappe deux fois mais aucune réponse ni aucun bruit à l'intérieur. Mikasa se dit qu'il s'est peut-être endormi alors elle pose sa main sur la poignée et la tourne : c'est fermé.
Elle reste bloquée un instant sur cette porte qui lui résiste en se demandant où est-ce qu'il peut bien se trouver. La brune finit par froncer les sourcils alors qu'elle réfléchit.
Thomas est dans cette salle réservée aux entraînements physiques. Étant donné qu'il est l'heure du déjeuner il n'y a personne d'autre sinon deux-trois nouvelles recrues qui sortent des douches, direction le réfectoire.
Le brun se défoule sur un sac de frappe, il a besoin de se vider la tête après une entrevue qui l'a frustré et lui a donné un sentiment d'échec.
Il y a tout juste une heure il a croisé Julia devant le bâtiment administratif, sûrement se rendait-elle au bureau d'Hanji, comme d'habitude. Il choisit de l'aborder puisqu'ils ne s'étaient pas croisés depuis presque une semaine.
— Julia ? Appela-t-il.
La jeune femme à la coiffure impeccable se retourna avec un air surpris en reconnaissant cette voix.
— Thomas ? S'étonna-t-elle en détaillant rapidement les traits de son visage.
Quelque chose était bizarre, elle semblait un peu différente. D'habitude elle afficherait un petit sourire mais il eut l'impression de la déranger, qu'elle ne voulait pas le voir.
— Tu vas bien ? S'inquiétait le jeune homme.
Elle acquiesça mais ne prononça pas un mot.
Il était un peu déstabilisé et commença à se demander ce qu'il avait bien pu faire qui l'aurait froissé ou ce qui aurait pu se passer pendant cette semaine pour justifier son comportement.
L'expression du brun changea pour montrer sa détresse et Julia se rendit alors compte de son accueil froid. Elle se tourna complètement vers lui et força un sourire.
— Désolé, tu es sûrement pressée. On discutera ce soir. Proposa le jeune homme avec un sourire dont le but était de cacher son mauvais pressentiment.
Julia entrouvrit la bouche pour lui répondre, un sourire naissant commençant à illuminer son visage mais elle se ravisa avant de baisser la tête.
— Oh... Ce soir je... J'ai déjà prévu de passer la soirée avec Lukas. Dit-elle, embêtée.
Au moins il en apprit plus, ce blondinet qui l'accompagne tout le temps s'appelle Lukas, très bien.
— Ah... D'accord. Mais... c'est qui ce Lukas, quelqu'un que tu connaissais d'avant ? Se hasarda-t-il.
— Non. Répondit-elle seulement.
Julia était sur la défensive et ça ne lui ressemblait pas, du moins pas avec lui. Il pensait qu'ils pouvaient parler tous les deux mais il a dû se tromper. Thomas fronce.
— Bon, je vois. Fais quand même attention à toi. Termina-t-il.
— Qu'est-ce que tu insinues, que je ne devrai pas passer du temps avec lui ? Demanda Julia qui voulait connaître le fond de sa pensée, elle inclinait légèrement la tête sur le côté.
— Non... Juste de faire attention aux gens que tu fréquentes.
Julia fronça en fixant son ami droit dans les yeux, irritée.
— Tu veux dire que je devrai me contenter de toi ? J'apprécie que tu te préoccupes de moi et je ne te remercierai jamais assez de m'avoir sauvée mais je crois que tu as d'autres personnes dont t'occuper. Dit-elle sèchement.
Thomas était sous le choc.
— J'ai respecté ton choix de te rapprocher de Mikasa alors que j'avais beaucoup à en dire. Tu devrais respecter ma volonté, toi aussi. Ajouta la jeune femme.
Thomas fut littéralement secoué par les mots durs que prononçait Julia. L'espace d'une poignée de secondes il resta bouche-bée en la fixant, essayant de s'accrocher à l'idée que ça devait ne pas être réel, puis acquiesça lentement en baissant la tête.
— D'accord. Bonne soirée, alors. Dit-il avant de tourner les talons.
Ses mots l'avaient blessé mais ça ne l'empêchait pas de se remettre en question et de se demander s'il n'avait pas mal choisi ses mots. Sur le chemin de cette salle où il se trouve actuellement, Thomas se torturait à essayer de comprendre ce qui avait changé entre eux.
La seule chose qu'il voulait c'est qu'elle fasse attention, sachant que les nouvelles recrues peuvent venir d'autres corps d'armée. Il ne peut pas occulter cette paranoïa naissante en se souvenant de ce qu'elle lui avait révélé sur son passé : ce n'est pas impossible qu'elle soit encore en danger.
En pensant à tout ça, il augmente l'intensité et la vitesse des coups qu'il donne sur ce pauvre sac de frappe. C'est à ce moment là que Mikasa entre dans la pièce et son regard est immédiatement attiré par le bruit de quelqu'un qui se déchaîne.
Elle s'approche lentement et se plante à deux bons mètres de lui, l'observant silencieusement alors qu'il expulse ses états d'âme sur ce sac de tissu remplit de sable.
A son accoutrement elle devine qu'il ne projetait sûrement pas de venir ici à l'origine : il a ses bottes et son pantalon d'uniforme, sa chemise est posée sur un banc plus loin et son harnais pendouille depuis sa taille. Quelque chose s'est passé ?
Lorsqu'il s'arrête et qu'il laisse retomber ses bras le long de son corps, haletant, elle peut voir qu'il ne s'est pas bandé les mains et la peau de celles-ci est irritée, à vif.
— Thomas. Prononce-t-elle pour attirer son attention.
Le jeune homme sursaute et se tourne rapidement, surpris de la voir là. Elle n'a pas besoin de poser de question puisqu'il la lit dans son regard inquiet, alors il secoue légèrement la tête et lui sourit.
— C'est rien et puis je me suis dit que je ferai d'une pierre deux coups puisque je suis privé d'entraînement.
Elle n'est vraiment pas convaincue par ce qu'il prétend mais elle n'insiste pas et continue juste de le dévisager son compagnon sans perdre son air inquiet.
Thomas se rend bien compte qu'il y a de quoi préoccuper la jeune femme alors il se penche pour attraper une serviette et essuie la sueur sur ses mains, ses bras, son cou et le haut de son torse.
Les yeux de Mikasa suivent les mouvements, ce que remarque Thomas qui ne peut s'empêcher d'avoir un fin sourire en coin. Elle détourne le regard, résignée à contenir son désir pour le moment mais le jeune homme ne l'entend pas de cette oreille.
Il s'approche d'elle et commence par lui prendre les mains. Mikasa lève les yeux et plonge son regard dans le sien, soudainement fiévreuse lorsqu'elle capte la malice qui y est lisible.
Tout en gardant ses yeux plantés dans les siens, Thomas fait lentement remonter leurs mains jusqu'à déposer celle de la brune sur le haut de son torse. Ses doigts se hasardent ensuite sur ses hanches pour la tirer à lui. Face à face, seulement séparés de quelques centimètres, leurs souffles s'affolent déjà de cette tension qui s'est tissée entre eux. D'humeur taquine, il donne un léger coup du bout du nez, effleurant celui de Mikasa qui ne peut pas résister à ce geste.
Elle laisse ses doigts glisser sa peau humide, arpente les courbes de ses épaules puissantes, jusqu'à tomber sur ses bras. Ils échangent un sourire complice puis Thomas se penche légèrement en avant pour susurrer à son oreille.
— Il faut que je me change, tu m'accompagnes ?
Mikasa hoche la tête en se mordant la lèvre inférieure.
Thomas attrape sa chemise et la passe rapidement sur lui, Mikasa s'occupe de la reboutonner.
[ Bureau du Major Hanji Zoe, district de Trost ]
Armin entre et referme la porte derrière lui puis s'avance pour enfin effectuer un salut militaire.
— Assied-toi Armin. Dit Hanji avec un grand sourire.
Livaï et Julia sont eux aussi présents dans la pièce.
— Bien, tout le monde est là, on peut commencer. D'abord nous avons reçu les fonds et le matériel pour notre prochaine expédition, il ne nous manque plus qu'à attendre nos nouvelles recrues du côté des brigades d'entraînement et nous pourrons former tout ce beau monde.
— Bien, c'est pas trop tôt. Commente le Caporal.
— Pour le cas de Annie Leonhart c'est plus compliqué. Ça s'est un peu passé comme au procès d'Eren pour tout vous dire, chacun s'est disputé pour avoir le gros lot. Les brigades voulaient qu'elle réintègre leur corps d'armée mais ils ne proposaient pas grand-chose sinon de promettre qu'elle s'intègrerait et finirait pas être une citoyenne modèle, haha, la bonne blague...
Julia reste impassible mais Armin et Livaï échangent un regard.
— Pixis n'a rien demandé et Zackley semblait d'avis qu'elle reste enfermée dans une cellule pour le reste de ses jours jusqu'à ce qu'on trouve un nouvel hôte pour son titan.
— Je m'y attendais, mais c'est la meilleure solution. Autant que le titan féminin aille à quelqu'un qui nous est fidèle et en qui on peut avoir confiance. Ajoute l'officier Ackerman.
Armin serre les dents en entendant ça.
— ...Je leur ai alors soumis l'idée de notre suicidaire.
— Eren ? Demande Armin.
— Non, l'autre. Précise Hanji en souriant encore.
Julia lève les yeux de son calepin, surprise de l'implication de Thomas.
— Je leur ai dit que la troisième solution serait qu'Annie intègre le bataillon, qu'elle sera encadrée et qu'on pourrait se servir d'elle comme d'une arme contre les titans.
— Je n'aime vraiment pas cette idée et ça m'étonnerait que l'état-major ait aimé. Râle Livaï.
— Tu as raison, ils n'ont pas vraiment sauté de joie. Mais je leur ai dit que nous avons déjà posé les bases d'une relation de confiance et leur ai rappelé quelques-unes des précieuses informations qui viennent des carnets de Grisha Jäger.
— Donc tu leur a menti ?
— Oui et non. J'ai anticipé ce qui peut arriver. Thomas m'a assuré qu'il parviendrait à convaincre Annie qu'on doit coopérer pour l'instant.
Livaï semble dépité.
— C'est pas vrai... J'aurai dû le faire venir chez moi en fin de compte, tu l'as autant détraqué que toi... Quoique c'est peut-être le grade de Major qui donne envie de faire des paris comme ça. Tu te rends compte qu'il y a de grandes chances qu'elle nous trahisse au pire moment lors d'une expédition et nous décime tous ?
— Je suis de l'avis d'Hanji et Thomas. En quatre mois nous avons fait beaucoup de progrès et le rapport de force n'est plus du tout le même que lors de la cinquante-septième expédition. Eren est bien meilleur et peut se contrôler, nous avons le colossal et les lances foudroyantes sans parler de tout ce qu'on a apprit sur le monde extérieur. Tranche Armin.
Le caporal soupire longuement avant de prendre une lampée de thé.
— Et donc, résultat des courses ? Demande-t-il.
— Résultat des courses nous sommes aussi là pour parler effectifs des escouades. Où est-ce qu'on peut la mettre ?