Le destin des Ackerman - Tome 1

Le jour s'est levé depuis plusieurs minutes mais Thomas dort toujours à l'inverse de la personne à ses côtés qui est déjà debout et équipée. C'est assez rare pour être étrange. Mikasa a eu froid toute la nuit malgré le feu de camp et son épaisse couverture en laine, alors elle a forcément été surprise en se réveillant quand elle a remarqué que son conjoint avait retiré plusieurs couches de vêtements et était en nage.

Juste en dessous d'eux, agglutinés à la base du tronc des trois arbres sur lesquels ils ont élu domicile, plusieurs titans essayent de grimper pour aller dévorer les six soldats du bataillon d'exploration.

Conny et Sasha n'ont pas l'air d'être prêts, il n'y a aucun mouvement sur leur branche à l'inverse de Jean et Frock qui sont prêts à partir. La brune fait une dernière vérification de son matériel tridimensionnel puis l'actionne pour décoller vers ses deux amis qui ont toujours autant de mal à se gérer.

Bien sûr ça ne rate pas, quand elle atterrit près d'eux, ils dorment profondément. Conny est avachi sur le ventre et a un grand sourire aux lèvres, sûrement que son rêve est très agréable. Sasha dort sur le dos et un filet de bave coule de sa bouche.

— Me dis pas que tu rêves de bouffe en plus... Souffle Mikasa, dépitée.

Elle se résout tout de même à les réveiller et leur met un petit coup de pied dans les jambes, ce qui les fait sursauter.

— Nan maman, encore cinq minutes... Dit Conny avant de tourner puis de se rendormir instantanément.

Madame patate n'ouvre pas les yeux mais l'une de ses mains cherche à tâtons son sac de voyage et, quand elle le trouve enfin, plonge à l'intérieur pour se saisir d'une ration de survie qu'elle ouvre avant de croquer dedans.

Mikasa retourne auprès de Thomas qui dort encore mais il s'est tourné sur son flanc droit, écartant la laine et mettant en évidence tout son côté gauche qui porte encore les traces de l'escarmouche dans la cave des Reiss, les cicatrices ont encore une couleur vive.

La jeune femme s'agenouille près de lui et pose sa main sur ses côtes marquées.

— Thomas... Appelle-t-elle doucement.

Le soldat Ralle inspire profondément en roulant lentement jusqu'à se retrouver sur le dos en portant ses mains à ses yeux.

— Déjà..? Répond-il avec une voix cassée alors qu'il émerge doucement.

— Mh. Acquiesce la brune qui fait remonter délicatement sa main le long du bras gauche de son compagnon qui finit par ouvrir les yeux.

— Merde, t'es debout et habillée avant moi..? Commente-t-il en se redressant dans un petit gémissement plaintif, sentant qu'une puissant mal de crâne s'est installé.

Mikasa regarde le pantalon et la chemise qui sont posés à côté de lui. Elle se demande comment il a fait pour avoir aussi chaud pendant la nuit.

— J'me sens un peu sale là, j'ai transpiré toute la nuit... On peut pas rentrer le temps d'une douche hein ?

Elle sourit.

— Allez, habille-toi.

Thomas acquiesce et sort de son sac de couchage pour enfin se lever. Son mal de crâne lui fait un peu tourner la tête mais il parvient tout de même à se saisir de son pantalon et le secoue un peu.

La jeune Ackerman ne peut s'empêcher de se rincer l’œil puisqu'il porte uniquement son sous-vêtement. Son regard parcourt ses abdominaux et descend sur les lignes de ses hanches qui sont comme une flèche qui invite à aller plus bas encore, là où son érection matinale est clairement visible dans cette tenue.

Elle préfère détourner le regard puis se retourner en sentant son désir la rappeler à l'ordre, la faisant se mordre la lèvre inférieure instinctivement. La jeune femme fait mine de vérifier son équipement pendant les deux minutes qui devraient suffire pour qu'il s'habille et dissimule à sa vue de son corps à moitié nu qu'il est tentant de toucher.

Lorsqu'elle se retourne il a enfilé son pantalon, ses bottes et termine de boutonner sa chemise. Il se baisse pour attraper le harnais et le passe sur lui. Trouvant qu'il prend son temps, elle s'approche et met une gentille tape dans ses mains pour qu'il la laisse sangler les lanières de cuir au niveau de son plexus. Elle ne l'avouerait pas mais c'est aussi par besoin de le toucher.

Mikasa veut aussi en profiter pour le rappeler à l'ordre vis à vis d'un évènement de la veille.

— Sois prudent aujourd'hui. Je préfèrerai te péter un genou pour être sûre que tu ne recommences pas. Dit-elle, sans animosité mais sans tendresse non plus, son regard planté dans le sien.

L'autorité qu'elle exerce sur lui dans ces moments l'empêche de faire autre que l'écouter, les yeux bien ronds.

— Je vois... Souffle-t-il ensuite.

— Non Thomas, tu ne vois pas. J'apprécie que tu sois inconscient et n'hésite pas à prendre des risques par contre... Jouer avec mes nerfs c'est pas une bonne idée, vraiment. Tu sais que je n'aime pas du tout qu'on joue avec la vie des personnes à qui je tiens alors respecte au moins ça, s'il te plaît. Je ne te demande pas de changer, juste de reconnaître quand t'es un crétin. Corrige-t-elle avec un ton plus autoritaire.

Le jeune homme acquiesce plusieurs fois sans moufter, comme un gosse.

Elle termine de serrer cette sangle sur son torse puis se recule d'un pas.

— Allons-y. Ordonne-t-elle en prenant en main les poignées de son matériel.

Sachant que des titans viendraient sûrement gratter aux racines des arbres où ils se trouvent dès le lever du jour, ils ont attachés leurs cheveux plus loin pour éviter qu'ils se fassent piétiner. Les six membres de cette mission de reconnaissance s'élancent donc et parcourent une centaine de mètres pour rejoindre leurs montures qui attendent docilement.

Thomas attrape l'un des petits sacs qui pendent sur sa selle et dans lequel se trouve de l'avoine. Il en prend une petite poignée et tend sa main bien à plat pour que l'animal s'en nourrisse, son autre main flatte son encolure.

— Tout le monde à cheval on y va ! S'écrie Jean pour que tout le monde se bouge.

Sasha et Conny ont vraiment des têtes de cadavres ce matin, ils ont sûrement eu beaucoup de mal à s'endormir entre le froid et l'inconfort.

La petite troupe menée par Jean Kirschtein galope depuis plusieurs heures déjà et ils ont parcouru la moitié de la distance nécessaire pour rejoindre leur prochain point d'arrêt. A part durant les deux premières heures, ils n'ont croisé aucun titan.

Ils ont repris cette formation qui s'inspire de celle des expéditions et ont même décidé de s'écarter d'autant plus maintenant qu'ils s'enfoncent toujours plus au Nord, afin d'être certains de ne pas rater le moindre titan puisqu'ils se raréfient dans cette région.

— On en est à combien de notre côté ? Demande Thomas.

— Soixante-et-onze. Répond Mikasa qui n'a pas besoin d'ouvrir son carnet, le compte lui est resté en tête.

— Ça fait pas mal déjà... Commente le jeune homme qui attrape sa cape pour la mettre et s'emmitoufler dedans.

Mikasa est étonnée, aujourd'hui il fait aussi beau qu'hier et comme il n'est pas loin de midi le soleil et au plus haut dans le ciel, ses rayons lui ont donné chaud au point qu'elle a retiré sa veste.

— Tu as froid ? S'inquiète-t-elle.

— Ouais un peu.

Elle se concentre sur Thomas : son regard est vitreux et il tremble comme une feuille. Elle fronce, croyant comprendre ce qu'il lui arrive. La jeune femme ouvre la bouche pour dire quelque chose mais elle est interrompue quand Jean, Frock, Sasha et Conny arrivent vers eux.

— Mikasa, Thomas ! Appelle le meneur. Il y a un village sur une falaise pas loin, on va y faire une halte pour manger un bout.

Elle hoche la tête.

Vingt minutes plus tard ils arrivent aux portes de ce village abandonné que la végétation envahit déjà. Certaines maisons portent encore les marques du raid des titans il y a plus de cinq ans.

Ils ont tous posé pied à terre pour marcher et se dirigent vers la grand place. Quand ils y arrivent ils attachent leurs chevaux et s'installent sur le rebord de la fontaine. Mikasa rejoint Thomas en voyant qu'il déplie son sac de couchage pour le passer autour de lui. Elle pose une main sur son front qui se révèle être brûlant.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Demande le jeune homme, surpris par son geste.

Elle affiche un air inquiet.

— T'as de la fièvre.

— Ah... J'me disais bien qu'un truc allait pas...

Sans réfléchir plus longtemps elle ajuste la couche de laine sur ses épaules et le prend dans ses bras pour enfin le frictionner dans l'idée de le réchauffer. Sasha s'approche du petit couple, suivie du regard par Jean qui remarque ensuite que Mikasa prend soin du brun.

— Qu'est-ce qui va pas ?

— Il a attrapé froid. Annonce Mikasa.

— Ah merde... J'crois qu'on n'a rien à part de la morphine en plus... Soupire Sasha.

— Vous en faites pas ça va passer. Dit Thomas de sa voix éraillée à cause de son mal de gorge.

— Si ça ne va pas mieux demain matin on devra sûrement passer par Utopia pour t'y laisser. Dit l'ancienne chasseuse.

Mikasa soupire, Thomas serre les dents.

La jeune Ackerman se dit que, décidément, il a décidé de faire les quatre-cents coups pendant cette mission et le laisser derrière eux lui mettrait un coup au moral. Mais elle ne le laisse pas paraître et continue de frotter le haut du dos du jeune homme pour le réchauffer.

Elle hésite pendant un instant, considère la possibilité de continuer sans lui... Elle est décidée. Mikasa se redresse et retire son écharpe qui lui est si précieuse pour l'enrouler autour du cou de Thomas. Ce dernier lève une main pour couvrir la moitié de son visage avec ce vêtement, d'un rouge délavé avec le temps. Il soupire profondément.

— Han... Murmure-t-il en fermant les yeux, avant de prendre une grande inspiration pour humer cette odeur imprégnée dans le tissu qu'il aime tant, celle de Mikasa.

Dans un premier temps elle ne s'explique pas pourquoi il fait ça mais, quand elle comprend enfin, Mikasa ne peut pas s'empêcher de sourire, c'est le signe qu'il est vraiment fou d'elle au point d'être drogué à son odeur, vu la façon dont il en profite en inspirant profondément. Elle l'entoure de nouveau de ses bras.

— Je suis désolé... J'irai mieux rapidement. Dit-il après une minute de silence entre eux, de sa petite voix de malade.

— T'as intérêt... Répond-elle.

Thomas acquiesce et sa tête frotte contre le cou de la jeune femme qui resserre l'étreinte. Elle se souvient lui avoir dit qu'elle ne veut plus gâcher la moindre minute qu'elle peut passer avec lui et ce, quelques soient les choses qui voudraient l'en empêcher. Ce n'est pas une petite fièvre qui mettra cela à mal.

Lui, de son côté, il se sent comme un boulet qu'elle doit se traîner. C'est peut-être la fièvre qui lui met un coup au moral mais il se sent en dessous de tout. Il doit aller mieux et se montrer à la hauteur. Il ne se laissera pas abattre par ce qu'il couve.

Quelques minutes passent et Mikasa se retire pour prendre deux rations. Elle tend la première à son conjoint qui accepte sans grande conviction parce qu'il n'a vraiment pas faim. Mais il veut éviter qu'elle ressente plus d'inquiétude alors il retire l'emballage de papier et fixe pendant une seconde cette sorte de biscuit qui n'a pas trop de goût. Ce n'est déjà pas très appétissant d'habitude mais, là, c'en est presque répugnant. Il prend son courage à deux mains et croque à pleines dents. Il lève ensuite les yeux et regarde devant lui, par dessus l'épaule de Mikasa : ses yeux s'écarquillent après quelques secondes.

Soudain, elle le voit laisser tomber la couverture de laine rembourrée et se lève de façon hasardeuse.

— Que..?

Il ne répond pas et s'avance de plusieurs pas vers le Nord où une vallée verdoyante s'étend en contrebas du bord de la falaise dont il s'approche. Mikasa se lève à son tour et le rejoint, pas certaine de comprendre ce qu'il compte faire.

Il s'arrête à un pas du vide et observe le paysage qui se dévoile à son regard : une plaine bordée à l'ouest par une forêt, à l'est une rivière reflète les rayons du soleil et brille de mille feux. Son regard est captivé par ce qu'il voit, fixé sur le cours d'eau qu'il domine depuis les hauteurs.

Sa compagne le regarde puis observe à son tour ce qui se trouve bien plus bas.

— On est chez Josh. Lâche-t-il dans un souffle.

Tout correspond à la description qu'il lui avait faite alors qu'ils galopaient sur le sommet du mur pour participer à la poursuite de Reiner et Bertolt.

Une sentiment étrange s'empare du soldat Ralle. Ce lieu fait écho à cet évènement qui lui a permis de commencer à exister, de devenir quelqu'un, d'être repéré par les officiers du bataillon pour intégrer l'élite. Trois mois plus tard il est là, il contemple ces lieux que Josh lui avait décris avec tant de nostalgie.

Il mesure tout le chemin parcouru depuis, se souvient de tout ce qu'il s'est passé depuis... Une boucle semble se boucler. Cela lui donne une regain de motivation et de combativité de se tenir dans un endroit qu'il ne pouvait qu'imaginer jusqu'à maintenant, un paysage qui représente maintenant sa nouvelle vie et son renouveau.

Il se retourne vers les maisons délabrées, Mikasa croit comprendre son intention.

[ Quatre jours plus tard - Non loin de Krolva ]

L'équipe de reconnaissance vient tout juste de terminer son voyage dans le nord, laissant derrière elle le district de Krolva. Comme Jean l'avait prévu, ils n'ont fait absolument aucune rencontre dans les terres froides et montagneuses puisqu'elles sont à l'extrême opposé de la brèche qui fut ouverte à Shiganshina.

C'est un bel après-midi qui s'offre à eux et revenir dans le Sud leur permet de retrouver des températures plus clémentes et plus supportables.

— Bon les gars, faut qu'on se concentre. On va sûrement croiser des titans à tous les coins de tues à partir de maintenant. S'exclame Jean pour réveiller ses troupes.

— Compris ! Répondent les autres membres de l'escouade.

Ce calme plat a permis à Thomas de se remettre de sa fièvre et des courbatures sans entraver ses compagnons puisqu'ils n'ont pas eu à faire face au moindre problème. Il tousse encore grassement mais ce n'est pas grand-chose, il est pratiquement pleinement opérationnel.

Le meneur du groupe fait un signe de main : il est temps de se déployer.

A peine font-ils deux cent mètres qu'un premier groupe de démons est visible sur leur droite, avançant en direction du duo formé par Mikasa et Thomas.

— J'en compte six !

La jeune femme se saisit de son carnet et prend bonne note.

— Devant nous, cinq de plus ! Lance encore le soldat Ralle qui tousse par la suite.

Tous deux sont étonnés par cet afflux soudain de titans maintenant qu'ils ont passé Krolva, comme si un obstacle invisibe les empêchaient d'aller plus au Nord. D'un autre côté ça peut s'expliquer par cette partie Ouest du mur Rose qui est beaucoup plus dense niveau densité de population, par rapport aux autres territoires.

Quelques minutes plus tard un fumigène rouge s'élève dans les airs depuis la position théorique de Sasha et Conny.

— Merde... Ils sont plus près du mur que nous, il doit y avoir la masse de titans là-bas. Dit Thomas.

Mikasa hoche la tête et donne un brutal coup de rênes vers sa gauche pour se diriger vers ce flanc qui rencontre apparemment un problème majeur qu'ils ne peuvent pas éviter.

Ils galopent aussi vite qu'ils le peuvent. Jean et Frock sont déjà sur les lieux et contournent une importante masse de monstres. Thomas essaye de les compter mais ils courent et bougent dans tous les sens. A vue d’œil ils doivent être au moins une quinzaine. Ces titans ont prit en chasse un cavalier seul qu'il identifie comme étant Sasha mais aucune trace de Conny. Alors qu'ils approchent et passent une colline, celui-ci se montre sur leur droite, poursuivi lui aussi par une dizaine d'ahuris qui courent en désordre.

Mikasa se tourne vers Thomas qui analyse la situation. Il se croise son regard après quelques instants et croit comprendre qu'elle attend après lui pour savoir quoi faire.

Thomas observe le groupe qui poursuit mademoiselle Braus et cherche une faiblesse, une fenêtre de tir. Le plus simple serait d'attirer l'attention d'une partie des titans, à eux deux ils pourraient sans doute s'en débarrasser assez facilement, d'autant plus si Jean et Frock les contournent. Pourtant quelque chose attire l'attention du jeune homme : le plus grand titan de cette horde court au milieu de ses pairs et les domine de plus d'une tête.

— J'ai une idée mais ça ne va pas te plaire. Répond-il.

Elle l'interroge du regard.

— Regarde celui du milieu, le plus grand, c'est comme à l'entraînement. Si on l'abat, il va en emporter plein dans sa chute, le temps qu'ils se dégagent et se redressent on aura peut-être le temps de liquider ceux qui courront encore après Sasha. Explique-t-il avec toute l'audace qui le caractérise.

Mikasa doute que ce soit une bonne idée de se jeter là-dedans mais ils doivent s'occuper de ces titans pour s'échapper.

— On va rejoindre Sasha en pointe pour qu'ils restent bien groupés. Dès qu'on le sent on s'élance vers lui en utilisant les autres comme des poteaux. Ajoute Thomas.

Il se saisit de son pistolet à fumigènes qu'il charge avec une de couleur verte. Le jeune homme espère qu'elle prendra ce signal comme une direction à suivre, puisque c'est l'utilité de cette couleur en expédition. Il tend son bras vers le haut, se bouche l'oreille et tire en orientant de façon à donner une direction.

Après quelques secondes pendant lesquelles il ne se passe rien, Sasha fait finalement un virage serré pour venir en leur direction. Tout réside maintenant dans le timing de leur attaque et la précision du coup qu'ils vont porter.

Le soldat Braus rejoint ses deux amis qui galopent dans la même direction.

— Vous avez une idée pour me débarrasser de ces sangsues ?! Demande-t-elle, paniquée.

— Contente-toi d'aller tout droit, on s'occupe du reste. Dit Thomas.

Mikasa et lui tirent leurs lames et prennent une profonde inspiration. La brune attend le signal de son compagnon qui patiente quelques secondes avant de le donner. Il serre ses doigts autour de ses poignées et prend une respiration profonde pour se concentrer.

Le membre de l'escouade Arlelt lance un regard à Mikasa et elle acquiesce : maintenant.

Tous deux se hissent sur leur selle puis sautent. Ils s'aident de la poussée fournie par le gaz pour se retourner vers le groupe de titans puis tirent un grappin pour le planter dans l'épaule d'un démon de taille moyenne qui permettrait de se propulser en hauteur et en direction du plus grand. Ils réussissent leur manœuvre et s'élancent à grande vitesse dans les airs.

Le soldat Ralle est plus rapide que la jeune femme et se retrouve à une vingtaine de mètres du sol et positionnée juste au dessus de leur cible. Lorsque, une fraction de seconde plus tard, Mikasa le rejoint elle lui attrape le bras et utilise son aérodynamisme en plus de son gaz pour faire un tour complet sur elle-même avant de le relâcher : le mouvement l'envoie droit vers la tête de sa prochaine victime.

Le lieutenant de l'escouade Arlelt lâche du gaz pour augmenter sa vitesse et, au bon moment, se fixe avec un grappin dans l'omoplate du titan, utilise le poids de son corps pour donner un angle précis à sa manœuvre et se retrouve à tournoyer devant le visage de sa cible. Le démon n'a pas le temps de comprendre ce qu'il se passe tant il est rapide parce qu'il revient dans son dos à la hauteur parfaite pour trancher sa nuque.

Il tire ses deux harpons qui se fixent dans la joue d'un autre titan et se précipite de façon parfaitement parallèle pour infliger un coup fatal au point vital du monstre.

Il se retrouve ensuite en position pour tuer un second titan au passage : celui dont il s'est servi à l'instant comme point d'appui. Thomas n'hésite pas une seule seconde et se prépare à asséner un second coup de sabres en passant dans le dos du démon.

Le titan qu'il vient de tuer s'effondre et en écrase trois plus petits devant lui sans compter ceux qui trébuchent et sont déséquilibrés avec l'onde de choc de sa chute ainsi que l'obstacle qu'est maintenant son corps. Résultat des courses, seulement deux grands benêts continuent de suivre Sasha.

C'est dans cette cohue générale, cet enchevêtrement de corps nus et asexués qui tombent dans une cacophonie incomparable, que le brun se retrouve à essayer de manœuvrer pour éviter de se retrouver lui aussi écrasé. Un épais nuage de poussière s'élève dans les airs et les silhouettes n'aident pas à la visibilité de Mikasa qui voit son partenaire disparaître là-dedans.

— Thomas ! Hurle-t-elle en n'hésitant pas à le poursuivre.

Malheureusement pour lui, non seulement il ne parvient pas à trancher la nuque du second titan — qu'il entame juste — mais, en plus de ça, il voit ces gigantesques corps tomber tout autour de lui et il est extrêmement difficile d’apercevoir la moindre porte de sortie : le soldat est au milieu du groupe de mangeurs d'hommes.

Une première main le frôle, un pied ne passe pas loin, un visage se fait écrabouiller juste sous ses yeux, c'est un miracle qu'il n'ait pas encore subi le même sort.

De son côté Mikasa survole la mêlée et cherche son compagnon du regard.

— Thomas ! Appelle-t-elle encore.

Un titan en train de tomber lui fait soudainement barrage, elle tire un filin de métal qui se loge sur sa nuque qu'elle tranche d'un coup puissant.

Thomas tente de planter son grappin pour reprendre de la hauteur mais celui-ci ricoche contre le crâne d'un démon qui s'effondre. Il ouvre grand les yeux et se voit s'approcher rapidement d'une silhouette qui s'impose comme un obstacle infranchissable. Il doit rapidement choisir entre se laisser tomber au sol ou espérer que le choc ne le tue pas sur le coup. Dans les deux cas c'est signer son arrêt de mort.

Pourtant, il se sent brusquement stoppé dans son élan et tiré en arrière. Quelque chose vient d'attraper son premier grappin et un doigt l'effleure, accrochant au passage l'un des flexibles qui relie l'une des bouteilles de gaz au cœur du système.

Le brun se retrouve projeté au sol et roule sur une dizaine de mètres. La bouteille droite fuit et tout son gaz commence à s'en échapper, ses lames se cassent net dans la chute et le filin du côté gauche tarde à se rembobiner. Heureusement, coup du destin ou chance inouïe, c'est aussi cette chute brutale et douloureuse qui lui permet de se retrouver presque hors de danger, ainsi envoyé valser hors de cette masse de chair.

Mikasa le voit au sol, en dehors de cet amas incompréhensible de corps. De sa position il n'a pas l'air blessé mais une colonne de gaz s'échappe de son équipement et ses armes sont en morceaux.

Elle atterrit rapidement près de lui après avoir rangé ses lames puis pose ses mains sur le haut de son dos pour le secouer un peu.

— Thomas ? Tu m'entends ?

Il est sonné et tous ses sens se mélangent. Sa vision est floue, ses oreilles ne perçoivent qu'un ensemble de chocs agressifs confondus dans un sifflement, duquel se distingue une voix lointaine mais familière. Le jeune homme se sent être doucement secouée et le temps de reprendre ses esprits il reconnaît la voix de son binôme.

Mikasa le tire par le bras qu'elle passe autour de ses épaules puis passe le sien qui est libre autour de sa taille pour l'aider à se dresser sur ses jambes.

— Accroche-toi. Dit-elle.

Mais il n'a pas le temps de s'exécuter que la jeune Ackerman s'envole déjà en rase-mottes, une sorte de bond pour se retrouver une dizaine de mètres plus loin, hors de portée des titans pour vérifier son état et rebrancher la partie arrachée de son matériel.

— Rien de cassé ? Demande-t-elle rapidement.

— Nan ça va... J'ai eu du bol. Répond-il en se tenant son crâne douloureux.

Elle s'affaire alors à rebrancher ce câble qui laisse s'échapper tout le gaz de sa bouteille. Mikasa plaque sa main sur l'ouverture et attrape le tube flexible et métallique. D'un geste vif et précis elle retire sa main et rejoint les deux extrémités dans le même temps avant de visser l'écrou. Suite à cela, la brune se penche pour attraper l'une des crosses de son conjoint et appuie sur une détente : tout semble fonctionner.

— Tu te sens à décoller ?

Il acquiesce mais reste appuyé sur elle, s'affalant avec les bras qui pendent de chaque côté de son cou, pas encore bien remis de sa chute. Mikasa glousse puis lui intime l'ordre de s'accrocher en tapotant ses avant-bras. Thomas s'exécute.

La jeune femme actionne son équipement pour qu'ils se sortent de là et rejoignent leurs montures. Sasha doit toujours être aux prises avec ses deux titans qui n'ont pas été inquiétés par la chute de leur congénère deux minutes plus tôt.

Elle s'aide des quelques arbres disséminés dans la plaine. Leurs deux chevaux attendent là, cent mètres plus loin, en train de brouter de l'herbe tranquillement. Sasha est à bonne distance et deux silhouettes virevoltantes sont visibles : Jean et Frock sont sûrement en train de s'occuper de ses poursuivants.

— Désolé, j'ai vu l'opportunité d'en sécher un deuxième mais j'me suis raté... S'excuse Thomas, se rappelant qu'elle attendait de lui qu'il soit plus prudent.

Elle sourit pourtant.

— Mh-mh. Commence-t-elle en secouant la tête en signe de négation. Ton plan était bon.

Ils se posent à quelques mètres des chevaux qui hennissent à leur arrivée. Tout de suite après le soldat Ralle se laisse tomber au sol pour s'allonger.

— Thomas ? Appelle-t-elle, inquiète.

— Mh ?

— Tu ne...

— J'reprends mon souffle... Coupe-t-il avant de rire nerveusement maintenant que la pression retombe un peu.

La nuit tombe sur l'île du paradis et les six soldats sont perchés dans leur arbres d'une énième forêt d'arbres géants, maintenant au calme et loin de tout danger. Tous sont essoufflés et à court d'énergie, le repos est bienvenue et mérité.

Comme les fois précédentes ils s'installent par binôme et Thomas est déjà allongé. Mikasa est prêt de lui et caresse son visage, avec une expression inquiète.

— Ça va je t'ai dit, j'suis juste HS... Dit-il en souriant.

Il joint ses mains au niveau de sa poitrine pour défaire les sangles de son harnais en cuir.

— Laisse, je vais le faire. Propose-t-elle avec un petit sourire.

— Nan attends je... Proteste le jeune homme, sans conviction parce qu'il est content qu'elle le fasse.

La boucle cède rapidement et elle s'attaque maintenant à la ceinture puis aux lanières qui se trouvent sur ses cuisses. Il ne manque ensuite qu'à retirer ses bottes.

Thomas se redresse pour s'en occuper. Mikasa reste immobile à le regarder faire. Il se tourne ensuite vers elle et commence à lui rendre la pareille. Par contre, contrairement à lui, lorsque le besoin de retirer ses bottes se présente, elle tend une première jambe en se retenant de rire. Elle l'aide à peine et il doit se battre pour les enlever. Apparemment elle est joueuse quand elle est fatiguée.

Quand son compagnon se laisse tomber sur les fesses maintenant qu'elle est libérée de son harnais et de ses chaussures elle le fixe en se mordant la jointure de son index.

— Tu t'arrêtes là..? Demande-t-elle, allongée sur le dos et la tête tournée vers lui.

Étonné il la dévisage rapidement et remarque cet air provocant qu'elle arbore.

Pour réponse elle tapote le second bouton de sa chemise.

Il écarquille les yeux quand il comprend ce qu'elle a derrière la tête.

— Tu sais que tout le monde peut nous voir..?

— Tu crois que ce genre de détail gêne Sasha et Conny ?

C'est vrai qu'après plusieurs jours de « cohabitation » il s'est rendu compte que ces deux là sont bien plus proches qu'il n'y paraît. Il les entend d'ailleurs rire, signe qu'ils profitent de ce début de soirée pour prendre du bon temps à deux.

— Vu sous cet angle... Répond ensuite Thomas avec un sourire amusé.

Le jeune homme accepte donc et la rejoint après avoir retiré ses bottes. De nouveau elle désigne un endroit précis de son haut blanc. Il s'applique à déboutonner sa chemise qu'elle retire comme elle peut en se tortillant dans tous les sens, aidée par son conjoint qui fait ensuite de même avant de s'allonger près d'elle, sur le dos. Elle en profite pour retirer son pantalon qu'elle pose n'importe comment sur la surface de cette épaisse branche.

Ni une ni deux elle s'affale à moitié sur lui et pose sa tête sur le haut de son torse. Un profond soupire se fait entendre maintenant que leurs peaux se touchent et qu'elle profite de sa chaleur.

— Mieux. Conclut-elle alors qu'elle frotte doucement sa cuisse contre la sienne.

La main de Mikasa descend rapidement jusqu'à la ceinture de son amant qu'elle commence à défaire, sans gêne.

— Ça aussi. Ordonne-t-elle.

Il soupire d'un air rieur et exécute sa volonté en retirant son pantalon pour qu'ils soient maintenant tous les deux en sous-vêtements. Ils reprennent leur position initiale.

Après un bon quart d'heure, Thomas s'est déjà endormi parce que cette journée l'a complètement épuisé et le choc n'a pas aidé. Après le sauvetage de Sasha et Conny ils ont dû se battre contre d'autres groupes de titans qui ne voulaient pas leur lâcher la grappe et c'est finalement en catastrophe qu'ils ont rejoint cet endroit pour se reposer un peu.

Au pied des arbres, une vingtaine de démons ne souhaitent qu'une seule chose : les dévorer. Mais l'atmosphère est tranquille puisque la nuit est tombée, ils sont donc inactifs et dociles.

Plus aucun bruit ne vient non plus de l'endroit où mademoiselle Braus et monsieur Springer ont élu domicile pour la nuit. Mikasa, elle, ne s'est pas endormie parce qu'elle ne peut pas trouver le sommeil avec toutes les pensées parasites qui assaillent son esprit rêveur.

Elle se hisse sur son coude puis se penche pour observer le visage de son compagnon.

— Thomas... Appelle-t-elle dans un murmure.

— Mh. Gémit-il, ayant envie de l’assommer pour qu'elle le laisse dormir.

— Tu sais cet endroit que tu m'as montré près du village de Josh...

— Mh. Répond-il de la même façon, les yeux encore fermés.

Mikasa joue avec une mèche de cheveux qui encombre le visage du jeune homme.

— On serait bien là, nan..?

C'est vrai qu'après avoir compris où ils se trouvaient, il s'était souvenu que Josh lui avait parlé plusieurs fois d'un étang où son grand-frère et lui jouaient souvent, c'est là qu'il lui avait appris à faire des ricochets, notamment. Sachant que ça pourrait être un endroit comme en rêve Mikasa, il l'avait emmené là.

Il se souvient qu'au moment où elle a découvert ce recoin, ses yeux sont devenus brillants, elle avait l'expression d'une enfant qui découvre la plus belle chose qu'elle n'avait jamais vu. Cette image est gravée dans sa mémoire.

Le soldat Ralle acquiesce.

— ...Une petite maison avec un ponton qui s'avance sur l'étang pour pêcher et se baigner... Il y aurait aussi la place d'élever quelques animaux... Continue-t-elle.

Thomas ouvre finalement les yeux et tourne la tête en sa direction avant de sourire.

— Dès qu'on aura fait la peau à tous ces emmerdeurs de plusieurs mètres de haut, on y retournera. Promet-il.

Elle hoche la tête puis reprend sa place sur lui.

— On pourra dormir tous les deux, toutes les nuits... Finit-elle par penser à voix haute avec un petit sourire aux lèvres.

— ...Et tous les matins je devrai me battre avec toi parce que tu traînes au lit. Complète-t-il.

— Je traîne pas au lit, j'aime juste que tu me réveilles. Révèle la jeune femme.

Thomas se met à se marrer bruyamment.

— D'accord, je vois...

— Et puis il me faut du temps pour m'endormir... Ajoute-t-elle.

Il se marre de nouveau.

— Tu cogites ou tu me regardes dormir ? Accuse Thomas.

Heureusement que dans cette position il ne peut pas voir son visage parce qu'elle rougit et se pince les lèvres. C'est vrai qu'il lui est arrivé de le faire tout en se posant beaucoup de questions, en réfléchissant à certaines choses, comme d'habitude.

Mais il sait très bien pourquoi elle ne répond pas à sa question.

— T'inquiètes pas, je fais pareil. J'aime beaucoup trop la tête que tu as quand tu ouvres les yeux.

— Oh non, pitié... Répond-elle.

Le jeune homme glousse une nouvelle fois.