Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire

Je ne saurai pas dire pourquoi, mais la nouvelle forme d'Aquila dégageait une aura similaire à celle… de ce bon vieil Hercule. Enfin, si on retire tout le côté sympathique de notre ami. Le gardien avait cette même énergie surnaturelle et dangereuse.

Les sphères de foudre ont crépité violemment. Aquila les a de nouveau lancés dans ma direction.

-         Tu ne m'auras pas deux fois, lui ai-je lancé.

Quelques instant plus tôt, il m’avait eu par surprise. Cette fois, j’étais prêt.

J'ai paré l’attaque avec mon arme. Le pouvoir magique de ma Keyblade a renvoyé les sorts à l’expéditeur. Le gardien s'est pris l'attaque de plein fouet. Heurté par le choc, il a reculé avant de poser un genou à terre.

-         Sora !

-         Compris.

Lea et moi avons foncé sur lui, armes à la main avant de l’attaquer à plusieurs reprises. Au bout d'un moment, il a sauté en l'air. En même temps, il a balancé deux autres boules de foudre. Je me suis préparé à les parer mais les deux nous ont loupé en passant complètement à côté. J'ai d’abord pensé qu’il avait raté… et j'ai compris :

Il visait nos compagnons.

-         Les amis, attention !

Yuki a réagi très vite. D'un mouvement éclair, elle a lancé de l'eau en face d'elle et des autres et a créé un mur de glace. La sphère s'y est écrasée en crépitant avant de disparaître.

-         Bien joué, Yuki ! l'ai-je félicitée.

-         Sora, m'a averti Lea.

Trop tard. Je me suis retourné juste à temps pour voir un poing étincelant sur mon ventre. J'ai été violemment projeté au sol. Du coin de l’œil, j'ai vu Lea tenter une attaque mais il a été foudroyé par le gardien dans les airs. Je m'attendais à ce qu'il s’écrase au sol, mais il a pu se rétablir avant d’atterrir. Heureusement, il avait l'air d'aller bien.

J’avais mal au dos, mais, au prix de nombreux efforts, j'ai quand même pu me relever. Une autre sphère de foudre fonçait dans ma direction, beaucoup trop vite pour que je fasse quoi que ce soit.

Liam s'est interposé. Il a bloqué l'attaque en me disant :

-         Sora, c'est une diversion. Attention à Lea !

Il avait raison, j'ai vu le gardien de déplacer à vive allure vers mon ami. Au moment où il allait attaquer, j'ai lancé ma Keyblade sur son bras. Surpris, il a hésité quelques secondes. Ce temps a été suffisant pour que Lea donne deux coups de ses chakrams de feu. En courant, j'ai tendu la main et Chaîne Royale y est réapparu comme d'habitude. J'allais attaquer lorsque le gardien a brillé. L'air autour de lui a crépité nerveusement. Mon instinct me disait de m’éloigner.

Aussitôt, j'ai pris Lea par un bras et nous sommes partis aussi loin que possible pendant qu'une déflagration émanait d'Aquila.

Lea m'a remercié avant de se mettre à nouveau en garde. Le gardien avait arrêté de bouger. Il était figé, comme s’il attendait quelque chose. Sa tête faisait le va-et-vient entre l'endroit où Lea et moi étions et le reste de nos compagnons. Il n'avait pas d'yeux mais j’étais convaincu qu'il nous observait.

Ensuite, il s'est tout simplement téléporté au milieu de la pièce. Il s'est à nouveau mis à dégager des éclairs autour de lui. J’ai pensé à attaquer pendant qu’il était immobile…

Jusqu’à ce que je voie le clone.

J’étais tellement concentré sur le gardien que j'ai failli passer à côté. Il ressemblait en tout point à son créateur, excepté que, contrairement à ce dernier qui était littéralement composé de poussières d’étoiles, le clone, lui, avait l'air d’être fait d’éclairs. Ce qui devait être le cas.

J'ai demandé à Lea s'il pouvait encore lancer des sorts. À en juger par son expression, il ne pouvait pas en faire beaucoup non plus.

Thomas ne savait pas en faire pour l’instant. Quant à Yuki, je préférais qu'elle se concentre sur la protection de Minehi et d'Eeal, et puis je ne voulais pas la fatiguer plus que ça.

-         Je me souviens de cette attaque, a dit Liam une fois qu'il m'a rejoint. N'attaquez surtout pas le clone. Il est invincible. Le seul moyen, c'est de viser directement son créateur.

Lea a pris la parole.

-         J'imagine que créer un double de lui-même a dû lui pomper une bonne partie de son énergie, non ?

Liam a hoché la tête. Selon lui, le gardien était devenu plus faible à cause de cette invocation. J'aurais pu me débarrasser du clone avec ma Keyblade, mais Liam disait que c’était une perte de temps.

Aquila a chargé dans ma direction. J'ai paré ses attaques avec difficulté. Ses poings étaient électrifiés et à chaque contact entre eux mon arme, je voyais l’électricité parcourir mon arme. Plus je parais, plus j’étais engourdis. Le clone.

J'ai tourné la tête et vu Lea aux prises avec la réplique. Il évitait au maximum le contact et privilégiait les attaques à distance. Il se débrouillait bien, aucun doute là-dessus.

Je devais riposter moi aussi.

Avant même que je ne puisse tenter quoi que ce soit, le gardien s'est éloigné. Puis, son double et lui-même ont tendu la main. Dans un mouvement parfaitement synchronisé, un cylindre de foudre pure est apparu dans leurs mains. L'original s'est élancé vers moi et l'autre, vers mon ami. Je bloquais ses attaques, mais je sentais mon bras s'engourdir et chauffer de plus en plus. Si je ne pouvais pas parer, je pouvais esquiver. Malheureusement pour lui, j’étais aussi un épéiste. Il était plus facile pour moi de lire ses mouvements quand il se battait avec cette arme de foudre que sans.

Il a tenté une attaque verticale, j'ai fait une roulade au sol et ai fauché ses jambes. J’ai ensuite visé sa tête, mais le gardien a créé une onde de choc. J'ai eu le temps de m’écarter à temps. Les deux gardiens se sont rejoints et ont écarté les bras. Des sphères de foudre sont apparues un peu partout. Une bonne trentaine, peut-être ? Aquila – l'original – s’est de nouveau lancé à ma poursuite, mais le clone est resté immobile, les bras tendus. Pas le temps de voir ce qu'il faisait. Le gardien m’occupait déjà suffisamment. J'attaquais, j'esquivais, je contrais. Sans m’arrêter. Une seule erreur et j'allais prendre de sérieux dégâts. Ce n’est que lorsque Liam m'a hurlé de faire attention aux sphères que je me suis rappelé leur existence. J'ai brièvement jeté un œil autour de moi et vu que la plupart d'entre elles flottaient vers moi. Lentement, mais sûrement. J'ai dégagé le monstre d'une estocade suivit d'un coup ascendant. J'ai fait un moulinet avec ma Keyblade pour écarter les sphères d’éclairs. Ces dernières ont immédiatement changé de direction, allant se détruire au niveau des murs. J'ai rejoint mon adversaire dans les airs en l'attaquant à plusieurs reprises. Sentant que les boules de foudre me suivaient encore, j'ai attrapé le bras du gardien et tourné avec, comme une toupie. Il m'a servi de bouclier un bon moment jusqu’à ce que j'utilise toutes mes forces – il pesait quand même son poids – pour l'envoyer vers son clone au centre de la pièce. Ce dernier, interrompu, s’est écrasé sous le poids de son créateur. Les sphères ont toutes disparues.

Liam a sifflé.

-         C’est… original.

-         Tu m’expliques comment tu arrives à lancer les gens aussi facilement que des cailloux ? a demandé Thomas.

Je me suis gratté la tête.

-         Crois-moi, Tom, ce n’était pas aussi simple…

Ma Keyblade pesait lourd dans mes mains. Ces dernières tremblaient et j’avais l'impression que mes bras allaient se décrocher d'eux-mêmes à tout moment. Ce n'est que plus tard que j'ai remarqué que Thomas m’observait attentivement.

-         Ça va aller ? m'a-t-il demandé, inquiet.

Je lui ai répondu que oui, en m'efforçant de sourire. Il n'a pas vraiment eu l'air rassuré, mais n'a rien dit de plus.

Le gardien a bougé.

-         Il n’est toujours pas vaincu, lui ?! s'est exclamé Lea.

Le gardien et son double se sont redressés. Je me suis mis en garde aussi vite que possible, m'attendant à une attaque fulgurante. Au lieu de quoi, Aquila a tendu le bras vers Minehi, Eeal, Thomas, Yuki et Dingo. Une forme étrange s'est dessinée dans l'air devant le gardien : un bouclier. Ce dernier s’est mis à crépiter. Mes amis ont réagi, mais trop tard. J'étais trop loin pour leur venir en aide et même si Lea pouvait, il n'aurait pas pu faire grand-chose face à l'attaque qui allait suivre.

Un déluge d’éclair a jailli du bouclier. Instinctivement, j'ai incanté un sort de protection avec ma Keyblade, mais rien ne s'est produit. Mes réserves de magie étaient à sec. Et je n'avais pas d'Ether sur moi. Pas d'Ether… Mais j'avais un Élixir ! Celui que m'avait donné Maxwell. Peut-être que…

Dingo s’est interposé, bouclier brandi. Il a dévié les éclairs entre le gardien et le reste de nos compagnons en usant de toutes ses forces pour avancer et supporter l'attaque. Il était le meilleur. Aucun doute là-dessus. Il avait mal, je le voyais, mais il continuait. Je devais le rejoindre. Lorsque j’ai avancé, j'ai vu un filet de lumière passer devant mes yeux puis une douleur vive a traversé mes jambes. J'avais l'impression de me prendre des coups d'aiguilles chauffées à blancs à ce niveau. Mon rythme cardiaque s’est accéléré.

J'ai hurlé.

Je suis tombé à genoux et mon regard a croisé la silhouette du clone. Il flottait à quelques mètres au-dessus de nous pendant que l'original continuait d’attaquer Dingo. À en juger par sa posture, le double venait de me lancer un puissant éclair dans les jambes, et il s’apprêtait à recommencer.

Dingo a mis un genou à terre.

Bouge.

Le clone a envoyé l’éclair, mais je n’étais plus là. J'avais roulé sur le côté aussi loin que possible. J'ai tenté de me reprendre sur mes appuis. Je ne sentais plus mes pieds, mais ça m'importait peu. Je me suis mis à courir vers mon ami. Le clone continuait de m'attaquer mais il ne m'a plus atteint. Sans doute grâce à l'aide de Lea et Liam. Je ne me souviens plus vraiment.

Quand j'ai rejoint Dingo, il n'avait plus la force d'avancer et ses bras tremblait à cause des décharges et de la fatigue. Avant qu'il ne lâche son bouclier, je l'ai tenu moi aussi. J'ai reçu la décharge par le même coup, mais j'ai tenu.

-         Allez, mon vieux !

Dingo a acquiescé en souriant. Il s’est relevé et on a poussé ensemble. Un pas après l'autre, ignorant la douleur et la fatigue. Les éclairs crépitaient à nos oreilles. La foudre traversait nos bras et le reste du corps, y répandant une sensation de brûlure de plus en plus vive. Peu importe. Je ne savais pas pourquoi, mais je savais que tout allait bien se passer. Je me suis même mis à sourire, pour de vrai cette fois.

-         On y est presque, Dingo !

-         Quand tu veux, Sora !

Nous avons compté jusqu'à trois et en même temps, nous avons levé nos armes respectives, déviant l’attaque suffisamment pour briser sa garde. Dingo et moi l'avons attaqué à plusieurs reprises. Enfin, il lui a donné un violent coup sur la tête. Le gardien a titubé avant de faire apparaître une autre arme de foudre.

-         Pas question ! lui ai-je lancé.

Avant même qu'il n'attaque, j'ai visé son bras pour annuler toute tentative de contre de sa part avant de donner l'assaut final : un coup de taille. Le gardien est tombé au sol.

Pas le clone, mais mes compagnons se sont occupés de lui. Yuki a invoqué quelques pieux de glace pour gêner les mouvements de leur adversaire. Sous sa forme obscure, Thomas a pris l'un d'eux et a cogné le clone avec. Lea a attaqué à distance avec ses armes enflammée et c'est Liam qui a donné le coup de grâce en envoyant le trident par un super lancer. Ça a détruit le clone du gardien sur le coup.

Pendant ce temps, la poussière d’étoiles qui composait le corps d'Aquila s'est dispersée peu à peu. Elle s’est répandue lentement un peu partout avant de disparaître. Rapidement, il ne restait plus rien d'Aquila.

Le dernier gardien de l'Abîme avait été vaincu.

J'ai posé un genou à terre. Le sol était froid. J'ai vu un insecte passer juste à côté de ma jambe. Enfin, je crois que c’en était un. Ma vision était floue. Je prenais enfin conscience de ma fatigue. Mes bras et mes jambes me faisaient encore mal. Rien d’insoutenable en soit même si j'avais toujours cette sensation de brûlure et de picotements un peu partout. Sentant qu'il n'y avait plus lieu de combattre, Chaîne Royale a disparu d'elle-même. Je transpirais et ma vue était flou. J’étais au bout de mes forces, pour de bon. Je ne m’étais pas véritablement reposé depuis l’attaque de Maléfique au Château Disney. Et je commençais à en subir les conséquences. Dingo m'a soutenu. Je lui ai demandé si ça allait.

-         C’est plutôt moi qui devrais te poser la question, a-t-il répondu.

-         C’était du super boulot, Sora.

Lea m'a rejoint, bien amoché lui aussi mais rien de bien grave heureusement. Minehi a acquiescé avant d'ajouter :

-         Pas seulement lui mais vous tous. Cette évasion n'aurait pas été possible sans votre aide.

Yuki, silencieuse depuis un moment déjà, a finalement suggéré :

-         Nous devrions partir d'ici tant que nous le pouvons encore. Le dernier gardien étant vaincu, la sortie ne doit plus être bien loin, non ?

Sur ces mots, elle a regardé Liam.

-         C'est ça, a-t-il confirmé. Des amis à moi nous aiderons pour le départ. Allez.

Thomas a rejoint Dingo pour m'aider à marcher.

-         Ne vous inquiétez pas, je peux le faire seul, leur ai-je assuré.

Thomas m'a ignoré et m'a soutenu lui aussi avec son épaule.

-         Ouais, c'est ça. Et que ça devienne pas une habitude, hein ?

J'ai souri, soulagé d'avoir des amis pareils.

Dingo et Thomas m'ont aidé à marcher jusqu'à ce qui m'a semblé être une grande porte métallique au bout de la salle. La porte a donné sur un autre couloir, mieux éclairé cette fois-ci.

Nous avons avancé en silence, Liam et Eeal étant en tête. Ce dernier marchait d'un pas enjoué, manifestement très content de partir d'ici. Il était sale et un peu blessé mais il s'en fichait éperdument. Eeal était fort. Aucun doute là-dessus.

Ma vision était trouble. Et je me sentais si fatigué que Dingo et Thomas ne m'aidaient plus seulement à marcher, mais me portaient carrément.

Après un moment qui m'a semblé une éternité, nous avons débarqué dans une immense salle, elle aussi taillée dans la roche, très éclairée par bon nombre de torches qui devaient bien faire ma taille. À voir la grande porte de métal et les fenêtres, j'en ai déduit que nous nous trouvions à l’entrée. Nous étions à cent mètres de la dernière porte, mais je suis parvenu à regarder dehors. Le ciel était bien sombre et constellé de milliers et de milliers d’étoiles. Liam avait raison. Il faisait bien nuit. Cela dit… à l’horizon, une lueur commençait peu à peu à percer le ciel obscur. L'aube n’était plus très loin.

-         Et maintenant ? Comment est-ce qu'on s'en va ?

Thomas n'a pas eu besoin d'attendre longtemps sa réponse. À peine l'ancien Maréchal s'est-il éclaircit la voix que deux silhouettes que je n'avais pas remarquées tout de suite nous ont rejoint. Il s'agissait de deux soldats, en armure eux-aussi, et équipés d'un trident. J'ai d'abord cru qu'ils voulaient nous attaquer, puis je me suis rendu compte qu'ils n’étaient même pas en garde.

-         Chef, vous avez réussi ! s’est exclamé l'un d'entre eux d'une voix féminine.

 « Vous avez réussi » ? C'est là que j'ai compris que Liam n’était pas le seul à vouloir changer les choses. Je me suis senti rassuré.

L’autre soldat nous a regardé chacun à notre tour.

-         Vous êtes dans un sale état, a-t-il remarqué. Mais c'est incroyable que vous ayez survécu aux Gardiens !

Liam s'est approché de moi et a pris la place de Thomas pour m’aider.

-         C'est surtout grâce à lui.

Les deux nouveaux venus m'ont regardé. Enfin, je crois. Dur à dire avec leur heaume. J'ai réussi à marmonner un « Coucou… » avant de ne plus avoir la force de parler.

-         C’est vraiment le plus amoché d'entre vous, a dit l'homme. Tiens, prends ça.

Sur ces mots, il m'a montré un récipient en verre contenant une chose en forme d’étoile qu'il a lancé au-dessus de ma tête. Aussitôt, les brûlures et l'engourdissement que je ressentais se sont un peu atténués. J’étais toujours fatigué, mais je pouvais mettre un pied devant l’autre sans m’écrouler. Sentant que je reprenais un peu de force, mes amis m'ont laissé me tenir debout seul.

-         Une Potion, ai-je deviné. Merci beaucoup !

-         Ce n’est pas beaucoup, a répondu le guerrier, mais ça devrait t'aider à aller mieux le temps que l'on vous soigne correctement.

-         Au fait, a fait sa partenaire, qui êtes-vous pour avoir pu tenir aussi longtemps ?

Liam est intervenu.

-         Pas le temps pour les présentations. Dépêchons-nous de partir avant que l'un d'entre eux n'arrive.

Liam avait vraiment l'air inquiet. Je ne voyais pas trop pourquoi. Selon ce qu’il nous avait dit plus tôt dans la nuit, nous avions franchi les seuls obstacles de cette prison. Qu'est-ce qu'il pouvait bien encore redouter ? C’est Lea qui a posé la question que j'avais en tête.

-         De qui est-ce que vous parlez ?

-         De moi peut-être.

Chaîne Royale a immédiatement surgi dans mes mains.

Cette voix… Je l’ai reconnue à l'instant même où je l'ai entendue. Mais pourquoi était-il ici ?

Un jeune homme a émergé d'un coin sombre de la pièce. Comme s'il avait été là depuis le début. Les pas de sa marche nonchalante ont résonné dans le silence de la salle. Sa cape flottait derrière lui. Ses cheveux étaient si blancs qu'ils donnaient l'impression de briller.

-         Dæmonium, a fait Liam d'une voix sombre.

Oui. C’était lui qui m'avait affronté et vaincu en combat singulier peu après notre arrivée dans ce monde. Lui qui nous avait tous envoyé dans l’Abîme.

Les soldats étaient pétrifiés.

-         Att… Attendez, a fait le soldat d'une voix tremblante. Vous voulez dire… Comme le Premier Cadre ?

Liam n'a pas répondu. Quant au concerné, il s'est simplement contenté de sourire. Puis, il a pris une grande inspiration, comme s'il humait l'air.

-         J'adore cette peur que vous dégagez tous.

Il nous a regardé tour à tour.

-         On dirait que je viens de détruire vos espoirs, hein ?

Minehi s’est avancée. À la lumière des torches, son visage était blême, maladif. Elle donnait l'impression qu'elle pouvait s’évanouir à n'importe quel moment. Pourtant, elle se tenait courageusement devant le Premier Cadre.

-         Laisse-nous partir, a-t-elle dit sur un ton qui tenait plus de l'ordre que de la demande. Tu l'as bien fait la dernière fois, non ?

Son interlocuteur a paru hésiter un très court instant, ce que j'ai trouvé bizarre. Puis, il a répondu :

-         Non. Stellaos ne tolérera pas que vous restiez en vie plus longtemps. Il… (Il a perdu son sourire.) me l'a clairement fait comprendre.

-         Attends ! Suis-je intervenu. De quoi est-ce que tu…

PAF !

Le jeune homme venait de se taper les mains.

-         Bref ! Ce n’est pas en parlant que je vais accomplir ma mission.

Il a regardé ses mains. Non. Plutôt, quelque chose entre ses doigts : une bague. Une fumée violette est apparue tout autour peu à peu. Très vite, il y en a eu assez pour envelopper complètement Dæmonium.

Le Premier Cadre a levé le pieds. Je me suis précipité vers Eeal et sa mère avant de les pousser le plus loin possible. Dæmonium a tapé le sol du pieds dans notre direction.

Une vague de fumée m'a englouti.

Je l'ai sentie se propager dans mes poumons. Mais surtout au plus profond de moi-même. Au-delà de la toux, j'ai commencé à me sentir fiévreux. L’atmosphère devenait insoutenable. J'avais l'impression d’étouffer. Il me fallait de l'air. J'ai tenté de bouger, mais mon corps était secoué de tremblements incontrôlables.

Dæmonium restait là, sans bouger. Quand il m'a vu tenter de le rejoindre, la fumée qui flottait autour de lui s'est immédiatement dirigée vers moi, s’accumulant avec celle qui m'intoxiquait déjà. J'ai levé mon arme pour essayer de fendre la brume, mais avec mes mains moites et dans mon état, impossible de mettre suffisamment de force. J'ai donc complètement raté mon coup.

Le contrecoup m'a fait tomber à la renverse.

J'ai tenté de me relever mais mes jambes ne m'écoutaient plus. Heureusement, Yuki a créé une barrière de glace juste assez grande pour nous protéger du smog du Premier Cadre. Lea s'est ensuite précipité vers notre ennemi. Vu la vitesse à laquelle il bougeait, il n'avait pas dû être sévèrement touché par la brume. Malgré tout, il avait du mal à atteindre Dæmonium. Ce dernier ne bougeait pas, pourtant la brume s'agitait furieusement autour de lui, parant toutes les attaques.

Thomas s'est dirigé vers lui à son tour, mais aucune de ses attaques n'a fonctionné non plus.

Il doit bien y avoir un moyen de le battre !

J'ai utilisé toute ma volonté pour me tenir debout malgré mes jambes tremblante. Mon esprit était encore embrumé par la peur. J'ai trébuché, mais j'ai pu m'appuyer sur mon arme.

Je ne voyais aucune ouverture. Si seulement on pouvait créer une brèche…

Thomas attaquait toujours. Sa Keyblade mi-noire mi-blanche ricochait contre la barrière de fumée comme si c’était de la pierre.

-         Tu m'agaces, a finalement lancé Dæmonium.

Il a tendu le bras vers Thomas. La fumée violette a laissé un trou à l'endroit où sa main sortait.

-         Un contact direct et ce sera terminé, a-t-il dit.

Thomas a arrêté son élan et crié :

-         Lea !

Une arme circulaire est passée au ras du visage de Thomas à une vitesse folle. Le chakram de Lea est passé pile dans la brèche causée par la fumée et a atteint le Premier Cadre.

Il a hurlé de douleur avant de s’éloigner. La brume violette ne le protégeait plus.

-         Maintenant ! a crié Liam.

Yuki a envoyé beaucoup de stalactites vers notre ennemi. Lea a utilisé la magie qu'il lui restait pour envoyer un dernier sort de boule de feu. Dingo et Thomas lui ont envoyé leur arme respective.

Les attaques filaient à vive allure. Le Premier Cadre avait l'air sonné. Nous allions gagner. Encore quelques secondes et…

-         ASSEZ !

La fumée est réapparue autour de lui et redoublé d'intensité, formant un léger cyclone autour du Premier Cadre. La Keyblade de Thomas et le bouclier de Dingo ont volé à l'autre bout de la pièce. La glace de Yuki a été détruite. La boule de feu de Lea s'est dissipée.

La bague de Dæmonium a légèrement brillé et la fumée s'est encore renforcée. Le Cadre produisait des rafales de vents si puissantes que j'ai dû faire des efforts pour ne pas tomber. Les autres avaient l'air de tenir le coup mais c’était sans compter sur la prochaine action de notre assaillant.

La fumée de Dæmonium s'est divisée pour former des langues.

-         Je ne peux pas échouer maintenant, a-t-il dit. Sinon, elle va…

Le smog s'est enroulé autour de tous mes amis avant de les porter en l'air. Ils étaient sans défense. Mes amis hurlaient. Ils devaient sans doute ressentir la même chose que moi quand j'avais pris la première attaque.

Et moi j’étais là, incapable de faire quoi que ce soit. Une voix féminine s'est fait entendre :

-         Tu le détestes autant que nous, pas vrai ?

Dæmonium n'a rien dit.

-         Alors aide-nous, a-t-elle supplié. S'il te plaît…

Le Premier Cadre a regardé Minehi… mais je n'ai vu aucune colère dans son regard.

Mais une profonde tristesse.

Mes jambes se sont calmées. Je me suis dirigé vers Dæmonium. Je crois avoir entendu que l'on m'appelait. Sans doute pour me demander ce que je faisais. Je ne répondais pas, en plein état second, complètement absorbé par cette souffrance qui émanait de Dæmonium.

Personne ne semblait comprendre ce que je voulais faire. Et honnêtement, moi non plus.

Le Cadre m'a vu.

-         J'ai juste à m'occuper de toi, leur pilier, a-t-il dit d’une voix grave, et ce sera fini.

La fumée restante s'est précipitée sur moi.

-         Sora, a hurlé Lea, qui assistait à la scène, BOUGE !

J'ai fait tout le contraire.

J'ai laissé la fumée m'atteindre. Elle m’a entouré complètement et je n'ai pas essayé de faire quoi que ce soit. J'ai fermé les yeux et respiré un grand coup.

J'ai ouvert les yeux et le décor avait changé.

Où est-ce que je suis ?

Je me trouvais dans une petite maison en bois. Les rayons du soleil qui passaient par la fenêtre éclairaient bien la pièce. On devait être en plein après-midi d’été. La maison était très peu décorée avec quelques pots de fleurs ça et là. Je me trouvais sans doute à la cuisine avec sa table pour trois personnes et les quelques casseroles accrochés au mur et autres ustensiles de cuisine. Une unique peinture était accrochée au mur, extrêmement bien faite : elle représentait une femme très belle et un enfant au visage familier, tous deux avec des cheveux blancs comme la neige et un sourire chaleureux. Devant leur bonne humeur, je n'ai pas pu m’empêcher de les imiter. C’était vraiment magnifique.

J'ai entendu des petits pas précipités et un petit garçon, âgé d'une dizaine d’années peut-être, est passé juste à côté de moi comme si je n'existais pas.

-         Maman ! appelait-il. Où es-tu ?

La voix qui lui a répondu m'a surpris au moins autant que lui.

-         Elle est ici.

C’était une voix masculine, suave mais froide comme de la glace. L'enfant s’est rué en direction de cette dernière. Je l'ai suivi.

Nous sommes arrivés dans la pièce d’où provenait la voix. Au centre, il y avait une femme en fauteuil roulant. C’était la femme de la peinture, sans aucun doute, mais elle était plus âgée et surtout… horriblement immobile. 

À côté d'elle se tenait un grand homme brun imposant. Il était affublé de plusieurs sortes de bijoux comme des colliers ou des bagues incrustés de pierres précieuses. Ce qui a surtout attiré mon attention, c’est sa longue robe blanche marquée d'une étoile d'or en son dos… et sa couronne.

J'ai tout de suite deviné qui il était. Je me trouvais devant l'ennemi contre lequel Liam et les autres se battaient. Le dirigeant de ce sale gouvernement : l'empereur Stellaos en personne. Mes poings se sont serrés.

Lui non plus ne me voyait pas ou m'ignorait. Son regard cruel fixait l’enfant qui venait d'entrer. Le petit garçon s’est rué sur sa mère, essayant de la réveiller en l’appelant désespérément. Mais les yeux de la femme restaient clos.

-         Je t'avais prévenu, a dit Stellaos. Voilà ce qui arrive quand tu ne respectes pas ta part du contrat.

J'ai vu rouge. Ni une ni deux, j'ai attaqué ce satané empereur mais Chaîne Royale est passée en travers, comme si j'affrontais de l'air. J’ai de nouveau essayé en poussant un cri de rage, mais encore rien. Comment est-ce qu'un type pareil pouvait infliger ça à un pauvre petit garçon ? Et moi, je ne pouvais rien faire pour l'aider, obligé d'assister à la scène.

Stellaos a regardé sa montre. 

-         Bon, mon travail ici est terminé.

L’enfant s'est retourné vers lui, les larmes aux yeux.

-         Aidez-la, je vous en supplie !

Stellaos l'a ignoré et s'est dirigé vers la sortie.

Le petit garçon s'est jeté aux pieds de l'empereur en pleurant à chaudes larmes.

-         Je vous en supplie ! Si on ne fait rien, elle va…

L'empereur l'a toisé.

-         Au final, tu portes très mal ton surnom.

C'est sur ses mots qu'il s'est dégagé de la prise du petit en lui donnant un coup de pied. L'enfant a hurlé de douleur. Je me suis précipité vers lui en donnant un coup de taille. La Keyblade a encore fendu l'air. J'ai poussé un cri de frustration pendant que Stellaos s'en allait tranquillement.

Meurtri, le petit s’est approché de sa mère et posé la tête contre sa poitrine. Il s'est figé. Pris d'un mauvais pressentiment, je me suis empressé de vérifier de m'approcher d'elle à mon tour. J'ai placé la main devant son visage et un sentiment d'effroi m'a envahi.

Elle ne respirait plus.

Le garçon a éclaté en sanglots. Plus violents que tous ceux jusqu'à présent. J'ai eu l'impression qu'une main glacée se refermait sur mon cœur. Je suis tombé à genoux. Une larme a coulé sur ma joue.

Le décor autour de moi est devenu de la fumée. Bientôt, il ne restait plus que le garçon et moi dans un tourbillon violet. Il pleurait toujours à chaudes larmes en appelant sa mère. J'ai tendu ma main vers lui pour… le rassurer ? Lui dire que tout irait bien ? Je ne savais pas trop mais je voulais l'aider d'une façon ou d'une autre.

Mais il a disparu à son tour, transformé en fumée.

-         Sora ! Allez, debout !

Thomas me secouait. Son regard a croisé le mien, mais j'ai eu du mal à réagir, encore troublé parce que je venais de voir. Il m'a fallu un certain temps pour commencer à me réveiller.

-         Allez, Sora ! a insisté Thomas.

-         Que… Qu'est-ce qu'il se passe ?

Mon nouvel ami m'a aidé à me lever.

-         Je ne sais pas ce que tu lui as fait, mais c’est l'occasion rêvée pour nous tirer !

Dæmonium était à genoux, les yeux vides, comme s'il était en transe. Sa propre fumée violette tourbillonnait avec fureur autour de lui comme un ouragan miniature.

Les deux alliés de Liam nous ont interpelé pendant que les autres se dirigeait vers la porte à présent grande ouverte. De là où j’étais, il m'a semblé voir l’arrière d'un véhicule en bois fermé par un drap blanc qui donnait sur un petit espace.

Thomas, Dingo et les autres gardes m'ont aidé à traverser la pièce le plus vite possible, en évitant soigneusement le Premier Cadre, toujours dans cet état étrange.

Une fois au véhicule, j'ai jeté un dernier coup d’œil derrière moi. Le jeune homme avait légèrement tourné la tête dans notre direction.

Liam m'a fait entrer. Avant même qu'il ne ferme le drap, mon regard a croisé celui de Dæmonium.



Il pleurait.