Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire

Chapitre 2 : La nuit du Destin (Thomas)

4700 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/05/2021 00:14

Rouge.

 

Je n'aimais pas cette couleur, avant. Je l'avais toujours détestée, en fait. Aussi longtemps que je me souvienne, je faisais mon possible pour éviter d'en avoir sur moi. Vous pouvez trouver ça ridicule, mais j'avais une véritable aversion pour cette couleur. Et ce, sans même que je ne sache pourquoi. Pourtant, je me suis surpris à regarder une fois de plus mon collier. Une succession de mailles d'un noir profond, qui se terminait par un socle dans lequel reposait la seule chose de rouge que je m'autorisais : une pierre précieuse.

Une fois de plus, j'ai fait danser cette dernière entre mes doigts. La lumière blanchâtre de la lune passait à travers la fenêtre de la chambre jusqu'à rencontrer la pierre. J'ai regardé les rayons diffractés, formant des tâches rosées sur les murs un peu partout. J'ai été pris d'un sentiment de tristesse... et d'angoisse. Comme à chaque fois que j'essayais de me souvenir de cette fameuse nuit.

Une fois de plus, j'ai pensé à eux.

 

- Thomas, tu m'écoutes ?

- Hein ? Euh, ouais. Bien sûr. "

Maxwell, mon meilleur ami, venait de descendre de son lit pour voir ce que je faisais. Je me suis souvenu que lui et moi étions en train de discuter avant que je ne me perde dans mes pensées. Il a moyennement dû apprécier le vent que je venais de lui mettre. C'était un garçon de quatorze ans, comme moi, relativement grand (plus que moi). Il avait les cheveux bruns, les yeux vert pomme et un visage sérieux. Sa coupe était digne d'un tas de foin que l'on aurait fait exploser à la dynamite. Comme ça, je pense que vous visualisez un peu. Il est mon frère adoptif. Je vis avec lui depuis que mes parents sont morts. C'est quelqu'un de posé, calme, qui arrive à garder son sang-froid en toutes circonstances, ce qui lui permettait de toujours prendre les bonnes décisions. En bref, c'était quelqu'un à qui on pouvait faire confiance.

On était le vingt juin dans l'internat des garçons du collège. La nuit était douce et calme. Une nuit normale, ordinaire... En apparence. Pour être franc, à ce moment, j'aurais préféré qu'elle reste telle qu'elle était. 

Je devais faire une drôle de tête car au bout d'un moment, Maxwell m'a demandé : 

" Tu veux que j'ouvre la fenêtre ?

- Ouais... J'ai vraiment besoin de prendre l'air. "

En effet, j'étais en sueur, mes mains étaient moites et j'avais du mal à respirer. Il était clair que j'avais besoin d'air. J'ai tenté de me lever quand mes jambes m'ont lâché d'un coup. Heureusement, Maxwell m'a rattrapé avant que mon genou ne heurte le sol. Il m'a rapproché de la fenêtre avant de l'ouvrir. Je me suis appuyé au bord. J'ai serré la pierre précieuse de mon collier, seul souvenir de mes parents. Quand je me sentais mal, mon collier avait le pouvoir de me rassurer ; un peu comme si mon père et ma mère me réconfortaient. J'ai pris une grande inspiration. Le vent passait dans mes cheveux, les ébouriffant encore plus qu'ils ne l'étaient déjà. Pour me reprendre, j'ai essayé de me concentrer sur l'instant présent. J'étais dans ma chambre avec mon meilleur ami. J'avais juste un peu paniqué. Tout allait bien.

 

Après quelques minutes, j'allais beaucoup mieux et je pouvais respirer normalement. J'ai pris un instant pour admirer le clair de lune : l'astre brillait beaucoup et se reflétait sur un lac, non loin du collège. La lune illuminait partiellement la chambre, envoyant ainsi une lumière un peu blafarde dans la pièce.

J'étais dans mes pensées pendant que Maxwell s'adossait contre le mur, bras croisés.

" Tom... Si ce n’est pas trop douloureux, tu peux me dire à quoi tu pensais ? m'a-t-il demandé prudemment en jetant un œil à mon collier.

-... J'admire ta discrétion, ai-je rétorqué.

Mon ami n'était pas stupide. Il avait bien remarqué que je n'allais pas super bien ces derniers temps. Ces absences que j'avais en regardant mon collier, ce n'était pas la première fois. Loin de là. Mais ce n'était pas tout. Depuis quelques jours, je ressentais une espèce de... force oppressante en moi, comme si quelque chose voulait sortir. Ce truc ne se calmait uniquement qu'en présence de mes amis.

 

Maxwell s'est gratté le sommet du crâne en signe de gêne. Je lui ai adressé un petit sourire.

- Je plaisante. C'est juste que... Eh bien, je n’y comprends pas grand-chose.

- C'est étonnant venant de toi, Tommy l’érudit ! 

J'ai répondu avec un léger rire : 

- C’est moi où tu ne me lâcheras jamais avec ce surnom ?

- À ton avis ?

Nous avons alors éclaté de rire pendant plusieurs minutes. À ce moment-là, mon angoisse, ma tristesse, toutes ces mauvaises sensations avaient disparu. J'aurais voulu que cet instant dure plus longtemps mais...

BOM !

La tête de Maxwell a heurté violemment le sol. Ne comprenant pas ce qui se passait, j'ai appelé mon meilleur ami en pensant qu'il me faisait une blague.

 

Il ne m'a pas répondu.

J'ai commencé à paniquer.

 

Je suis sorti de ma chambre à la hâte, en quête du surveillant d'internat ou des autres internes. Mais je me suis rapidement rendu compte qu'ils étaient tous dans le même état que mon ami. Je suis retourné dans ma chambre pour m'habiller et aller chercher de l'aide. Juste avant de partir, j'ai regardé Maxwell, toujours au sol, dangereusement inerte, et je lui ai dit :

- Je ne sais pas ce qui se passe mais je te promets de faire quelque chose."

 

Je suis sorti aussi vite que possible quand le bruit d'un orage m'a arrêté net.

Comment est-ce possible ? Le temps était parfaitement calme il y a à peine quelques minutes ! " ai-je pensé.

 

Malheureusement, je ne pouvais pas obtenir de réponses... Pour l'instant.

 

Une fois à l'extérieur, je me suis rendu compte que l'orage que j'avais entendu plus tôt n'était pas le fruit de mon imagination. Bien qu'il n'y eût aucun nuage quand je discutais avec Maxwell quelques minutes plus tôt, le vent soufflait et une pluie forte tombait. Des éclairs zébraient le ciel et le son de la foudre me perçait les tympans. Quelque chose se préparait. Quelque chose d'énorme. Mais je n'avais pas le temps de m'attarder là-dessus. Il fallait que je trouve de l'aide. Malgré la pluie, le froid et le vent, j'ai fait l'effort de courir.

 

J'ai traversé une longue allée avant d'arriver devant le dortoir des filles. Leur bâtiment ressemblait énormément à celui des garçons : c'était un bâtiment assez classique avec une paroi grisâtre reflétant assez bien le clair de lune de cette nuit, les murs étaient rugueux mais cela accentuait le côté rectangulaire de l'immeuble, les fenêtres des chambres des filles recouvraient toute la partie haute du bâtiment et brillaient de mille feux comme la lune.

Arrivé devant l'internat des filles, j'ai pris la peine de me reposer quelques instants en passant la main sur mon visage mouillé.

 

C'est alors qu'une chose étrange s'est produite : une créature entièrement noire s'est matérialisée comme si elle provenait du sol. Deux yeux jaunes, le genre d’yeux qui peuvent vraiment vous faire peur dans le noir, se sont posées sur moi et j'ai aperçu quatre pattes pointues comme des lames et deux antennes en spirale. La créature tremblait comme si elle était boostée à la caféine. À cet instant, j'étais paralysé par la peur, je tremblais de tous mes membres, ne parvenant pas à faire le moindre geste devant le monstre qui semblait prêt à me transpercer d'un moment à l'autre. Pourtant, le monstre n'avait pas l'air pressé de m'attaquer. Un peu comme s'il... hésitait. J'ai pensé qu'il ne me voulait peut-être pas de mal mais cet espoir a été de courte durée : il s'est jeté sur moi. Je m'attendais à la mort et j'espérais intérieurement que cela soit rapide et sans douleur quand une lumière vînt éclairer mes paupières malgré le fait qu'elles soient fermées. J'ai senti quelque chose d'un peu lourd dans ma main droite. On aurait dit la garde d'une épée. Sans trop savoir pourquoi et j'ai agité la chose qui venait d'apparaître dans ma main et... Plus rien.

J'ai ouvert les yeux juste à temps pour voir un nuage de poussière noire disparaître. J'ai regardé autour de moi. Rien. La créature s'était-elle enfuie ? Ou alors... ce nuage de poussière était... ses restes ? Mais comment avais-je pu détruire cette... Chose ?

Mes yeux se sont posés sur l'objet que j'avais dans la main et mes soupçons se sont confirmés : ce que je prenais pour la garde d'une épée était en fait... Bien la garde d'une épée. Et pas d'une épée normale, non, on aurait dit une sorte de clé... Il y avait bien la garde d'une épée ordinaire entourant la main, la " lame ", une longue tige cylindrique, était composée de deux parties bien distinctes, à gauche se présentait une partie que je nommerai la partie Ténèbres. La partie Ténèbres, donc, était sombre, on y voyait quelques petits pics noirs et une aile repliée de chauve-souris indigo était sur le côté. Il y avait aussi une autre partie : la partie Lumière, entièrement blanche. Elle se constituait simplement de petites plumes et d'une petite aile d'ange repliée surmontée d'une auréole dorée. La garde était un cercle avec des petites flammes argentées autour et le bout de l'épée était sous forme de cœur de la même couleur dont il manquait des morceaux. Déjà que je ne comprenais rien aux évènements, il a fallu que l'on ajoute à mon incompréhension l'apparition d'une épée qui n'en est pas vraiment une et des monstres qui voulaient ma mort. Je suis resté quelques instants à admirer l'arme et à essayer de saisir ce qui venait de se passer... Sans succès. Soudain, une autre créature est apparue de la même façon que l'autre et a bondi dans ma direction, prête à me lacérer. Je ne sais pas ce qui m'a pris mais, instinctivement, j'ai donné un coup d'épée horizontal très maladroit vers la " tête " du monstre puis celui-ci s'est réduit en poussière noire d'un coup. Je n'avais aucune notion en combat à l'épée, c'était l'adrénaline qui m'avait permis de riposter. J'ai pris un instant pour regarder les restes de la créature se poser sur le béton avant de s'évaporer. J'entendais juste les éclairs au-dessus de ma tête, le vacarme de la pluie, le souffle du vent... Et mon cœur qui battait la chamade.

Je n'avais jamais vu ce genre de créatures de ma vie. Et puis, vu la manière dont elles étaient apparues, comme si elles sortaient du sol, m'inquiétait beaucoup. Combien étaient-elles ? Et si leur zone d'apparition n'était pas limitée qu'à l'extérieur ? Et si, les autres se faisaient attaquer en ce moment même ? Cette épée qui est apparue dans mes mains semble pouvoir les détruire mais comment faire si plusieurs d'entre elles se manifestaient en même temps ? Qu'est-ce que je devais faire, bon sang ?

 

Une voix a interrompu le fil de mes pensées. Dès le moment où je l'ai entendue, j'ai tout de suite reconnu la personne qui avait parlé.

" Thomas ? C'est bien toi ? a demandé Lydia.

Lydia Greyphyr était une fille de quatorze ans aussi, légèrement plus petite que moi en âge et en taille. Elle avait les cheveux blonds avec un visage doux et magnifique. Ce que j'avais toujours trouvé fascinant chez elle, c'était ses yeux : ils étaient bicolores. L'un d'entre eux, bleu comme la nuit et l'autre, vert émeraude. Lydia avait toujours eu honte de ce "défaut" ou de sa personne en général : elle n'arrêtait pas d'arranger ses cheveux pour cacher son visage le plus possible. Je lui avais toujours dit qu'elle ne devrait pas faire ça et s'accepter... mais disons que mon amie avait encore beaucoup de mal. Elle et moi nous connaissions depuis notre petite enfance et notre complicité n'avait cessé de grandir depuis. Sa voix était claire et douce et le simple fait de l'entendre en cet instant a suffi à chasser mes peurs et mes doutes. J'ai pris une grande inspiration et une solution claire et nette s'est affichée dans mon esprit : On devait s'en sortir. Je ne tenais pas à mourir avant de comprendre tout ce qui se passait et sans que je ne sache pourquoi, j'avais le sentiment que mon épée allait m'être très utile.

- Oui... Est-ce que ça va ? ai-je répondu à mon amie

- Oui, je crois... J'allais te poser la même question. 

- Pourquoi ? Il se passe quelque chose chez les filles aussi ?

- Eh bien... Je ne comprends pas, elles sont toutes dans les vapes et je n'ai pas réussi à les réveiller. Et à te voir, j'imagine que c'est pareil chez les garçons.

 

J'ai hoché la tête. Une autre question s'est présentée : pourquoi tout le monde " dormait " sauf nous ?

- Qu'est-ce que tu as dans ta main ? On dirait... Une épée, m'a demandé Lydia, surprise.

- Ça y ressemble. Je ne sais pas comment elle est arrivée là ni pourquoi mais une chose est sûre : elle nous sera utile. Elle m'a sauvé de deux créatures bizarres.

- Une créature ? Tu veux dire comme... celle-ci ?

Elle a montré du doigt un autre monstre identique à ceux de tout à l'heure. Il remuait frénétiquement, comme s'il était secoué de spasmes et toisait Lydia de ces yeux jaunes et vides. Il s'est jeté sur mon amie. Celle-ci a fermé les yeux et s'est recouvert le visage en criant, prise de panique. C'est à ce moment précis que j'ai compris une chose, cette épée n'était pas apparue par hasard. Elle m'avait déjà sauvé alors j'ai pensé qu'elle pouvait le refaire. Instinctivement, j'ai resserré ma prise sur ma nouvelle arme et d'un mouvement vertical, j'ai tailladé la créature. Celle-ci s'est réduite en cendres noires sur le sol. Après un petit instant, Lydia a ouvert les yeux et a regardé les alentours.

- Je l'ai vaincu, ai-je dit en remarquant son air interrogateur.

- Mais comment tu...

- Aucune idée, ai-je répondu en regardant mon arme. Mais le plus important pour l'instant, c'est de trouver de l'aide.

Même si j'avais l'air sûr de moi : ce n'était pas du tout le cas... Croyez-moi.

- O.K., a-t-elle répondu. Vu que personne ne semble capable de nous aider, partons du collège. Peut-être qu'ailleurs..."

Elle n'a pas eu besoin de finir sa phrase. Son raisonnement se tenait. Peut-être que le phénomène ne touchait que nous.

 

La sortie du collège se trouvait près d'un stade au niveau inférieur. On devait prendre les escalier pour y accéder. Lydia s'y est rendue la première, moi sur ses talons.

 

Nous venions à peine d'arriver au stade lorsque l'orage s'est calmé d'un coup. J'en ai fait la remarque à mon amie et elle me répondit que c'était bizarre, en effet. On commençait alors à se diriger vers le grand portail mais une chose nous en a empêché : une sphère sombre se forma à partir de poussière noire. Le vent s'est intensifié autour de nous et l'air sifflait à nos oreilles. La foudre de l'orage s'est concentrée au-dessus de l'étrange sphère en crépitant intensément. Soudain, la sphère a laissé place à une créature semblable à celle que j'avais affrontée... Sauf que celle-ci avait une forme humanoïde, des espèces de tentacules s'enroulant autour de la tête, un trou béant en forme de cœur sur la poitrine... Et qu'elle mesurait environ quinze mètres de haut. Vous savez, si je devais faire un top dix des évènements les plus étranges que j'avais vécu jusqu'à cet instant, je pense que l'apparition d'une créature noire géante avec une forme relativement humaine et un trou en forme de cœur sur le torse sortant d'une sphère sombre entourée de poussière noire venues comme par magie serait bien placée. 

Lydia écarquillait les yeux en posant la main devant sa bouche, horrifiée. 

 

Mais qu'est-ce qu'il se passe ?! ai-je pensé.

 

Le géant leva les bras en l'air et des flammes vertes apparurent, entourant le stade. Impossible de battre en retraite sans brûler et la pluie n'avait pas l'air capable d'éteindre les flammes. La seule solution semblait apparemment d'abattre le monstre presque aussi haut qu'un immeuble... Et je n'avais pas la moindre idée de comment j'allais faire. Certes, je disposais d'une nouvelle arme visiblement magique qui détenait le pouvoir de détruire des créatures du même genre que le monstre qui se tenait à quelques dizaines de mètres de moi mais je n'avais absolument aucune expérience du combat avec une arme. J'ai tenté de calmer mon esprit. J'ai regardé mon épée-clef. Cette chose n'était sûrement pas apparue par hasard. Bizarrement, je croyais dur comme fer au fait que cette arme pouvait nous sortir de là. Il fallait que je calme. Après quelques secondes, mes idées étaient devenues un peu plus claires. Chose curieuse car je n'arrivais pas à le faire souvent, contrairement à Maxwell. Je l'admirais de ce côté-là. Je me suis mis à réfléchir calmement, les yeux fermés. C'est alors qu'une idée m'est venue, j'ai pensé que le géant était un humain et je me dis qu'il fallait "juste" que je détruise les différentes partie de son corps pour qu'il ne puisse plus attaquer. C'était ce que je devais faire. 

J'ai ouvert les yeux avant de dire à Lydia :

" Je vais essayer de nous débarrasser de lui. D'abord, je vais tenter de lui couper les pieds et ensuite les mains. Il ne pourra plus faire aucun mouvement et là... Je vais l'achever.

- C'est... C'est insensé ! Tu t'apprêtes à attaquer quelque chose qui est bien plus fort que toi ! Et puis... Tu n'es pas sûr que ça va marcher. Si tu commets la moindre erreur...

- Je sais. C'est pourquoi je veux te faire courir le moins de risques possible alors tu vas rester ici en évitant les potentielles attaques du géant, O.K. ?

- Je...

Je lui ai embrassé le front et lui ai adressé mon plus beau sourire. 

- T'inquiète pas. "

À en juger par son visage, elle s'inquiétait toujours. Ne pouvant rien faire de plus pour le moment, je me lancé à l'assaut du géant sous le regard de ma meilleure amie.

 

Vous dire que je n'avais pas peur serait vous mentir. Néanmoins, je n'avais pas le choix : il s'agissait d'une question de vie ou de mort. J'ai commencé par m'attaquer au pied droit. Je me suis demandé alors s'il se comporterait comme un humain puisqu'il en avait la forme. J'ai eu la confirmation de mes soupçons lorsque j'ai tailladé l'endroit où aurait dû se trouver le talon d'Achille (derrière son pied) : il a immédiatement posé un genou au sol. Le géant n'a émis aucun son mais j'ai deviné qu'il n'avait pas franchement apprécié. Il a posé un main au sol et une aura noire se forma autour de celle-ci et des petits monstres comme ceux qui m'avaient attaqué sont apparus mais j'ai pu m'en débarrasser tant bien que mal. Sa main était encore au sol alors j'en ai profité pour m'attaquer à son poignet. Un bon nombre de coups plus tard, sa main s'est réduite en poussière sombre. Le géant s'est mis à gigoter en tenant son poignet mutilé. J'ai eu un mouvement de recul mais je suis reparti à l'assaut, je devais en finir avec son pied droit. Je me suis dirigé vers ledit pied en mauvais état mais le géant ne s'est pas laissé faire cette fois-ci, il a approché sa main restante de moi et s'est mis à racler le sol dans un mouvement circulaire. La main s'est rapprochée dangereusement de moi. Sauter par-dessus était hors de question : le machin devait faire au moins deux fois ma taille. In extremis, j'ai choisi d'esquiver avec une roulade en avant. Je me suis relevé juste devant le pied droit et j'ai attaqué le plus possible pour séparer le pied et la jambe. Ceci fait, j'ai reculé le plus possible pour essayer de reprendre des forces. C'était trop pour moi. Mes jambes tremblaient et j'avais de plus en plus de mal à lever mon épée. J'étais bientôt à bout et je crois que Lydia l'avait remarqué.

" Tiens bon, Thomas ! " m'a-t-elle suppliée.

 

Même si je n'étais pas assez fort ni expérimenté, je devais tenir. Je me remis à courir vers le monstre. Celui-ci m'a regardé approcher et a envoyé le poing au sol, provoquant un cratère et un tremblement de terre. J'ai été déséquilibré mais j'ai réussi à me rétablir à temps pour esquiver une autre attaque de ce même poing. J'en ai profité pour planter mon épée dans celui-ci. Le géant l'éleva à nouveau mais j'ai été plus rapide : j'ai retiré mon arme puis je me hissé jusqu'au bras de la créature. Ensuite, je me suis précipité vers son visage malgré la pluie qui brouillait ma vue et le fait qu'il agitait son bras pour me faire tomber, sans succès car je réussissais à agripper mon "épée-clé" à chaque fois que j'allais tomber. Arrivé à la tête, j'ai rassemblé mes dernières forces pour sauter, j'ai tenté de viser le milieu du front et j'y ai planté mon arme avant de m'écarter du monstre. Pendant un moment effrayant, il ne s'est rien passé. Mais soudain, le monstre est tombé à genou, les yeux vers le ciel. Il a dirigé son regard vers moi une dernière fois... 

 

"Maître..."

 

Ces mots se sont dessinés dans mon esprit. Puis il s'est transformé en cendres noires, comme ses congénères.

 

Mon cerveau surchauffait à force d'essayer de comprendre tout ce qu'il venait de se passer... Sans succès. J'ai cru que j'allais péter un câble.

Qu'est-ce que c'était que tout ça au juste ? me demandais-je.

Après quelques instants, j'ai pris conscience de mon état. Mon cœur battait à tout rompre, j'avais la vision trouble et je tremblais. Je n'avais plus de force. J'allais tomber lorsque Lydia m'a rattrapé juste à temps.

" Non. Tu ne m'échapperas pas ! m'a-t-elle assuré, un sourire aux lèvres. Repose-toi un peu, Thomas.

- C'est bon, ça va. Je peux...

- S'il te plaît.

 

Voyant qu'elle ne cèderait pas, je me suis assis sur le rebord d'un muret à proximité. C'est alors qu'elle s'est mise à me sourire... et à me prendre dans ses bras. Je dois vous avouer que je me suis senti un peu bizarre.

- Je suis contente que tu n'aies rien.

- Ouais. Moi aussi.

 

Après avoir passé un moment à m'enlacer tellement fort que je ne pouvais plus sentir mon thorax, elle se détacha de moi. Puis elle regarda mon arme.

- C'est quand même dingue, dit-elle.

J'ai haussé un sourcil.

- Quoi ? Les monstres, mon arme ou nos amis évanouis ?

Lydia lança ses mains en l'air.

- Tout ! Ce qui vient de se passer a l'air tout droit sorti d'un monde imaginaire !

Elle avait raison. Moi-même j'avais encore du mal à croire ce que je venais de vivre. Peut-être que c'était juste un cauchemar, qui sait ?

- Mais qu'est-ce qu'il se passe à la fin ? dit-elle en observant l'étrange ciel zébré d'éclairs.

Je me suis rendu compte que le temps ne s'était pas calmé malgré ma victoire (chanceuse) face au géant. Les flammes vertes étaient toujours là, nous empêchant de sortir et la sphère qui avait fait apparaître le géant n'avait pas disparu non plus.

Lydia a regardé autour de nous avant de passer la main sur son visage mouillé par la pluie. Elle a soupiré puis a reporté son attention sur moi. Mon amie resta un moment à me fixer pour savoir si ça allait mieux. Elle posa délicatement sa main sur ma joue. Elle était chaude, malgré le froid des gouttes de pluie qui continuaient de tomber. D'un coup, je me sentis apaisé.

 

Mes félicitations, cher porteur.

J'ai sursauté. Une puissante voix féminine sortie de nulle part venait de nous parler. Qui était ce " Porteur " ? Lydia retira sa main et s'est mise à regarder frénétiquement de tous les côtés. Personne. La voix en elle-même semblait venir de partout en même temps. Impossible de localiser la personne qui parlait.

 

- Qu'est-ce que...

Tu as réussis à vaincre un de mes soldats, Thomas Aiden. Je dois admettre que je suis surprise. Mais ta chance ne durera pas longtemps car tu n'es qu'un débutant. Dis adieu à ta chère Lydia Greyphyr !

 

À peine a-t-elle prononcé ces mots, que le vent a redoublé d'intensité. La sphère s'est agrandie et la foudre crépitait de plus en plus tout autour. Brusquement, je me sentis attiré de force par cette sphère. Je reculais de plus en plus vite contre ma volonté. Lydia courait le plus vite qu'elle pouvait pour me rattraper. C'est alors que je me suis mis à décoller du sol puis je me suis agrippé à la branche d'un arbre. Lydia me tendait la main et j'en ai fait de même.

- Thomas ! a-t-elle hurlé le plus fort possible pour couvrir le bruit du vent et de la pluie. Prends ma main !

- Je... Je ne peux pas ! C'est trop fort !

Le pouvoir d'aspiration de la sphère sombre a redoublé d'intensité.

- Écoute, la branche ne va pas tenir longtemps...

En effet, la branche commençait à craquer.

- Thomas !

- Ne t'en fais pas ! Je ne sais pas comment mais attends-moi, O.K. ? Tout finira bien !" lui ai-je promis.

 

" Tout finira bien ! "... J'aurais dû peser ces mots avant de les prononcer.

 

La branche à laquelle je m'agrippais s'est brisée et le vent m'a emporté. Les dernières choses dont je me souvenais étaient moi, la main tendue vers Lydia et celle-ci qui criait mon nom. Puis, j'ai perdu peu à peu connaissance avant d'entendre ces mots :

 

 

"Le cycle commence enfin."

 

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