Kingdom Hearts : Will of Past - Tome 1 : Vivre dans le Passé

Chapitre 17 : La Puissance du Coeur

Partie V

Attachés autour d'un poteau pour la deuxième fois depuis leur arrivée dans ce Monde, Sora et Terra regardaient curieusement ces drôles d'êtres humains à la peau rouge qui les entouraient. Ceux-ci, derrière leur masque à plumes, les fixaient également avec une pointe de curiosité mais aussi de légère peur. Eux devaient plutôt, à l'inverse, se questionner sur ces drôles d'êtres à la peau si blanche.

« C'est ça un Indien ? demanda doucement Sora à l'oreille de son Maître.

‑ Je… crois ? » lui répondit le brun, incertain.

Il n'avait jamais vu de véritable Indien au cours de ses précédents voyages, bien qu'il soit déjà venu au Pays Imaginaire. Ces hommes et femmes aux drôles de vêtements en peaux et leurs serre-têtes à plumes l'intriguaient. Leur peau anormalement rouge était également un élément fort intéressant ! Comment était-ce possible que les pigmentations de leur peau soient de cette couleur ? S'agissait-il de leur véritable épiderme, ou bien était-ce simplement une sorte de… peinture ? A moins qu'il ne s'agisse d'argile…

Terra se souvint qu'autrefois, le jeune Ventus s'était passionné pour ce drôle de peuple. Il aimait en parler à la moindre occasion, et rêvait même d'en rencontrer un jour ! Le jeune Maître de la Keyblade se promit d'emmener un jour celui qu'il considérait comme son petit frère voir les Indiens de ce monde. Il pourrait être ravi !

Tout à coup, les Indiens se mirent tous à pousser des cris, tout en frappant frénétiquement leur main sur leur bouche pour rendre leur huée plus mélodieuse. Certains vinrent alors se placer autour de leurs prisonniers, tandis que d'autres formaient une allée en face des deux Porteurs de Keyblade. Un grand homme fit soudainement son apparition. Bras croisés sur son torse imposant, il portait, à l'instar des autres Indiens, une large tunique en peaux. Sur sa tête reposait une longue et fière couronne de plumes qui faisait office de traîne. Il dardait un regard sévère sur ses jeunes prisonniers.

« Hum… C'est qui à ton avis ? questionna Sora en murmurant, croyant qu'il ne se ferait pas entendre grâce aux cris des Indiens autour d'eux.

‑ Hé ! Il se passe quoi de votre côté ? s'irrita l'un des Garçons Perdus qui, malheureusement pour lui – ou peut-être heureusement ! - ne pouvait pas voir le visage du grand homme à la peau rouge.

‑ Je crois que c'est le chef des Indiens, informa Terra.

‑ Oh » répondirent-ils tous en chœur.

L'immense Indien leva une main blanche gantée et toutes les voix se turent instantanément. Puis sa paume décrivit de drôles de cercles. Les sourcils froncés, le possible chef Indien ouvrit la bouche dans le but de s'exclamer :

« Haw ! »

Les deux Porteurs de Keyblade se regardèrent quelques secondes, les sourcils froncés. L'Indien semblait attendre une réponse de leur part. Mais que devaient-ils dire exactement ?

« Haw ! » fit Sora avec un large sourire, pensant qu'il s'agissait de leur manière de se dire bonjour.

Il remua le bras, sans doute pour tenter de se dégager des cordes qui le maintenaient captif contre le poteau. Mais le jeune garçon n'obtint aucun résultat satisfaisant.

« J'aimerai bien faire le signe moi aussi, avoua l'Élu avec une pointe de tristesse dans le fond de sa voix, mais mon bras est coincé. »

Le grand chef croisa une fois de plus ses bras sur sa poitrine. Sora déglutit de travers. Avait-il donné la mauvaise réponse ?

« Vous, hommes blancs, avoir enlevé ma fille, tonna l'imposant Indien.

‑ Pardon ? » répliqua Terra en haussant un sourcil.

Nouveaux regards inquiets entre les deux Porteurs de Keyblade. Mais de quoi parlait-il ? Ils n'y étaient pour rien dans cette histoire ! Ce n'étaient certainement pas eux qui enlevaient des gens, mais Vanitas ! Un frisson d'effroi les parcourut à cette unique pensée. L'être des Ténèbres avait-il commencé à enlever les habitants de ce Monde ? Si oui, alors ils devaient impérativement faire quelque chose pour l'empêcher de sévir davantage ! Commencer par se sortir de ce pétrin constituait déjà une étape importante.

« Hé, il se passe quoi de l'autre côté ? questionna la voix du Garçon Perdu déguisé en ours.

‑ On est accusé d'un enlèvement qu'on a pas commis » répondit Sora de but en blanc.

Soudainement, le chef des Indiens leva les deux bras ainsi que son visage vers les cieux. Les deux garçons le regardèrent faire en silence, intrigués par cet étrange agissement.

« Dieux réclament offrande, annonça le grand homme rouge. Un de vous sera sacrifié pour apaiser colère des Dieux de la Nature. »

Sentant le danger arriver à grande vitesse, les deux Porteurs de Keyblade commencèrent à se débattre sauvagement, tentant de défaire leurs liens. Mais toutes leurs tentatives étaient vaines. Les cordes étaient bien trop serrées !

Posant ses mains derrière son dos, le grand chef darda un œil analytique sur tous ses prisonniers. Il fit de grands pas, étudiant un à un les captifs. L'un d'eux fera sans doute un excellent sacrifice. Les Dieux de la Nature aimaient tout ce qui était imposant, de la taille d'un ours par exemple.

Une fois son petit tour terminé, le chef de la tribu indienne se plaça de nouveau entre Terra et Sora, les faisant languir de son choix fatidique.

« Enfants animaux trop maigrichons pour satisfaire Dieux, déclama le puissant Indien. Garçon tête en pétard trop chétif aussi.

‑ Hé ! s'indigna Sora qui n'appréciait à la fois ni le surnom ni le commentaire affligeant. Mais ça veut dire quoi « chétif » ?

‑ Mais, grand gaillard fort costaud, dit-il en plantant son regard sur Terra, et ignorant la question de Sora. Excellent sacrifice. »

A cette annonce, le jeune Maître failli s'étrangler avec sa propre salive. Certes, contrairement à son compagnon, il venait de recevoir de très beaux compliments, mais servir de sacrifice ne faisait pas réellement partit de ses intentions en entreprenant ce voyage. Comment pourrait-il parvenir à sauver les Mondes si on le tuait, sans doute sauvagement en plus de cela, pour satisfaire des Dieux qui n'existaient même pas ?

Les Indiens poussèrent tous des cris en chœurs, les mêmes que lors de l'arrivée de leur chef, puis se précipitèrent vers Terra pour le défaire de ses liens. Ce dernier tentait bien de donner des coups de pieds aux hommes qui s'approchaient trop près de lui pour les empêcher de le saisir, mais ceux-ci revenaient sans cesse à la charge, non décidés à repartir bredouille, et ce malgré leurs pieds ratatinés.

Au même moment, se déposèrent près du grand chef trois silhouettes. Un sourire illumina les visages des deux Porteurs de Keyblade en reconnaissant leur amie, ainsi que Peter. Ils venaient sans doute les sauver de cet énorme malentendu ! Dans les bras du garçon vêtu de vert était accrochée une jeune fille à la peau rouge et aux cheveux de jais coiffés en tresses. Une Indienne, comprirent-ils immédiatement. A peine posa-t-elle le pied à terre qu'elle se jeta dans les bras du chef Indien.

« Ah ! Mais c'est sa fille ! » comprit enfin l'Élu après un petit temps.

S'il avait pu, sans doute Terra se serait-il posé une main désespérée sur le visage. Ce garçon avait la capacité de tout comprendre mais toujours après un léger de temps de décalage !

Heureux de retrouver enfin sa fille, le chef des Indiens ordonna à sa tribu de libérer ses prisonniers. Après avoir discuté avec Peter, il avait compris son erreur. Ce n'étaient pas eux, les responsables de l'enlèvement de sa fille, mais le Capitaine Croche ainsi que sa bande de pirates, et il était heureux de la revoir saine et sauve, et cela grâce à l'intervention inespérée de Pan. Bien sûr, le jeune garçon avait passé sous silence les merveilleuses actions héroïques de Xion qui était parvenue à tenir tête au Capitaine Crochet. Cependant, la noiraude ne fit aucun commentaire, ne souhaitant pas se prendre la tête avec Peter pour si peu. Elle n'avait pas envie de se retrouver embarquée dans une énième dispute avec lui, il n'en valait même pas la peine !

« Grand festin ce soir pour célébrer retour de ma fille ! » annonça fièrement le chef des Indiens.

Une vague de cris de joie ébranla toute la tribu, alors que les indigènes détachaient enfin leurs malheureux prisonniers. Xion profita de ce moment de flottement pour rejoindre ses deux amis Porteurs de Keyblade et les serra dans ses bras.

« Je suis heureuse que nous soyons arrivés à temps, se réjouit-elle en leur adressant son plus beau sourire.

‑ Ouais, un peu plus et Terra finissait découpé en petites rondelles pour servir de sacrifice aux Dieux » plaisanta Sora en donnant des coups de coude dans l'abdomen de son Maître.

Ce dernier, honteux, préféra reporter son regard vers l'horizon. Vu d'ici, la mer était d'une incroyable pureté. Le soleil se couchait doucement sur l'horizon, colorant l'eau d'un sublime dégradé de rouge.

Le soir était tombé depuis une bonne heure environ sur le Pays Imaginaire. Le soleil écarlate avait laissé place à une pleine lune argentée, mais ce n'était pas ses rayons qui éclairaient la réserve des Indiens en ce soir de fête. En effet, la tribu des hommes à la peau rouge avait allumé un immense feu de joie, à l'endroit même où se trouvaient encore prisonniers Terra, Sora et les Garçons Perdus quelques minutes plus tôt. Les Indiens, assis en tailleurs sur le sol rocailleux de la falaise sur laquelle le village était perché, entouraient l'immense brasier aux côtés des Garçons Perdus, des Porteurs de Keyblade et de Peter Pan. Ce dernier, étant le sauveur incontesté de la jolie princesse Indienne, avait eu droit à un traitement de faveur, étant installé à la gauche du grand chef Indien. Toute la tribu était par ailleurs parée de leurs plus belles tenues, portant fièrement des couronnes de plumes, des vêtements en tissus, et leurs cheveux de jais étaient coiffés de deux nattes rabattues sur leurs épaules.

Tout à coup, une grosse femme Indienne portant un enfant sur son dos s'approcha de Porteurs de Keyblade ainsi que des Garçons Perdus. Elle tenait dans ses larges mains différents petits pots en argiles contenant des pigmentations de couleurs divergentes.

« Hommes blancs vouloir peinture sur peau ? »

Tous les Indiens présents ce soir avaient des traits de couleurs différentes sur les joues. Sans doute une coutume dans leur peuple lors des grandes occasions comme celle-ci.

« Oui, nous on veut ! » s'exclama au nom de tous les Garçons Perdus le petit garçon déguisé en renard.

Se détournant des Porteurs de Keyblade, la grosse dame commença à maquiller les joues des garçons uniquement. Ainsi, l'enfant habillé en Ours se retrouva avec deux traits bleus sur les joues, celui déguisé en putois eut droit à deux traits rouges, tandis que le Renard demanda à avoir un seul trait, mais bien visible, vert, sur les joues également.

L'Indienne se tourna de nouveau vers les visiteurs d'autres Mondes. Elle attendit que l'un d'eux se porte volontaire pour le maquillage.

« Moi je veux, moi je veux ! » s'enjoua Sora, tel un petit enfant, en se penchant sur les pots de peinture pour trouver une bonne couleur.

Il désigna du bout de son doigt la pigmentation bleue, qui correspondait parfaitement avec la couleur de ses yeux. A l'aide d'un petit pinceau, la grosse dame lui dessina deux traits sous les paupières, comme il le souhaitait. Puis elle se plaça face à Terra, ne prenant même pas en compte Xion qui était assise entre ses deux amis.

« Et moi ? fit-elle gentiment en lui attrapant la manche pour lui signaler sa présence.

‑ Squaw pas maquillage » répondit froidement l'Indienne en dardant son regard ténébreux sur la jeune fille.

La noiraude leva haut les sourcils, véritablement offusquée. « Squaw » ? Était-ce une façon de désigner les filles dans leur langage ? Pourquoi les femmes n'avaient-elles pas le droit au maquillage ? C'était complètement… sexiste !

« Jeune homme blanc vouloir peinture ? questionna de nouveau la dame avec le nourrisson dans le dos en regardant Terra droit dans les yeux.

‑ Non, merci, je m'en passerai » répondit net le jeune Maître de la Keyblade en levant une main ferme.

Xion et Sora se lancèrent tous deux un sourire complice. Sans même se concerter, ils se levèrent d'un commun accord et forcèrent le jeune homme à ne pas bouger, en lui tenant chacun fermement les bras, tandis que la meilleure de Roxas et Lea indiquait à la dame la peinture rouge. L'Indienne fit son travail puis, fière d'elle, s'en alla se réfugier sous un tipi.

« J'ai dit que j'en voulais pas ! protesta vivement Terra une fois libéré de ses entraves.

‑ Tu as pris ma part ! se pouffa de rire Xion.

‑ Chut, les réprimanda soudainement Sora, je crois que le chef va parler… »

En effet, les cris de joie avaient laissé place à un rythme régulier de tambourins, qui donnait à la scène une allure presque oppressante. Lily la Tigresse tendit à son père d'un air fier, le menton hautement levé, une large pipe fabriquée dans ce qui semblait être de l'argent. Le chef la porta à ses lèvres et en aspira le contenu, avant de le recracher doucement sous l'apparence de fumée. Celle-ci, une fois dans l'air, se transforma en un parfait triangle de vapeur.

« Hommes blancs tout savoir sur peaux rouges ce soir » déclara enfin le grand Indien en tendant l'instrument argenté à Peter.

Ce dernier le porta avec un sourire triomphant à ses lèvres et répéta la même action que l'homme à la peau rouge quelques instants plus tôt, venant compléter le triangle par un nouveau. Puis, avec la légère brise marine, celui-ci finit par s'évaporer.

« Vraiment ? Ça peut être très intéressant, commenta Terra en ayant une petite pensée pour Ventus qui aurait donné n'importe quoi pour être à sa place.

‑ Euh…, s'élança sans trop savoir quelle question poser le garçon habillé en ours en levant la main comme s'il était à l'école. Pourquoi votre peau est rouge ?

‑ Et pourquoi l'Indien dit « Haw » ?! » se précipita à son tour l'Élu qui se rappelait de la manière dont le grand chef s'était présenté à eux tout à l'heure.

Sora était encore persuadé que c'était leur manière de dire bonjour.

Accompagné par les instruments de musique des hommes de sa tribu, le chef commença ses explications tout en chantant. Il leur apprit donc qu'il y avait environ un million d'années, un indien intimidé avait rougit en embrassant une divine jeune femme, qui par ailleurs avait elle aussi le surnom de « Squaw ». Donc Xion avait bien raison, ce mot désignait bien une fille. Depuis, pour poursuivre l'histoire, l'indien en était devenu rouge de peau, et c'est ce qui donna cette drôle de couleur à ses descendants. Comme pour illustrer ces propos, Lily la Tigresse, bien que cachée derrière une longue traîne de plume que l'on avait confiée à Peter Pan à l'instar d'un chef indien, embrassa le garçon vêtu de vert. Xion roula des yeux, se demandant réellement comment l'on pouvait tomber amoureuse d'un garçon pareil ! Puis elle rougit à son tour, se demandant comment elle-même allait annoncer à Roxas les sentiments qu'elle éprouvait à son égard, mais surtout comment ce dernier allait réagir. Sans n'allait-elle pas y aller aussi franchement que Lily la Tigresse.

Tout à coup, la jeune fille se reçu un coup de coude dans le bras, la sortant de ses pensées. La pipe avait fait le tour de la ronde et Terra, qui refusait d'y goûter, continuait à la faire passer. A peine la noiraude eut-elle posé les doigts dessus qu'une vilaine odeur vint lui chatouiller les narines. Elle s'empressa de la donner à Sora, retenant un haut-le-cœur. Non, elle n'y toucherait pas non plus ! Ce dernier s'en empara frénétiquement.

« Chouette, je vais pouvoir faire des formes géométriques moi aussi ! »

Sora porta l'instrument argenté à ses lèvres, mais en inspira beaucoup trop de fumée. Celle-ci descendit jusque dans son estomac, et il sentit soudainement tout le banquet offert par les Indiens plus tôt lui remonter à la gorge. Ce truc lui donnait envie de vomir ! Le jeune garçon refourgua la pipe à son voisin peau rouge à côté de lui, ravalant avec difficulté un haut-le-cœur lui aussi. Son visage avait pris une drôle de teinte verdâtre, mais personne ne semblait l'avoir remarqué.

Le rythme joué par les Indiens était véritablement entraînant. Certains dansaient par ailleurs au son des tambourins. Les pieds de Xion commençaient presque à danser tous seuls. Elle souhaitait se déhancher au rythme des tam-tams, elle aussi. Se levant frénétiquement, la jeune fille tendit une main à la fois en direction de Sora et une autre en direction de Terra.

« Qui vient avec moi ? proposa-t-elle avec un large sourire plaqué sur les lèvres.

‑ Peut-être après…, lui répondit Terra en se grattant l'arrière de la tête, visiblement gêné.

‑ T'es pas drôle ! » fit Xion avec une moue boudeuse mais néanmoins amusée.

La noiraude savait que son Maître aurait préféré danser aux côtés d'Aqua, et ne lui en tint de ce fait pas rigueur pour le refus.

Puis son regard océan se posa sur Sora. Les yeux levés vers le ciel étoilé et une main sur le ventre, l'Élu ne semblait pas encore totalement remis de son expérience avec la pipe. Tant pis. Elle ferait avec. La musique avait des propriétés médicinales, de toute façon.

Sans lui demander son accord, la noiraude attrapa son ami par le bras et le força à se lever, ce qui arracha un cri de stupeur de la part de Sora. Bras-dessus bras-dessous, les deux adolescents se dirigèrent vers une sorte de plate-forme destinée à accueillir un couple de danseurs. Là, Sora et Xion commencèrent à danser au rythme de la musique. D'abord tournant l'un autour de l'autre comme dans une farandole, la jeune fille remarqua bien assez tôt que le châtain n'était pas en état pour danser ce soir-là. Sora avait l'allure de quelqu'un qui avait trop bu et qui était prêt à régurgiter tout son estomac. Un sourire amusé plaqué sur les lèvres, elle parvint à le faire descendre de la plate-forme de danse, mais n'en perdit pas pour autant son envie presque démente de danser.

Xion commença à tourner légèrement sur elle-même, frappant de temps en temps dans ses paumes pour accompagner ses pas. Elle passa son bras au-dessus de sa tête, tandis que le second brassait tendrement l'air nocturne et enivrante de la fête. Elle enchaînait délicatement, telle une fée, les pas de danse en rythme avec les tambourins des Indiens.

Toute la tribu se figea pour la regarder se mouver au rythme des tam-tams. Les yeux des hommes à la peau rouge s'émerveillèrent face à ce spectacle inédit. Même Lily la Tigresse ne dansait pas aussi divinement !

Reprenant petit à petit ses esprits, Sora, qui était tombé sur les fesses à cause du tournis, leva à son tour les yeux vers son amie. Ceux-ci s'écarquillèrent face à la surprise et la consternation. Depuis quand Xion dansait aussi bien ? Certes, il se souvenait du petit slow qu'elle avait dansé en compagnie de Roxas lors de leur fête pour célébrer la défaite de Xehanort, mais elle n'avait pour autant jamais fait preuve d'une telle grâce et d'une telle finesse sur une piste ! Le jeune garçon peinait à croire, en cet instant précis, que Xion avait été façonnée à son image, lui qui était d'ordinaire si peu doué et très maladroit, bien qu'il aimait aussi danser, quitte à se tourner en ridicule !

Tout à coup, la noiraude fut subitement interrompue dans sa chorégraphie. Sentant son bras être violemment tiré vers l'arrière, son regard vint rencontrer deux iris noirs frustrés. Xion connaissait ce regard. Il appartenait à cette grosse dame qui lui avait déjà interdit un peu plus tôt de mettre de la peinture sur son visage !

« Squaw, pas danser ! gronda-t-elle sévèrement. Squaw ramasser bois ! »

La grosse Indienne serrait le bras de la jeune Porteuse de Keyblade de plus en plus fort, le rendant presque blanc. Outrée par ce comportement, Xion, d'un geste brusque, se dégagea de son emprise, tout en lui renvoyant son regard sévère.

« Non, je refuse ! Si je n'ai pas le droit de m'amuser comme tout le monde, alors je rentre ! »

Liant le geste à la parole, la jeune fille fit volte-face et entreprit de tourner les talons dans le but de quitter la réserve des Indiens et ainsi retourner attendre à l'Arbre du Pendu le retour de ses deux compagnons. Seulement, au moment où elle passa tout près de Sora, ce dernier la retint en lui attrapant doucement le bras. Étonnée, Xion planta ses pupilles océanes dans le regard similaire de son ami. Ces derniers affichaient un air triste.

« Je t'en prie, reste, lui implora-t-il. Ce n'est pas pareil, une fête sans toi. »

Secouant la tête tristement de gauche à droite, la noiraude n'ajouta rien de plus et se contenta de fuir ses deux amis qui la regardèrent filer vers la sortie du petit village. Ils auraient d'autre occasions de s'amuser tous ensemble, une fois de retour dans leur monde.

Les nuits du Pays Imaginaire étaient froides. Loin du brasier et de la bonne humeur des Indiens, l'air ambiant nocturne était presque glacial. Les mains sur les bras pour tenter de se réchauffer, Xion descendait, tête baissée, la falaise qui lui permettrait de rejoindre la jungle dans laquelle se cachait l'Arbre du Pendu. Cependant, la nuit n'était pas réellement sûre, dans la forêt. Aussi la jeune fille décida-t-elle d'attendre ses amis sur le bord de la falaise, en bordure des arbres, où elle créerait sans doute un petit sort de Brasier pour se réchauffer légèrement en attendant que Sora et Terra se décident à venir la chercher.

Une fois en bas, Xion remarqua une étrange lumière parmi les feuilles d'un gros buisson, comme si une grosse luciole y avait élu domicile. Intriguée, la noiraude s'approcha de ce petit point lumineux, écartant les grosses feuilles pour mieux distinguer ce dont il s'agissait. Quelle ne fut pas sa surprise d'y trouver une petite fée à la robe verte et aux cheveux d'or recroquevillée sur elle-même !

« Clochette ? » fit Xion d'une petite voix étranglée, étonnée de la trouver à cet endroit et dans cette position.

En entendant son prénom, la jeune fée se redressa lentement sur ses genoux et regarda la Porteuse de Keyblade droit dans les yeux. Xion sentit son cœur rater un battement en constatant l'état déplorable de la petite créature. Ses yeux étaient embués de larmes, et une faible lueur pâlotte entourait sa silhouette. La fée semblait comme exténuée.

« C'est parce que Peter t'a bannie que tu es dans cet état ? » devina Xion, en s'adressant à elle de sa voix la plus sincère et douce.

Sans répondre, Clochette se contenta de prendre son visage entre deux mains et de redoubler de sanglots. L'adolescente aurait aimé pouvoir la réconforter, lui dire que Peter ne pensait sans doute pas ses mots, qu'il avait dû dire cela sous le coup de la colère, mais elle ne pouvait pas non plus affirmer tout cela avec véracité. Parce qu'il y avait peut-être une chance, même infime, que ce ne soient pas des paroles en l'air.

Tout à coup, un « pop » que Xion ne connaissait que trop bien résonna dans le calme de la nuit. Effectuant un volte-face, la jeune fille remarqua la présence soudaine de Sans-Coeurs tout autour d'elles. Il s'agissait de Pirates et Pirates Volants, deux races de Sans-Coeurs emblèmes qui apparaissaient très couramment dans ce Monde. Les ennemis formaient un cercle tout autour des deux filles, de sorte à ce qu'elles ne puissent pas s'échapper.

Ses sens en alerte, Xion leva le bras et Chaîne Royale prit place dans le creux de sa main. D'un geste rapide et sec, elle se dirigea à grandes enjambées en direction du Sans-Coeur le plus proche et lui asséna un simple coup et celui-ci disparut instantanément dans un nuage de ténèbres violet. Étrange. On aurait dit qu'ils ne cherchaient même pas à se défendre. Cependant, quelques micros secondes plus tard, un autre Sans-Coeur prit la place de l'ancien, comme s'il ne s'était jamais rien passé. Xion resserra légèrement sa prise sur le pommeau de sa Keyblade. Elle sentit soudainement qu'un ennemi volant se dirigeait dans sa direction. Réagissant immédiatement, la noiraude leva une paume et lança un sort de Glacier + pour l'emprisonner sous une épaisse couche de glace. L'effet fut immédiat et le Pirate Volant tomba lourdement au sol, pris au piège dans la glace. Lorsque Xion le brisa d'un coup de Keyblade, celui-ci se désintégra en plus du sort, mais, comme plus tôt, un autre Sans-Coeur prit rapidement sa place. Xion ravala sa salive. Que faire face à des ennemis qui revenaient sans cesse ?

Tout à coup, un tintement familier mais aussi bien trop régulier, comme affolé, la fit instantanément réagir. Faisant volte-face, Xion découvrit avec inquiétude qu'un petit et vieux pirate à l'allure grassouillette tenait fermement entre ses mains un bonnet en laine rouge dont une chose à l'intérieur semblait s'agiter.

« Clochette ! » s'entendit-elle crier.

La noiraude tenta d'effectuer un pas dans la direction de Monsieur Mouche – elle l'avait en effet reconnu – mais une lame sous sa gorge l'en dissuada. Plusieurs autres, menaçantes, se pointèrent dans sa direction. C'était tout une horde de pirates qui l'encerclait désormais. Cependant, la jeune fille remarqua que les Sans-Coeurs avaient disparu. Qu'est-ce que cela signifiait ? Était-ce les pirates, plus que sa propre Keyblade, qui les avaient effrayés ?!

En signe de reddition, Xion dématérialisa Chaîne Royale et leva ses deux mains en l'air.

« Je suis désolé Mademoiselle, dit Mouche en s'adressant à Clochette à travers le bonnet rouge, mais le Capitaine Crochet veut vous voir. »

La jeune Porteuse de Keyblade serra la mâchoire. Bien évidemment. Elle aurait dû s'en douter que Crochet était derrière tout ça ! Il attirait toujours les Sans-Coeurs à cause des Ténèbres contenues dans son cœur !

« Qu'est-ce qu'on fait de la fille ? » questionna un pirate à la voix raillée derrière Xion.

Mouche parut enfin se rendre compte de la présence de la noiraude. Il papillonna plusieurs fois des paupières tout en fixant la jeune fille, comme pour tenter de se souvenir de quelque chose d'important.

« Eh, ce ne sera pas la petite qu'on a tenté de noyer la dernière fois ? lança un autre loup de mer.

‑ Celle qui a été sauvée par Peter et ses étranges amis ? fit un troisième pirate.

‑ Peut-être qu'elle connaît sa cachette ! en éluda un dernier en grognant. Dans ce cas, j'imagine qu'on doit l'embarquer ! »

Ne souhaitant pas se faire avoir aussi facilement, Xion tenta d'invoquer une nouvelle fois Chaîne Royale pour se défendre, mais les pirates furent plus rapides qu'elle. L'un d'eux lui asséna un coup du pommeau de son sabre sur la nuque, et la jeune fille perdit immédiatement connaissance.