L'école des démons acte 1
Degan est allongé sur le matelas, les bras croisés derrière sa tête, une jambe repliée sur l’autre qu’il agite tout en regardant le plafond pensif. Aérin est adossé contre l’armature, sa tablette en main, elle écrit depuis quelques minutes en utilisant sa page pour cacher celle de discussion qu’elle a avec Shichiro et Callego.
— Il va falloir que je dorme avec Azael maintenant, soupire le rouge.
Elle fronce d’abord les sourcils avant de cligner des yeux, pour se retourner, confuse vers son frère.
— Pourquoi ?
— Ce n’est pas à l’école que vous aurez de l’intimité, dit-il, en baissant les yeux sur sa sœur avec un sourire en coin.
— Ne commence pas, Degan, réplique sèchement sa sœur.
— Parce que tu crois qu’il n’aura pas envie d’un câlin coquin à un moment ?
*Boum* Le mur en tremble, rien d’inquiétant, ce n’est qu’Azael qui entend la discussion et qui crie contre Degan. Aérin soupire… Elle n’est même pas certaine de ses sentiments envers lui. Enfin, les démons n’en n’ont pas spécialement besoin.
— Tu vas un peu vite en besogne, soupire-t-elle.
— Ce n’est pas drôle, tu ne rougis même pas ! répond Degan, narquois.
— C’est obligatoire ?
— De ?
— Ce dont tu parles, abruti ! réplique la rousse en rabaissant la tablette sur la couverture.
— Ça ne doit pas l’être et s’il t’y oblige, il s'apercevra que l’idiot peut être aussi effrayant, rétorque Degan.
— Je doute que ce genre de penser puisse lui traverser l’esprit, dit-elle.
— Cela n’a pas l’air d’être son genre, mais on ne connaît jamais réellement une personne. C’est à toi de le sentir et ne surtout pas te dire qu’il faut le faire parce que les autres le font, même si je te taquine avec ça.
Degan tourne la tête vers sa sœur qui coupe son appareil et le range sur sa table de nuit. La démone s’étire et se glisse sous les draps. Son frère est toujours en train de la regarder d’un air perplexe. Il s’allonge à son tour, criant une bonne nuit à Azael qui leur répond, visiblement pas très content d’avoir été réveillé par ce dernier. Posée contre son frère, la rousse est tout de même pensive. Elle a dit à Callego qu’elle préférait qu’il ait juste une curiosité que l’envie d’être avec elle… Ne lui a-t-elle pas dit là qu’elle était d’accord pour avoir ce genre de rapport avec lui ? Et la voici à présent à dire à son frère qu’elle ne veut pas être intime avec Callego. Décidément, elle a l’art de se contredire.
Le lendemain, les Divalis arrivent pour la première fois depuis le début de l’année, à l’avance à l’école. Ils se posent et attendent l’arrivée des autres. Opéra les rejoints et Callego arrive à son tour… Aérin le regarde, son cœur se serrant dans sa poitrine alors qu’elle rougit en lui souriant de gêne. Le brun se place à ses côtés tout en la dévisageant… C’est bien la première fois qu’elle le voit avec une expression aussi douce. Bien qu’il s’énerve quelques secondes après Sur Opéra et Degan qui le nargue. Il ne reste plus que Shichiro qui se pointe justement et tout le monde peut rejoindre ses cours.
La rousse se sent nerveuse, pourtant, rien ne change à leur habitude ? Elle regarde Callego qui marche devant elle et son frère avec Shichiro, comme ils le font habituellement. Le brun se concentre sur les élèves qu’il y a devant lui, il a chaud… Il s’efforce de ne rien afficher, mais le démon doit pour le coup remercier Degan de lui donner l’excuse de s’énerver, pour calmer cette tension montée en lui.
Aérin s’est mis devant eux, puisque Callego et Degan ne se sentent plus et Shichiro se porte vers elle, avant d’être pris dans leur jeu de force. Aérin se fige Shichiro les yeux sur les garçons, vient à lui rentrer dedans et la rattrape pour ne pas la faire tomber. Degan et Callego s’arrêtent alors qu’ils regardent Aérin danser sur son pied et Shichiro la tenir, sans comprendre ce qu’elle fait.
— Désolé ! Aïe, ma prothèse s'est déconnectée, explique-t-elle, en serrant les dents.
— Je te l’avais dit qu’il fallait aller à la maintenant, dit Degan, en s’énervant.
— Je pensais que je pouvais encore trainer…
— Tu vas savoir marcher ? Lui demande Shichiro.
La démone se laisse couler contre le mur, vérifiant ce qui crée ce court-circuit. Elle a beau regarder, elle n’est pas une experte dans la biomécanique. C'est sa faute, elle n’aurait pas dû s’entêter et considérer qu’une réparation magique seule serait suffisante. Le prof vient de les rejoindre, les autres élèves de la classe s’attroupent autour par curiosité.
— Un problème, miss Divalis, que faites-vous à terre ? demande le professeur Dali.
— Elle rencontre une difficulté avec sa prothèse, râle Degan.
— Je vais en informer le directeur, rester en classe en attendant, commande l'adulte.
Degan se baisse pour soulever la rousse, Shichiro l’y aidant. Callego les suit jusqu’à leur place, laissant le frère et le camarade aider la démone à s’asseoir... Il n’a même pas eu le réflexe d’aller vers elle ou au moins la porter jusque dans la classe. Aérin déconnecte la partie artificielle pour ne plus ressentir cette douleur dans un premier temps. Shichiro l'observe, intrigué par les câblages composant la partie interne et du comment, le tout fonctionne :
— Ce n’est pas la magie qui permet le mouvement ?
— Non, elle bouge grâce aux impulsions électriques des nerfs, c’est relié à mon système nerveux. Ç'a ses avantages et ses inconvénients. Il faut la déconnecter à chaque entretien et ce n’est pas agréable. Je reste sensible au froid et elle fonctionne moins bien en hiver.
Le professeur est de retour et il s’approche du quatuor.
— Balam, arrêter de jouer avec ça, Miss Divalis, vous serez resté en cours où vous préférez aller à l’infirmerie ?
— Pas de souci pour suivre les cours, monsieur, affirme-t-elle.
Le démon incline la tête et rejoint sa place pour ouvrir les révisions… C’était calme. Cependant, Degan recommence à coincer sur ses révisions et il le partage à haute voix avec la classe.
— Tain, c’est quoi encore ce truc de phase et de lune rouge ? ronchonne-t-il en cliquetant son stylo contre la feuille.
— Sirius et ç'a lieu 12 jours après la lune rouge, lui répond simplement la rousse.
— Ah ouais, putain ! S’écrie alors le rouge, ce qui fait sursauter la classe.
— Vous vous en sortez avec vos révisions, monsieur Divalis ? Demande le prof ne cherchant même plus à comprendre le démon.
— Réponds à tes questions sans faire de bruit, enfin si tu en es capable, soupire Callego.
Degan tourne les yeux vers le sombre, son sourire hautain s’étire de plus belle.
— De quoi ? Étudier ou me taire ?
— Les deux ! S’énerve Callego en se relevant vers Degan.
— Divalis, Naberius, vous voulez aller faire un tour chez le directeur ?
Les deux deviennent silencieux, le rouge avec son sourire aux lèvres et le brun à sa veine de colère de ressortie. Aérin et Shichiro s’échangent un regard avant de se concentrer sur leurs feuilles. C’est toujours la même rengaine, Degan énerve Callego qui finit par craquer et ils se calment avec l’intervention du prof.
Les heures de cours sont réduites, et donc terminé pour aujourd’hui. Ils sont restés avec quelques élèves en classes pour étudier les dernières matières. Degan commence à en avoir assez, il se redresse, bras pendu sur le dossier de sa chaise. Abrahel se retourne souvent sur lui et devient rouge quand son regard croise celui du rouge, qui en est amusé.
Aérin est allée à l’infirmerie quand le spécialiste est arrivé. Tout ça, parce qu’elle a négligé le graissage de sa prothèse. Elle ne le fera qu’une seule fois !
— Ça va, Aérin ? demande Shichiro, qui l’entend soupirer pour la énième fois.
— Cela finira bien par rentrer. Tais-toi ! Anticipe la démone alors que son frère se retourne sur elle, avec un large sourire.
— Je n’ai encore rien dit !
— Abstiens tant, rétorque-t-elle.
— Tu n'es pas drôle, ronchonne Degan.
— Ça ne fait rire que toi, s’irrite Callego.
— Ouais, mais toi, il n’y a rien qui t’amuse, le coincé, réplique le jumeau.
Le prof leur somme de retrouver leur calme, après le boum qu’il vient d’entendre. Rien de grave, Degan perfectionne ses talents de goutteur de table avec l’aide de Callego.
— Je peux t’aider pour les maths si tu le veux, propose Shichiro, profitant du calme revenu.
Callego se renfrogne. Il peut aussi l’aider, mais puisque Shichiro a été plus rapide. Le brun change de place avec la rousse se retrouvant de ce fait à côté de Degan. Ce qui n'est peut-être pas une bonne idée. Degan recommence à agacer Callego qui s'énerve et cette fois-ci, le prof les calmes en les plaçant chacun dans un coin de la classe comme des enfants. Callego est franchement vexé et Degan est en fou rire, ce qui désespère le professeur.
Aérin regarde alors le brun, embarrassée pour lui…
Le prof les laisse rejoindre leurs places, les élèves hésitants fortement à se moquer de Callego, déjà assez bien en colère ainsi. Ils sortent finalement de classe et une fois la porte franchie. Aérin accélère le pas, attrapant le bras de son frère qui en tombe soudain au sol.
— Qu’est-ce qui lui prend encore à ce crétin ? rétorque Callego.
— Je l’ai calmé, explique Aérin.
— Heu… Sérieusement Aérin, que lui as-tu fait ? demande Shichiro qui poque le rouge.
— J’ai court-circuité son cerveau, répond la rousse, en prenant une allure de petit ange.
Degan se redresse avec une expression d’idiot, n’arrivant même plus à prononcer des mots corrects et suit le groupe comme un enfant en bas âge. Shichiro en est amusé et Callego est confus dans son observation.
— Il fait quand même flipper quand il est ainsi, réfute-le démon.
Ils arrivent devant l’école, son frère et Opéra sont là. Azael, constate le comportement de son cadet, soupire et l’attrape comme un vulgaire sac, qu’il prend sur son épaule.
— Je vais le porter où il va encore se laisser tomber, dit Azael.
— Oh, mais tu peux le laisser faire, plaisante Callego.
Azael regarde alors le brun avec un sourire espiègle.
— Ne me donne pas de mauvaises idées, Naberius.
Opéra observe Degan qui est plus étrange qu’à son habitude, avec Shichiro, ils lui tâtonnent la tête. En vol, Azael gère son abruti de frère qui lève les bras dans le vide comme s’il était dans une attraction…
— J’y suis allée un peu fort, grimace Aérin.
— Mais non, il est mieux ainsi, ricane Callego.
— Je doute que cela soit pratique pour Azael et Aérin, remarque Shichiro en se grattant la joue.
— Je plaisante Shichiro. Je vanne aussi parfois, rétorque le brun.
— Tu y arrives ? glisse Opéra, qui les suit pour une fois.
Ce qui suscite un regard méprisant de la part du colérique. Il ralentit l’allure alors qu’il arrive au niveau de la demeure de la fratrie. Aérin est une nouvelle fois devant et est déjà prête à filer à l'anglaise.
— Bordel Aérin, tu n’as pas envie de ralentir ! crie le démon agacé.
Celle-ci se retourne sur Callego, surprise et bloque ses ailes pour se placer à ses côtés, alors que le brun râle. C’est sorti tout seul, il ne pensait pas le dire aussi fort. Shichiro qui le suit, se déporte de ce fait vers Opéra et les frères.
— Est-ce que tu veux bien rester un peu pour m’aider avec les maths ? Tente-t-elle une pirouette.
— Heu… Ouais, répond-il, surprit.
Il subsiste donc aux côtés de la fratrie et ils saluent Shichiro qui se retrouve à faire le retour seul. Cependant, elle a oublié Opéra qui est là pour l’entrainer. Ce n’est pas grave, Azael et Degan lui ont proposé de jouer à un jeu vidéo en attendant que les deux autres révisent.
Aérin et Callego s'installant dans le salon pour ce faire. Shichiro lui a fait comprendre l’autre exercice. Il ne lui en restait qu’un, mais elle a vu le regard de Callego quand Shichiro s’est proposé. La rousse l'a volontairement gardé pour lui demander son aide. C’est bien comme cela qu’elle doit se comporter en tant que copine ?
— Merci, j’avais plus de mal avec celui-là, explique la rousse.
— C’est mon frère qui me la fait comprendre, j’avais des difficultés au début, répond le brun.
— Degan à de bonnes notes en faisant n’importe quoi et Azael se perd lui-même dans ce qu’il explique, rigole-t-elle.
— Je vois, grimace le démon.
Maintenant qu’ils ont fini, un blanc vient à s’installer et ils s’évitent du regard dans un premier temps. Il y en a un qui fait la moue et l’autre qui est rouge. Les yeux du brun reviennent sur la rousse. Aérin rougit souvent de timidité, pourtant jusqu’à présent, elle n’avait jamais encore baissé les oreilles et placer la main devant sa bouche en sa présence. Placer les mains devant ses crocs et ses cornes pour une démone est un signe de respect et également de soumission et cela le met étrangement mal à l’aise.
Elle sert les mains, elle ignore ce qu’elle doit faire, comment elle doit agir. Où sont les limites ? Aérin inspire un bon coup et se porte en avant, venant l’embrasser sur la joue maladroitement, rétablissant aussi vite les distances, prenant a présent peur qu’il ne le prenne mal.
Il va éviter de lui faire une remarque sur le fait qu’elle lui ait donné un coup de dents. Il est un peu sceptique quant à son comportement, il n’est pas le mieux placé pour ce qui est des démonstrations affectives… Le démon hésite. Son bras remonte dans un geste mécanique vers son épaule pour glisser sa main avec la même maladresse contre sa joue. Lentement, il se penche sur elle, ses yeux fixant ceux de la démone qui n’arrive pas à soutenir son regard. Elle s’affaisse dans un geste de fuite, alors que leurs lèvres se rencontrent dans un échange bref et timide, mais qui fit tout de même tressaillir la jeune.
— Pardon ! Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, dit Aérin, complètement rouge.
— Genre, tu sais parfaitement pourquoi tu réagis ainsi, dit-il avec un sourire espiègle.
Aérin le regarde penaude, c’est normal ? Callego en détourne les yeux en raclant sa gorge… La démone se blottit doucement contre lui, les bras contre son torse, pas spécialement détendue. Le brun se contracte dans un premier temps se retenant d’en avoir un geste de recule. Il a les yeux écarquillés, puis dans un mouvement retenu, il descend les bras dans le dos de la rousse tout en posant la joue sur ses cheveux. Il n’est pas spécialement à l’aise avec ce genre de contact, mais c’est lui où elle tremble ? Il en baisse les yeux sur la démone, voulant lui en poser la question, sauf qu’Opéra vient à faire irruption dans la pièce.
Ils se séparent et se retournent sur le félin qui les regarde en leur faisant signe et disparaît tout aussi vite, laissant un blanc entre Aérin et Callego qui préfère faire comme si de rien n’était.
Aérin raccompagne alors le brun jusqu’à la porte et le laisse retourner chez lui.