L'école des démons acte 1
Callego observe silencieusement Aérin, depuis le début de la semaine, elle le fuit explicitement. Elle répond quand il lui parle, mais une fois qu’ils ne sont plus en classe. Elle fait tout son possible pour ne pas se retrouver seule avec lui et cela l’agace au plus ou point ! Si elle lui en veut pour le lac, qu’elle le lui dise, bon sang ! Comment dissiper les malentendus avec une démone qui s’éclipse plus vite que son ombre ? Il a fini par lâcher l’affaire, attraper un courant d’air serait plus simple. Il ne se sent pas plus maussade que d’habitude, mais il avoue que sa réaction puérile, l’énerve.
Comme Aérin est directement repartie chez elle après les cours, prétextant des corvées à faire. Dagan est resté avec Shichiro et Callego au lieu d’aller au Batora de gaming. Pour une fois, il étudie assidument ! Il a des ruses en histoire et contrairement à ce qu’il aurait cru de la part du brun, celui-ci tente de l’aider avec des astuces. Callego a un sale caractère, néanmoins, il reste tout de même un démon qui accepte facilement d’aider les autres.
— J'ignore comment vous faites pour retenir tous ses trucs franchement, râle Dagan.
— Retiens moins de conneries à la place, réplique sobrement, Callego.
— Ah ça va, je n’en dis pas tant que ça !
Le brun et le blanc relèvent leurs têtes simultanément vers lui, Dagan tique tournant la sienne, d’un air renfrogné.
— Pas tout le temps ! Ça va, Chiro ? demande soudain le rouge en le voyant absent.
— Dis… Ta sœur, elle va bien ? dit le démon en relevant les yeux vers le jumeau.
— Comme à son habitude, répond Dagan en posant sa tête sur ses paumes.
— Je la trouve bizarre depuis le week-end, ce n’est pas son traitement ? demande le pâle, inquiet.
— Non, elle est toujours au même stade et ne t’en fais pas, elle se pose juste trop de question, explique simplement le rouge.
— D’accord, répond simplement Shichiro.
— Elle pourrait au moins dire ce qui ne lui va pas ! Je vais lui lancer Cerbère après si elle continue à m’éviter ! S’énerve soudain Callego.
— Cela pourrait être une solution, réplique Dagan en riant.
Celui-ci sent son téléphone vibrer dans sa poche, il le sort et lit le message d’Azael, qui lui demande de ne pas rentrer tard, car Aérin est fatiguée. Dagan en cligne des yeux… Elle a encore eu une crise ? Il n’en dit pas plus aux deux autres et les quittes.
De ce fait, il ne reste plus que Callego et Shichiro. Le brun se pose sur le fond de sa chaise en soupirant tout en déviant les yeux vers son camarade qui ne quitte pas son expression inquiète. Il se doute un peu de ce qui le chiffonne, mais doit-il avouer qu’il se sent un peu mal vis-à-vis de Shichiro après ce qu’il a fait, alors qu’il connaît ses sentiments envers Aérin.
— Il s’est passé quelque chose au lac ? demande Shichiro, d’une voix plutôt sèche.
— Elle a mauvais caractère, réplique Callego avec un certain malaise.
— Tu es mal placé pour te plaindre de son caractère... Je veux juste être sûr qu’il ne s’agit pas de sa santé, continue Shichiro.
— Quand je suis allé la chercher, elle se cachait parce qu’elle crachait du sang. Elle m’a demandé de ne rien dire et… Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, je l’ai... Embrassée, explique Callego tout en baissant les yeux sur le banc, n’osant pas affronter le regard de son camarade.
Shichiro reste silencieux… Puis, il éclate de rire ! Callego le regard alors surpris et confus par sa réaction.
— Désolé, je ne t’imaginais pas entreprenant, dit Shichiro en reprenant son souffle.
— Et toi alors ? Tu n’oses pas lui avouer tes sentiments, grogne Callego.
— Je n’ai rien à lui avouer ! Nos liens actuels me conviennent parfaitement, répond-il en souriant.
Shichiro n’avait encore jamais affiché jusqu’à maintenant une expression fausse, face à quelqu’un. Son estomac se retourne et son cœur le serre, pourtant il continue de sourire à ce démon qui est clairement attaché à celle qu’il affectionne tout autant.
Callego le fixe durement, puis détourne les yeux en soupirant. Shichiro souffle, relevant son bouquin et replonge dans sa lecture. Heureusement que son masque cache la moitié de son visage parce qu’il a beau serrer les crocs, la boule qui lui ronge l’estomac ne se calme pas.
Plus tôt dans la journée, alors qu’Aérin attend le retour de ses frères chez elle. La rousse prépare ses affaires pour le lendemain. Elle rassemble le linge sale de ses frères ainsi que les siens, hôte ses vêtements et lance une machine, puis revient dans le salon.
La porte s’ouvre sur Azael quelle accueil d’un sourire, mais il n’y a pas que lui qui est là…. Ses yeux se posent sur Opéra et elle devient instantanément blanche. Hystérique, elle hurle sur son aîné de prévenir la prochaine fois qu’il revient accompagné et disparaît en un clin d’œil ! Elle va dans sa chambre enfiler le training qui traine sur le matelas, se maudissant de ne plus avoir pensé à Opéra qui pourtant, lui avait dit qu’il viendrait pour son entrainement. Il a eu tout le temps de regarder la séquelle qui la couvre… Elle inspire un bon coup et redescend le rejoindre.
— Où est Azael ? demande-t-elle.
— J’ai dégagé la grande chambre pour vous en faire une salle, répond-il à sa sœur.
Le bicolore est dans la cuisine pour servir une boisson au félin. Puis, ils montent dans la pièce ou Azael part s’asseoir dans un coin pour garder un œil sur eux, comme à chaque fois.
Les démons commencent par des étirements puis Opéra la teste en lui montrant des mouvements simples qu’elle applique en l’imitant. Il monte le niveau progressivement sous les observations du félin et de l’aîné.
Le téléphone d’Azael vient à sonner, ce qui coupe le duo dans leurs occupations. Le démon prend l’appel et informe la rousse qu’il s’agit de leur père, tout en quittant la pièce pour ne pas les déranger. Son père crie tellement fort quand il téléphone que même dans le couloir, Opéra et Aérin peuvent suivre la conversation.
— L'hautparleur ne sert à rien avec papa, dit la démone en riant.
— J’entends ça, répond Opéra.
— Alors, tu vas juste t’en tenir à des échauffements ? dit la rousse narquois en profitant un peu de l’absence d’Azael.
— Chaque chose en son temps, tu as la technique, il te faut surtout travailler ta force maintenant.
— Si je suis assez rapide pour te toucher, je n’en aurais pas besoin, répond-elle mesquine.
— Si je te touche avant, tu as beau savoir bien bouger, tu n’encaisseras pas un coup direct.
Elle affiche un sourire arrogant et attrape Opéra aux bras, cherchant à le faire reculer. Le félidé n’en remue pas d’un poil, bien que pour la première fois, celui-ci la regarde de façon défiante. Leurs oreilles se secouent tandis qu’elle lâche la main du démon et pivote sur sa gauche en se plaçant dans son dos. Elle frappe avec retenue dans son mollet pour le faire plier et exerce simultanément une pression sur ses épaules pour le faire chuter en arrière. Opéra se laisse faire et tombe en arrière, bien qu'il se rattrape sur un bras en se tournant en partie pour saisir la rousse par la taille, la soulever et la renverser. Il s’assied sur son dos, en prenant tout de même garde à ne pas l’écraser.
— Trop lente, dit-il, narquois.
Il l’a retenue quand elle a touché le sol, mais elle en a quand même eu le souffle coupé, ce qui ne la refroidit pas pour autant. Aérin se retourne sous lui, l’attrape aux épaules et replie les genoux pour venir plaquer les pieds contre le ventre du brun et l’éjecte par-dessus sa tête. Elle se retourne tout aussi vite en venant s’asseoir sur son ventre à son tour en riant à pleines dents. Azael qui est revenu, racle alors sa gorge pour se manifester :
— Je dérange peut-être ?
— Pourquoi tu dérangerais ? dit le brun, en se redressant, visiblement pas dérangé d’avoir la rousse assise sur lui.
Il en profite même pour la faire tomber dans le sens inverse tout en lui lâchant un « couché » et se relève.
— Je vais être de plus en plus dure avec toi, Aérin, mais je veux aussi que tu me préviennes si c’est trop pour toi. Le but, c'est de t’améliorer, pas te pousser dans tes limites, dit Opéra.
— Si je ne vais pas dans mes limites, je ne pourrais pas m’améliorer, répond la rousse.
— Provoquer de nouvelles crises n’aidera en rien ton corps à se renforcer, ce sera même l’effet inverse, continue Opéra, un poil plus sec.
Ils sont assis sur le sol, Aérin sourit au félin et vient le serrer dans ses bras, puis se relève et s’en va sous le regard ahurit du démon chat. Opéra regarde Azael tout en se relevant, alors que celui-ci affiche une expression moqueuse.
— Elle est démonstrative, dit le félin.
— Elle est câline et évite de prendre l’habitude de chevaucher ma sœur en ma présence, dit Azael narquois.
Opéra ne fait que souffle du nez et s’en va se rafraichir alors qu’Azael part les attendre dans le salon en leur préparant du thé.
Aérin est de retour et s’assoit dans le canapé, Blase allongé sur ses genoux. Opéra ne tarde pas à les rejoindre, s’asseyant près d’Azael ans le canapé en face d’Aérin. Ils discutent un peu, puis la rousse devient soudain blanche et le canidé lui donne des coups de museaux, tandis qu’elle tousse le sang qui obstrue ses poumons.
Azael se hâte vers elle, Opéra quant à lui reste spectateur, confus sur ce qu’il se passe, puisque jusqu’à maintenant, il était le seul ne pas l’avoir vue en crise. Azael tente de soutenir comme il le peut sa cadette, quand elle a ses crises, il laisse toujours Dagan s’en charger, lui les gère difficilement. Azael tente de la réconforter dans un geste maladroit, sa joue posée contre le haut de sa tête, il la tient contre lui comme le fait Dagan, du moins tente-t-il de l’imiter. Azael préfère changer de pièce quand elle convulse, il ignore donc que si Dagan fait ça, c’est pour l’empêcher de se mordre la langue. Les tremblements s’estompent et Aérin reprend lentement une respiration normale.
Ses crises sont irrégulières et pas toujours de la même intensité et ils ignorent ce qui les déclenche. Parfois l’effort parfois, cela se fait alors qu’elle n’a rien fait pour. Sûr de lui, il laisse la rousse pour aller lui chercher sa pochette avec ses médicaments.
Opéra se relève et vient s’asseoir contre elle en lui frottant doucement le dos. Il a vu la séquelle qu’elle porte sur la partie droite de son corps :
— C’est une séquelle due à la foudre, ça ?
— C’est ma faute, il ne l’a pas fait exprès, répond Aérin.
— Je le sais, il me l’a expliqué, dit-il sobrement.
— Il s’en veut toujours, murmure-t-elle.
— Ce n’est pas étonnant.
— Il ne l’a pas fait exprès !
— Je n’ai pas dit le contraire.
— Aucun des traitements ne fonctionne et ça m’énerve de les voir culpabiliser… Je ne veux pas qu’ils s’en veuillent une fois que je ne serais plus là, dit la démone.
Azael s’est immobilisé en les entendant parler, il serre les poings et grince des dents, inspirant lentement pour garder son calme. Elle n’a pas le droit de mourir ! Pas à cause de son erreur.
Le bicolore se manifeste d’un raclement de gorge avant de se montrer.
Aérin avale les pilules et s’adosse au divan, avant de se tourner sur Opéra qui semble ailleurs. Elle n’apprécie pas de faire ses crises devant les garçons, Opéra doit maintenant la considérer comme une perte de temps, pour ce qui est de l’entrainement.
— Ça va Opéra ? demande la rousse.
Celui-ci relève les yeux vers elle :
— C’est à cause de l’entrainement ?
— Mes crises ne sont pas régulières, répond Aérin.
— Mais c’est à cause de moi ?
— Non, no et ne commence pas à culpabiliser toi aussi ou je boude ! dit-elle en le secouant.
— J’aime bien t’entrainer, mais si c’est pour que tu sois à chaque fois dans cet état après, ça ne va pas non plus, Aérin.
Aérin baisse les oreilles, le félin était le seul à ne pas avoir pitié d’elle. Elle se laisse tomber contre son épaule, Opéra en baisse la tête sur son crâne, puis regarde Azael avec cet air de mec paumé qui fit avoir un rictus au bicolore. La démone se redresse et soupire tout à la fois, elle prend la bouilloire et s’en va remettre de l’eau chauffer. Elle reste par-dessus la cuisinière, cherchant après un sujet de conversation pour passer à autre chose, mais c’est son frère qui anticipe :
— De quoi parlais-tu avec Dagan, hier soir ?
— Ce n’est pas bien d’écouter au porte, Azael, réplique Aérin, taquine.
— Je n’écoutais pas, Dagan m’en a fait la remarque ce matin.
— Ce n’est rien de grandiose, il me narguait encore avec Callego et Shichiro, je lui ai juste dit que ça m'indifférait.
— Pourquoi ? dit Azael, moqueur.
— Pour deux raisons, Seth et ma santé.
— Tu vas t’interdire de tomber amoureuse à cause de lui ?
— Tu as encore six ans devant toi, profites-en, dit Opéra.
— Je n’ai aucune envie d’en profiter et ce ne serait pas correct, dit Aérin, en baissant les yeux.
— Ne me dis pas que c’est parce que tu présumes bientôt mourir ou je t’en fous une ! réplique Azael, rageur.
— Je fais ce que je veux de toute manière… Mes désirs ne regardent que moi, rouspète la rousse.
Azael soupire, Aérin toujours au-dessus de sa bouilloire regarde les flemmes danser… Elle n’est même pas certaine de terminer l’année. Certes, la plupart des démons n’y réfléchiraient pas, mais… Elle n’a pas envie d’exposer son corps pour une question de curiosité… Elle pourrait essayer avec Shichiro, mais s’il s’attache fortement à elle ? Il est atypique comme démon, elle est certaine qu’il pourrait être du genre à s’attacher à elle, et donc possiblement être blessé par sa perte et ça. Elle refuse de le lui imposer.
— En partant du principe que tu ne vivras pas longtemps, tu sais que la plupart des histoires d'amour sont passagères ? avance Azael, un ton plus calme.
— Ou simplement pour t’amuser, ajoute Opéra.
Azael se tourne sur lui en fronçant les sourcils, il parle de sa sœur tout de même !
— Ouais… Aussi, réplique Azael, son regard revenant sur la rousse.
Celle-ci verse l’eau dans leurs tasses et Azael glisse les sachets de thés.
— Je n’en vois pas l’intérêt et je n’ai pas envie de faire comme vous, réplique Aérin, les joues rouges, alors qu’elle se rassoit.
Azael toussote dans un premier temps, Opéra le regarde en levant un sourcil, qui châtie bien…
— J’ai remarqué que tu étais distante avec Callego depuis le lac, il t'a courtisé ? Tente l’ainé.
Opéra se prend un fou-rire et Aérin devient aussi rouge que les cheveux de son jumeau.
— Il… J’ai… Peu importe, dit-elle en secouant les mains, je refuse !
— Il y a bien eu quelque chose, commente Azael, qui regarde Opéra qui décède à ses côtés.
— S’il a été odieux, je veux bien le remettre à sa place, affirme Opéra, la voix fluette alors qu’il essaie de se reprendre.
— Il ne l’a pas été, il m’a juste embrassée, ça ne veut rien dire, dit-elle dans un murmure,
Azael et Opéra s’échangent un regard en serrant les dents alors qu’ils partent tous les deux dans un fou-rire… Aérin, n’en comprend pas trop la raison pour le coup.
— Je n’imaginais pas Callego entreprenant, mais je suis certain que lui aussi a remarqué que Shichiro t’aime bien, avance Azael.
— Tu le penses vraiment pour Shichiro ? Dit Aérin, ennuyée.
— Il ne sait pas le cacher, mais je ne pense pas qu’il oserait te courtiser. En particulier, s’il sait que Callego a déjà fait un pas, intervient Opéra.
— Peu importe, je ne peux pas, réplique Aérin.
— Tu devrais quand même mettre les choses aux claires avec eux, dit le chat.
— Je ne leur ai rien demandé ! Je ne peux pas parler à Callego…
— Pourquoi ? Demande Azael et Opéra.
— Vous avez déjà vu une Aleph oser refuser les avances d’un Daleth ? Je vais le faire passer pour rien, ça ne se fait pas, panique Aérin.
— Je doute fortement que Callego le prenne mal et s’il te parle, ce sera sans doute de façon discrète et pas devant tout le monde, je ne le vois pas chercher à te mettre la pression pour arriver à ses fins et s’il le fait, je t’assure qu’il se prendra Dagan et moi sur la gueule, rétorque Azael.
— Et si tu ne veux pas l’humilier, tu n’as qu’à lui dire que tu te préserves pour Seth, tout simplement, ajoute Opéra.
Azael assure ses dires d’un hochement de tête. Aérin a une soudaine envie d’aller se coucher... Elle salue Opéra, demandant à son frère de venir la réveiller quand Dagan sera rentrée pour souper.