Une vie

Chapitre 4 : L'EPREUVE

1983 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 13/01/2024 11:07

CHAPITRE 4

L’EPREUVE

 

Quand Rin retourna au campement, Sesshoumaru écarquilla les yeux. Malgré la lueur du feu et le manque de précision que cette clarté engendrait, il ne douta pas un seul instant : la plaie de Rin avait bien cicatrisé, trop bien même … et vite. Son visage ne portait aucune séquelle ! Un doute affreux submergea son esprit : se pouvait-il que le sang de Koshiromaru se soit mélangé à celui de Rin ? Fort possible puisque la lèvre de Rin, déjà souillée du sang de son ennemi, s’était ouverte sous la violence du coup. Risquait-elle de devenir un … hanyou ? Enormément de chances puisqu’il venait d’assister à une guérison plus rapide que celle d’un humain. Mais être hanyou supposait plusieurs capacités que Sesshoumaru passa en revue en prenant appui sur ce qu’il savait de son demi-frère. L’idée ne l’enchantait pas vraiment mais c’était le seul repère qu’il avait à disposition.


Premièrement, si la nature de Rin changeait, sa capacité à recouvrer ses forces très rapidement et à soigner ses blessures devrait être manifeste. Ce qui était le cas pour le moment. Malgré tout, sa vitesse de cicatrisation restait inférieure à celle d’un véritable youkai. Puis, des aptitudes physiques devraient se développer à court ou long terme. Elle pourrait faire des bonds prodigieux à défaut de voler (ce que seuls les youkai pouvaient accomplir) et être beaucoup plus rapide dans ses mouvements ce qui sous-entendait de très bons réflexes. Venaient enfin les détails anatomiques. Etant donné qu’elle portait en elle quelques gouttes de sang d’un inu youkai, elle risquerait de ressembler à son cher demi-frère. Il fallait donc se préparer à la voir arborer, dans le pire des cas, les mêmes oreilles que ce dernier. Ses ongles allaient sûrement être remplacés par des griffes solides et redoutables.


Ce qui la gênerait également seraient ses dents. Elle aurait du mal à manger ou risquerait de se blesser les premiers temps en raison de canines hypertrophiées. Quant au changement de régime alimentaire, il y aurait peu de chances pour que cela soit une conséquence logique de sa nouvelle morphologie. Il n’y avait qu’à voir de quoi Inuyasha se goinfrait à longueur de journée quand il ne se battait pas ou ne paressait pas sur une branche d’arbre. En rapport avec ces quelques mutations, Rin pourrait très bien souffrir d’hyperesthésie : son odorat, son ouïe et sa vue seraient décuplés. Une dernière chose enfin le tracassait : et si Rin devenait … immortelle ? A cela, il n’était pas encore capable de répondre. Il faudrait attendre une trentaine d’années environ : si elle conservait toujours l’apparence de ses vingt ans et si elle restait en vie jusque là, alors il pourrait la considérer comme un véritable hanyou.


Quelques semaines après l’incident, Sesshoumaru se décida à tester Rin sur son aptitude au saut. Il planta donc la fillette face à un arbre dont les premières branches se situaient à cinq mètres de hauteur.


—   Rin ! Grimpe là-haut ! ordonna-t-il froidement.


La petite qui, au début, n’avait pas compris pourquoi elle se trouvait devant un arbre qui ne portait même pas de fruits ni ne parlait comme Bokuseno, se mit à hésiter bien qu’elle sût que cette petite rébellion serait très mal vue par son maître. Elle se risqua dans une apologie :


—   Mais … Sesshoumaru-sama … je ne peux pas : le tronc est beaucoup trop lisse pour que je puisse m’y agripper et les branches sont trop hautes.


Nullement décontenancé par la réplique à laquelle il s’attendait, Sesshoumaru alla plus loin dans la provocation :


—   Dans ce cas, utilise tes griffes.


Rin ne comprenait pas pourquoi Sesshoumaru se montrait aussi obstiné alors qu’il connaissait ses réelles capacités ou plutôt ses handicaps d’humain. Elle baissa la tête, confuse, prête à recevoir le châtiment divin :


—   Mes ongles, corrigea-t-elle, vont se briser avant même que je n’arrive à les enfoncer dans le tronc. Les miens ne sont pas aussi solides que les vôtres, Sesshoumaru-sama !

—   Alors, saute.


Surprise de sa réplique et de son entêtement, Rin releva la tête qu’elle tourna légèrement, curieuse de voir l’expression que portait le visage du youkai après tant d’insolence. L’impassibilité, comme d’habitude, ce qui ne laissait rien présager de bon. Avant un combat dans lequel son adversaire perdait immanquablement la vie, Sesshoumaru arborait toujours ce masque froid. Tant pis ! Elle camperait sur ses positions :


—   Hmmff ! Je suis navrée, Sesshoumaru-sama, mais je n’y arriverai pas !


Et comme elle l’avait prévu, la sentence tomba :


—   Tu oses me désobéir ?! Tu sais ce qu’il en coûte de ne pas suivre mes ordres et de te dresser sur mon chemin ?

—   Noon ! Sesshoumaru-sama ! Je n’ai absolument pas l’intention de vous désobéir mais … je … comment dire les choses sans que vous vous fâchiez … je ne peux tout simplement pas faire ce que vous exigez car … je ne suis … qu’une faible humaine.


Un lourd silence suivit « l’altercation » entre la petite humaine et le grand youkai. Pendant tout ce temps, Rin était restée devant son arbre et son regard s’était à nouveau porté vers l’objet de son épreuve, n’osant plus affronter celui de son maître sachant que le couperet allait tomber.


Un froissement de soie se fit entendre. Ca y est ! Il allait prendre son épée et la couper en deux ! Puis, de légers bruits de pas suivirent mais s’éloignèrent d’elle. Rin releva la tête, les yeux exorbités : il lui laissait la vie sauve ? Impossible ! Il allait certainement lui faire manger les pissenlits par la racine d’ici quelques secondes. Mais Sesshoumaru ne se retourna même pas ; au contraire, il partit sans plus se préoccuper d’elle. Elle l’avait déçu. Profondément. Blessé même. Comment avait-elle osé se rebiffer contre celui qui la protégeait et la nourrissait ? Si elle ne pouvait rien fournir en échange à part sa gratitude, elle aurait au moins dû se montrer plus serviable et obéissante pour mériter d’être à ses côtés. Sesshoumaru était d’une patience infinie avec elle. D’autres personnes seraient mortes pour moins qu’une réponse déplacée !


Il fallait rattraper le peu d’estime qu’il lui gardait encore. Elle tenta quand même d’escalader le tronc à mains nues. Elle cracha dans ses mains, les frotta l’une contre l’autre et les plaça fermement de chaque côté du tronc. Après tout, elle n’avait même pas essayé d’escalader le géant ; comment aurait-elle pu tout de suite dire qu’elle était incapable d’une telle action. Si Sesshoumaru l’avait mise à l’épreuve, c’est qu’il pensait bien qu’elle avait les ressources nécessaires en elle pour y arriver. Elle était sûre de surmonter la difficulté : Sesshoumaru-sama ne voulait que son bien.


Mais à ce moment, Sesshoumaru se retrouva tout à coup à quelques centimètres de la pauvre enfant, les yeux rouges, menaçant et grognant, à deux doigts de prendre son apparence normale. Rin n’osa même pas s’assurer que c’était bien lui. Elle savait qu’il lui en voulait. Mais, en sentant son souffle chaud de prédateur, à travers ses cheveux, caresser sa nuque, elle fut tellement effrayée, qu’au lieu de détaler comme une proie, réflexe normal, elle fit un bond de plusieurs mètres pour atterrir dans l’arbre et dépasser les branches initialement indiquées. Elle ne réalisait pas encore ce qui venait de se passer. Elle s’accrocha néanmoins fébrilement à sa branche, à la manière d’un paresseux, trop contente d’avoir échappé au coup de croc qui lui était destiné. Quelques minutes passèrent. Sesshoumaru se calma et Rin s’assit sur sa branche, sa main droite appuyée sur le tronc et ses jambes se balançant dans le vide. Il la regardait nonchalamment ; en réalité, il n’avait pas voulu la tuer, elle l’aurait juré. Tout au plus lui avait-il fourni un petit coup de pouce. Rassurée par cette évidence, elle demanda :


—   Excusez-moi, Sesshoumaru-sama mais … comment je fais pour descendre ?


Il ne sourit pas à cette remarque puérile mais conserva son air sérieux et compassé :


—   Tu as réussi à monter ; tu peux aussi descendre.


Là-dessus, il lui tourna le dos et s’éloigna pour de bon, en direction du camp. Ce test venait de lui confirmer ses premiers soupçons suite à la cicatrisation : Rin n’était plus à cent pour cent humaine à cause de ce diable de Koshiromaru ou plutôt … d’elle même ! Si elle ne l’avait pas mordu aussi férocement, il ne l’aurait pas frappée et jamais son sang ne se serait mélangé à celui de la petite. Si elle ne s’était pas mise en colère inutilement (la colère est toujours mauvaise conseillère), si elle n’avait pas voulu le défendre, si enfin il ne l’avait pas ressuscitée … tous ces « si » … il devait gérer la situation maintenant. S’occuper à nouveau d’un hanyou ? Il en avait déjà éduqué un dans ses jeunes années par devoir plus que par envie. Le résultat ? Une guerre fratricide. Maintenant qu’Inuyasha savait se défendre, il n’avait plus de scrupules à le tuer pour récupérer l’épée qui lui revenait de droit.


Mais avec Rin … c’était le jour et la nuit. Elle ne pourrait jamais le haïr comme son frère. Au contraire, elle le protégerait encore malgré son infériorité. Il en avait été le témoin quelques semaines plus tôt. Pourquoi était-elle devenue enragée lorsque Koshiromaru le dénigrait ? Il pouvait se défendre tout seul ! Mais son ennemi l’avait deviné : elle tenait à lui plus que tout. Pour quelle raison ? Pour lui avoir redonné la vie ? Bien plate excuse ! Son kimono ? Argument frivole ! Sa … gentillesse ? IMPOSSIBLE ! Il ne lui avait témoigné aucune affection : tout au plus la laissait-il dormir contre sa fourrure les soirs de grand froid. L’humaine l’avait « adopté » pour une raison inconnue et cela le mettait énormément mal à l’aise. Jamais il n’aurait attendu autant, oui, autant d’abnégation de la part de cette race méprisable. C’en était déroutant et il détestait perdre le contrôle de la situation. Il émit un léger grognement et se retrouva devant le campement.


Dix minutes plus tard, alors qu’il avait tenté de faire le vide, Rin apparut, le visage couvert de terre mais un sourire radieux l’illuminait. Sesshoumaru-sama venait à nouveau de lui faire passer une épreuve. Mais cette fois, elle s’y était pliée de bonne grâce et n’avait pas rechigné. Sesshoumaru sentit qu’elle n’avait rien de cassé mais la réception restait encore à travailler.


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