Indiana Jones et l'Ultime Tromperie de Loki
Chapitre 1 : Indiana Jones et l'Ultime Tromperie de Loki
6734 mots, Catégorie: K+
Dernière mise à jour 01/03/2021 13:05
Indiana Jones et l’Ultime Tromperie de Loki
Cette fanfiction participe aux Défis d’écriture du forum Fanfictions.fr : « Vous m’en direz temps » (février-mars 2021).
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L’aventurier au fedrora indémodable et au fouet robuste s’enfonça dans les méandres de la caverne, qui devait le mener vers l’un des artefacts les plus mystérieux au monde. Le froid norvégien maltraitait son visage, rougi par le vent. Son seul manteau de cuir et sa chemise étaient bien trop légers pour la rudesse des pays du Nord. Mais il ne s’en souciait guère. Indiana Jones avait déjà connu bien pire auparavant. Après avoir combattu des Nazis, après avoir dissout une secte en Inde, après avoir vécu des aventures incroyables, Henri Jones Jr. pensait avoir tout vu. Et pourtant, le lieu dans lequel il pénétrait était loin d’avoir révélé tous ses secrets.
Indy avait réussi à trouver l’entrée de la grotte, grâce à la carte qu’il avait reçu d’un énigmatique professeur, venu d’un pays étranger ; ce dernier lui avait fait part de cette incroyable découverte quelques mois auparavant. La carte en question comportait une énigme, qui lui avait donné du fil à retordre, mais qu’il n’avait pas tardé à résoudre. Il suffisait de suivre le schéma que formait les pierres composant un mégalithe, en se basant sur les étoiles, afin de trouver l’entrée bien cachée de cette cavité. Le long chemin de la grotte pointait en direction d’un ancien lieu de culte viking, bâti secrètement en l’honneur du dieu Loki, abrité dans les profondeurs de la terre.
Le professeur Jones, armé d’une puissante lanterne, venait de parcourir l’intérieur de cette profonde et étroite caverne tortueuse depuis plusieurs minutes. C’est alors qu’il tomba enfin sur un signe de civilisation : une grande porte en pierre, bardée de gravures vikings, lui barrait le passage. Au-dessus, une inscription écrite en runique indiquait : « Ici repose le dernier artefact de Loki, dieu de la malice et de la tromperie ». A droite et à gauche de la porte, se trouvaient deux torches éteintes.
Il tenta de pousser la porte, mais rien à faire, elle ne bougea pas d’un pouce. Il devina alors l’utilité de ces torches : les allumer libérerait sûrement le passage. Grâce à la flamme de son briquet, il alluma les deux torches. A cet instant précis, la porte s’ouvrit dans un grondement phénoménal, qui surprit l’aventurier, en faisant trembler les parois de pierre.
L’entrée qu’il venait d’ouvrir surplombait un impressionnant temple souterrain, aux voûtes hautes et massives, et aux magnifiques colonnes taillées dans la pierre, agrémentées de motifs nordiques. La salle oblongue, surmontée par plusieurs plafonniers, avait des airs de cathédrale. Les murs latéraux étaient ornés de plusieurs boucliers ovales, arborant différentes armoiries. Au centre, un chemin dégagé entre les colonnes menait vers un autel, sur lequel se tenait un coffre en or, décoré de sculptures finement réalisées.
L’archéologue posa un pied sur la première marche de l’escalier qui conduisait au temple, lorsqu’il eut un mauvais pressentiment. Trop souvent, il s’était laissé duper par des pièges occultes ou des prétendus alliés à la trahison facile. Mais en ce jour fatidique, le professeur était seul dans cette quête. Seul, dans ce lieu oublié des hommes. C’est pourquoi il devait redoubler de méfiance.
L’aventurier prudent attrapa une pierre qui se trouvait-là et décida de la faire dévaler jusqu’au milieu du temple. Il lança le caillou, qui rebondit lestement sur les marches, comme une puce de foire, avant de se retrouver en plein milieu du temple, entre les piliers. Comme il s’y attendait, un piège des plus vicieux se déclencha : les boucliers accrochés au mur de chaque côté cachaient en fait des sortes d’énormes pilons en pierre, destinés à broyer quiconque se tiendrait en plein milieu de ce temple. Les quatre boucliers, tenus à l’extrémité des pilons, s’entrechoquèrent un à un dans un fracas monumental avant de revenir à leur place initiale. Durant l’opération, le pauvre caillou se retrouva réduit à l’état de poussière.
D’un pas lent et méthodique, Indiana Jones descendit chaque marche de l’escalier en pierre et s’arrêta sur la dernière. Il observa le lieu avec attention. Le sol semblait normal et parfaitement plat, en apparence. Cependant, l’archéologue soupçonnait quelque chose d’inhabituel, sans arriver à déceler ce qui déclenchait le piège. Mais il devait tenter quelque chose.
Après avoir sorti son fouet, il jeta un autre caillou en direction du centre du temple. Soudain, le piège se déclencha à nouveau et il attendit le moment où les boucliers se rejoignirent afin de sauter sur le pilon de gauche. En gardant l’équilibre, il fut capable de rester debout pendant quelques secondes. D’un coup sec, il déploya son fouet et le lança en direction des arcs-boutants soutenant le plafond. Le fouet s’enroula fermement autour de l’un d’eux.
L’aventurier s’élança en avant pour atterrir lourdement sur le pilon suivant. Il fit de même pour le second. Il s’apprêta à s’accrocher à l’arc-boutant suivant, mais c’est alors que le pilon commença son retour en arrière. Déstabilisé, Indy réussit à tomber en avant et effectua une petite roulade sur le sol, afin de se rattraper.
Mais il n’avait pas de temps à perdre : le piège était de nouveau en marche et il était pratiquement sur sa trajectoire. Dans un geste athlétique, Jones se mit à courir et glissa sur le sol afin d’éviter avec succès le quatrième et dernier pilon. L’archéologue casse-cou souffla un peu, essuya la sueur sur son visage d’un revers de manche, avant de remettre en place son chapeau sur la tête et de raccrocher son fouet au niveau de sa ceinture.
Indiana Jones s’approcha avec prudence de l’autel sur lequel reposait un énorme coffre doré. L’envie de l’ouvrir était tentante, mais le célèbre aventurier connaissait les risques du métier. Il analysa le coffre et découvrit qu’il n’était protégé que par un simple verrou. D’un coup de crosse de revolver, il réussit à le briser. Indy fit ensuite le tour de l’autel et se plaça derrière le coffre au trésor avant d’en soulever le couvercle. Tout à coup, une colossale gerbe de flamme jaillit depuis l’intérieur du coffre. Rapidement, il s’empressa de refermer ce coffre maudit et la flamme scélérate disparut. Il l’avait échappé belle : cette flamme-là l’aurait rôti sans concession, si jamais il avait eu la bonne idée d’ouvrir ce coffre face à lui. Il s’agissait encore là de l’un des pièges les plus perfides.
Il se tourna alors vers le mur derrière lui, qui se retrouvait être la seule issue possible. Il comportait plusieurs plaques, représentant plusieurs animaux : un ours, un loup et un serpent. Une vieille inscription, inscrite au-dessus, mais à peine lisible, ressemblait à un poème :
"Ô Loki
Dieu de la malice
Ton artefact repose ici
A l'abri du regard des impies
Mais souviens-toi de ton supplice
Car l'un de ces animaux
En est le complice
Qui est ce renégat, auteur de tes maux?"
Le célèbre professeur se frotta le menton, réfléchissant à l’énigme qui lui était soumise. Fort heureusement, il avait revu ses leçons d’histoire. Dans la mythologie nordique, Loki, après avoir commis le meurtre de Baldr, l’un des fils d’Odin, fut capturé par Thor avant d’être emmené par les Ases dans une caverne, afin de subir un supplice infernal : un serpent fut placé au-dessus de lui, de sorte que du venin lui coule continuellement sur le visage.
Avec une certaine appréhension, l’archéologue appuya sur la plaque représentant le serpent, avant de retenir son souffle. Heureusement, il constata avec soulagement que le mur se souleva lentement, secouant avec lui le temple entier. Le lever de rideau dévoila en réalité la suite, c'est-à-dire le véritable temple. Indy comprit alors que la salle dans laquelle il se trouvait n’était qu’une antichambre, destinée à brouiller les pistes et à anéantir les aventuriers les plus irréfléchis.
Et il discerna aussi rapidement pourquoi tout ce stratagème avait été mis en place. Car cette nouvelle chambre contenait en réalité ce qu’il était venu chercher. Le seul artefact de Loki dont l’existence était avérée, un artefact dont peu de personnes connaissait l’existence : ses fameuses chaussures, qui permettraient à quiconque les enfile de courir à travers les airs et la mer.
Il les avait désormais sous les yeux, de magnifiques chaussures pointues dorées plus brillantes que jamais, bardées de pierres précieuses. Bien-sûr, Indy savait que ce n’était qu’une légende. Malgré tout, cet artefact n’avait sa place que dans un musée. Il devait le ramener avec lui, avant que quelqu’un d’autre ne le trouve à sa place et ne le revende.
La chambre qu’il venait de mettre au jour était entourée de murs arrondis richement décorés, avec des motifs exceptionnels gravés dans la roche. Une superbe arche en pierre surmontait le petit piédestal, sur lequel se trouvaient les chaussures, gardées là depuis des siècles et des siècles.
Malgré son excitation intérieure, Indy devait rester avisé. Il scruta avec attention le sol du temple ainsi que le mur, mais ne repéra rien de particulier. Il s’avança prudemment vers l’artefact en question, en analysant chaque recoin du sol au plafond. Il observa le piédestal et n’y trouva rien d’anormal. Il le tenait à portée de main, il n’avait plus qu’à tendre les doigts.
Néanmoins, son instinct lui susurrait à l’oreille que quelque chose n’allait pas. C’était bien trop facile, mais il décida pourtant de continuer. Il approcha la main des chaussures durant quelques secondes, qui lui parurent une éternité.
Mais alors qu’il toucha enfin l’artefact de ses propres mains, un vertige inévitable s’empara de lui. Le temple entier autour parut s’effondrer sur lui-même. Indy pensait désormais sa fin toute proche, après tant d’aventures. Il avait la sensation que tout son corps s’élevait dans les airs. Soudain, un éclair blanc occulta sa vision, le laissant aveugle pendant quelques secondes.
*
* *
Quand il put enfin rouvrir les yeux, il comprit qu’il n’était plus au même endroit. Il jeta un regard autour de lui, et devina rapidement qu’il était revenu au mégalithe. Une tempête de neige glaçante, qui avait envahi le paysage verdoyant, obligea Indy à placer ses mains devant ses yeux.
Plusieurs questions se bousculèrent dans son esprit, à commencer par savoir comment il s’était retrouvé là. Cet artefact semblait avoir eu un effet sur lui, sans qu’Indy sache réellement quoi. Peut-être avait-il perdu connaissance ?
Il balaya du regard les environs. Malgré la faible visibilité, il aperçut un bâtiment posé sur un tertre, dont il n’avait pourtant pas souvenir. Il ressemblait à une maison longue, comme on en trouvait autrefois chez les Vikings. Ne sachant pas réellement quoi faire d’autre, désemparé comme il l'était et gelé jusqu’à l’os, il prit la décision de se diriger vers cette dernière, en dépit de l’obscurité nocturne.
Après avoir gravi la colline, Indy se retrouva devant cette gigantesque maison longue, qui avait vraiment l’air authentique. C’était comme si quelqu’un l’avait ramené jusqu’ici depuis une lointaine époque. Frigorifié, l’aventurier ne chercha pas à comprendre et se dirigea vers la porte. Mais avant de pénétrer dans la maison, Indy entendit des bruits à l’intérieur, des éclats de rire, des bruits de fêtes et des chants. D’un geste sec, il poussa la double porte en bois.
La porte s’ouvrit lentement en grinçant, poussée par le vent impétueux, et se mit à claquer contre le mur. Les voix se turent progressivement, tandis que les personnes qui se trouvaient-là se retournèrent à l’unisson vers le nouvel arrivant, toujours caché parmi les ténèbres de la nuit glaciale.
Des hommes, des femmes et des enfants étaient réunis autour d’un banquet, éclairés par les seules lumières des bougies et des torches qui réchauffaient la pièce. L’opulence des plats sur les tables donnaient une idée de l’importance de la fête. Mais le plus étonnant restait leurs vêtements et leurs coiffures : les hommes étaient habillés de capes rembourrées de fourrure, de vieilles tuniques et des culottes en lin, tandis que les femmes étaient vêtues de chaudes robes en laine et de chaussures en cuir.
Il n’en croyait pas ses yeux : cela ressemblait à une véritable image sortie tout droit d’un livre d’histoire. S’agissait-il d’une reconstitution ?
« Euh, bonjour ? lâcha Indy en claquant des dents.
Des messes basses se firent entendre parmi la foule, avant que l’homme, assis sur un trône reposant sur une estrade au fond de la salle, ne se levât soudainement. Sa tenue était beaucoup moins rustique que celle des autres et la fourrure qui l’entourait était bien plus longue. Il portait également un magnifique diadème, sur son crâne aux cheveux bouclés longs et bruns.
— A qui dois-je l’honneur, étranger ? demanda l’homme.
Son dialecte était étrange. Cela ressemblait à du vieil anglais mélangé à des langues scandinaves.
— Je m’appelle Indiana Jones. Je menais des fouilles archéologiques lorsque je me suis retrouvé ici, sans trop savoir comment. Et vous, qui êtes-vous ?
— Je suis le jarl Gunnar Göransson, déclara-t-il avec une certaine fierté, descendant des plus nobles guerriers de cette terre.
Indiana Jones s’avança dans la lumière pour profiter de la chaleur de la pièce. C’est alors que des murmures d’indignation et d’étonnement s’élevèrent parmi la foule. Indy s’arrêta net, ne comprenant pas vraiment ce qui pouvait offusquer ces curieux personnages.
— Qu’est-ce donc que cet accoutrement ? s’exclama Gunnar Göransson.
Indy jeta un œil à ses vêtements des pieds jusqu’au torse. Ils étaient sales, certes, mais pas autant que d’habitude.
— Désolé de vous importuner, expliqua Indy, mais ce sont mes vêtements de travail. Je vous l’ai dit, je suis professeur d’archéologie.
Un silence pesant s’installa dans la pièce, tandis que des gardes à la carrure de dur-à-cuire et aux armures scintillantes refermèrent la double porte. Tout à coup, une autre personne, un vieil homme à la longue barbe, se leva parmi l’assemblée.
— Les dieux nous envoient un mauvais présage !
Indy le dévisagea un instant, tentant de comprendre. Un sourire en coin se dessina un instant sur son visage, une plaisanterie étant la seule possibilité qui apparut au fond de son esprit. Il changea cependant rapidement d’avis et écarquilla grand les yeux lorsque le jarl se mit à sortir une énorme hache de son fourreau.
— Björn a raison ! s’exclama-t-il. Cet homme n’a rien à faire ici !
— Quoi ? hurla Indy. Mais qu’est-ce que…
— Mes guerriers ! cria le jarl à pleins poumons. A vos armes !
C’est alors qu’un mouvement de panique s’empara de l’assemblée. Plusieurs femmes et leurs enfants s’enfuirent de la maison longue par la porte de derrière en pleurant à chaudes larmes, tandis que les hommes et quelques femmes taillées dans le roc s’emparèrent de différentes armes, des épées longues en passant par les haches et les marteaux.
— Oh, bon sang, murmura l'aventurier.
Indy leva les bras en l’air, tentant ainsi de se disculper, mais en vain. Du coin de l’œil, il repéra derrière lui les deux gardes qui avaient fermé la porte après son passage, et qui essayaient soudain de se jeter sur lui. Il se retourna vers eux et dégaina son fouet. Il attrapa d’abord celui de droite par les pieds et tira d’un coup pour le faire tomber, avec succès.
Indiana avait su profiter de l'effet de surprise, mais le second n’allait sans doute pas se laisser faire aussi facilement. Ce dernier tenta de lui asséner un coup de hache au niveau du cou, mais Indy l’évita de justesse. Grâce à un coup de pied bien placé, il envoya l’arme de son adversaire valser en l’air. Le garde, ébahi, regarda son arme voler et ne put éviter le coup de poing au visage lancé par l’aventurier farouche.
Indy se retourna alors vers les dizaines d’autres adversaires qui l’attendaient et qui couraient dans sa direction. Il plaça sa main au fourreau de son pistolet, et songea à l’utiliser, mais ne s’y résigna pas. Ces gens-là n’étaient ni des nazis, ni des esclavagistes d’enfants issus d’un sombre culte, ils étaient simplement effrayés, comme il l’était lui-même. Cependant, il savait qu’il ne pourrait les raisonner.
Il reprit alors son fouet bien en main et se prépara à l’attaque. L’un des guerriers, armé d’un marteau de forgeron, fut le premier adversaire à se présenter, le marteau levé bien haut, prêt à frapper l’aventurier. D’un coup de fouet, Indiana frappa l’homme au niveau du ventre, qui se pencha en avant en hurlant de douleur et lâcha son marteau à terre. Mais la situation se compliquait tandis que Jones aperçut derrière l’homme un guerrier et une guerrière, la hache et l’épée à la main.
Grâce à l’adrénaline, qui accélérait le train de sa pensée, Indy mit en place son plan d’évasion. Il ramassa le marteau à terre et frappa l’homme avec le manche. Le soldat s’effondra, blessé, mais toujours en vie. Jones s’occupa alors des deux autres. Il reprit le marteau par le manche et le lança en direction du guerrier, qui le reçut en plein dans le ventre. L'expression sur son visage passa de la colère à la souffrance, tandis qu’il se tordait de douleur, allongé sur le sol.
La guerrière paraissait déterminée, mais elle n'eut pourtant le temps de rien faire, puisqu’Indy accrocha son fouet sur son arme et l’envoya jusqu’au plafond. La lame tranchante de l’épée coupa alors l’une des chaînes du plafonnier, qui se balança sur la gauche. Dans son mouvement de pendule, le plafonnier laissa échapper une bougie de cire, qui se mit à enflammer la table couverte d’alcool.
Oh, ça sent le roussi, pensa Jones à part lui.
Il sauta sur la table et asséna un grand coup de pied à la guerrière au niveau du visage. Puis, avec une adresse certaine, l’aventurier agrippa son fouet au plafonnier et se laissa porter au-dessus des flammes naissantes. Cependant, il n’avait pas prévu la fragilité de la chaîne qui le soutenait. Car alors qu’il s’apprêtait à atterrir de l’autre côté de la table, la chaîne se détacha dans un cliquetis inquiétant. Dans un mouvement de panique, Indy tenta de se raccrocher à quelque chose, mais en vain. Il fut alors projeté en avant et se retrouva sur le dos à glisser sur la table, parmi les détritus, les choppes, les verres et la nourriture encore fraîche. Sa course se termina à l’extrémité de la table, où il réussit à remettre les pieds au sol en un seul morceau.
Mais le danger n’avait pas disparu : il fut bientôt entouré par le restant des guerriers du jarl, ceux en tous cas qui n’avait pas encore fui la maison longue, qui se consumait désormais lentement sous l’effet des flammes. Acculé, mais pas vaincu, Indy dut à nouveau réfléchir en vitesse à une échappatoire. Il fit alors tournoyer son fouet autour de lui afin d’éloigner les attaques des soldats alentours, puis dirigea le fouet vers le visage du jarl, qui le reçut en pleine face. Celui-ci tomba à terre, à genou, en tenant son visage ensanglanté entre ses mains, grognant de douleur.
Indy profita de l’ouverture pour s’échapper et se mit à courir en direction du jarl. Il esquiva une attaque venue de la droite et sauta au-dessus du jarl avant de foncer vers la porte de derrière. Une fois à l’extérieur, il jeta un rapide coup d’œil dans les environs et ne remarqua plus personne. Tous ces gens devaient avoir fui quelque part.
Il se mit alors à courir en direction du mégalithe, les pas alourdis par la neige. La tempête avait diminué en intensité et les nuages dans le ciel s’étaient dissipés pour la plupart, mais quelques flocons s’abattaient encore sur les terres. Une fois arrivé, il s’appuya alors contre l’une des pierres qui parsemaient le terrain, afin de reprendre son souffle. Il se retourna et observa brûler au loin la maison longue. La fumée du brasier montait vers le ciel, désormais habité par les célèbres aurores boréales des pays du Nord, qui éclairaient la terre de mille couleurs.
Mais il fut soudain sorti de sa torpeur par la voix d’un homme qui se trouvait derrière lui.
— On dirait bien que la destruction est l’apanage de tous les hommes. Y compris vous, Docteur Jones.
Indy se retourna avec effroi vers l’homme qui venait de prononcer ces paroles énigmatiques, en posant ses mains sur son pistolet. C’était une silhouette sombre encapuchonnée, légèrement cachée derrière l’une des pierres.
— Qui êtes-vous ? s’écria Jones.
Le mystérieux étranger sortit lentement de sa cachette, enleva sa capuche et dévoila son visage, éclairé par la lointaine lumière des flammes. Alors, Jones reconnut immédiatement avec surprise à qui il avait affaire : c’était le professeur qui lui avait donné ses indications des mois plus tôt. Mais cet homme-là devait forcément cacher autre chose.
— Je suis Loki, dieu de la malice et de la tromperie, déclara le soi-disant professeur, un sourire aux lèvres.
Incrédule, Indiana Jones pouffa de rire.
— C’est une blague, pas vrai ?
— Je fais souvent des blagues, mais celle-ci n’en est pas une, je le crains.
Indy le fixa du regard, espérant déceler une faiblesse dans ses yeux, qui trahirait son mensonge, en vain.
— Alors, quoi, vous êtes… un dieu ?
— J’ai bien réussi à vous amener jusqu’ici, non ? Alors, oui, je crois bien que je suis un dieu.
— C’est impossible, grommela Jones. Comment avez-vous…
— Les chaussures, Docteur Jones. Vous croyiez sincèrement que j’allais laisser mes célèbres chaussures aussi facilement accessibles ? Non. C’est pour cela que j’ai crée ce double, que vous avez trouvé dans la grotte. Mais au lieu de vous faire traverser les airs et la mer, celui-ci a une toute autre fonction.
— Laquelle ? s’empressa de demander l’archéologue.
— Alors, vous n’avez toujours pas compris ? C’est pourtant simple : elles servent à vous faire voyager à travers le temps.
Indy commença alors à douter sérieusement de sa santé mentale. Pourtant, il réalisa que ce qu’avait dit Loki pouvait être la clef pour expliquer tout ce qu’il venait de vivre ; tout prenait enfin sens dans son esprit.
— Si c’est vrai, alors, en quelle année sommes-nous ? s’enquit Indiana, toujours perplexe.
Loki afficha un grand sourire décontracté.
— Nous voici en l’an de grâce 875, sur les terres du jarl Gunnar Göransson. Malheureusement pour lui, il devra bientôt laisser sa place, j’en ai peur.
Indy resta un instant silencieux, essayant de digérer la nouvelle, qu’il aurait cependant pu comprendre bien plus tôt.
— Que va-t-il lui arriver ? demanda Indy, à propos du jarl.
— Eh bien vous le découvrirez dès ce soir, puisque c’est vous qui allez tuer cet être impie.
Jones resta bouche-bée, incapable de croire de telles paroles, surtout lorsqu’elles sortaient de la bouche du dieu même de la tromperie.
— Jamais je ne ferai une chose pareille, affirma l’archéologue avec ténacité.
— Il va bien falloir, si vous voulez rentrer chez vous.
Indy dévisagea le dieu trompeur, dont le visage arborait un grand rictus machiavélique. Il lui apparaissait clairement qu’il n’avait aucune intention de l’aider ou même de le ramener chez lui. Il mentait, comme il savait si bien le faire. Jones devait trouver un autre moyen.
Soudain, le visage du professeur d’archéologie s’illumina. Il avait une idée qui pouvait marcher, mais dont l’issue était terriblement incertaine. Il devait retourner dans la grotte, entrer dans le temple et détruire ces chaussures infernales à cette époque-ci, pour retourner vers le futur.
— Non, il y a un autre moyen, conclut Indiana, avec détermination.
Délaissant le dieu sordide, il se mit en route vers l’entrée de la grotte, lorsque Loki l’interrompit en se plaçant devant lui.
— Mais que faites-vous ? lui demanda Loki. Je vous ai déjà donné le moyen de rentrer chez vous ! Accomplissez votre tâche, comme un bon mortel bien obéissant, et vous pourrez quitter cette époque pour de bon.
— Non ! Je sais très bien ce qu’il se passera si je vous obéis. Ce n’est pas pour rien que vous êtes le dieu de la discorde, n'est-ce pas ? Je vais détruire vos chaussures une bonne fois pour toute et je rentrerai chez moi.
Indy contourna le dieu et continua sa route. Mais celui-ci ne le lâcha pas d’une semelle.
— Vous ne pouvez pas faire ça ! s’écria le dieu des illusions. Si vous détruisez les chaussures maintenant, vous créerez un paradoxe temporel.
Jones se stoppa net.
— Un paradoxe temporel ?
— Oui ! Si les chaussures ne sont plus ici, à cette époque, jamais vous n’aurez l’intention de les chercher en 1946, et jamais vous ne vous retrouverez en 875 pour les détruire !
Indy réfléchit alors au problème qu’impliquait l’idée qu’il avait eu. Il avait lu La Machine à explorer le temps entre deux cours d’archéologie, en revanche, il ne se souvenait pas d’avoir entendu parler de paradoxe temporel. Pourtant, ce que disait le dieu de la malice semblait logique, finalement. Mais peut-être qu’il n’était pas totalement dans le vrai. Peut-être qu’en détruisant les chaussures, un autre artefact prendrait sa place et annulerait le paradoxe. Il n’avait pas d’autre choix.
— Je tente ma chance » répondit Indiana Jones, avant de prendre la route de la grotte, pendant que Loki le regardait partir, abasourdi.
*
* *
Quelques minutes plus tard, il se retrouva devant l’entrée de la grotte. Il l’avait facilement retrouvée, grâce aux nombreuses traces de pas qui recouvraient la surface neigeuse au sol ; celles des habitants, qui avaient dû fuir dans ces cavernes.
Indy ramassa une torche, que l’un des habitants affolés avait dû laisser tomber là, et s’engouffra à nouveau dans la cavité. Il arriva devant la porte du temple, qui était cette fois grande ouverte. Jones commença alors à entendre des bribes de conversation dans à l'intérieur. Les vikings semblaient débattre à propos de leurs différentes options et de leur jarl, qui ne vénérait pas Loki comme les autres habitants le faisaient.
Indy observa la scène en surplomb, agenouillé, en se frottant le menton. Ils étaient bien trop nombreux, et malgré le manque de guerrier dans leurs rangs, il ne pourrait passer outre cette foule. Il devait réfléchir à un plan, à plusieurs plans, même. Indiana Jones était un adepte de la préparation, mais cela ne l’empêchait pas d’improviser en cas d’urgence.
D’ailleurs, l’archéologue intrépide venait d’avoir une nouvelle idée : il dégaina son revolver, le pointa vers le ciel et fit feu. Toute l’assemblée hurla de peur, se baissa et se retourna vers l’origine du bruit tonitruant. Derrière les visages transparaissaient la peur et l’effroi, mais aussi la curiosité et l'intérêt.
Indy descendit rapidement les marches, sous le regard des vikings apeurés. Jones reconnut rapidement Björn, le vieil homme à la longue barbe, qu’il avait vu dans la maison longue.
« Par Thor, ne nous faites pas de mal ! s’exclama-t-il, à genou, en suppliant.
— Je n’en ai pas l’intention, affirma Indiana Jones. Je veux simplement les chaussures que vous protégez.
— Elles ne vous serviront à rien, expliqua une femme dans l’assemblée. Elles n’ont aucune utilité, contrairement à votre… outil créateur de tonnerre.
Indy jeta un dernier regard à son revolver.
— Si vous me laissez les chaussures, l’instrument de tonnerre est à vous. J’en fais le serment.
Indy tendit son revolver au vieil homme. Effrayé, ce dernier regarda l’archéologue avec des yeux ronds, puis le revolver, avant d’accepter la requête. Il conduisit alors Indiana Jones jusqu’au piédestal et lui présenta les chaussures. Elles avaient l’air bien plus brillantes que la première fois qu’il les avait vu.
— Qu’allez-vous en faire ? demanda Björn.
— Donnez-moi une dague, je vous prie » ordonna Indy.
Inquiet, Björn s’exécuta et lui donna une dague tranchante. Tous les habitants se positionnèrent autour de lui. Alors, en fermant les yeux, espérant que cela allait marcher, il frappa d’un seul coup les chaussures maudites qui l’avait amené ici. Il ne se passa rien. Indy rouvrit les yeux, pour découvrir la dague plantée dans le talon de la chaussure. Il recommença alors son geste avec plus de force. Soudain, de la lumière brilla à travers la fente qu’il venait de créer. Il sentit alors son corps se désintégrer tandis qu’un autre flash blanc s’attaqua à nouveau à sa rétine.
*
* *
Ses paupières s’ouvrirent avec difficulté, son corps était empli de frissons, comme s’il était dans un état fiévreux. Mais il sentait qu’il était enfin de retour. Il passa sa main sur son visage et sur tout son corps, de la tête au pied. Rien ne manquait, à part un léger détail : son vieux revolver.
C’est alors qu’Indy comprit ce qu’il était advenu de celui-ci : il était posé sur le piédestal, juste sous ses yeux. Il avait sans doute été placé ici par les vikings qu’il avait rencontré, et l’attendait ici depuis plus d’un millénaire. Un élan de bonheur s’empara de lui, tandis qu’il posa la main dessus. Mais il déchanta rapidement lorsque son vieux revolver, rouillé et abîmé, tomba en poussière entre ses mains. Malgré le froid et la protection dont il avait bénéficié, il n’avait pas résisté aux outrages du temps.
Un peu désemparé, Indy se rasséréna en se disant qu’au moins lui était en vie. Plus vivant que jamais. Pourtant, il ne savait toujours pas ce qu’il s’était passé. Est-ce que tout ceci n’était qu’un rêve ? Quelqu’un l’avait-il endormi d’une manière ou d’une autre et remplacé les chaussures par son revolver, tout en faisant en sorte qu’il se dissolve ?
Cela semblait tout à fait irréel, mais si Indiana Jones avait appris quelque chose au cours de ses aventures à travers le monde, c’est qu’il n’était jamais au bout de ses surprises.
*
* *
Quelques mois plus tard, Indiana Jones avait rejoint son université de Chicago, où l’attendaient ses nombreux étudiants et étudiantes, impatients de retrouver les cours du charismatique professeur.
A la fin de l’un de ses cours, Henri Jones Jr. sortit de son sac un bouquin poussiéreux, qu’il avait ramené de la bibliothèque. C’était un livre sur l’histoire des vikings, au IXème siècle après Jésus Christ. Assis à son bureau, il commença à feuilleter les pages, lorsque Marcus Brody, son cher collègue et ami, qui l’avait assisté lors de la quête du Graal contre les Nazis, quelques années auparavant, entra dans la pièce.
« Alors, Indiana, lui a-t-il demandé, ce voyage en Norvège a-t-il porté ses fruits ? Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez ?
— Ah Marcus, je n’en sais trop rien, je n’ai pu ramener que de la poussière, malheureusement.
— La chance a tourné, on dirait, répliqua Marcus, en riant. Mais ne vous inquiétez pas, vous aurez plus de chance la prochaine fois.
Indiana rendit son sourire à Marcus et reprit sa lecture, lorsqu’un détail l’interpela. Il retrouva un nom qu’il connaissait bien : le jarl Gunnar Göransson. Le visage de l’archéologue s’illumina. Mais quelque chose clochait. Ce dernier se faisait appeler Gunnar le Balafré, à cause d’une cicatrice qu’il aurait reçue, selon lui, lors d’une bataille contre le chef d’un autre clan viking. Le livre disait aussi qu'il avait vécu jusqu'à atteindre le vénérable âge de soixante-dix ans.
Indy leva les yeux de son livre et se remémora lentement son combat dans la maison longue, comprenant enfin que tout ce qu’il avait vécu n’était ni un rêve ni une hallucination.
— En vérité, Marcus, dit Indiana en souriant, je crois que cette aventure a laissé bien plus de traces que je ne l’imaginais. »