Hunger Games-Le point de vue de Peeta
Chapitre 3 : Aller simple vers le Capitole
2237 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 09/11/2016 20:05
J'essaie de me reprendre, d'afficher une contenance que je n'ai pas.En vain.Pourquoi me fais-tu défaut aujourd'hui?Savoir à l'avance que votre vie s'achève est une rude épreuve. Tout ce que vous étiez, tout ce que vous auriez pu être. Vous devez l'oubliez.Parceque le sort en a décidé ainsi.Maintenant je dois digérer ce fait, fusionner avec cette notion pour avancer.Non pas pour les caméras qui patientent derrière, carnassiers voraces résolus à immortaliser nos moindre fait et geste.Je dois avoir les idées claires.Un ultime effort...Ma tentative échoue lamentablement.Est-ce à cause de Katniss? Déjà que la situation est difficile, la savoir ici avec moi et partageant le même sort, m'est insupportable.
Toutefois plus vite ce sera fait, mieux je pourrai m'investir et échafauder ma stratégie. Alors pourquoi mon esprit refuse obstinément d'obéir?Tout cela respire encore trop l'irréalité. Mes pensées s'entrechoquent, s'embrouillent. J'ai besoin de temps pour démêler tout ça, mettre de l'ordre.Le temps n'est cependant pas conciliant, autant de précieuses secondes perdues qui s'égrennent pendant que je tergiverse.Me calmer. Le processus doit commencer quelque part.Du chaos est surgi la vie, a évolué, prospéré selon sa volonté.Je cesse donc de lutter, de vouloir tout contrôler. Je lâche prise, me laisse dériver. Je laisse l'anarchie qui menace de tout faire chavirer me guider.Pour reprendre mon ascendant, je dois m'imprégner de ces émotions, en faire le deuil. Toucher le fond pour remonter, plus fort.J'ai toujours basé ma vie sur l'espoir. Je l'ai vécu sans la vivre, regardant défilé les jours dans l'attente, la perspective d'un lendemain meilleur.J'ai laissé glisser entre mes doigts celui que j'étais, chaque jour un peu plus. J'ai endossé le rôle d'acteur au lieu d'en être l'auteur.Laissant mes histoires et mes mensonges me berçer d'illusions. Créer un faux sentiment d'exister, d'infléchir ce que je ne pouvais changer.Toutes ces années, j'ai agité les fils d'un personnage, la marionnette parfaite. Celui que l'on me demandait d'être.Sans poser de question, sans réagir. Aujourd'hui, tout ce qui avait un sens n'est plus.Je suis l'imposteur qui n'a plus d'identité. Qui suis-je? Reste-t-il encore quelques traces visibles sous la couche superficielle?Je pose ma tête entre mes mains.
Le bruit de la porte qui s'ouvre me fait sursauter.Le temps, insouciant et inaltérable. On souhaiterait toujours en avoir plus, ou l'on croit que l'on aura le temps plus tard.Jusqu'au jour ou il y en a plus...On nous conduit à travers l'hôtel de justice. La voiture nous attend, son flanc noir nous absorbe sans un mot.La gare grouille de reporters. Je ne les voie même pas. La saveur amère et salée de mes larmes sur ma langue est tout ce qui me relie à la réalité.Aussitôt embarqué dans le train, il s'ébranle. Indifférent à notre destin, il nous propulse à une vitesse vertigineuse.Émiettant chaque seconde vers ce qui nous attend.Nous disposons d'une heure de liberté dans notre compartiment privé avant le dîner. Le voyage vers le Capitole durera moins d'une journée. Quelques heures seulement avant la mort de tout espoir. En faire le deuil me dévore, me tue aussi assurément que le ferais une lame d'acier.Assez! Je dois mettre à profit le temps qui m'est imparti. Allez, réfléchi!Je m'observe dans la glace, mes mains appuyées sur le rebord du lavabo. Je serre jusqu'à ce que la douleur m'ancre dans le présent.
Ce n'est pas que je n'ai pas l'intention de combattre, que j'ai lâchement abandonné. Soyons honnête, je n'ai simplement pas ce qu'il faut pour survivre. C'est évident! Il ne s'agit pas de m'apitoyer égoistement sur mon sort. D'autre plus forts, plus rapides, plus agiles seront présent. C'est une certitude manifeste, lucide.Il ne me reste plus donc qu'une force à exploiter. Que je maîtrise, manipule à ma guise. Une que je ne pourrai utiliser qu'à l'extérieur de l'arène principalement.Ici et maintenant.La seule qui fera peut-être une différence. Pour moi, pour d'autres...À défaut d'autre chose, je m'en servirai pour être utile à Katniss.Personne ne m'attend, ne dépend de mon retour.Si je dois mourir, autant que ma vie lui serve. Autant le faire à ma façon, selon mes convenances. S'il y a une liberté quelque part, c'est bien celle-ci.C'est le choix que je fais, celui qui me parait juste.Comme si chaque minute de ma vie m'avait conduit à celui-ci.Je prends enfin conscience que l'espoir n'est pas disparu. Il était là, sous mes yeux.Le choc me l'avait seulement oblitérer l'espace d'un instant.
Je suis vulnérable, la victime de prédilection. Cependant, si le bonheur n'a pas été présent, j'ai su le créer. Et toutes sortes d'autres émotions. Fausses et pâles copies peut-être, mais c'est qu'il me manquait l'inspiration. La motivation pour les faire vivre réellement, et non pas seulement les faire trembloter durant un instant pour échapper quelques secondes à ces jours incertains.Je songe à un instant précis. Ou mes affabulations ont pris le pas sur la réalité.Les pains.J'avais onze ans. C'était une journée comme les autres, elles se ressemblent toutes. Il pleuvait, les larmes du ciel détrempant la terre. Lavant le charbon incrusté sur le pavé, logé dans les interstices des maisons. Partout. On aurait pu faire le paralèlle entre le charbon et le quotidien, ils sont d'une nature indissociable. Gris, terne, partout ou le regard se porte. Sans conviction de s'en débarasser de façon permanente. On apprend simplement à vivre avec. On s'en fait une raison.Dans mes souvenirs pourtant, l'éclat du soleil y sera toujours présent.Je l'ai vu rôder dans la ruelle, soulevant les couvercles des poubelles. Ça me semblait irréel. Tout comme il me semblait inconcevable de ne rien faire.J'ai joué l'innocent, l'incompétent qui laisse tomber bêtement les pains dans le feu. Je les aies regardé brûler, dans un but précis. Conscient de ce qui en découlerait, appréhension promptement reculé dans un recoin de mon esprit. Je savais que je le ferais, malgré tout. La voix de ma mère a retenti. Elle a fondu sur moi, me frappant à la tête. J'ai récupéré rapidement les pains. Des clients sont entrés. Sursis provisoire à ma punition. J'ai marché vers la porte arrière, simulant toujours ce que l'on attendait de moi.Sauf qu'au lieu de les lancer aux cochons comme ma mère me l'avait demandé, j'ai lancé les pains vers Katniss.Sur le coup, je l'ai fais sans penser. L'urgence d'agir. J'aurais du courir sous la pluie, les lui remettre entre les mains.Je m'en voudrai toujours pour cela.J'ignore si elle a compris la double signification qu'avait pour moi ce geste.Ce n'était pas une simple bonne action au hasard.Je ne comprenais pas, j'avais un message à faire passer.Je savais qu'elle traversait une période difficile. Mais l'analogie pour moi était transparente. J'avais observer la croûte des pains noirçir sur le dessus, tout en sachant que l'important était à l'intérieur.Intact, parfait.Je crois que Katniss n'a jamais eu conscience de l'effet qu'elle produisait sur nous.Jusqu'à la mort de son père, leur famille était heureuse. Leur bonheur, solide.Sa mère s'était laissé allée depuis, mais je savais que la relation avec sa soeur était indéfectible. Qu'elle comptait sur elle.Que les gens l'aimaient, la respectaient.Et puis aujourd'hui il y a Gale. Fort, intelligent, toujours là pour les soutenir. Bien qu'à cette idée mon coeur se serre, je sais qu'un seul véritable ami était nécessaire.J'en suis la preuve vivante...À quoi s'entourer d'amis si on ne peut se confier sans crainte, se soutenir?Je préfére savoir Gale présent plutôt que de la savoir seule.Je savais également que son père lui avait transmis ses connaissances sur les plantes, la chasse, la survie...Je me rappellais quand il venait marchander avec mon père, sifflotant une mélodie qui me fascinait.Non. Katniss ne pouvait pas tomber pour ne plus se relever. Elle qui, sans le savoir, m'avait permis de tenir toutes ces années.Je ne m'en serais jamais remis. Si elle devait abandonner, quel espoir restait-il pour les autres, pour moi?Autant pour la faim que pour secouer ses brumes de mélancolie...Un simple coup de pouce pour se relever...
Une secousse du train me ramène sur terre. Le tain du miroir me renvoie mon image, caricature semi-ironique.Une heure à peine s'est écoulée et me voilà lancé dans de grands projets utopiques! Est-ce que j'arriverai vraiment à changer quelque chose?Ai-je rassembler assez de morçeaux épars, lambeaux ensevelis à droite et à gauche, pour mener à bien tout cela?Pourtant depuis l'annonce de ma sélection, les pièces se mettent doucement en place. Une à une.La solution est tout près, à portée de main. Je le sens.Les braises de l'espoir sont encore chaudes. Fragiles, mais certainement pas éteintes.La vie refuse de mourir.Le doute n'est plus permis.
Je sors de ma cabine et traverse le couloir jusqu'à la salle à dîner. Il n'y a encore personne, je suis le premier. Les autres me rejoignent peu de temps après.Malgré ma résolution, mon esprit s'emballe à la vue des plats. Tant de diversité et d'abondance réunis sur une même table frôlent l'outrage.Je m'empiffre comme s'il n'y avait pas de lendemain, au risque d'être malade d'ingurgiter une nourriture si riche après tant de privation.Effie pépie joyeusement tout au long du repas. Je ne peux m'empêcher de me questionner à son sujet. Qui est-elle? Que ressent-elle?Quelle personne serais-je si j'avais été élevé au sein du Capitole, sous leur domination constante? Sous ses apparences de mère nourricière, leur poigne de fer est encore plus présente au coeur même de la cité. Ces gens sont-ils ainsi détournés de leur véritable personnalité, dépouillés de leur capacité à se questionner? Je méditerai là-dessus plus tard...Effie annonce que nous devons passés au résumé de la Moisson.Ma première manoeuvre se dessine. Haymitch. Sa participation est inéluctable, vitale. Je sais ce que je dois faire.Haymitch choisi ce moment pour débouler dans notre compartiment, vomissant partout sur le tapis. Puis, il s'écroule par terre, inconscient.Oh! Il ne va pas m'aimer. Mais j'ai besoin de lui. Je le hanterai jusqu'à ce qu'il comprenne.D'abord, le relever. Q'il le veuille ou pas.J'ai un plan.Et Haymitch doit m'aider...