Les 73emes Hunger Games

Chapitre 2 : Une soirée mouvementée

3266 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 11 mois

Chap 2: Une soirée mouvementée


Léonor sortit la clef de sa poche et l’inséra dans la serrure de sa maison. La porte s’ouvrit avec un déclic.

Elle regarda l’heure à sa montre: 19h30. Elle était en retard. Sa mère et sa grand-mère voulaient qu’elle rentre avant 19h, sous prétexte que demain, c’était le grand jour. Mais elle avait fait un détour en accompagnant Diego jusque chez elle, et il habitait à l’autre bout de la ville, dans les beaux quartiers.

Son père était le chef des Pacificateurs du district, alors sa famille était aussi riche et aussi importante que les grandes familles joaillières qui avaient fait fortune en vendant leurs productions au Capitole. Voilà pourquoi il habitait au Quartier d’Or. Il était censé reprendre la place de son père dès que celui-ci aurait été trop vieux pour remplir ses fonctions; voilà pourquoi il s’entraînait plus que les autres. Léonor, quant à elle, habitait dans le Quartier de Bronze, c’est à dire un quartier certes moins riche que ses homologues d’Or et d’Argent, mais plus que le Quartier d'Airain et que le Quartier de Fer. Même si sa famille et elle pouvaient à tout moment se retrouver forcés de déménager vers un quartier inférieur. 

Alors qu’elle l’embrassait une dernière fois, avant de le quitter, Diego lui avait une nouvelle fois chuchoté qu’il croyait dur comme fer en la victoire de l’un des deux. Léonor ne savait pas quoi y penser. Bien qu’elle tente de mettre les sentiments qu’elle avait pour lui dans un coin de sa tête, elle n’arrivait pas à se figurer le fait qu’elle allait devoir le tuer si elle voulait gagner. Pourtant, c’était ce qu’elle allait devoir faire. Diego était tellement fort physiquement et se battait si bien avec une épée que personne ne pourrait sûrement le battre en combat singulier. Léonor ne pouvait donc pas prier que quelqu’un se charge de lui à sa place; ça allait être un combat entre eux qui scellerait le sort des Jeux. 

Alors qu’elle pénétrait dans sa maison, sa mère bondit comme une furie et vint la serrer dans ses bras. Léonor accepta l’étreinte, surprise. Ce n’était pas le genre de sa mère de lui faire des câlins! Puis, elle se dit que c’était sûrement à cause de la Moisson qui arrivait demain. Si infime soit-il, il y avait un risque qu’elle ne rentre pas à la maison, et c’était sûrement ce qui inquiétait sa mère. 

-Je croyais t’avoir dit de rentrer à 19h, lui dit-elle d’un ton fâché.

Léonor haussa les épaules et entra dans la salle à manger sans répondre. Si sa mère s’inquiétait tant pour elle, elle n’avait qu’à pas l’envoyer dans l’arène risquer sa vie. 

La salle à manger baignait dans une douce lumière dorée provenant de lustres en cristal qui pendaient du plafond voûté. Les murs étaient recouverts de panneaux en bois d’acajou finement sculptés, incrustés de motifs floraux dorés. Le sol, en marbre poli d’un blanc éclatant veiné de gris, reflétait légèrement la lumière.

Au centre, une grande table en bois massif trônait, capable d'accueillir une douzaine de convives. Elles n’en avaient plus besoin, cependant: elles n’étaient plus que trois à la maison. Les chaises, rembourrées de velours pourpre, tandis que sur la table, des candélabres en bronze doré supportaient des bougies blanches, prêtes à être allumées.

Léonor savait toutefois que cette richesse affichée n’était qu’un mirage, que du faux-semblant destiné à tromper les éventuels convives qu’ils recevaient chez eux. En fait, sa famille n’avait plus d’argent, elle le savait; voilà pourquoi elle devait se porter volontaire pour les Hunger Games. Ramener l’argent du trophée à sa famille. Ni plus, ni moins.

Sa grand-mère venait d’apporter le plat de résistance à table, et Léonor comprit qu’elles avaient déjà mangé l’entrée sans elle. Loin de la frustrer, ça soulagea la jeune fille, qui n’avait pas très faim, de toute façon.

-Alors, lui demanda-t-elle en la servant. Toi aussi, tu as reçu la visite de Gloss et de Cashemere?

Léonor acquiesça. Elle savait que chaque année, les mentors rendaient une visite aux tributs qui iraient dans l’arène, mais également à leur famille. Pour s’assurer que ces tributs soient bien dans leur tête, mais également conscient des risques encourus à aller participer aux Jeux. Et puis, voire s’ils n’avaient pas des histoires croustillantes à raconter sur leur vie, chose qui pouvait intéresser les citoyens du Capitole et leur accorder plus de sponsors que leur statut de Carrières ne le leur conférait déjà. 

-Ils n’ont pas dit qui serait le tribut masculin, cette année, remarqua sa mère, l’air soucieuse. Tu sais qui c’est, toi?

Léonor soupira. 

-C’est Diego, dit-elle dans un souffle, sachant que cette nouvelle n’allait pas être bien perçue par sa mère et sa grand-mère. 

Effectivement, sa mère bondit de sa chaise immédiatement. 

-Diego? siffla-t-elle entre ses dents. Le petit salopard!

Léonor savait que ses parents n’aimaient pas Diego. Il venait d’une famille deux fois plus riche que la sienne; l’argent, déjà, représentait un obstacle à leur union. Et puis, sa grand-mère trouvait que ce n’était pas un bon petit ami pour sa petite fille. Elle aurait voulu que Léonor choisisse un petit joaillier, et monte une petite fortune, plutôt que de se marier avec le futur chef des Pacificateurs. Et voila qu’il allait se porter volontaire en même temps qu’elle. Pour prouver son amour, ce n’était pas forcément la meilleure chose à faire. 

-Je l’avais dit depuis le début, se lamenta sa grand-mère en se prenant la tête entre les mains. Ne choisis pas un type comme Diego! Et bien évidemment, elle l’a choisi! Ma pauvre fille, il ne va pas t’épargner, tu le sais? Il va te tuer comme les autres!

-Je sais, répondit Léonor, sèchement, agacée. Sache que moi non plus, je ne l’épargnerai pas. Je serai sans pitié, avec lui comme avec chaque tribut qui se dressera sur mon chemin! 

La lueur enragée qui se trouvait dans son œil fit reculer sa mère, qui l’observait avec un air effrayé.

-En plus, ça sera une bonne chose, qu’on soit en couple, non? Ça va nous attirer plein de sponsors! ajouta Léonor d’un ton plus calme. 

Le regard de sa grand-mère s’adoucit. Comme Léonor s’y attendait, elle préférait prendre en compte les chances de réussite de sa petite-fille dans l’arène plutôt que son futur, qui , à cause des Hunger Games, était plus qu’incertain. 

Les trois femmes mangèrent en silence, bien que Léonor se force à manger. Elle n’avait pas faim, et pensait à l’arène. Elle savait cependant qu’il fallait qu’elle mange un max avant d’entrer pour les Jeux. Si elle était déjà sous-alimentée, elle ne tiendrait pas deux jours dans cet environnement hostile.

Après le repas, sa mère se leva, et s’approcha d’un cadre posé au mur.

-Approche, Léonor, lui souffla-t-elle.

La jeune fille soupira. Elle savait ce qui allait suivre, et connaissait cette histoire par cœur. Elle y avait droit tous les ans. Elle avait espéré avoir le droit d’y couper cette année, à cause de sa Moisson le lendemain, mais c’était mal connaître sa mère. En fait, c’était sûrement à cause de sa Moisson qu’elle tenait tant à ce que Léonor entende l’histoire une dernière fois.

Léonor s’approcha donc du cadre, tandis que ta grand-mère restait assise, écoutant ce qui allait suivre.

C’était un cadre photo. Un photo qui représentait la famille de Léonor au grand complet. Enfin, lorsqu’ils étaient au grand complet.

A la droite de la photo, on trouvait la grand-mère de Léonor, puis sa mère. A les voir, il paraissait évident que de temps avait coulé depuis que la photo avait été prise. Maintenant, la chevelure de la grand-mère était couverte de cheveux blancs, quant à sa mère, elle commençait à prendre des rides. 

Puis, Léonor s’aperçut. Ca lui faisait toujours bizarre, de se voir en photo, et de voir comment elle avait changé. Ses cheveux étaient autrefois plus longs, avant qu’elle se les coupe; pour l’entraînement, c’était mieux, et ça la gênait moins. Elle avait grandi, et pris des formes, si bien qu’elle ne ressemblait pratiquement plus à la jeune fille innocente de la photo.

Puis, à gauche de la photo, Léonor voyait son frère et sa sœur. Ils étaient déjà morts depuis; ils avaient concourus lors des 66emes et 69emes Hunger Games. Et ils n’y avaient pas survécu. 

Son frère, Lucien, avait concouru pendant les 66èmes Hunger Games. Il s’était porté volontaire pour les mêmes raisons que Léonor: ramener l’argent du trophée pour sa famille. Il faisait partie des favoris: il était un Carrière puissant, fort, et un excellent combattant. Il avait obtenu un 10 à l’entraînement, et avait reçu de nombreux cadeaux de sponsors. Il avait même fini dans les quatre derniers avant de perdre face au chouchou du Capitole, un blondinet de 14 ans armé d’un trident. Il avait donc fini quatrième, insuffisant pour gagner. 

Pour sa sœur, Mary, c’était une autre histoire. Elle avait concouru pour les Jeux, certes, mais n’avait pas l'étoffe d’une future vainqueure. Elle était trop timide, trop réservée, et surtout elle avait peur de tuer. Cela s’était tout de suite ressenti lors de son arrivée au Capitole, et rapidement elle avait été exclue de la meute de Carrière. Pourtant, elle avait réussi à atteindre miraculeusement le top 2. En effet, elle était tombée sur une force de la nature du district Huit, qui l’avait maintenue en vie durant la totalité de ces Jeux. Cependant, il ne pouvait y avoir qu’un Vainqueur, et le tribut du district Huit l’avait tuée sans sourciller lorsqu’elle avait réalisé que Mary était le dernier obstacle à sa victoire. 

Oui, vraiment, elle connaissait l’histoire par cœur. Elle savait même ce qui était arrivé à son père, qui prenait la photo. Il était mort il y a dix ans, d’un accident de travail. Il était Pacificateur, et il avait été tué lors d’un combat avec les rebelles. Tué dans l’exercice de ses fonctions. Voilà pourquoi, en partie, sa mère et sa grand-mère ne portaient pas les Pacificateurs dans leur cœur, et par extension Diego. Du coup, sa mort avait privé la famille d’une rentrée d’argent conséquente qui leur permettait de vivre dignement. Voilà pourquoi ils n’avaient plus d’argent. Voilà pourquoi chaque enfant de cette famille, Léonor y compris, était obligé de se porter volontaire à leur 18 ans, pour espérer changer la situation.

-Maintenant, tu sais pourquoi tu dois te porter volontaire, lui souffla sa mère à l’oreille en passant un bras autour de ses épaules. Tu dois nous sauver de la misère. Ton frère et ta soeur ont échoué. Tu es la seule à pouvoir nous sauver.

Léonor se dégagea d’un mouvement d’épaule. Elle ne se sentait pas d’humeur à endurer les discours de sa mère ni son air faussement chagriné. Sa mère était prête à la sacrifier pourvu qu’elle obtienne l’argent du trophée! Et, même si Léonor ne gagnait pas et mourrait pendant les Jeux, ce n’était pas grave; ça ferait une bouche en moins à nourrir. Ce n’était pas de l’amour; ses parents ne l’aimaient pas. Ca tombait bien, elle non plus, elle ne les aimait pas. 

Elle prit congé de sa famille et monta à l’étage, ne pouvant supporter de rester avec sa mère et sa grand-mère un instant de plus. Une fois dans sa chambre, elle enfila une robe de chambre propre, ferma les rideaux de sa fenêtre et se mit au lit. 

Elle ne voulait pas penser à demain. Elle avait envie d’oublier que sa vie allait changer à jamais. Qu’elle ne reverrait peut-être jamais son district. Qu’elle devrait bientôt tuer Diego.

Bien sûr ça ne marcha pas, et elle tomba dans une nuit peuplée de cauchemars de l’arène. 

*

Il faisait tard lorsque Lou arriva chez elle. 

Elle ouvrit la porte de son abri, le cœur battant, tenant toujours dans ses mains le paquet de Sophie et de Luna. La robe était toujours à l’intérieur; elle n’avait pu s’en résoudre à s’en séparer. 

Elle ne savait cependant toujours pas si elle allait à la Moisson, demain. Certes, ses amies lui avaient dit que la sécurité serait renforcée. Si elle se faisait prendre là où elle n’était pas censé être, c’était la punition corporelle assurée. Et, si elle était blessée, ou défigurée, qui allait prendre soin de son petit frère? 

Cependant, elle ne savait pas quel serait l'intérêt de se rendre à la grand place. Certes, c’était la Moisson, mais son nom ne serait pas tiré. Elle en était certaine. C’était d’ailleurs la seule chose dont elle était sûre. Ca ne pouvait pas être elle, c’était impossible. Elle ne pouvait pas, ne devait pas être tirée au sort. Son petit frère ne le supporterait pas. 

Cependant, elle sentait, au fond d’elle, qu’il fallait qu’elle y aille, cette année. Son nom ne serait pas tiré pour autant, c’est sûr, mais au moins ça la rassurerait. Après cette Moisson, il ne lui resterait plus qu’un an à tenir, puis s’en était fini de s’inquiéter chaque année. 

Quoique… après, ça allait être au tour de son frère. Dès l’année prochaine, son nom serait inscrit sur la liste et aurait donc une chance d’être inscrit au tirage au sort. Bon, une chance très mince, mais on ne savait jamais. Si jamais il venait à tirer au sort, Lou ne savait pas ce qu’elle ferait. 

D’ailleurs, Oscar devait sûrement l’attendre dans la pièce qui leur servait de salle à manger. Il ne travaillait pas, Lou s’en était assuré. Elle s’était juré qu’il n’aurait pas à arracher des épis de blé avant ses 14 ans. Au moins. Donc, il passait toutes ses journées à la maison, à l’attendre. C’était leur train de vie, leur routine quotidienne. C’était comme ça depuis que Lou avait 11 ans, et ce n’était pas prêt de changer.

Elle passa donc la porte de la salle à manger, s’attendant à ce qu’Oscar lui saute dans les bras. 

Mais, dans la petite salle, pas d’Oscar.

Pas de petit frère.

Personne. 

Bordel, il était passé où? Lou fouilla rapidement tous les coins de la maison où son frère aurait pu se cacher pour lui faire une farce, mais elle dut rapidement se rendre à l’évidence: Oscar n’était pas dans la maison.

Bon sang, il lui avait désobéi. Lou était plutôt tendre avec son frère, mais il y avait quand même deux ou trois règles à respecter. Et l’une d’entre elles était plutôt simple: ne jamais, au grand jamais, sortir de la maison. Lou avait tellement peur qu’il lui arrive quelque chose, dehors, qu’elle ne le laissait jamais sortir. On ne savait jamais, si les Pacificateurs apprenaient que la jeune fille faisait du braconnage avec les gens du Huit, ça ne devait pas retomber sur Oscar. Voilà pourquoi, en plus de l’interdiction de quitter la maison, elle lui avait donné un nombre de cachettes important en cas de pépin. 

Soudain, elle sentit des petits bras lui enserrer la taille. Elle se retourna d’un bond, le cœur battant. 

-Ca va, grande sœur? lui demanda Oscar innocemment, et non comme s' il venait de désobéir à l’un des ordres fondamentaux de Lou. Tu as pas l’air dans ton assiette. 

Lou restait estomaquée. Bordel, elle s’était inquiétée pour lui! Elle avait imaginé le pire! Alors, bien sûr qu’elle n’était pas dans son assiette! 

-Tu oses me demander si ça va? lui hurla-t-elle, ne pouvant retenir sa peur et sa colère. Tu oses?!?

Oscar recula, apeuré. Lou savait qu’elle ne devrait pas s’énerver, mais il l’avait bien cherché, quand même. Et puis, ça lui permettrait de gueuler un bon coup, d’expédier toute l'inquiétude accumulée depuis l’annonce de la Moisson du lendemain. 

-Bordel, c’est pas compliqué à comprendre! continua-t-elle.

-Lou, s’il te plaît, calme…

-Que je me CALME? Bon sang, quand on a emménagé ici, j’ai mis des règles en place! Des règles, ça se respecte, merde! Et l’une de ces règles était: NE BOUGE PAS DE CETTE BARAQUE!

-Euh, oui, je sais, mais…

-MAIS QUOI? Je te dis de ne pas bouger de cette maison, et qu’est-ce que tu fais? TU BOUGES DE CETTE MAISON! 

Puis, après qu’elle eut crié un bon coup, toute sa colère retomba d’un coup. Elle était incapable d’en vouloir à son frère. Il était si attendrissant…

-Excuse moi, dit-elle en le serrant bien fort contre elle, à l’etouffer. J’étais tellement inquiète…

-C’est pas grave, lui répondit-il. Je sais que ces jours sont durs pour toi, avec la Moisson qui arrive. 

Lou ne comprenait pas pourquoi tout le monde lui parlait de la Moisson, cette année. D’abord Sophie et Luna, qui lui offraient une robe, puis maintenant Oscar… tout le monde n’avait que ce mot à la bouche. Lou ne savait pas pourquoi tout le monde s'inquiétait pour elle. Son nom ne serait jamais tiré, elle en était sûre. Mais, tout le monde semblait agir comme si elle ne ressortirait pas vivante de cette édition des Hunger Games. 

Pourtant, alors qu’elle serrait son petit frère dans ses bras, elle ne put s’empêcher de se rassurer. 

Ça n'avait jamais été elle. Ça ne serait pas elle.

Pourtant, l’idée comme quoi elle ne reverrait jamais son district s’insinuait dans son esprit.






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