Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 24 : X Corbeau et Dragon

3038 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 23:19

CHAPITRE X : CORBEAU ET DRAGON

 

Radus entra dans son appartement. Une fois la porte refermée, il regarda dans toutes les directions, comme-ci il ressentait une présence étrangère. Mais il n’y avait personne, ni dans le séjour, ni dans le bureau, ni dans la salle de bain. La chambre était également déserte. La fenêtre était ouverte. Radus trouva ça étrange car il ne se souvenait pas l’avoir ouverte. Il regarda si ses affaires n’avaient pas été bougées. La malle paraissait comme quand il était parti, sa tenue de ye xing ke et son sabre étaient toujours rangés dans le placard.

           Un frôlement attira son attention. Son sabre surgit de son fourreau à la vitesse de l’éclair. Le bruit venait d’au dessus du placard. Il n’y avait pourtant pas assez de place entre le haut du placard et le plafond pour qu’un être humain puisse s’y glisser. Radus s’approcha lentement. Et au moment où il allait frapper dans l’espace vide, une boule de plumes noires surgit en poussant un croassement. Le professeur baissa son sabre.

« Et bien, dit-il en chinois à l’adresse du corbeau. Tu m’as fait peur. Tu as dû entrer par la fenêtre. Je suis tellement stressé que je confonds une présence humaine avec celle d’un banal oiseau. Je te laisse la fenêtre ouverte, pars quand tu en as envi. Je dois aller veiller sur quelqu’un d’important. Important, pour moi. Même si elle ne sait pas à quel point elle compte à mes yeux. Je ne laisserais personne lui faire du mal. »

           Radus enfila sa tenue de ye xing ke et sortit de l’appartement. Le corbeau descendit du placard et se transforma en Pierrick. Quelle était donc la raison de l’attachement de Radus pour Laura Jiraud ? Y avait-il un rapport avec le père de la jeune fille ? Il fallait absolument qu’il perce à jour Radus le plus tôt possible. Ce soir serait l’idéal.

 

           Pierrick retourna rapidement à son appartement. Lorsqu’il entra, il découvrit Chun assise sur le canapé. Ses yeux encore rouges de larmes, son visage était déterminé. Elle se leva, ne lâchant pas le jeune homme des yeux.

« J’ai réfléchi, commença t-elle. Je…

-Chun, coupa immédiatement Pierrick. Je n’ai malheureusement pas le temps. Radus vient de sortir en tenue de ye xing ke avec un sabre.

-C’était donc lui l’autre soir !

-Oui. Je dois l’arrêter ce soir. Il n’est peut-être pas le tueur. Mais il doit y être lié d’une façon ou d’une autre. Ce qui est sûr, c’est qu’il cache quelque chose.

-Je viens avec toi.

-C’est trop dangereux.

-Nous sommes partenaires. J’ai accepté cette mission en connaissant les risques. Je viens un point c’est tout. »

Pierrick soupira, quand elle était déterminée, rien ne pouvait l’arrêter. Il sourit intérieurement, il aimait cette facette de sa personnalité.

« Alors prend ton arme, dit-il. »

Chun lui lança un de ses sourires rayonnant qu’il adorait et courut dans sa chambre.

           Pierrick actionna la deuxième serrure en partant de la gauche de sa malle et l’ouvrit. La malle contenait une tenue de combat semblable à celle de ye xing ke de Radus et divers armes et accessoires. Il y avait deux baguettes soigneusement rangées mais le compartiment était visiblement prévu pour en accueillir trois. Pierrick vérifia la présence de sa baguette supplémentaire logée dans sa manche gauche. C’était la baguette de Su, la jeune fille qu’il aimait, morte dans ses bras quatre ans plus tôt. Les deux autres baguettes étaient celles de sa mère et de son père. Il enfila la tenue de combat et mit son épée en bandouillère dans son dos. Il prit quelques petits couteaux qu’il glissa dans sa ceinture.

          Chun le rejoignit. Elle rangea son mathurin dans son logement et s’assura une dernière fois qu’elle avait des munitions. L’idée de devoir tirer dans une école lui déplaisait mais elle se résigna à le faire si le besoin s’en faisait sentir. Pierrick lui tendit sa cape d’invisibilité.

« Tu restes dessous, ordonna t-il. Ne fais usage de ton arme qu’en dernier recours. Je me charge de Radus. »

Chun acquiesça et disparut sous la cape.

 

           Les couloirs étaient vides et sombres. Chun suivait Pierrick qui se faufilait d’ombre en ombre. Le chasseur progressait avec prudence. Il devait repérer Radus. La nuit étant douce, il se dirigea vers le parc où était aller Friedrich et Jiraud le soir de sa première visite nocturne.

           Le couple était là, sur le même banc. Innocent, cherchant simplement à vivre leur vie. Pierrick regarda sur les toits. Il repéra la silhouette en noire se déplacer et disparaître en trouvant un poste d’observation dans la pénombre.

« Reste avec eux sans faire de bruit, murmura Pierrick à Chun. J’ai repéré Radus.

-Sois prudent. »

           Pierrick se changea en corbeau. En quelques coups d’ailes, il se retrouva au dessus de Radus. Le professeur de défense contre les forces du mal, absorbé par l’observation du couple enlacé quelques mètres plus bas, n’entendit pas le froissement des plumes battant contre l’air. Pierrick reprit sa forme humaine sans faire le moindre bruit. Il sortit sa baguette, prêt à immobiliser Radus. Soudain, une douleur à son poignet le força à lâcher sa baguette. Radus avait pivoté d’un coup en lançant un coup de pied en appui sur une main. Radus enchaîna en faisant un flip arrière pour tenter de toucher Pierrick au menton avec ses deux pieds. Le chasseur parvint esquiver le coup d’un sursaut.

« Te voila enfin assassin ! s’écria Radus. Un ye xing ke ! Ici ! Pour qui travailles-tu ? Qui voulait la mort de Guillaume Sazeau.

-Ce n’est pas toi le tueur ?

-Qui es-tu ?

-Je pourrais te poser la même question. Thomas Radus est-il seulement ton vrai nom ?

-Je ne parle pas aux mangemorts ! »

Radus se mit à courir sous les yeux ébahis de Jiraud et Friedrich qui ne comprenaient absolument rien. Chun partit aussi vite et silencieusement que possible en voyant Pierrick se lancer à sa poursuite, récupérant sa baguette au passage.

Radus entra dans un vieux grenier inutilisé par une lucarne cassée. Il se retourna vers la fenêtre, le sabre à la main, prêt à cueillir son poursuivant dés qu’il rentrerait. Il perçut un bruit derrière lui mais n’eut pas le temps de se baisser quand un oiseau noir fonça sur lui. L’oiseau se transforma en un homme qui le propulsa en arrière d’un coup de pied dans la poitrine avant de reposer les pieds au sol. Pierrick dégaina son épée juste à temps pour parer le sabre de son adversaire. Il contre-attaqua directement d’un coup d’épée de haut en bas au crâne qui fut bloqué par Radus. Le professeur contra dans le même temps d’un coup de pied sous le menton. Reculant sous la frappe, le chasseur ne put que esquiver de peu le coup de sabre qui suivit. Il parvint quand même à se créer une ouverture pour désarmer Radus et le fit reculer d’un coup de pied retourné direct à la mâchoire.

Radus enleva la cagoule de sa tenue. Pierrick fit de même, le surprenant.

« Toi ! 

-Rends-toi, ordonna Pierrick. Tu ne peux plus t’enfuir.

-Qui es-tu ?

-Pierrick Chaldo, section spéciale des Chasseurs.

-Chaldo ? Pierrick Chaldo est mort !

-On se connaît. J’en suis sûr. Mais je n’arrive pas à me souvenir. Dis-moi qui tu es.

-Ta mort imposteur ! »

Les yeux de Radus devinrent dorés d’un coup. L’espace d’un instant, le passé sembla rejoindre le présent. Le visage d’un jeune garçon souriant lui revint en mémoire. Un garçon dont les yeux pouvaient devenir dorés. Un garçon qui fut beaucoup pour lui. Et ce fut comme un éclair.

« Thomas ! s’écria Pierrick. Arrête ! C’est moi ! »

Mais Radus n’écouta pas. Il tendit la main vers Pierrick. Un jet de flammes s’étira vers le chasseur. Ce dernier sortit sa baguette en un mouvement fluide, stoppant le feu à quelques centimètres de lui. Pierrick savait qu’il ne tiendrait pas longtemps. Soudain, un coup de feu retentit. Se tenant dans l’embrasure de la porte, la cape d’invisibilité gisant sur le sol à côté d’elle, Chun pointait son arme sur Radus.

« Arrêtez ! lança t-elle. »

Radus, plus surpris qu’inquiet, baissa les mains sans lâcher la jeune femme des yeux.

« Ils n’engagent pas de moldus chez les mangemorts, dit-il. Mais le ministère non plus. Qui êtes-vous ?

-Je te l’ai dis Thomas, dit Pierrick. Je suis Pierrick.

-Pierrick Chaldo est mort il y a quatre ans.

-Mes parents sont morts, moi non.

-C’est donc bien toi. Pierrick.

-Oui mon ami. »

           Radus s’approcha de Pierrick, le regardant attentivement. Ces yeux noirs, ce nez. Oui, malgré une expression plus sombre, c’était bien son ami d’enfance. Puis il se mit à sourire et le prit dans ses bras.

« Je me disais bien que tu ne pouvais pas mourir si facilement ! s’écria t-il.

-Vous vous connaissez ? demanda Chun.

-Je l’avais oublié avec le temps, dit Pierrick. Son vrai nom est Thomas Zimong. Thomas et moi étions amis étant enfant. Il était le fils de la femme qui m’a appris le Ngam Lung Quan. Tu es devenu un vrai maître à ce que je vois.

-Ma mère m’a enseigné tout son savoir. A ce que j’ai vu, tu as pratiqué d’autres styles.

-Il le fallait bien après que vous soyez parti. Et comment va ta mère ?

-Elle est morte.

-Désolé. Quand est-ce arrivé ?

-Il y a quatre ans, durant le massacre des sorciers chinois. Elle s’est sacrifiée pour me protéger.

-Et que fais-tu ici ?

-Pourrait-on en parler ailleurs ? »

 

           Ils allèrent à l’appartement de Pierrick et Chun. La jeune femme servit du thé. Pierrick attendit qu’elle se joigne à eux pour demander des explications à Thomas.

« Lorsque ma mère est morte, elle a eut tout juste le temps de me dire qui était mon père. Ils n’ont jamais été mariés. Je pense que c’est dû au fait que ma mère était une dragoniare.

-C’est quoi une dragoniare ? questionna Chun.

-C’est un peuple très ancien, répondit Pierrick. On ignore leurs origines. Ils ne sont présents qu’en Asie. Les Dragoniars sont très spéciaux. Du sang de dragon coule dans leurs veines. Ils en possèdent d’ailleurs certaines caractéristiques physiques. Et ils n’ont pas besoin de baguette pour faire de la magie. La baguette permet à un sorcier de canaliser et de contrôler le flux mystique qui parcourt son corps. Dans le cas des Dragoniars, c’est comme si leur corps était une baguette. On peut reconnaître les Dragoniars à leurs yeux dorés.

-Mais comme moi je ne suis qu’à moitié dragoniar, mes yeux ne deviennent dorés que quand je me sers de mes pouvoirs, ajouta Thomas. Mon père n’a pas su résister à la pression que lui mettaient ses collègues pour qu’il quitte ma mère. Tout ça à cause de la réputation des Dragoniars.

-Depuis la nuit des temps, les Dragoniars ont servi de guerriers, expliqua Pierrick à l’intention de Chun. On dit qu’il suffit d’avoir quelques Dragoniars pour gagner une bataille à coup sûr. Au fil des siècles, ils ont acquis une réputation de buveurs de sang humain et d’anthropophages. La réputation est tenace et a failli plusieurs fois faire disparaître ce peuple définitivement. Lorsque les mangemorts asiatiques ont commencé à s’organiser, ils ont essayé de recruter les Dragoniars. Mais malgré des siècles de persécutions, ils n’ont jamais souhaité autre chose que de vivre en paix. Avec le massacre de la communauté magique chinoise et celle du Viêt-Nam dans une moindre mesure, ce peuple est presque éteint. Il est difficile de savoir combien il en reste car ils se cachent de tous, y compris des Sorciers. Je ne vois toujours pas le rapport avec Laura Jiraud, dit-il à Thomas.

-C’est très simple. Cet homme qui a aimé ma mère et la quitté était Gaston Jiraud.

-Ce qui veut dire que…

-Laura Jiraud est ma sœur. Mais elle n’est pas au courant.

-En es-tu sûr ?

-Je suis arrivé en France quelques mois à peine après la mort de ma mère. Mais c’était déjà trop tard, Gaston Jiraud était mort. Il était le seul à pouvoir me reconnaître comme son fils.

-Il y a peut-être un autre moyen.

-Comment ?

-Par les survivants de la communauté magique chinoise. Ils sont dispersés dans le monde entier. Mais certains ont emportés avec eux des documents comme des actes de naissances pour les demandes d’asile. Si Gaston Jiraud t’avait reconnu à l’époque où il était en Chine, c’est forcément mentionné sur ton acte de naissance. S’il a été sauvé, on peut le retrouver. Le seul problème c’est que ça risque de prendre longtemps. Peut-être plusieurs mois.

-J’ai attendu quatre ans, je peux attendre encore.

-Par contre je voudrai savoir comment ça se fait que tu sois devenu professeur.

-Depuis quatre ans je garde un œil sur Laura. Mais quand elle était ici, je ne pouvais veiller sur elle. Je me disais qu’ici elle ne risquait pas grand-chose. Quand j’ai appris l’assassinat de Sazeau, ma première pensée fut que le tueur pouvait s’en prendre à Laura. J’ai donc mis tout en œuvre pour être engagé comme professeur de défense contre les forces du mal. J’ai même dû jeter des sortilèges de confusion aux autres candidats. Je sais, ce n’est pas très honnête mais je devais le faire.

-Je vais demander que l’on fasse des recherches pour ton acte de naissance. »

           Pierrick s’approcha de la cheminée. Il prit une pincée de poudre de cheminette et la jeta dans le foyer. Un feu vert émeraude s’alluma.

« Ministère de la magie, Département des Chasseurs, bureau de Franck Vinol, annonça t-il en entrant la tête dans l’âtre. Franck. »

L’agent de la section IRIA se tourna vers la cheminée.

« Pierrick, ça va ? fit-il.

-Quoi de nouveau ?

-Pour le parchemin, toujours rien. Et concernant Radus, les espagnols ont confirmé qu’il était inconnu de leur communauté. Rien de plus pour le moment. De même que pour Gaston Jiraud, je n’ai rien trouvé sur ces activités en Chine.

-Tu peux arrêter tes recherches sur Radus et Gaston Jiraud. Je sais qui il est. »

Pierrick expliqua tout en détail.

« Je vois. Le monde est petit, fit remarquer Franck. Alors tu veux que je cherche cet acte de naissance.

-S’il te plait.

-Les hiboux partiront dans l’heure.

-Merci.

-Tu es sûr qu’on peut lui faire entièrement confiance.

-Je ne sais pas. C’est pourquoi je vais garder un œil sur lui quand même. Mais je pense qu’il faut fouiller dans d’autres directions. Ce parchemin contient sûrement la clé de l’énigme. Il nous la faut. »

           Thomas et Pierrick discutèrent une bonne partie de la nuit pour rattraper le temps perdu. Chun laissa les deux amis et alla se coucher. Thomas qui avait lui aussi confondu un moment Chun avec Su fut désolé d’apprendre que la jeune fille était morte.

« Et quelle est ta relation avec Chun ?

-Je ne sais pas vraiment. Je sais qu’elle m’aime. Et je pense que je tiens beaucoup à elle mais je ne sais pas si c’est de l’amour.

-Tu ne penses pas que tu t’es attaché à elle parce qu’elle ressemble à Su ?

-C’est justement parce que je me pose cette question parmi tant d’autres que je ne peux lui avouer mes sentiments. J’espère simplement qu’elle attendra que je trouve une réponse.

-Je pense que oui. Elle te regarde avec les yeux d’une femme réellement amoureuse. Elle t’attendra toute sa vie s’il le faut. Mais ne la fait pas attendre autant, elle mérite sa part de bonheur.

-Puis-je seulement lui apporter ce bonheur ? »

 

 

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