Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 7 : VII Emilie Chaldo

2780 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 19:40

CHAPITRE VII : EMILIE CHALDO

 

Pierrick se saisit du parchemin que lui tendait Bobby et le déroula. Ses yeux allaient rapidement d’un bord à l’autre. Chun l’observa attentivement, surveillant le moindre changement d’expression. Mais il n’y en eut aucun. Il replia simplement le parchemin et le rangea.

« Je dois y aller, dit-il.

-Ça a un rapport avec l’affaire des libraires ? demanda Chun. Alors je viens.

-Ça peut être dangereux.

-Je sais me défendre.

-Emmène-la, fit Jagneau. Tu lui as laissé sa mémoire et elle a eu le courage de chercher la vérité. Tu ne peux pas la laisser là maintenant. »

Pierrick réfléchit un instant. Il voulait qu’elle vienne, qu’elle voie dans quel monde il vivait. Il voulait qu’elle fasse parti de son monde. Peu importe comment.

« D’accord, finit-il par dire. Allons-y. Posez une main sur mon épaule. Ne me lâchez pas, ça ne durera qu’un instant.

-Bon voyage, souria Jagneau. »

           Chun ignorait ce qui allait se passer dans l’instant. Elle eut l’impression que le monde se mit à tourner à une vitesse inimaginable. Tout était flou autour d’elle. Elle n’eut pas le temps de fermer les yeux car ça dura moins d’une seconde. Elle ressentit une légère nausée mais voir qu’elle n’était plus du tout dans l’arrière-boutique de Robert Jagneau lui fit tout de suite penser à autre chose. Elle n’était plus dans le quartier populaire où s’alignaient des petits commerces familiaux. Elle était dans une rue sale et sombre malgré le soleil qui s’élevait péniblement dans le ciel de janvier. Les murs étaient d’une saleté uniforme.

           Pierrick regarda autour de lui. Le geste rappela à Chun qu’elle avait encore sa main sur son épaule. Elle la retira sans être sûre de le vouloir. Elle suivit Pierrick vers une porte proche qu’elle n’avait pas remarquée tellement elle se confondait avec le reste du décor. C’était la porte du bar où il était venu quelques heures plus tôt durant la nuit. Il frappa à la porte. Le bar étant normalement fermé à cette heure matinale mais le videur ouvrit immédiatement la lucarne. Il regarda attentivement Pierrick et avisa Chun.

« Qui c’est ? demanda t-il.

-Elle est avec moi, répondit Pierrick. La patronne m’attend.

-Je sais. »

Le videur referma la lucarne et ouvrit la porte. Sans ajouter un mot, il les laissa entrer. Pierrick remarqua qu’il ne portait plus sa ceinture de couteaux ni sa baguette.

           Chun ne put s’empêcher de regarder dans toutes les directions, s’attendant sûrement à voir quelques sorcières et sorciers s’affairer autour d’un grand chaudron bouillonnant où tout autre cliché typiquement moldu. Mais ce n’était qu’un bar au décor sombre mais semblable à d’autres. Pierrick aussi regardait autour de lui, mais seuls ses yeux bougeaient. La porte du bureau de la patronne était entrouverte. Il la poussa et entra. La quinquagénaire rousse était assise derrière son bureau, visiblement fatigué de sa nuit de travail mais toujours alerte. Elle eut son habituel sourire de bienvenu envers Pierrick mais se crispa un peu en voyant Chun.

« Qui est-ce ?

-Elle m’accompagne.

-Je le vois bien. Mais ça ne me dit pas qui elle est.

-Je m’appelle Chun Yang-Li, police criminelle, se présenta Chun sans réfléchir.

-Une moldue ? Je penserais que tu viendrais seul.

-Tu as des infos ? fit Pierrick.

-Tu es vraiment mal élevé ! Tu ne me présentes même pas à ton amie. Je vais le faire alors. Enchantée de vous connaître mademoiselle. Je m’appelle Emilie Chaldo, je suis la tante de Pierrick et la propriétaire de cet établissement. »

           Sa tante. C’est vrai qu’elle l’était mais Pierrick ne l’avait rencontré que lors de son retour en France après la mort de Su et de ses parents. Ses grands-parents faisaient comme-ci elle n’existait pas. Ils avaient coupé les ponts avec Emilie le jour où elle s’était lancée dans les affaires de la nuit et ouvert son bar. Pour une vieille famille de sorciers comme les Chaldo, avoir parmi eux une tenancière n’allait pas avec l’image qu’ils voulaient se donner. Mais Pierrick l’avait recherchée après être entré dans les Chasseurs (contre l’avis de sa famille). Il savait qu’elle pourrait lui fournir des renseignements précieux sur les mangemorts et leurs activités. Le père de Pierrick lui avait déjà parlé de sa sœur. Gilles Chaldo échangeait toujours du courrier avec elle sans en parler à ses parents. Pour les Chaldo, Emilie et Pierrick sont devenus des parias de la famille.

           « Ceci étant fait, reprit Emilie. Je dois te dire quelque chose d’important.

-Ils ont fait le rapprochement, n’est-ce pas ? dit Pierrick.

-Tu as remarqué. Ils étaient là hier soir quand tu es venu. Ils t’ont tout de suite reconnu. Et se souvenant de ton nom et du mien, ils en ont conclu que nous étions de la même famille.

-Que veulent-ils ?

-Ta tête. Ils veulent l’offrir à Malgéus et recevoir une grosse récompense.

-L’ont-ils prévenu ?

-Non. Ils veulent lui faire la surprise.

-Très bien. Ainsi nous pourrons continuer comme avant quand je me serais occupé d’eux.

-Qu’est-ce qui se passe ? questionna Chun qui ne comprenait rien.

-Jeune fille, venez derrière moi et mettez-vous à couvert, ordonna Emilie. Il y a des gens très mal intentionnés dans mon établissement respectable.

-Respectable. Ce mot est de trop dans ta phrase.

-Oh, tu me brises le cœur.

-Des mangemorts ! fit Chun.

-Ils n’ont sûrement rien à te dire sur ton affaire. Sinon, ils auraient plutôt fait profil bas.

-Je vais m’en occuper, dit Pierrick en se tournant vers la porte donnant sur la salle. »

Pierrick allait passer la porte. En regardant dans la pénombre de la salle, Chun devina plusieurs silhouettes sombres qui s’agitaient en attendant le chasseur. Elle avait peur. Peur de le perdre. Pourtant, ils ne se connaissaient que depuis une heure. Non. Depuis un peu plus longtemps. Depuis la veille et le premier regard qu’ils avaient échangé, ils étaient liés.

« Monsieur Chaldo ! fit-elle. Faites attention.

-Appelez-moi Pierrick. »

Sans rien ajouter, sans même se retourner, le Corbeau sortit du bureau. Il referma la porte derrière lui. D’un mouvement de baguette, Emilie la verrouilla.

« Ne vous en faîtes pas pour lui, dit-elle. Il est fort.

-Mais ils sont plusieurs, n’est-ce pas ?

-Cinq ou six.

-Il va se faire tué.

-Ce ne sont que des portes-baguette sans importance. Je m’inquiète plus pour l’état de mon bar après que pour Pierrick. Ces mangemorts sont déjà morts. Ou emprisonnés. »

           Pierrick s’avança au centre de la salle. Les six mangemorts l’encerclaient, leurs baguettes à la main. Lentement, Pierrick les regarda l’un après l’autre. Celui qui lui faisait face eut un sourire mauvais.

« Pierrick Chaldo, le Corbeau, dit-il. C’est ici et maintenant que ta route se termine.

-Beaucoup ont dit ça, fit le Corbeau. Tous ont eu tort.

-Sort ta baguette et bats toi.

-Je n’en aurais pas besoin pour des types de votre niveau.

-Tu vas voir ! »

Le mangemort qui lui faisait face et ses deux compagnons placés sur les côtés de Pierrick levèrent leurs baguettes en même temps. Ceux des côtés furent les plus rapides. Ils envoyèrent chacun un sortilège de mort en direction du chasseur. Ce dernier se baissa en avançant pour esquiver les éclairs verts qui vinrent frappés les deux vis-à-vis. Celui d’en face n’eut pas le temps de pointer sa baguette sur Pierrick. Le Corbeau entra dans sa garde, retourna son bras armé au dessus de son épaule, obligeant sa baguette à pointer vers son dos. L’éclair vert, à peine né, fut absorbé par son propre incantateur qui s’effondra.

           Pierrick bondit vers un autre mangemort qui surpris un instant de la vitesse à laquelle ses compagnons avaient été éliminés, commençait tout juste à réagir. Trop tard. Pierrick écarta sa baguette d’un coup de pied dans le poignet et l’assomma en se retournant en l’air pour percuter son crâne d’un coup de talon. Sitôt les pieds au sol, le chasseur rebondit pour s’élancer vers un autre mage noir. Celui-ci lança un stupéfix. Mais rata de peu l’oiseau noir qui avait pris la place du jeune homme. Reprenant son apparence humaine sans se reposer sur le plancher, le chasseur le propulsa au sol d’un coup de pied dans la mâchoire. Il fit tomber violement son genou sur sa tête. Un sinistre craquement indiqua que le cou était broyé.

           Un éclair vert manqua de peu Pierrick. Ce dernier se releva en attrapant une bouteille sur une table proche et, se tournant vers le dernier mangemort, la projeta à son visage. La bouteille éclata, crevant ses yeux d’éclat. Le mangemort hurla de douleur et lança un sort mortel à l’aveuglette. Le chasseur était entré dans sa garde et d’un mouvement de tenaille, lui brisa le bras. Un nouvel hurlement retentit, bientôt étouffé par un coup de coude retourné aux côtes. Le mangemort plié par le coup ne put rien faire quand Pierrick plaça ses mains sur son menton et sa nuque et la brisa d’un geste vif et sec.

           Quelques secondes plus tard, une fois sûres que le combat était fini, Emilie et Chun rejoignirent Pierrick. Emilie regarda partout, examinant plus les dégâts matériels que les cadavres qui jonchaient son sol. Elle remarqua quand même qu’un des mangemorts remuaient de façon bien vivante.

« Tiens, un survivant ! fit-elle. Tom. »

Le videur vint. Mais il n’était pas seul. Cinq sorciers le suivaient, baguette à la main. Celui qui avait l’air de commander ce groupe lança :

« Police personne ne bouge ! Lâchez votre baguette ! »

Emilie obéit en posant sa baguette sur une table. Le policier avisa le carnage. Ses yeux s’arrêtèrent finalement sur Pierrick.

« Chaldo. Qu’est-ce qui s’est passé ?

-Ils ont menacé ma tante.

-Pourquoi ne pas avoir appelé la police ?

-Ce sont des mangemorts. C’est le travail des Chasseurs, pas de la police magique.

-C’est pas l’avis du ministre.

-Je me fous de ce que dit le ministre. Je t’enverrais mon rapport. J’ai autre chose à faire que de parler avec toi Chergnieux. »

Pierrick lui tourna le dos pour s’approcher de Chun. Chergnieux pointa sa baguette dans son dos.

« Arrête toi ! ordonna t-il. »

Pierrick obéit, mais ne se retourna pas.

« J’espère que tu ne me menaces pas, dit le Corbeau. »

Chergnieux eut un rictus et pointa sa baguette sur Chun. Cette dernière n’eut qu’un léger soubresaut mais ne montra aucune peur.

« Qui est-ce ?

-Elle est avec moi. Ça ne regarde donc pas.

-On dirait une moldue. Tu sais que c’est interdit de se dévoiler aux moldus sauf dans certains cas bien précis. Je dois vérifier si elle répond aux critères de ces cas. Elle va m’accompagner au ministère. »

Cette fois-ci Pierrick se retourna pour faire face au policier, s’interposant entre lui et la jeune femme. Les yeux noirs de Pierrick auraient suffi à faire fuir une armée sanguinaire. Mais Chergnieux était soit bête soit confiant. Il regarda rapidement les mains du chasseur pour vérifier qu’il n’avait pas sorti sa baguette.

« Tu comptes m’empêcher de faire mon travail ?

-Tu ne la toucheras pas.

-Donc, j’en conclu qu’elle ne répond à aucun critère. Il n’y a donc qu’une chose à faire. »

Chergnieux s’apprêta à lancer un sortilège d’amnésie mais le chasseur fut le plus rapide. Il lui tordit le bras et l’obligea à pointer sa propre baguette sur sa gorge dans une position inconfortable. Le bout de bois appuyait douloureusement sur sa carotide. Les autres policiers levèrent aussitôt leurs baguettes vers le Corbeau mais ne pouvaient rien faire de peur de toucher leur supérieur.

           Chergnieux toisait Pierrick d’un regard méprisant.

« Chaldo, tu viens de commettre une erreur fatale. Tu es en état d’arrestation.

-Pour l’instant c’est toi qui est en mauvaise posture.

-Tu es fini. C’est la fin du Corbeau ! Tu peux pas savoir depuis combien de temps j’attends ce moment. J’ai toujours voulu assister à ta fin.

-Tu ne la verras pas.

-Réveille-toi ! C’est maintenant ! Tu vas aller rejoindre ceux que tu as arrêtés à Fortran. Argh ! »

Pierrick avait enfoncé un peu plus le morceau de bois dans sa peau.

« Ne remue pas tu vas te faire mal, dit le chasseur. Pour m’envoyer à Fortran, il faudrait déjà m’arrêter.

-Tu ne peux pas t’enfuir ! Nous sommes cinq et tu es seul.

-Regarde autour de toi. Ils étaient six, voulaient me tuer et je n’ai même pas sorti ma baguette. »

Un tremblement d’effroi parcourut les policiers. Cet homme était-il humain ?

« Tu vas nous tuer ?

-Je ne sais pas. »

Pierrick asséna à Chergnieux un coup de genou à l’estomac tout en le désarmant. Il le laissa s’affaisser sur le plancher. La baguette du policier à la main, il lança plusieurs éclairs rouges très rapidement, désarmant tous les policiers. Pierrick jeta la baguette et se précipita vers Chun.

« Accroches-toi ! »

La chinoise obéit et ils transplanèrent au moment où Chergnieux, ayant récupéré sa baguette se relevait, menaçant. Le policier grogna de rage.

           Emilie fit quelques pas vers son bureau. Elle souriait.

« Je vois que mon neveu n’a rien perdu de sa classe ! fit-elle. Messieurs les policiers, pourriez-vous me débarrasser de ces corps en partant ? Ce n’est pas qu’il puisse entacher la réputation de mon établissement mais ils vont gêner certains de mes habitués. »

Chergnieux, dont l’énervement était à son paroxysme, la gifla violement. Il la menaça de sa baguette. Tous sentaient qu’il voulait lancer un sortilège impardonnable mais il se retint.

« Toi la vioque, tu vas nous suivre. J’ai des questions à te poser. Quand à ton bouiboui, il va fermer définitivement. Appelez le département des substances interdites et celui la section des mœurs, ordonna t-il à ses hommes. Ils vont tout passer au peigne fin. »

Pour toute réponse, Emilie souria.

« Pour ce que tu viens de faire, Pierrick va te faire très mal, petit poulet.

-Chaldo n’est déjà plus un problème. C’est un hors-la-loi. Il va finir ses jours à Fortran.

-Tu n’es pas assez fort pour l’inquiéter. Tu finiras en prison avant lui. Tom, tu peux prendre ta journée. Hmmm. Prend même ta semaine. Laisse leur les clés, ils fermeront.

-Bien mademoiselle.

-Tu as si confiance en ton neveu ? fit Chergnieux.

-C’est bien le fils de mon cher frère. »

 

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