Combat sous les étoiles
Bats-toi !
Deux silhouettes encapuchonnées me faisant face, pointaient leurs baguettes menaçantes sur mon visage. Je restai immobile, surprise par leur apparition soudaine, juste devant chez moi. Enfin, mon ancien chez moi. Quelle idiote, je ne m'étais pas doutée qu'ils me surveilleraient à ce point, jusqu'à poster des Mangemorts devant mon foyer 'révolu'. Cette erreur allait sûrement me coûter la vie et celles des membres de l'Ordre, de mes amis. Une vague de culpabilité m'envahit. Mes amis.
« Bonsoir, me salua une voix féminine, nous nous désespérions de ta venue. »
L'autre Mangemort ricana méchamment. Un homme et une femme, déduisis-je. D'un coup de baguette, l'homme enleva son masque cauchemardesque, et je pus apercevoir ses traits malgré la pénombre. Il avait les cheveux bouclés probablement bruns, avec de la barbe, et des yeux durs.
« Ta baguette », m'ordonna-t-il.
Ne bougeant pas, la femme, démasquée elle aussi, me colla la sienne entre les côtes. « Sale sang-mêlé, traître à ton sang, je serai ravie de te la prendre de force », me cracha-t-elle. Son visage était à quelques centimètres du mien, et ses yeux lançaient des éclairs en dessous de sa frange. Je glissai donc mes doigts dans la poche de mon jean. Grâce à mon sortilège d'Agrandissement (enseigné par Hermione), j'avais pu emporter beaucoup de choses, mais il fallait que je réussisse à attraper cette fausse baguette (une brillante idée de Fred et George). Par chance, je la sentis sur le dessus de la pile. Je la lui tendis de mauvaise grâce et elle me l'arracha des mains. Puis, elle recula lentement, relevant la sienne. Elle lança la mienne dans les airs, d'un sort silencieux, son acolyte la fit exploser et des éclats de bois volèrent partout. « Quel dommage ! », s'exclama-t-il, pas le moins du monde désolé. Il rirent ensemble.
« Assez rit, coupa rudement la femme blonde. Où sont les autres? Où est Potter? »
A la prononciation de ce nom, mon coeur eut un raté et la peur m'envahit. Harry. Je me repris, m'efforçant de paraître stoïque. Ils venaient pour des informations et n'étaient pas franchement sympathiques, donc utiliseraient sans doute la manière forte.
« REPONDS », hurla-t-elle.
Je déglutis, toujours silencieuse. L'homme se précipita sur moi et me saisit par les cheveux, sa baguette plaquée sur mon cou. Dans mon oreille, il chuchota très doucement, imprégnant chaque syllabe, chaque mot, d'une caressante menace, qui me donna la chair de poule :
« Lucinda et moi avons besoin de ces renseignements, à toi de choisir la manière, mais sois sûre que tu nous les donneras »
Sur ce, il transplana avec moi.
Nous atterrîmes dans une clairière. Les réverbères et les maisons avaient disparu. J'étais terrifiée, en compagnie de deux Mangemorts au milieu de nulle part, au beau milieu de la nuit. Un seul point n'était pas trop négatif, ils ne m'avaient pas mener à leur maître. Si ça avait été le cas, j'aurais signé notre arrêt de mort immédiat. Il y avait donc une petite chance de leur fausser compagnie, si infime soit-elle. Il me lâcha et la-dite Lucinda reprit la parole, avec un mauvais sourire :
« Nous serons plus à l'aise ici, pour discuter. Alors? »
J'évaluai les chances de m'enfuir en courant ou de saisir ma baguette avant qu'ils ne me stupéfixient, mais elle se révélaient quasi nulles. Et si je transplanais, ils devineraient notre petit stratagème de fausses baguettes et ne se laisseraient plus embobinés. J'étais donc en assez mauvaise posture.
« Endoloris ! »
Une douleur fulgurante me frappa, chaque millimètre carré de mon corps était comme transpercé par des milliers d'aiguilles, ma tête allait se fendre. Je me tordais de douleur, hurlai à m'en briser la voix. Des siècles d'agonie semblaient défiler. Puis, brusquement, plus rien. J'étais étendue sur l'herbe humide, en sueur et la vision brouillée par les larmes.
« OU EST HARRY POTTER?! », aboyèrent-ils en coeur.
Même respirer me faisait souffrir le martyr. Elle recommença trois fois, mais je ne dis rien. Je reçus un bon coup de pied dans l'estomac qui me donna la nausée en prime. L'homme m'attrapa par le col et me releva, avant de retourner vers Lucinda. Les arbres tanguaient un peu au loin, j'étais toute courbaturée. Des nuages masquaient la lune par intermittence. Je grelottai, et l'humidité indiquait qu'il n'allait pas tarder à pleuvoir. Les deux Mangemorts argumentaient à voix basse. Mon cerveau réfléchissait à cent à l'heure, tandis que je m'essuyais les joues et essayai de me calmer. Ils n'allaient pas me torturer indéfiniment, soit j'allais parler contre mon gré (ou pas), tout dépendait de ce qu'ils utiliseraient (je frissonnai de plus belle), soit ils en auraient assez et me tueraient ou m'emmèneraient chez le Seigneur des Ténèbres. Il fallait donc gagner du temps. Mais comment? Pas de magie, et je ne savais pas me battre au corps à corps. Je regardais discrètement à mes pieds, mais il n'y avait ni bâton, ni pierre, juste des pommes de pin qui ne leur feraient pas grand mal. Ils vinrent de nouveau vers moi. Le peu de courage que j'avais repris s'envola littéralement, je ne tremblais plus seulement de froid.
« Parle », me somma Lucinda.
Je ne répondais pas parce que je voulais les provoquer ou résister, j'étais juste totalement paralysée par la peur.
« Vas-y, Rufus », dit-elle.
L'homme, donc Rufus, me fit face et me décocha une droite. Je n'avais rien vu venir et m'effondrai. Le monde tanguait pour de bon et j'avais encore plus mal partout, si c'était possible. Le goût amer du sang m'emplit la bouche et les narines.
« Nous n'allons pas y passer la nuit ! »
Lucinda commençait à perdre son sang froid.
« Le maître la veut vivante. On doit la lui amener entière avec ce qu'il veut savoir, pas comme la dernière fois, sinon... »
Entière. Elle voulait me découper? Je me ressaisis et compris. Il avait laisser sa phrase en suspens, ils devaient donc réussir leur mission pour se racheter de quelque faute. Ils n'allaient pas me lâcher par conséquent. Je me remis péniblement debout en me pinçant le nez pour endiguer l'hémorragie, chancelante et endolorie. Ils interrompirent leur dispute et reportèrent leur attention sur moi.
« On t'as laissé une chance, tu ne l'as pas saisie, tant pis pour toi. S'il faut t'arracher ce que tu sais de la tête, on le fera, s'il faut pénétrer dans ton esprit, notre maître le fera. Ce n'est pas tous les jours que l'on rencontre la petite copine de Potter »
Il ne manquait plus que ça. Des souvenirs m'assaillirent et ravivèrent ma tristesse.
« Expulso ! »
Le Sortilège d'Expulsion m'envoya valdinguer à une quinzaine de mètres. L'atterrissage ne fut pas très agréable, mais je n'avais rien de cassé. Je m'assis hébétée, reprenant mon souffle tant bien que mal. La forêt était juste derrière moi. C'était maintenant ou jamais. Mon instinct de survie me fit reprendre courage et, courir très vite. J'entendis les Mangemorts jurer et s'empresser de me suivre. Je courais aussi vite que possible mais le terrain était glissant et en pente avec des racines traîtresses me faisaient régulièrement trébucher. Je slalomais entre les pins et sprintais, essayant de les semer. Essoufflée à cause de mon nez plein de sang, je me cachai derrière un sapin, tentant de prendre ma baguette. Mais mes chutes répétées et ma course effrénée avaient mis sans dessus dessous le contenu de ma poche. Les livres, parchemins, plumes et vêtements étaient emmêlés et je ne la trouvais pas. Un éclair rouge me frôla:
« Elle est là ! »
Un énorme chien marron aboya et se mit à ma poursuite. Je dévalai toujours, la pente devenant de plus en plus pentue. Je débouchai de nouveau dans une clairière, plus grande cette fois. La lune se cacha et il commença à pleuvoir. Je n'y voyais pas grand chose et ralentis le pas. C'est ce moment que choisit le molosse, pour se jeter sur moi. Il s'agrippa à mon bras gauche avec ses crocs ; je gémis de douleur. Il resserra la prise, m'entaillant un peu plus la chair. Désespérée, je fouillais avec mon bras libre dans ma poche, et miracle !, je m'emparai de ma baguette et criai le premier sort qui me vint à l'esprit. Un énorme jet de flamme jaillit de son bout. Le molosse jappa de douleur et s'affaissa. La lune reparut. Je pus me rendre compte des dégâts. La carcasse du gros chien fumait légèrement sous la pluie glacée. Il devait être un Animagus du Mangemort. Mon bras gauche ensanglanté avait besoin de points de suture et aussi d'un onguent pour brûlure, et mon gilet qui était gris était désormais vermeil. La pluie redoubla et la lune disparut encore. Mais je n'en avais pas encore fini, une silhouette fine sortit de la forêt, Lucinda, évidemment. La pluie devint torrentielle.
« AVADA KEDAVRA ! », beugla-t-elle.
Je n'eus que le temps d'esquiver. Je lui renvoyai un sortilège de Stupéfixion mais je la manquai. Nous continuâmes ainsi sous la pluie, perdant et gagnant du terrain à tour de rôle, je me défendais assez bien. L'ondée passa, ne devenant plus qu'un petit crachin. Au bout d'une éternité, me sembla-t-il, Lucinda, changea de tactique. Elle métamorphosa une centaine de pommes de pins qui jonchaient le sol en poignards et ils restèrent suspendus dans les airs, prêts. Elle abaissa sa baguette mais un seul fusa. J'exécutai le Sortilège du Bouclier, mais la dague le traversa, à ma grande surprise, et me toucha en dessous des côtes. Une nouvelle tâche écarlate pour mon gilet. Cette blessure était sévère, l'hémorragie abondante. L'arme avait laissé une traîné vaporeuse et noire dans l'air, qui ne présageait rien de bon.
« Aucun sort ne peut te protéger contre cette Magie Noire. Tu vas me supplier de t'achever avant que le poison ne le fasse, tu vas payer pour tes actes et pour ceux de ta petite bande »
Elle ne criait pas, sa voix tremblait de rage. Je commençai à paniquer et la perte de sang m'affaiblissait. J'allais mourir ici, et personne ne le saurait jamais. Je ne reverrais jamais mes amis, ni Harry. Harry. Penser à lui réveilla de nouveau mon chagrin. Nous nous étions disputés la dernière fois. Et j'étais partie. Partie sans lui dire où j'allai. Je m'en voulait terriblement, et il me manquait tellement. J'avais besoin de lui, je ne pouvais pas vivre sans sa présence... De chaudes larmes roulèrent sur mes joues. Mon ennemie s'esclaffa.
« Arrête de pleurnicher, sale traître à ton sang ! Ou appelle ton prince Potter pour qu'il vienne te sauver, ça fera d'une pierre deux coups ! »
Et elle rit à sa propre blague. Je me sentais vraiment mal à présent. Tout tournait et la nausée revint, le poison de sa magie faisait effet.
« Potter, Potter, POTTER ! », chantonnait-elle.
Mes jambes ne me portaient plus, je tombai à genoux.
« TAIS-TOI ! », braillai-je.
Elle le fit, stupéfaite de m'entendre enfin parler, peut-être. Mais elle repris vite son air supérieur et satisfait.
« Finalement, je vais te tuer tout de suite, je m'épargnerais ainsi tes supplications »
Elle leva lentement sa baguette avec un petit sourire et, l'abattis. Je vis les pointes scintillantes dans l'obscurité, converger à toute allure dans ma direction, leur voile empoisonné les précédant. En désespoir de cause, le seul sort que je sus prononcer, fut le Sortilège du Désarmement. Je criai ''Expelliarmus'' avec toutes mes tripes et tout mon désespoir. Pourquoi? Je ne sais pas. Mais son efficacité me sidéra. Tous les poignards furent déviés de leur trajectoire, et se retournèrent vers leur instigatrice – ce qui nous décontenança. Avec un faible cri, Lucinda s'écroula. Tout fut plongé dans un profond et, horrible, silence. Je repris mon souffle, comme je pus à cause de mon nez qui saignait toujours, et me redressai avec difficultés, l'esprit pas trop clair. Des flash, des souvenirs s'intercalaient à la réalité, je délirais. Je réussis à tituber jusqu'au chien. Il ne respirait plus, ce qui ne m'étonna pas étant donné le degré de sa brûlure sur son corps. Dans la Grande Salle, le professeur Quirell courait vers la Table des Professeurs, la mine complètement terrifiée et le turban de travers, annonçant la présence d'un Troll dans le château. Je m'approchai ensuite de Lucinda. Je ne pris pas la peine de vérifier son pouls, une bonne vingtaine de dagues lui perçaient le corps. Je me détournai et vomis. Ce soir, j'avais tué deux personnes.
Par magie, je fis brûler leurs corps pour ne pas laisser de trace et fourrai la baguette de la sorcière dans ma poche, elle pourrait toujours servir. Sous la plaine lune, le professeur Lupin mutait en loup garou devant le Saule Cogneur, Rogue nous disait de courir. Je boitillai jusque sous les arbres et transplanai. Je transplanai d'abord à Londres dans une petite ruelle sombre. Je fis quelques pénibles mètres en effaçant les trace de sang que je répandais partout. Je transplanai une plusieurs fois à travers l'Europe pour semer les éventuelles personnes qui me suivraient. Nous sortions de retenue, avec les mots d'Ombrage incrustés dans la main, cherchant des plans surréalistes pour la faire renvoyer. Quand enfin je fus rassurée, et que je n'avais plus la force de me traîner, je me rendis dans la zone protégée autour de la Chaumière aux Coquillages. En atterrissant ici, je savais que les membres de l'Ordre seraient en alerte intrusion. Je m'assis alors sur une souche aux milieu des quelques arbres. L'air marin m'apaisa un peu, je luttais contre les visions et le sommeil. Des cris me confirmèrent qu'ils étaient alarmés par ma présence. Nous étions au Département des Mystères, l'Ordre se battait contre les Mangemorts, les sorts fusaient partout. Au bout de quelques minutes, quelqu'un pointa sa baguette dans mon dos, on me désarma et je me retrouvais encore avec des baguettes sous le nez.
« C'est la deuxième fois ce soir, que je suis dans cette posture », soufflai-je, en souriant sur l'ironie de la situation.
« Qui êtes vous? », m'interrogea une voix, dont je reconnus sans hésiter une seconde, comme étant celle d'Hermione.
Personne ne bougea. Ils ne me croyaient pas, forcément, je pouvais être n'importe qui, un ennemi déguisé ou ayant pris du Polynectar.
« Je suis Ginny, j'étais à Poudlard avec vous tous, à Gryffondor. Pendant votre première année, le tout premier mot de passe était Kaput Draconis, Ron me l'avait dit, Hermione tu n'étais pas présente au banquet d'halloween cette même année, car tu pleurais dans les toilettes »
Harry hurlait, retenu par Lupin, il regardait Sirius tomber au ralenti dans l'arche au milieu de l'arène. Celle-là me fit vraiment mal, revivre un instant pareil avec ce déferlement d'anciennes souffrances me perturbais beaucoup.
« Au bal de Noël pendant le Tournoi des Trois Sorciers, j'y étais avec Neville... »
J'eus de la peine à formuler cette phrase, se concentrer devenait plus dur. Les élèves de Poudlard étaient réunis les pieds dans l'eau, incrédules, devant l'inscription sanguinolente et Miss Teigne accrochée sur le mur, prévenant que la Chambres des Secrets avait été ouverte. Je marquai une assez longue pause, ces flash étaient tellement réels qu'ils me faisaient oublier ce que je disais.
« Je... je suis partie comme une voleuse il y a un peu plus de deux semaines, je crois. En plus, il faudra dire à Harry que... »
Sur ce je me tus car j'allais pleurer si je continuais. Dobby parlait de sa petite voix aiguë devant le feu de cheminé des cuisines de Poudlard.
« Pourquoi parles-tu de Dobby? », demanda une voix soupçonneuse.
Mon état empirait, désormais je parlais sans m'en rendre compte. Je me pinçais l'arrête du nez, en essayant de rassembler mes esprits et lutter contre cette chose qui me torturait.
« Il est enterré dans un massif de buissons prêt de la falaise », me rattrapais-je.
Le corps de Dumbledore gisait au pied de la tour d'astronomie, et... Quelqu'un alluma sa baguette et je pus distinguer clairement tout le monde. Il y avait Hermione, Lupin, Bill, Ron et une autre personne encore dans mon dos.
« Oh mon Dieu ! », s'exclama Ron en m'examinant.
« Qu'est ce qui t'es arrivé? », souffla-t-il, choqué.
« Eh bien, je suis tombée sur une bande de Ronflaks Cornus enragés », plaisantai-je pour détendre l'atmosphère.
Comment leur dire? Deux serviteurs de Vous-Savez-Qui m'ont torturés une bonne partie de la nuit, je déraille carrément car je suis empoisonnée, mais ne vous inquiétez pas, ce n'est pas grave? Ils sourirent mais étaient inquiets. Bill rentra pour prévenir les autres et Lupin qui avait ma baguette, m'aida à me mettre debout. Hermione était étendue à l'infirmerie, pétrifiée par le Basilic, nous ne savions plus quoi faire. Tout le monde alluma la sienne et ils purent admirer l'ampleur des dégâts. Leur expression changea, Hermione était choquée et Ron bouche bée. Lupin paraissait en train de réfléchir à la façon de me déplacer, car il était clair, que je ne pourrais pas marcher jusqu'à la Chaumière. En baissant les yeux, je compris leur expression. Mon jean et mon gilet étaient déchirés, surtout à l'endroit où l'Animagus m'avait mordue et on y voyait clairement les marques de morsure ainsi qu'une brûlure. Sur le côté droit, une grosse tâche foncée suintait et au niveau du col, il avait des traces qui provenaient de mon nez cassé. Le sang gouttait et coulait le long de ma jambe droite. Je devais avoir les cheveux détrempés et en bataille ainsi que du sang sur le visage, et donc ne pas être très présentable. Après un blanc un peu gêné, une voix chaude et familière le brisa :
« Qui t'as fait ça? »
Et la personne qui ne s'était pas montrée, vint dans la lumière. Il était là, ses brillants yeux verts angoissés et en colère aussi. Harry était assis sur le lit à baldaquin, abattu. Je lisais tant d'amertume dans ses yeux que je ressentais aussi sa peine, vive, tranchante. J'eus un vertige mais mon ancien professeur me rattrapa. L'horreur des heures passées remontait à la surface et m'épouvantait, ainsi que les émotions des années antérieures, à cause de ces satanés souvenirs. Ma mémoire était vraiment intacte, tous les détails étaient justes et précis.
« Ils... », commençai-je, « Deux... deux Mangemorts, mais ils sont... morts. »
Je baissai les yeux honteuse, les larmes aux yeux. La maison de Harry apparut, silencieusement. Tout était resté dans le même état qu'il y a seize ans. Ce paysage me fendait littéralement le coeur, ils auraient été si heureux ensemble, ici. Ne pouvant plus me contenir, je fondis en larmes. Voldemort était là, debout et fier, sa main cadavérique tenant sa baguette en os comme un épée, bataillant contre Dumbledore. Des flammes sorties droit de l'enfer s'écrasèrent contre une vague bleue turquoise, devant la fontaine dorée. Mes jambes me lâchèrent et je perdis le fil des évènements. J'entendis des cris, des paroles anxieuses et fébriles, puis on me porta. Des paroles très lointaines, très distantes, comme dans un rêve me disaient de rester.
« Reste ! Reste avec nous, ne pars pas, ne meurs pas maintenant, s'il te plaît... »
Je voyais la Forêt Interdite, sa lisière sombre et effrayante, on m'y appelait. L'air se réchauffa, je fus éblouis par une lumière vive, mais ne distinguais rien, à part des choses floues et incertaines. Les Mangemorts en sortaient, leurs baguettes vers le ciel. Lucinda me poursuivait avec des milliers de poignards. Il y avait du bruit, des voix, mais celle chaude et réconfortante était toujours plus lointaine. Je crois qu'on m'étendis sur une table. Puis ce fut un murmure presque inaudible que je perçut.
« Je suis avec toi... on va te guérir tu vas voir, ne t'inquiète pas... je suis là... »
Puis je ressentis de nouveau la douleur au niveau de mon flanc. Ils étaient revenus ! Ils allaient me tuer et découvrir notre cachette ! Lucinda avait raison, ils avaient réussi à savoir ! Je me débattis contre les Mangemorts, hurlais, mais on m'immobilisa, et tout devint noir.
Il est beaucoup plus facile de quitter ce monde que d'y revenir. J'en suis la triste expérience. J'ai navigué entre deux eaux, hésitante : la vie et ses tourments pervers, ou la paix, la mort pour ainsi dire. Pour avoir la chance de revenir, il faut écarter ses idées sombres, peser le pour et le contre : lorsque l'on est dans cet état, quelque part entre la conscience et le néant, on a le temps de réfléchir à notre insignifiante place dans ce monde. On naît, on vit, on meurt, tu es né poussière, tu retournas poussière, cycle normal des choses. Mais en se penchant plus longuement sur la question, je suis arrivée à une autre conclusion. Les personnes qui nous entourent ont certes un infime impact sur le monde, mais pas sur notre monde. Chacun s'est construit un univers tout au long de son existence, où en tournoient d'autres, plus ou moins nombreux. Parfois, une collision s'y produit, on se prend un astéroïde ou une comète en pleine face et tout bascule. On peut glisser du bon côté, en rencontrant un soleil, par exemple, autour duquel on pourra graviter et se réchauffer. Malheureusement, la mauvaise pente existe aussi. On peut se trouver arracher de son orbite et envoyer errer dans les confins de l'espace, en quête d'une nouvelle galaxie, d'un nouveau foyer. Qu'est ce qu'une femme qui passe ses nuits à veiller une malade pour ce monde? Des personnes qui souffrent en silence, en attendant un bonne nouvelle? D'autres qui se battent pour leur liberté et la survie des leurs? Ou un homme, qui par orgueil et soif de pouvoir, tue, déchire, détruit? Je pense qu'à l'échelle de la planète, c'est futile. Mais à l'échelle humaine, ce sont des choses considérables et formidables. Cette femme s'acharne à sauver une vie, car si elle échoue, l'assemblage si complexe, qui imbrique chaque entité dans une autre, sera brisé. Chacun est un pilier, et lorsqu'il s'effondre, un monde entier s'écroule avec lui ; c'est une chaîne sans fin, la chaîne de la vie.
Je crois que mon instinct de conservation pris les choses en main une bonne fois pour toute, trois semaines après avoir failli quitter cet univers, vers un autre, soi-disant meilleur. Je me réveillai juste avant l'aube, un peu mal en point, comme ranimée violemment, mais les idées plutôt en ordre. La Chaumière était toujours endormie et une faible lumière grise filtrait à travers les rideaux des trois petites fenêtres. Ma mère dormait à points fermés, sur un vieux rocking chair, la tête penchée et la bouche entrouverte. Sa respiration était calme et régulière, elle avait l'air serein. Nous étions dans une minuscule chambre rustique, claire et agréable à regarder. Je bougeai mes membres un par un, tout semblait à sa place. J'examinai aussi le bandage autour de mon bras gauche ; il était un peu douloureux, mais c'était supportable. Un autre pansement me serrait la cage thoracique, bien ajusté. Je tâtai l'endroit sensible où la dague s'était ménagée un passage entre mes côtes. Pour l'instant, rien de vraiment alarmant. Le sommier grinça et ma mère se réveilla en sursaut. Son visage s'illumina et se fendit d'un immense sourire.
« Ginny, mon bébé ! »