CHRONOS ET DEIMOS. Traduit de russe, auteur TsissiBlack

Chapitre 8 : Chapitre 8

3062 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 30 jours

-      Une suite avec deux chambres, s'il vous plaît, lança Harry en rattrapant Severus qui tenait à peine debout, puis il pressa le portier : Cessez vos regards désapprobateurs et donnez la clé. Si mon protégé s'écroule dans le hall, vous le porterez vous-même jusqu'à la chambre.

-      Bien sûr, Mister. Veuillez m'excuser. Une suite avec salon, deux chambres et salle de bains commune vous conviendrait-elle ?

-      Oui.

-      Je vous en prie. Numéro sept cent trois. Que souhaitez-vous pour le petit-déjeuner...

-      Nous en discuterons demain matin. Bonne nuit.

Harry déposa quelques billets apparus dans son portefeuille magique sur la table et prit la clé.

Severus hoqueta, puis éclata de rire en s'accrochant à lui. Il essaya de dire quelque chose, mais les mots refusaient simplement de sortir, et il ne produisit qu'un marmonnement incompréhensible.

-      Allons-y, mon malheur, soupira Harry. La dernière bouteille était clairement de trop. Demain, quand tu auras récupéré un peu, je te ramènerai chez toi.

-      Toi tu sais où j'bit... ?

-      Tu me le diras.

-      Nooooon. T'sais touuuut.

-      Ne gigote pas, allons-y. Prudence. Reste tranquille, je vais ouvrir la porte.

Severus ricana et se laissa glisser le long du mur jusqu'au sol pendant qu'Harry manipulait maladroitement la clé.

-      T'as dit qu'on allait boire ?

-      Que penses-tu que nous avons fait ?

-      Tu voulais me raconter ts aventures. J'prlé, et toi nooon, la voix de Severus était clairement pleine de reproches, et Harry gloussa.

-      Tu en entendras assez tôt. À propos de mes exploits. Oh, notre nouvelle célébrité, entre, donc. Et dors, nous parlerons demain matin.

En quelques minutes, Severus se recroquevilla sous la couverture, glissant la main d'Harry sous sa joue, en marmonnant :

-      Ne pars pas. C'est tellement terrible de se réveiller le matin et d'savoir à nouveau que prsonne n'a bsoin d'moi, même pas de toi.

-      Oh, demain tu auras un réveil féerique. Et que je sois là ou ne te ferai ni chaud ni froid, crois-moi.

-      Tu m'imprt tjours. Tjours.

Harry attendit que Severus soit complètement calmé et libéra doucement sa main.

-      Dors ! Je n'aurais jamais imaginé entendre ce « toujours » sortir de ta bouche, Severus Rogue. Désormais, nombre de mes souvenirs semblent prendre un tout autre sens. Tant au sujet du gamin que tu as finalement pu aimer, qu'à propos de bien d'autres choses encore.

Il écarta délicatement une longue mèche de cheveux du visage pâle de Rogue, si différent de sa physionomie d'adulte, perpétuellement mécontente, marquée de plis amers autour des lèvres fines et d'un sillon vertical barrant son front haut.

Il en ressentit à nouveau cette douleur lancinante, comparable à un coup de poignard en plein cœur. Ce garçon, qui serrait sa main avec tant de confiance, ignorait encore le destin cruel et impitoyable qui l'attendait. Pour l'heure, ses seules préoccupations concernaient les maraudeurs, l'énigme que représentait ce personnage mystérieux - Déimos Black - ainsi que ses difficultés financières et sa quête identitaire. Il ne connaissait pas encore cette pression morale incessante, ces périls pour la vie, ces tortures répugnantes ni ces persécutions de Moldus. Tout cela appartenait encore à son avenir. Tout comme la disparition de Lily, le remords et la servitude envers deux maîtres.

Harry ne pouvait désormais qu'espérer que cet artefact miraculeux parviendrait, ne serait-ce qu'un peu, à alléger le fardeau que ce jeune homme d'apparence vulnérable devrait porter seul.

***

Severus se réveilla vers midi, alerté par un bruit étrange. On aurait dit quelqu'un qui soufflait fort et longuement à intervalles réguliers. Il regarda autour de lui, ne reconnaissant pas l'endroit, il ignorait également comment il était arrivé là et sa tête le faisait terriblement souffrir. Sur la table de nuit près du lit, il trouva un flacon de potion contre la gueule de bois qu'il vida avidement. Il se sentit tout de suite mieux. Quelques souvenirs de la veille lui revinrent alors en mémoire, le faisant gémir en enfouissant son visage rougi dans l'oreiller.

Il avait tenté d'exposer la veille au Lord de la famille Black les raisons pour lesquelles ce dernier revêtait une telle importance à ses yeux. Lui, Rogue, simple sang-mêlé, avait pratiquement confessé ses sentiments au chef de l'une des lignées les plus fortunées de Grande-Bretagne. Quelle prétention était la sienne ! Si au moins il possédait quelque attrait physique, mais... Comment Déimos pouvait-il lui accorder tant d'attention demeurait un mystère. Par Merlin, quelle humiliation. Severus s'accrochait à lui telle une médaille au revers de veston, s'esclaffait sans retenue, manifestait une jalousie puérile envers les artistes de cabaret et se comportait avec une infamante naïveté.

« Je me dois de présenter mes excuses. Il me faut trouver des vêtements et quitter ces lieux d'une façon ou d'une autre. Déimos refusera certainement de me revoir après tout cela. Et qu’est-ce que je me suis imaginé, idiot que je suis ! Quel cauchemar. J’aimerais pouvoir me cacher dans le fin fond du Tartare ! »

Hormis un peignoir moelleux, aucun autre vêtement ne se trouvait à portée de main. Après mûre réflexion, Severus parvint à la conclusion que puisqu'il n'avait pas été abandonné la veille dans une ruelle, mais conduit en ces lieux, et qu'une potion avait même été déposée sur la table de chevet, il subsistait peut-être une chance de remédier à la situation. Il devait garantir à Déimos qu'il ne s'imposerait point, ne le traquerait jamais et ne solliciterait rien. Jamais...

« Jamais, en effet. Un corps chaleureux, exhalant ce parfum enivrant de tabac mêlé à cette eau de Cologne identique à celle qui imprégnait l'oreiller après leur toute première nuit partagée. Première nuit. Quelle incongruité... ». L'idée que Déimos eût reposé à ses côtés, après l'avoir secouru de l'attaque du loup-garou, qu'il l'eût peut-être même effleuré, fortuitement, sans le moindre désir, bien entendu, provoqua un frémissement au plus profond de Severus. Il voulait désespérément que ce soit le cas, mais les chances que cela s'était produit approchaient de zéro à une vitesse terrifiante.

« Idiot. Quel idiot je suis. Merlin, que faire ? M'échapper ? Mais comment ? Je ne suis pas un lâche. JE NE SUIS PAS. LÂCHE. Mais quelle honte ».

Prenant quelques inspirations profondes, il se redressa et, revêtant un peignoir, se dirigea vers la salle de bains, estimant à juste titre qu'il serait préférable d'affronter les vicissitudes du destin après s'être rafraîchi.

***

Severus émergea de la douche et entrant dans le salon découvrit une scène des plus insolites : Déimos était suspendu tête en bas, les pieds maintenus dans des étriers métalliques spécifiques, fixés à une robuste barre transversale rappelant celles utilisées en gymnastique moldue. Il exécutait avec méthode et précision des flexions abdominales, se pliant en deux puis se redressant avec une lenteur calculée. Sa silhouette athlétique, simplement vêtue d'un short court, brillait de transpiration, et Severus demeura bouche bée, stupéfait par ce spectacle inédit – les sorciers se préoccupant rarement de leur condition physique.

-      Qu'est-ce que tu fais ?

-      Je soigne ma gueule de bois, Ouffff... expira lentement Déimos, en se pliant à nouveau jusqu'à toucher son nez avec ses genoux. - On va bientôt déjeuner, oufff...

Puis il attrapa la barre avec ses mains, détacha les fixations qui retenaient ses pieds et commença à se hisser, tantôt en levant le menton au-dessus de la barre, tantôt en la touchant avec ses épaules.

-      Commande... Le repas.

Severus ne discuta pas. L'hôtel était moldu, alors il se dirigea vers le téléphone.

-      Quel est le numéro de notre suite ? demanda-t-il quelques minutes plus tard.

-      Regarde... Les Clés, conseilla Harry, toute en continuant sa gymnastique, pour ne laisser aucune chance de salut à sa gueule de bois. - Pour moi. Rôti. Salade. Et en quantité. Café.

Rogue passa la commande et s'installa sur le canapé en posant ses pieds sur les coussins, puis contempla l'entraînement impromptu avec satisfaction et une forme de fierté dissimulée. En peu de temps, Déimos acheva ses exercices et se dirigea vers la salle de bains pour se doucher. Severus, après avoir réceptionné le petit-déjeuner et l'avoir disposé sur la table, rassembla ses pensées et sélectionna méticuleusement les mots pour présenter ses excuses.

Black revint assez rapidement vêtu d'une robe de chambre vert foncé moelleuse, entrouverte sur son torse encore humide, pieds nus, avec des gouttelettes d'eau brillant au soleil dans ses cheveux. Il s'installa à table avec une nonchalance tranquille, déplia son journal sans un mot et tira son assiette vers lui. Severus réalisa alors qu'il se trouvait dans l'incapacité d'articuler la moindre parole.

Habituellement doté d'une éloquence facile, il fut soudain envahi par une timidité insidieuse, prenant conscience de sa propre insignifiance et de sa stupidité, particulièrement flagrantes face au splendide Déimos Black qui, même en peignoir et les traits marqués par la fatigue, incarnait la perfection vivante.

Le journal émit un bruissement en tombant, et des yeux d'un vert profond se posèrent sur Rogue, qui s'affaissait, accablé par la conscience de sa propre insignifiance.

-      Que s’est-il passé, Severus ?

-      Rien.

-      Un « Rien » ne fait pas perdre l’appétit. Tu ne te sens pas bien ? Tu as mal quelque part ?

-      Je… Severus eut le souffle coupé et rougit à nouveau. (Que Mordred importe cette tendance de la peau claire à s'empourprer pour un rien) — Hier, je...

Déimos posa le journal et alluma une cigarette en s'appuyant sur la table sans aucune élégance aristocratique.

-      Nous, Sev, nous. On a fait la fête hier. Bon, on a peut-être un peu dépassé les bornes, mais ça peut arriver à tout le monde, non ?

-      Je t'ai dit tellement de bêtises, comme si c'était vrai... Je suis désolé. Plus jamais. Mes excuses. Je comprends parfaitement... Qui vous êtes et qui est moi... Merlin...

Il cacha son visage dans ses mains et resta silencieux. Toutes ses bouffonneries de la nuit marquaient son âme au fer rouge de la honte. Le regard compréhensif de Déimos ne faisait qu'intensifier sa souffrance.

Black se redressa, l'extirpa de derrière la table et l'installa à ses côtés sur le canapé, enveloppant ses épaules d'un bras protecteur.

-      Écoute, tout ce qui a été dit hier par toi et par moi restera entre nous. Je n'ai pas l'habitude de discuter de ma vie personnelle avec qui que ce soit. Et si tu crains que quelqu'un...

Severus essaya de se dégager de cette main lourde, mais en vain, bien sûr.

-      Il suffit que toi tu le saches…

-      Moi, je ne compte pas, sourit Déimos.

-      J’ai un avis différent. Et je ne comprends toujours pas pourquoi. Es-tu vraiment… intéressé par moi d’une manière ou d’une autre ? Que veux-tu de moi ?

Black lui effleura l'épaule, tout en maintenant une certaine distance entre eux.

-      Rien pour l’instant. Et il passera pas mal de temps avant que je puisse répondre à cette question. Alors terminons le déjeuner et allons faire une petite promenade. Cela te dit ? Le temps est magnifique et je n'ai pas envie de transplaner. On pourrait demander à Kreattur d'aller chercher tes affaires à Poudlard.

Severus n'eut d'autre choix que d'acquiescer, admettant sa défaite. Il ne comprenait toujours pas. Ou plutôt, une intuition l'effleurait, certes, mais en contemplant à nouveau son reflet dans le miroir, il se voyait contraint de reconnaître qu'elle ne reposait sur aucun fondement tangible.

***

La promenade s'éternisa sans qu'ils s'en rendent compte : ils flânèrent dans Londres, empruntèrent le métro, participèrent à une excursion et dînèrent ensemble. Severus attendait le soir avec appréhension, regrettant d'avoir perdu la moitié d'une journée aussi exceptionnelle dans le sommeil. Il se sentait comme la Cendrillon d'un conte moldu et s'en voulait pour ça. Il avait l’impression de s’enfoncer inexorablement dans des sables mouvants sans aucune envie d'en réchapper. Déimos souriait. Déimos plaisantait, réprimandait les ivrognes qui importunaient une Moldue inconnue, séduisait les femmes sans effort, se faisait respecter des serveurs et... tourmentait Severus, sans même en avoir conscience.

L'adolescent, douloureusement égocentrique, mal-aimé, solitaire et négligé, désirait arracher la gorge de chaque jolie écervelée sur laquelle Black posait son regard, de chaque séduisant jeune homme. Severus ressentait l'impérieuse envie de clamer : « Il est à moi, il est à moi ! », sans en avoir aucun droit. Il souhaitait que Déimos ne contemplât que lui, ne gratifiât que lui de ses sourires, ne s'adressât qu'à lui... après tout, nul ne savait quand il s'évanouirait à nouveau, aspiré par ses mystérieuses occupations, dont Lady Walburga refusait catégoriquement de s'entretenir, malgré l'insistance opiniâtre de Reg.

-      Il est temps, Severus, dit soudain Déimos, s'arrêtant net au milieu d’une phrase.

Ils étaient dans un café, et Severus feignait d'écouter une anecdote amusante sur des artefacts disparus. En réalité, il fixait Déimos jusqu'à en avoir mal aux yeux, ressentant profondément que leurs moments ensemble étaient comptés.

-      Déimos... pourquoi et si brusquement…?

Black se leva, déposa plusieurs billets sur la table et regarda Severus avec impatience.

-      Partons, cherchons un endroit pour transplaner. Le Temps. Je n'en ai plus.

Severus fut soudain submergé par une vague de compréhension, comme si une terrible vérité venait de lui être révélée en cet instant précis. Il se leva brusquement et, sans plus attendre, emboîta le pas à Déimos. En prenant congé devant la clôture de sa demeure à Spinner's End, il contempla avec avidité chaque trait de ce visage harmonieux qui avait conquis son cœur, s'efforçant de desserrer l'étreinte avec laquelle il retenait la manche de sa veste. Il brûlait de murmurer : « encore une minute, encore un instant, encore un infime moment. ». Déimos détacha délicatement ses doigts crispés de ses vêtements, les effleurant au passage. Un geste précautionneux, presque consolateur.

-      Je dois y aller, Severus. Je reviendrai. Ne fais rien de stupide, d'accord ? C'est ça, laisse-moi partir. Kreattur a apporté tes affaires... Courage, mon garçon.

Severus demeurait silencieux, se mordant la lèvre, et une telle amertume désespérée habitait son regard qu'Harry ressentit l'irrépressible désir de le saisir et de l'emmener, en se moquant des conséquences. L'univers pouvait s'effondrer, sombrer dans les Tartares ou rejoindre Mordred, il était incapable de partir quand on le regardait de cette façon. Pas sous un regard COMME ÇA. La « montre » suspendue à son cou vibrait avec une insistance croissante, lui rappelant que le temps était écoulé, qu’il était complètement révolu, que…

-      Je reviendrai, Severus. Merlin, lâche-moi, sinon...

Severus sursauta comme au sortir d'un rêve et retira brusquement sa main. Ses yeux s'assombrirent tandis que son visage adoptait cette expression douloureusement familière de froid mépris.

-      Va-t'en, lança-t-il avant de se diriger vers la maison sans un regard en arrière.

Son dos étroit était anormalement droit, sa tête légèrement rejetée en arrière, mais Harry ressentait sa douleur et sa déception jusqu'au plus profond de lui-même. En s'éloignant du Passé, il savait que leur prochaine rencontre lui réserverait une désagréable surprise face aux changements qui s'opéreraient chez Severus. La souffrance morale fait mûrir bien plus vite que n'importe quelle douleur physique.

« Je serai digne de toi », pensa Severus, luttant désespérément contre l'envie de se retourner. « Je serai avec toi. Si ce n'est pas en tant que... » – ce mot refusait de venir – « alors en tant qu'allié. Je t'admirerai de loin en œuvrant pour la même cause que toi. »

***

Un morceau de parchemin, apporté par un hibou décharné, reposait devant Regulus Black.

« Je sais comment procéder », révélaient les mots tracés de l'écriture soignée et caractéristique de Rogue. « Je serai présent à la prochaine assemblée. Peu m'importe ce qu'il m'en coûtera, j'y consens. »

 


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