Of Potions and Riffs (Severus Rogue X OC)

Chapitre 20 : Convalescence

3315 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a 19 jours

Les paupières de velours de Winter se soulevèrent lentement. Ses cils battirent à plusieurs reprises, fatigués, ses yeux tendant de s’accommoder à son environnement.

« - Où… ? »

Elle ne parvint guère à prononcer d’autres mots, interrompue par une faible toux. Sa gorge la brûlait et sa bouche était pâteuse. Son corps, tout engourdi, semblait peser une tonne. Sa vision était trouble. Autour d’elle, elle ne vit que du blanc.

Des pas pressés résonnèrent, la laissant supposer que la pièce était grande et haute de plafond.

« - Oh, Miss Grail, vous êtes réveillée. »

Winter réalisa qu’elle était allongée sur un matelas, recouverte par des draps de la même couleur que les murs. Elle voulut se redresser pour comprendre où elle avait atterri mais une douleur aiguë provenant de sa hanche gauche la fit lâcher une sorte de gémissement plaintif.

« - Pas un geste ! Vous devez vous reposer. Vous risquez de rouvrir la plaie à vous tortiller ainsi. », la gronda une voix féminine sur un ton factuel.

La vue de Winter se stabilisa légèrement. Elle rencontra en face d’elle le visage rose de Madame Pomfresh, l’infirmière de Poudlard. Une cornette blanche trônait sur ses cheveux poivre et sel bouclés et sa silhouette était recouverte d’un long tablier immaculé. Elle affichait une expression à la fois stricte, analytique et soucieuse.

« - Buvez donc ceci. »

Elle tendit à l’étudiante une potion.

« - Cela soulagera la douleur. Vous risquez de vous rendormir probablement. Elle induit aussi de la somnolence. Vous avez de la chance, c’est la dernière que j’ai dans mes armoires. Le Professeur Rogue devait renouveler mes stocks mais il est indisponible à cause du Tournoi des Trois Sorciers. »

Winter fronça les sourcils. Les circonstances dans lesquelles elle s’était retrouvée à l’infirmerie lui était obscures. Elle obéit à Pomfresh à contrecœur et prit une gorgée de la potion. Mais elle la recracha aussitôt, arrosant le sol au pied de son lit.

« - Pouah c’est…dégueulasse. »

Le juron lui échappa avec l’effet de surprise. La mixture était infecte. Son goût s’apparentait à un mélange de pisse et de poisson avarié.

« - Jeune fille ! Votre langage ! », la sermonna Madame Pomfresh d’un air plus que désapprobateur.

Winter soupira, n’appréciant pas le ton infantilisant. Elle était trop exténuée pour protester.

« - Vous pouvez m’expliquer ce que je fiche ici ?

- C’est bien la meilleure ! », pouffa la guérisseuse avec ironie, « ce serait plutôt à moi de vous poser la question. »

La musicienne la regarda, l’air hagard.

« - Vous ne savez pas ce qui m’est arrivé… », répéta Winter, confuse.

« - Non et croyez-moi, ce n’est pas dans mes habitudes d’accepter un patient, de faire des diagnostics et d’administrer des soins avec si peu d’informations sur le contexte de l’accident. Quand la première épreuve du tournoi sera terminée, j’en toucherai deux mots à Severus pour lui faire savoir mon mécontentement. », s’écria Pomfresh, indignée.

La deuxième mention du Maître des potions provoqua comme une décharge électrique dans le corps de la sorcière. Elle ouvrit la bouche pour poser une question mais l’infirmière de Poudlard la coupa d’un ton sec :

« - Vous n’avez toujours pas bu la potion. Je suis pressée, hâtez-vous. »

Winter grogna, émettant un bruit d’animal blessé. Elle se pinça le nez et avala le liquide poisseux, manquant à plusieurs reprises de le régurgiter. Madame Pomfresh lui arracha le flacon des mains et le déposa dans un évier dans un recoin de l’aile de l’infirmerie. Elle revint au chevet de l’élève pour prendre son pouls.

« - …Bien. Rien d’anormal. »

Elle plongea ses petits yeux calculateurs dans ceux de Winter.

« - Je suis attendue près du terrain de Quidditch pour porter assistance si nécessaire aux champions avec une délégation de l’hôpital Ste Mangouste déployée exceptionnellement pour l’occasion. La première épreuve du tournoi va démarrer dans un instant. Tout le monde est actuellement déjà sur site, installé dans les gradins, ce qui signifie qu’à part les elfes de maison, il ne reste personne dans le château. »

Elle marqua une pause, appuyant ses propos.

« - En aucun cas, je dis bien en aucun cas vous ne devez sortir de votre lit ou tenter le moindre effort physique. Est-ce bien clair ? »

Winter acquiesça en grimaçant. Elle ne supportait pas cet état où elle n’avait absolument aucun contrôle ni connaissance sur sa situation. La seule certitude qu’elle avait était qu’aujourd’hui était le jour de la première épreuve du Tournoi des Trois Sorciers. Le 24 novembre 1994 donc. Sans qu’elle ne sache pourquoi, un flash lui revint en mémoire. Des souvenirs remontant au lundi 21 novembre. Elle se rendait avec hâte dans la Forêt Interdite.

« - Madame Pomfresh ? »

Winter appela l’infirmière qui était sur le point de quitter la pièce.

« - Depuis combien de temps suis-je ici ?

- Trois jours. », répondit celle-ci factuellement avant de refermer la porte derrière elle.

Le silence s’installa aussitôt, devenant bientôt particulièrement pesant. Allongée comme elle était, Winter se retrouva contrainte à observer le plafond blanc et les lustres sommaires qui l’illuminaient. L’éclairage lui fatigua très vite les rétines. Elle tourna sa tête lentement sur son oreiller. Une torpeur extrême la parcourut. La potion commençait à faire effet. Les yeux de Winter clignotèrent de manière incontrôlée. La dernière chose qu’elle remarqua avant de replonger dans un sommeil artificiel fut la présence d’une robe de sorcier posée sur une chaise à côté de son lit. Elle était élégante, entièrement sombre, et trop grande pour pouvoir être la sienne.

 

Un hurlement guttural strident fit trembler les murs du château, accompagné d’un bruit d’effondrement provenant de l’extérieur.

Winter ouvrit les yeux brusquement, tirée de son assoupissement. Le brouhaha sourd eut comme l’effet d’une rupture de digue dans son cerveau. Tout lui revint en mémoire. Les journalistes, les bois, le dragon.

« - C’est…impossible. »

Elle devrait être morte. Elle aurait dû finir dévorée par le reptile violent. Ce rugissement provenant de dehors la lui glaça le sang.

Ignorant les recommandations de Madame Pomfresh, Winter tenta de s’asseoir sur son lit avec peine. Sa hanche la faisait souffrir. Chaque mouvement était une torture. Mais la volonté de la compositrice l’emporta sur la douleur. Elle parvint à se sortir hors de ses draps, frissonnant lorsque ses bras fins et élégants rencontrèrent le froid de l’infirmerie. Elle n’était vêtue que d’un simple t-shirt beige et un pantalon de la même couleur en lin. Elle marcha pieds nus en boîtant à moitié à chaque fois qu’elle levait sa jambe gauche, le mouvement du bassin tirant sur les tissus endommagés.

Quand elle atteignit la fenêtre et l’ouvrit, la jeune femme poussa un cri. Le pont suspendu reliant l’entrée du château aux plaines s’était effondré. En bas gisait une créature qu’elle reconnut aussitôt : le Magyar à pointes. Des acclamations provenant du terrain de Poudlard résonnèrent. Winter découvrit qu’une arène avec de nombreuses tentes avait été installée sur la verdure. Une voix digne de celle d’un commentateur de Quidditch résonna au loin.

« - Harry Potter a récupéré l’œuf d’or de son dragon ! Tous les champions disposent à présent d’un précieux indice pour la deuxième épreuve qui aura lieu dans exactement trois mois jours pour jours ! »

Des vivats de foule en délire suivirent cette déclaration, remémorant à Winter l’ambiance des derniers grands stades dans lesquels elle avait joué en tournée avec les Red Runners. Une mélancolie s’empara d’elle. Même si elle avait constitué un groupe pour le bal de l’école, ses véritables coéquipiers lui manquaient. Ils étaient loin de se douter de tout ce qu’elle avait pu vivre en quelques mois. La leader des Red Runners se demanda en portant une main à sa hanche gauche si, finalement, ses acolytes n’étaient pas plus heureux qu’elle en étant moldus et naïfs quant à l’existence du monde des sorciers.

Elle soupira en grelotant à cause du froid de l’air extérieur. Vivre à Poudlard n’était pas de tout repos. Elle pensait auparavant avoir tout vu en termes de trépidations de l’existence avec la vie de rockstar, mais elle s’était fourvoyée.

« - Il faut que je rentre à Noël. Les Red Runners sont ma vraie famille. Gareth, Colin, Nick, Dave, Antonio… »

Winter déposa sa main sur la surface glaciale de la vitre, songeuse. Au bout de quelques instants, elle entreprit de refermer la fenêtre et de regagner son lit, étant frigorifiée.

Elle s’arrêta cependant au niveau de la chaise sur laquelle reposait la robe de sorcier. Ses doigts effleurèrent le tissu noir qui était à la fois relativement épais et doux au toucher. Son cœur se mit à palpiter, indépendamment de sa volonté. Elle porta le vêtement à hauteur de son visage, un arôme herbacé se mélangeant avec l’odeur de livres anciens. Cela lui confirma l’identité de son propriétaire qu’elle avait déjà deviné.

La jeune femme resta un instant, la cape de Rogue dans ses mains, tiraillée. Elle avait froid, seule dans cette infirmerie aux murs aseptisés, d’un blanc clinique, et le parfum émanant du tissu avait quelque chose de particulièrement réconfortant, de paradoxalement humain. 

Son surmoi désapprobateur, déjà affaibli par plusieurs années passées dans le monde artistique à s’aventurer perpétuellement hors des conventions, capitula assez rapidement.

« - Il n’en saura rien après tout… », s’autopersuada-t-elle.

Elle enfila la robe et son grelottement s’estompa. La musicienne retourna dans son lit d’hôpital, à nouveau gagnée par l’épuisement. Elle replongea à nouveau en état de somnolence, la présence de l’étoffe sombre dénuée de son caractère strict habituel ayant une efficacité supérieure à n’importe quelle potion analgésique.

 

Severus Rogue regagna le château d’un pas pressé aussitôt la fin de l’épreuve du Tournoi. Il ne voulait ni se faire aborder à nouveau par des journalistes, ni avoir à supporter une confrontation désagréable avec Pompom Pomfresh. L’infirmière était du genre tenace. Potter avait triomphé de la première épreuve malgré son jeune âge par rapport aux autres champions du tournoi. Le garçon était talentueux. C’était indéniable. Severus grimaça. Cela réveillait en lui une douleur intense, une souffrance mentale se répercutant physiquement par une tension absolue dans sa colonne vertébrale. La vue de Harry Potter, filant à toute vitesse dans les airs sur son Éclair de Feu pour échapper au dragon, n’était pas sans lui rappeler la silhouette de son père, James Potter, lorsqu’il officiait en tant que poursuiveur dans l’équipe de Gryffondor au même âge que lui.

James Potter. Ce nom concentrait à lui tout seul l’ensemble de la haine, de la honte, de la culpabilité, de l’affliction et des regrets qui n’avaient jamais quitté Severus Rogue depuis sa jeunesse. Et derrière le fantôme de ce Gryffondor fanfaron et superficiel, se cachait une ombre. Une silhouette féminine, à la chevelure rousse aux reflets auburn étincelants, au sourire doux et lumineux, aux yeux vert émeraude d’un éclat pur.

Severus rétablit immédiatement son masque, réprimant le nœud qui était en train se former dans le bas de son ventre. Son visage était stoïque, froid, concentré. Il avait des devoirs à accomplir. Des potions à préparer. Il avait beaucoup mieux à faire que se laisser envahir par des émotions qui, s’était-il convaincu, n’étaient qu’une faiblesse, une imperfection de l’âme humaine.

Lorsqu’il retrouva son bureau dans les cachots et qu’il ôta son manteau de laine lourd et son écharpe le protégeant des grands froids écossais, il remarqua que quelque chose lui manquait. Sa robe de sorcier, enrobant habituellement son manteau d’intérieur noir à la coupe cintrée et rectiligne, était absente. Le professeur repensa immédiatement à Winter Grail et grimaça. Il s’était conditionné à oublier l’incident dans la Forêt Interdite pendant ces derniers jours. Après tout, l’enfant infernale du rock britannique était en convalescence. Il n’avait pas eu à la recroiser. Pourquoi avait-il oublié sa cape auprès d’elle quand il l’avait confiée à Madame Pomfresh ? Severus n’oubliait d’ordinaire jamais rien. Sa mémoire et ses réflexes étaient infaillibles.

« - Absurde. », grommela-t-il, le visage tordu par l’irritation.

Severus se dirigea vers sa station de travail personnelle dans un coin de son bureau. Il devait préparer des lots de potions pour l’infirmerie avant de reprendre son travail de recherche et d’expérimentation qui le captivait bien davantage.

Il s’attela à la tâche, la pièce bientôt emplie de senteurs botaniques et minérales. Les tubes à essai lévitaient autour du faiseur de potions dans un ballet silencieux et ordonné, déversant leur contenants colorés progressivement dans le chaudron avec un geste élégant de baguette magique. Il alternait entre des phases de découpe millimétrée de végétaux et d’organes, des phases d’ajout et des phases d’agitation et de décantation successives, le tout avec une approche rigoureuse, méthodique et précise qui ne laissait rien au hasard. Pour autant, il se dégageait de la scène une atmosphère ensorcelante, électrisante voire ésotérique. Quiconque aurait pu apercevoir le Maître des potions à l’œuvre à ce moment-là aurait été subjugué, hypnotisé par le tableau.

 

Deux jours plus tard, Winter était toujours à l’infirmerie. Son état cependant s’était grandement amélioré. Elle n’avait presque plus mal à sa hanche. Les soins prodigués par l’infirmière stricte et bienveillante avaient reconstruit ses cellules musculaires avec brio. La sorcière était même soulagée de constater que la blessure ne laisserait probablement aucune cicatrice sur son corps. Cela relevait presque du miracle et cela l’arrangeait, étant donné ses collaborations récurrentes en tant qu’icône et modèle avec des photographes moldus.

« - Miss Grail, je vous donne mon autorisation de quitter l’infirmerie. », déclara Madame Pomfresh.

La jeune femme s’étira et sortit de son lit, son corps ankylosé à force d’être restée allongée trop longtemps.

« - C’est pas trop tôt ! », s’écria-t-elle, « je n’ai pas touché un instrument de musique depuis cinq jours, je commençais à me sentir vraiment en manque.

- N’oubliez pas que vous avez également des devoirs à rattraper. », rétorqua la guérisseuse quinquagénaire.

Winter sourit. Elle n’avait pas l’intention de négliger sa scolarité et savait qu’elle avait manqué beaucoup de cours, mais son activité de musicienne et de compositrice restait prédominante.

« - Bien sûr. Merci pour tout Madame Pomfresh. »

La jeune sorcière avait retrouvé son panache habituel et était bien déterminée à tourner rapidement la page de cette période de récupération passive et désagréable. Mais il lui restait une dernière chose à accomplir avant de vaquer à ses occupations habituelles. Voyant que l’infirmière lui avait tourné déjà le dos, affairée avec un autre patient, elle récupéra derrière l’oreiller de son lit d’hôpital la cape de Rogue qu’elle avait roulée en boule.

Winter avait dissimulé le vêtement pendant la plupart de son temps passé dans les lieux, notamment lorsqu’elle avait reçu des visites d’Oscar et d’élèves des autres maisons fans d’elle et préoccupés par son état de santé. Le fait d’être vue en possession de cet objet aurait forcément soulevé des questions indésirables et des suspicions. Pompom Pomfresh, si elle avait remarqué quelque chose, n’avait jamais émis de commentaire à ce sujet.

La musicienne se dirigea vers le dortoir de Serpentard pour troquer son pyjama d’hôpital pour ses vêtements de créateurs favoris. Le week-end approchant, elle n’avait pas la nécessité de porter l’uniforme de sa maison. L’artiste avait un besoin de se réapproprier son enveloppe et son image après avoir été aussi affaiblie. Elle emprunta ensuite le chemin du bureau du Directeur de Serpentard, la robe noire de ce dernier en main. Elle reprendrait bientôt son caractère dissuasif et austère.

Trois coups retentirent à la porte, arrachant Severus Rogue à sa lecture immersive. L’homme parcourait un livre mentionnant de manière incomplète les propriétés physico-chimiques et magiques de l’orichalque, métal légendaire encore nimbé de mystère à cause de son extrême rareté. L’état de l’art le concernant était encore à un stade balbutiant.

« - Entrez. »

Le ton employé par Rogue laissait entendre sans équivoque que l’interruption n’était pas la bienvenue. Winter poussa doucement la porte avant de la refermer derrière elle.

« - Bonjour Professeur. »

Le visage du Maître des potions se ferma encore davantage à la vue de la jeune femme.

« - Précisez votre demande, Grail. Ne gaspillez pas mon temps. », déclara-t-il d’un ton sec, relevant à peine les yeux d’un diagramme dessiné dans son tome de minéralogie avancée.

« - Je venais juste vous rapporter ceci. »

Elle déplia la cape sombre devant lui. Cette fois-ci, elle rencontra ses yeux noir ébène qui se figèrent ensuite sur le vêtement. Si nervosité il y avait bien du côté de Winter, Rogue restait impassible. D’une démarche calculée, il se leva de son siège, contourna son bureau et lui fit face, la toisant de sa hauteur. Il récupéra la robe d’un geste ferme. Son regard, indéchiffrable, s’attarda un moment sur le tissu. Winter resta interdite, à la fois nerveuse et déçue sans qu’elle ne sache pourquoi.

« - Autre chose ? », demanda le professeur sur un ton froid congédiant.

« - Euh…Non, non. »

Rogue retourna à sa lecture avec une expression d’indifférence. Winter, se sentant intruse, se dirigea vers la porte en traînant des pieds. Mais avant de quitter la pièce, elle se hasarda à prononcer ces mots réticents mais sincères :

« - Je voulais aussi vous dire…merci. Je vous dois la vie. »

Elle disparut dans le couloir des cachots. Severus releva la tête, un sourcil arqué envahi soudainement par un sentiment d’incrédulité et un semblant de…regret.

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