A travers le temps
Retour dans le passé
Point de vue de Fleur
Juillet 1868. Deux mois s’étaient écoulés depuis mon expérience avec Mademoiselle Black, et pourtant, son ombre continuait de hanter mes pensées.
Je savais que c’était un péché. Je savais que c’était mal. Mais je ne pouvais tout simplement pas résister.
C’était comme si chaque fibre de mon être, chaque recoin de mon âme, réclamait ce que j’avais goûté. Pendant ces instants volés, j’avais été vivante… plus vivante que jamais.
Mais à présent, elle était retournée chez elle.
Il ne me restait plus que mes souvenirs—et la culpabilité.
Chaque dimanche, je me rendais à l’église, priant avec ferveur pour le pardon. Je priais pour qu’on m’arrache cette tentation infernale, qu’on m’épargne ces pensées impies qui, pourtant, s’insinuaient en moi avec une facilité déconcertante.
Mais parfois… j’échouais.
Maintenant que cette porte avait été ouverte, je ne pouvais plus la refermer. Je me surprenais à contempler d’autres femmes, à nourrir des pensées interdites.
Je devais résister. Pour le salut de mon âme.
Mais à qui pouvais-je confier ce poids ? À personne.
Pas même à Lily, mon amie la plus proche. Ce secret, je devais le porter seule. Et cette solitude… elle me pesait.
Mon père parlait de plus en plus de William. Son retour approchait, et avec lui, la rencontre que je redoutais tant. Mon futur mari.
Devrais-je être heureuse ? Excitée ?
Je ne ressentais rien. Rien d’autre qu’un poids au creux de ma poitrine.
Je ne pouvais pas en vouloir à mon père. Il voulait simplement assurer mon avenir, préserver notre nom alors que la fortune familiale déclinait. Un mariage avantageux… Voilà ce qu’il espérait pour moi.
Mais pourrais-je jamais être heureuse avec un homme ?
Il y a deux semaines, père nous a emmenées, Gabrielle et moi, à Londres pour assister à une nouvelle pièce de Thomas William Robertson. Une grande soirée. Nous avions revêtu nos plus belles toilettes, et la calèche nous avait menées jusqu’au Prince of Wales Theatre, sur Charlotte Street.
Tout semblait parfait. L’air était doux, la salle brillait de mille feux, et je m’étais laissé porter par la magie du spectacle…
Jusqu’à l’entracte.
Alors que nous nous mêlions aux autres spectateurs, un éclat blond attira mon regard.
Mademoiselle Black.
Mon souffle se bloqua.
Elle était là, debout de l’autre côté du hall, échangeant quelques mots avec une femme de la haute société que je ne reconnaissais pas. Mon cœur tambourinait violemment dans ma poitrine.
Mais ce que je vis ensuite me ramena brutalement sur terre.
À ses côtés se tenait une jeune femme de mon âge.
Elle avait de longs cheveux châtain clair, une silhouette agréable et… une poitrine généreuse, à laquelle mes yeux furent inexplicablement attirés.
Mais ce ne fut pas cela qui me marqua le plus.
Ce fut son regard.
Un regard que je connaissais trop bien.
Un regard de désir coupable.
Officiellement, elle était sans doute la dernière élève de Mademoiselle Black. Mais en réalité…
J’en étais sûre.
Elle était bien plus que cela.
Je m’étais efforcée d’oublier cette femme ensorcelante, de l’arracher à mes pensées comme une mauvaise herbe. Mais en voyant cette inconnue à ses côtés, un monstre que je ne soupçonnais pas s’éveilla en moi.
La jalousie.
Brutale. Incontrôlable.
Si cette femme avait croisé mon regard à cet instant, elle y aurait vu une haine sans pareille.
Je voulais être à sa place.
Je voulais être celle que Mademoiselle Black effleurait du bout des doigts.
Je voulais être celle qui occupait ses nuits.
L’agent de salle sonna la cloche, signalant la fin de l’entracte. Peu à peu, la foule se remit en mouvement, regagnant les fauteuils de velours rouge du théâtre.
Alors que nous avancions, un frisson me parcourut l’échine.
Son regard.
Mademoiselle Black venait de croiser mon regard.
Ce ne fut qu’un bref instant, une étincelle fugace dans le tumulte ambiant, mais cela suffit à raviver le feu qui couvait sous ma peau. Pendant une seconde suspendue dans le temps, j’osai croire…
J’osai espérer qu’elle se souvenait.
Mais ce fut trop bref.
Elle m’offrit un sourire poli, un hochement de tête tout en retenue. Rien de plus. Rien de moins.
Et moi, engourdie, je lui rendis la pareille.
Un instant plus tard, elle s’évanouissait dans la foule, accompagnée de sa jeune élève dont la présence me brûlait encore.
Un instant au paradis.
Et déjà, me revoilà plongée en enfer.
Mon cœur se serra douloureusement, mais je dissimulai habilement le tumulte de mes pensées derrière un sourire. Un sourire convaincant. Celui-là même que je portais depuis notre brève liaison, et qui trompait tout le monde.
Nous sommes à présent en août 1868.
Aujourd’hui, Gabrielle a annoncé ses fiançailles avec le capitaine Neville Londubat, petit-fils du général Sir Charles Londubat. Mon père, qui avait autrefois servi sous les ordres du général, avait arrangé cette union, tout comme il l’avait fait pour moi.
Le mariage est prévu pour décembre.
Une réception fut organisée en l’honneur des fiancés au domaine des Londubat, à l’extérieur de Londres.
Avant notre départ, mon père m’informa que William Weasley serait présent.
Mon futur mari.
Nous devions nous rencontrer pour la première fois ce soir.
J’aurais dû être enthousiaste, fébrile même. Après tout, c’était un moment décisif de mon existence.
Mais je ne ressentais qu’un étrange vide.
Un gouffre au creux de ma poitrine.
Pour l’occasion, j’avais choisi ma plus belle robe, soigneusement sélectionné mes bijoux et pris grand soin de ma mise en beauté.
Tout devait être parfait.
Et pourtant…
Je me sentais déchirée.
Entre ce que l’on attendait de moi et ce que mon cœur, en secret, appelait désespérément.
Nous arrivâmes à la fête dans une effervescence de rires et de conversations animées. Tandis que Gabrielle saluait les invités avec l’élégance insouciante qui la caractérisait, je fus conduite vers l’homme que j’étais destinée à épouser.
William Weasley.
Je dois admettre que sa vue ne me fut pas désagréable.
Il était grand, bien bâti, légèrement hâlé par ses récents voyages en Égypte. Ses épais cheveux roux encadraient un visage aux traits francs, adoucis par un sourire engageant. J’avais craint qu’il ne soit guindé ou d’une apparence repoussante, mais il n’en était rien.
Il s’inclina légèrement et, avec une courtoisie impeccable, prit ma main pour y déposer un baiser.
“ Votre beauté dépasse de loin toute description que l’on m’en a faite. Vous êtes en quelque sorte une incarnation d’Aphrodite elle-même.”
Je ne pus m’empêcher de rougir sous ce compliment d’une audace inattendue. Aphrodite ? Moi ? Je ne m’étais jamais considérée comme une grande beauté.
“ Vous êtes bien aimable, William, répondis-je en baissant les yeux. J’ai entendu parler de vos voyages… des lieux si lointains et exotiques que vous avez découverts.”
“ Fleur, m’interrompit-il doucement. William est bien trop formel. Appelez-moi Bill. Après tout, nous sommes destinés à nous marier, n’est-ce pas ?”
Son sourire était sincère, son regard, empreint d’une chaleur que je ne pouvais ignorer.
Après quelques échanges avec mon père et les parents de Bill, qui nous observaient avec un intérêt à peine dissimulé, on nous laissa seuls. Il était évident qu’ils attendaient avec impatience de voir si nous nous entendrions.
La conversation fut agréable, et je dus reconnaître qu’en tant qu’homme, Bill était charmant. Il possédait une aisance naturelle, un esprit vif et une manière de raconter ses aventures qui captiva mon attention.
Un peu plus tard, il me proposa une promenade sur le patio pour admirer la lune. J’acceptai, déterminée à tirer le meilleur parti de cette soirée.
L’air nocturne était doux, imprégné du parfum des roses qui bordaient le jardin. Marchant à ses côtés, j’eus une pensée étrange : dans quelques mois, je serai mariée à cet homme.
“ J’ai entendu dire que vous aviez parcouru le monde, dis-je pour combler le silence. Racontez-moi vos voyages.”
Ses yeux s’illuminèrent.
Il me parla de la blancheur éclatante des étendues enneigées de Suède, des fresques éblouissantes d’Italie, du chaos envoûtant des souks du Maroc. Il évoqua même, avec un sourire amusé, une nuit passée dans une maison d’opium en Chine.
Je l’écoutais, fascinée par son existence tissée d’aventures et de découvertes.
“ Quand nous serons mariés, déclara-t-il soudain, je vous montrerai toute la beauté du monde.”
Puis, après une pause, il ajouta avec une douceur troublante :
“ Mais rien ne saurait jamais égaler la vôtre.”
Je baissai les yeux, sentant de nouveau la chaleur envahir mes joues.
Il était beau. Son charme était indéniable. Son apparence soignée, presque délicate malgré son allure robuste, me plaisait.
Et pourtant…
Je ne ressentais pas pour lui cette ardeur brûlante, cette fièvre qui me consumait à la simple pensée d’une autre femme.
J’osais à peine écrire son nom.
Car cela seul suffirait à me faire frissonner tout entière.
Mais peut-être… Peut-être qu’avec le temps, je pourrais me convaincre que le bonheur se trouve ailleurs.
Peut-être qu’un jour, je serais suffisamment heureuse en tant que Madame William Weasley.
Retour au présent
« Cependant, je commence à croire qu'avec le temps, je pourrais devenir assez heureuse en étant Madame William Weasley. »
Hermione lut cette dernière phrase du journal avec une certaine consternation.
Au fil des pages et des rares possessions ayant appartenu à Fleur, elle s’était sentie de plus en plus proche de cette femme, à travers le temps et l’encre. Mais cette phrase… cette résignation…
Un poids s’installa dans sa poitrine.
Fleur n’avait jamais eu l’opportunité d’exprimer librement ce qu’elle était. Elle avait été poussée vers un mariage arrangé, contrainte à étouffer ses véritables désirs.
Hermione referma un instant le journal, le laissant reposer sur son bureau. Son regard se perdit dans le vide. C’était injuste.
Autour d’elle, le bruit familier du département d’Histoire Magique continuait : le grattement des plumes sur le parchemin, le froissement des pages jaunies, le murmure feutré des conversations entre chercheurs. Tout était normal. Hormis cette sensation oppressante dans son cœur.
Elle était en pause et avait profité de ce moment pour plonger à nouveau dans la vie de Fleur. Ces derniers jours, tout s’était déroulé comme d’habitude, à une exception près : Dumbledore lui avait demandé de se procurer des fournitures pour des souris. Des cages, de la nourriture, des bouteilles d’eau… À quoi pouvaient-elles bien servir ? Elle n’en avait aucune idée, et pour une fois, elle n’avait pas cherché à savoir.
Mais maintenant, seule comptait la suite.
Elle reprit le journal, tourna la page et poursuivit sa lecture.
Les mois suivants, Fleur et Bill s’étaient fréquentés selon les conventions de leur époque.
Leurs rencontres étaient toujours soigneusement encadrées : sous le regard attentif du père de Fleur ou des parents de Bill, chaque moment passé ensemble était surveillé, mesuré, étouffé sous le poids du regard des autres.
Leur cour fut marquée par des dîners somptueux, des bals grandioses, des réceptions de la haute société où Fleur affichait un sourire irréprochable. Mais Hermione pouvait lire entre les lignes.
Fleur n’était ni amoureuse de Bill, ni transportée par la perspective de ce mariage. Mais elle s’y était résignée.
Elle voyait en lui un refuge, une issue pour échapper à ses propres désirs, à cette part d’elle-même qu’elle s’efforçait d’ensevelir sous les convenances.
Et pourtant…
Hermione sentit un frisson lui parcourir l’échine.
En tournant les pages, elle découvrit que, malgré tout, les désirs de Fleur ne s’étaient pas simplement évaporés.
Retour dans le passé
point de vue de Fleur
À la mi-octobre, Bill et moi avons fixé la date de notre mariage. Le samedi 10 juillet 1869.
La décision était prise. Gravée dans le marbre comme une sentence irrévocable.
J'avais rencontré les parents de mon fiancé à plusieurs reprises. Ils étaient courtois, respectables… bien que terriblement ennuyeux. On m'avait également parlé de son frère, Charlie, premier lieutenant dans l'armée britannique, mais il était en mission et je ne l'avais pas encore rencontré.
Bill lui-même était souvent absent. Lorsqu'il ne me courtisait pas, il accompagnait son père dans la gestion des affaires familiales. Il supervisait une maison de commerce prospère, une responsabilité qui semblait accaparer tout son temps.
J'avais aussi remarqué qu'il fréquentait régulièrement la taverne de mon père. Il aimait y jouer aux cartes avec d'autres hommes d'affaires et misait à l'occasion. Un passe-temps innocent, en apparence.
Bien qu'il fût fiancé à moi, il attirait l'attention de nombreuses jeunes femmes du village. Elles le regardaient, elles chuchotaient à son passage, elles riaient derrière leur éventail. Bill prétendait que cela le flattait, mais il m’assurait que ses yeux ne voyaient que moi.
Aujourd’hui, nous avons fait une promenade dans le parc, avant de dîner au grand manoir Weasley en compagnie de ses parents. Une journée qui, en apparence, aurait dû me conforter dans mon choix. Dans ma résignation.
J'étais persuadée que, petit à petit, j'allais triompher de mes perversions et devenir la future épouse respectable que l'on attendait de moi.
Mais c’est précisément ce jour-là que je reçus une invitation inattendue.
Une invitation de Mademoiselle Black.
Mon père et les parents de Bill estimaient que je devais perfectionner mon éducation aux devoirs d’une épouse. Les subtilités de l’étiquette, l’art de recevoir, la place d’une dame dans la société. Qui mieux que Mademoiselle Black pour me guider ?
Son nom seul me fit frémir.
Normalement, ma mère aurait dû s’occuper de cette tâche, mais elle nous avait quittés depuis plusieurs années. Ainsi, c’était Mademoiselle Black qui prendrait sa place.
À la lecture de l’invitation, mon cœur se mit à tambouriner dans ma poitrine.
L’idée de passer un week-end entier auprès d’elle… Cela me remplissait de pensées coupables.
Deux semaines plus tard, je me retrouvai devant l’imposante demeure des Black, une valise à mes pieds.
Un domestique prit mes bagages et me guida à l’intérieur. Je franchis le seuil avec la sensation d’une mouche s’approchant trop près d’une toile d’araignée.
Je savais que je ne devais pas être ici.
Je savais que je jouais avec le feu.
Mais une part de moi espérait être prise au piège.
Mademoiselle Black m’accueillit avec politesse, son visage aussi impassible que lors de notre dernière rencontre. Aucun signe, aucun indice.
Comme si nous étions deux étrangères.
Elle me présenta alors le programme du week-end : l’organisation d’une réception, l’étiquette d’une dame de la haute société, les devoirs d’une épouse promise à un homme aussi influent que William Weasley.
Sa voix était posée. Son regard, maîtrisé.
Et pourtant…
Mon corps entier frémissait déjà à son contact, même à distance.
Ma première leçon eut lieu ce soir-là, au dîner.
Alors que nous mangions, elle m’expliqua avec rigueur les différents types de réceptions auxquelles je serais confrontée en tant qu’épouse de William Weasley. Son ton était mesuré, précis, et pourtant… je l’entendais à peine.
Mes yeux étaient rivés sur ses lèvres.
Je me souvenais de leur contact sur ma peau, de la brûlure délicieuse qu’elles y avaient laissée. Je voulais les sentir à nouveau, en explorer chaque contour…
Mais la gravité avec laquelle elle exposait son savoir me força à repousser ces pensées interdites. Je n’étais pas venue ici pour cela.
Je me concentrai donc sur ma leçon, récitant intérieurement les règles d’étiquette qu’elle dictait, m’accrochant aux apparences comme une naufragée à une épave.
À la fin du repas, elle renvoya les domestiques pour la nuit.
Nous nous retirâmes dans un salon élégant, une pièce tamisée par la lueur vacillante du feu. Nous parlâmes longuement de mon mariage. Le domaine des Weasley accueillerait la cérémonie, puis deviendrait mon foyer, celui de Bill et moi. Ses parents, eux, déménageraient dans une autre de leurs propriétés, dans le Kent.
Comme toujours, j’en parlai avec enthousiasme. Comme toujours, je mentais.
À un moment donné, Narcissa se leva et s’approcha de la cheminée. Elle y ajouta une bûche, ravivant les flammes, avant de revenir…
Mais cette fois, elle ne reprit pas place dans son fauteuil.
Elle s’assit à mes côtés.
Proche. Trop proche.
Mon souffle se suspendit. J’étais certaine que mon visage s’empourprait violemment, trahissant le tumulte qui m’habitait.
Elle posa sur moi son regard perçant, un éclat amusé dans les prunelles.
“ Vous êtes une femme magnifique, murmura-t-elle, et votre mari devrait être fier de vous avoir pour épouse.”
Sa voix me frappa comme une caresse brûlante.
“ Merci, Mademoiselle Black.”
“ Narcissa, corrigea-t-elle dans un murmure velouté. Maintenant que nous sommes seules, appelez-moi Narcissa.”
Elle marqua une pause, laissant le silence s’étirer, avant de se pencher légèrement vers moi. Un sourire indéchiffrable flotta sur ses lèvres.
“ Dites-moi, lorsque vous m'avez vue avec mon accompagnatrice à la pièce, était-ce de la jalousie que j’ai aperçue sur votre visage ?”
Mon corps se raidit.
Elle avait remarqué.
Je crus un instant que mon cœur allait s’arrêter. J’ouvris la bouche, mais aucun mot n’en sortit. Seulement un léger souffle, trahissant ma fébrilité.
Narcissa sourit lentement, victorieuse, et posa sa main sur ma jambe.
Ses doigts fins. Sa peau douce. Une brûlure exquise à travers le tissu de ma robe.
“ Vous pouvez me répondre, Fleur, susurra-t-elle. Éprouviez-vous de la jalousie envers ma compagne cette nuit-là ?”
J’étais à sa merci.
Je voulais lutter.
Mais plus encore… je voulais céder.
“Oui”, admis-je d’une voix tremblante.
Son sourire s’élargit, et, lentement, sa main remonta le long de ma cuisse. Une traînée de frissons s’épanouit sur ma peau, allumant un incendie au creux de mon ventre.
Pourquoi… pourquoi le toucher d’une femme me bouleversait-il à ce point ?
Pourquoi me sentais-je prête à brûler pour elle ?
“ Tu as souhaité que je t’embrasse, n’est-ce pas ? murmura-t-elle, ses lèvres à quelques centimètres des miennes. Est-ce pour cela que tu ne peux pas détacher ton regard de ma bouche ? ”
Je ne pus qu’acquiescer, submergée par l’intensité du moment.
Elle n’attendit pas davantage.
Dans un geste d’une grâce absolue, elle se pencha et posa ses lèvres sur les miennes.
Le monde bascula.
Le baiser était à la fois doux et impérieux, un mélange enivrant de feu et de soie. Un millier d’émotions explosèrent en moi, me laissant sans défense face à mon propre désir.
J’y répondis sans réfléchir, incapable de résister plus longtemps.
Je cédai. Encore une fois, je cédai au péché.
Mais, aussi brusquement qu’elle m’avait embrassée, Narcissa recula.
Elle se leva lentement, comme si de rien n’était, et lissa sa robe d’un geste délicat.
“ Il se fait tard, Fleur, déclara-t-elle avec une sérénité déconcertante. Nous devrions nous retirer.”
Je sentis la frustration poindre dans mon ventre. Déjà ?
Avait-elle seulement été troublée par ce qui venait de se passer ?
Voyant sans doute ma déception, elle sourit légèrement.
“ Venez, suivez-moi,” dit-elle en tendant la main vers moi.
Sans réfléchir, je me levai et la suivis.
Toujours plus profondément dans sa toile.
Elle saisit un candélabre et m’invita à la suivre à l’étage.
Je m’attendais à ce qu’elle me conduise à une chambre d’amis, une pièce neutre et impersonnelle où je pourrais m’éloigner de la tempête qui grondait en moi.
Mais ce ne fut pas le cas.
Narcissa ouvrit la porte d’une suite somptueuse : sa chambre.
Mon souffle se suspendit.
Je restai figée sur le seuil, incapable même de penser, tandis qu’elle refermait la porte derrière nous avec une lenteur calculée. Une vague de chaleur me submergea.
J’étais prise au piège.
Lentement, elle s’approcha. Son regard, sombre et brûlant, parcourait chaque ligne de mon visage, chaque frisson trahissant mon trouble.
Elle effleura ma mâchoire du bout des lèvres, déposant un baiser à peine perceptible, avant de murmurer, un sourire énigmatique sur les lèvres :
“ Ce soir, nous partagerons le lit. Comme un mari et une femme le feraient.”
Je crus que mon cœur allait exploser.
“ Cela t’aidera à te préparer pour ce qui est à venir, poursuivit-elle d’une voix soyeuse. Tu es une élève spéciale, Fleur, et tu mérites un enseignement particulier.”
Elle se redressa légèrement, scrutant mon visage avec amusement.
“ Prépare-toi pour la nuit.”
Ma respiration était chaotique. Mes mains tremblaient légèrement.
Je devais parler. Dire quelque chose. M’accrocher à la moindre once de contrôle.
“ Je… Je n’ai pas mes habits de nuit,” murmurai-je, presque honteuse de la faiblesse de ma voix.
Narcissa ne répondit pas immédiatement.
Elle défit avec une grâce infinie les attaches de sa robe, la laissant glisser sur ses épaules comme une vague soyeuse. Je n’osais plus respirer.
“ Ce ne sera pas nécessaire,” chuchota-t-elle en s’approchant.
Ses doigts glissèrent sur les boutons de ma robe, les détachant avec une patience exquise.
Je restai immobile, submergée par des sensations contradictoires : une fébrilité insoutenable mêlée d’un désir que je ne voulais plus nier.
À chaque seconde qui passait, je me sentais happée un peu plus profondément dans ses filets.
Lorsque mon corps fut libéré du tissu, elle posa une main sur ma joue, ses yeux s’adoucissant légèrement en croisant mon regard troublé.
“ N’aie pas peur, murmura-t-elle. Le toucher d’une femme est le plus doux et gracieux de tous.”
Elle guida ma main dans la sienne et m’invita à la suivre jusqu’au lit. Je la suivis.
Sous les couvertures de son immense lit à baldaquin, la tension dans mon ventre atteignait un paroxysme.
Narcissa passa une main dans mes cheveux, ses doigts s’attardant sur quelques mèches avant de les faire glisser entre eux.
“ Pour plaire à un mari, il faut connaître les voies de l’amour, souffla-t-elle. Veux-tu les connaître, Fleur ?”
J’étais incapable de parler.
J’hochai simplement la tête.
Son sourire s’élargit.
Doucement, elle se pencha sur moi, son ombre se superposant à la mienne. L’araignée venait de capturer sa proie.
Je ne m’étais jamais sentie aussi… vivante.
“ Alors je vais t’enseigner.”
Une pensée soudaine me traversa l’esprit, brisant un instant l’envoûtement.
Je me redressai légèrement, une ombre d’effroi passant sur mon visage.
“Si je ne suis plus vierge… Il ne m’épousera pas, balbutiai-je. Je serai déshonorée.”
Narcissa, impassible, posa un doigt sur mes lèvres pour faire taire mes craintes.
“ Tu resteras vierge, jusqu’à ta nuit de noces.”
Son regard s’adoucit.
“ Maintenant, abandonne-toi à moi, Fleur. Et nous commencerons.”
J’acceptai son enseignement et elle m’inonda de baisers. Jusqu’au bout de la nuit, nos corps s’enlacèrent, liés par le désir et l’interdit, tandis qu’elle m’initiait aux mystères de l’amour. Trois fois, elle m’amena au sommet du plaisir avec sa langue experte, et l’expérience dépassa tout ce que j’aurais pu imaginer.
Bien qu’étant avec une femme et sachant au fond de moi que c’était ce que je préférais, elle me décrivit ce que serait l’union charnelle avec mon mari. Rien, dans ses explications, ne me séduisait. Mais par gratitude, et parce que je voulais lui offrir ce qu’elle m’avait donné, je suivis ses indications et lui rendis ses caresses, avide d’apprendre à mon tour comment la combler.
Jamais je ne m’étais sentie aussi proche de quelqu’un qu’en cette nuit enfiévrée. Et lorsque son enseignement prit fin, elle m’enveloppa tendrement dans ses bras, m’offrant un refuge aussi doux qu’éphémère. Ainsi bercée, je m’endormis paisiblement, le cœur léger, l’âme alourdie.
Le lendemain matin, je m’éveillai dans un lit à demi vide. Narcissa était déjà partie. Sur un fauteuil près du lit, une robe avait été soigneusement disposée pour moi. Je m’habillai, coiffai mes cheveux avec soin, puis descendis prendre le petit-déjeuner.
Là, tout était comme avant. Comme si la nuit dernière n’avait jamais existé. Comme si mes lèvres n’avaient jamais tremblé sous les siennes. Comme si mes soupirs s’étaient évanouis avec l’obscurité. Devant les domestiques, elle se comportait avec la même élégance distante, ne laissant rien transparaître.
La journée fut longue. Laborieuse. Elle m’instruisit sur l’étiquette, sur la manière d’accueillir des invités, sur les obligations d’une épouse digne de son rang. Mais toutes ces leçons me semblaient fades, pâles, dénuées de sens. La seule que je désirais, celle qui occupait toutes mes pensées, était celle qu’elle me donnerait à la nuit tombée. Celle où son corps me guiderait à nouveau dans les abysses du plaisir défendu.
Et comme je l’espérais, la nuit venue, elle me conduisit encore une fois dans son lit. Cette fois, je n’avais plus peur. Je voulais apprendre, oui, mais pas pour plaire à mon mari. Non. Ce n’était que pour elle, pour nous. Car en ces instants volés, c’est auprès d’elle que je voulais être, c’est à elle que je voulais appartenir.
J’étais damnée, je le savais. Mais que m’importait l’enfer s’il ressemblait à ses bras ?
Hélas, toutes les nuits finissent par céder place à l’aube.
Le dimanche arriva, portant avec lui la fin de mon séjour. Une partie de moi voulait supplier, rester. Mais je savais que je n’étais qu’une élève de passage, qu’une autre prendrait bientôt ma place sous ses draps parfumés. Et pourtant, je ne ressentais ni rancœur ni colère. Seulement une infinie gratitude… et une tristesse abyssale.
Lorsque je me tins devant la calèche qui devait me ramener chez moi, Narcissa me lança un regard que je ne lui connaissais pas. Un regard empli d’une douce mélancolie.
Elle s’approcha et déposa un baiser sur ma joue. Ses lèvres étaient tièdes, et lorsqu’elle se recula, une larme solitaire glissa sur sa joue.
“ Tu as été une élève merveilleuse, murmura-t-elle. Tu vas me manquer. Tu es d’une beauté rare.”
Je sentis ma gorge se serrer et, à mon tour, une larme me trahit.
“ Merci. J’aimerais pouvoir en dire plus, mais…”
Les mots me manquaient. L’émotion m’étouffait.
Un détail me revint soudain en mémoire. Durant la matinée, j’avais vu des valises livrées devant la demeure. Une étrange appréhension me saisit.
“ Vous partez ? soufflai-je.”
Son expression se figea un instant avant de s’adoucir.
“ Oui. Je pars à Paris. On m’a confié l’éducation de jeunes femmes issues de la haute société française. J’y resterai quelque temps.”
Elle marqua une pause, hésita, puis ajouta dans un souffle :
“ Je penserai à toi, plus souvent qu’aux autres.”
Je baissai les yeux. Une douleur sourde s’épanouissait dans ma poitrine.
“ Je sais que tu n’aimes pas ton fiancé, poursuivit-elle d’une voix plus grave. Et j’en suis sincèrement désolée. Mais nous devons tirer le meilleur parti de ce que la vie nous offre.”
Elle recula, le visage impassible, seule cette ombre dans son regard trahissant ses émotions.
“ Au revoir, Fleur.”
Un frisson me parcourut.
“ Au revoir, Narcissa.”
Dans un ultime élan, je l’étreignis, espérant graver une dernière fois son parfum et sa chaleur dans ma mémoire.
Lorsque la calèche s’ébranla, une certitude s’imposa à moi : nous ne nous reverrions jamais.
Je fixai le paysage qui défilait, les yeux embués de larmes.
Je pleurai, non seulement parce que je laissais derrière moi mon seul véritable instant de bonheur, mais aussi parce qu’à l’horizon m’attendait une vie où je ne connaîtrais plus jamais le toucher d’une femme.
Retour au présent
Hermione referma doucement le journal de Fleur, les doigts tremblants. Une larme solitaire roula sur sa joue, bientôt suivie d’autres. Ce récit était déchirant. Bouleversant. Jamais elle n’avait ressenti une telle empathie pour la belle Française et le destin qui lui avait été imposé.
Elle posa le journal sur le comptoir et se leva, incapable de rester en place. D’un pas fébrile, elle se mit à errer entre les piles d’objets hétéroclites qui encombraient le vieux magasin de disques, cherchant à calmer le tumulte dans son esprit.
Une voix la tira de ses pensées :
“ Tout va bien ? ”
Hermione sursauta légèrement. Dumbledore venait de passer la tête par l’entrebâillement de la porte de son laboratoire, une expression curieuse sur le visage.
Essuyant précipitamment ses larmes, elle hocha la tête.
“ Oui, ça va. Je pensais juste à quelque chose de triste. Vous aviez besoin de moi ? “
L’homme l’observa un instant, comme s’il hésitait, puis il déclara d’un ton grave :
“ Hermione, depuis plusieurs semaines, tu as été une employée compétente et digne de confiance. Il est temps que je te mette dans la confidence… Que je te montre de quoi il s’agit réellement. “
Hermione arqua un sourcil, surprise. Dumbledore était du genre à ne faire confiance à personne.
“ D’accord. Alors, montrez-moi. “
Sans un mot de plus, il lui fit signe de le suivre. Ils traversèrent l’arrière-boutique, passèrent devant les toilettes et s’arrêtèrent devant une porte que, jusqu’ici, elle n’avait jamais franchie.
“ C’est en rapport avec les trous de ver, n’est-ce pas ? “ demanda-t-elle, déjà suspicieuse.
Dumbledore esquissa un sourire énigmatique.
“ Oui. “
Il ouvrit la porte et la laissa entrer.
Hermione découvrit une vaste pièce encombrée d’ordinateurs, d’écrans et d’un étrange fatras de câbles et d’équipements électroniques. Mais au centre de la pièce, trônait l’élément le plus imposant : une immense structure en forme de U inversé, reliée à d’innombrables fils qui serpentaient jusqu’aux machines environnantes.
Sous cet arc métallique, une grande nacelle en osier, semblable à celle d’une montgolfière, était suspendue à un câble.
Dumbledore s’approcha de l’appareil et tapota fièrement sa surface métallique.
“ Tu te demandes ce que c’est ? “
Hermione croisa les bras.
“ Oh, seulement un petit peu. “
Un sourire malicieux étira les lèvres du scientifique.
“ C’est une machine à voyager dans le temps. “
Un silence suivit.
Hermione le fixa, incrédule.
“ Bien sûr… et moi, je suis Doctor Who. “
Dumbledore plissa les yeux, visiblement perplexe.
“ Doctor quoi ? “
“ Peu importe, répondit-elle avec un soupir. “
Il secoua la tête, haussa les épaules et poursuivit avec enthousiasme :
“ Cette machine fonctionne réellement. Elle utilise les trous de ver pour voyager dans le temps. Normalement, un trou de ver est une ouverture entre deux points distincts dans l’espace. Mon appareil, lui, ouvre un trou de ver entre le même point dans l’espace, mais à deux moments différents dans le temps.”
Il désigna la nacelle suspendue sous l’arche.
“ Ici, sous le U inversé, c’est là que s’ouvre le trou de ver. Une fois activé, la nacelle est descendue à travers cette ouverture, et son autre extrémité débouche dans cette même pièce, mais à une époque différente. Une fois arrivée, le passager peut en sortir… et explorer le passé.”
Hermione le regarda avec scepticisme.
“ Vous êtes sérieux ?”
“ Tout à fait.”
Elle avait beau comprendre ses explications théoriques, elle ne pouvait s’empêcher de les rejeter comme pure folie.
“ Pense aux possibilités,” ajouta-t-il avec excitation.
Il se lança alors dans une longue tirade sur les merveilles de sa découverte, sur les implications scientifiques et historiques d’un tel exploit.
Hermione, quant à elle, fit de son mieux pour masquer son incrédulité. Après tout, elle ne voulait pas vexer son employeur. Mais pour elle, tout cela n’avait rien d’une avancée scientifique. C’était juste… absurde.
Le voyage dans le temps relevait de la science-fiction. Et Hermione détestait la science-fiction.
Une pensée fugace lui traversa l’esprit. Fleur…
Son cœur se serra immédiatement. Non. C’était ridicule. Même si cette machine fonctionnait – ce qui était hautement improbable – cela ne changerait rien. Plus d’un siècle la séparait de Fleur. Une éternité. Et aucune force dans l’univers ne pouvait altérer cette réalité.
Elle refoula rapidement cette idée et, cherchant à détourner son esprit, elle observa la structure imposante avant de demander :
“ Attendez… Vous ouvrez le trou de ver au sol et vous descendez une nacelle dedans ? Pourquoi ne pas simplement l’ouvrir sur un mur et traverser à pied ?”
Dumbledore cligna des yeux, comme si l’idée ne lui avait jamais traversé l’esprit.
“ Pourquoi voudrais-je faire ça ? La nacelle, c’est bien plus amusant ! “
Hermione le fixa, interdite.
“ Bien sûr. Parce que rendre ça amusant, c’est la priorité absolue…”
Il ignora son sarcasme et enchaîna d’un ton léger :
“ D’ailleurs, j’aimerais bientôt tester l’appareil sur un sujet humain. J’ai déjà fait plusieurs essais avec des souris et… elles ne reviennent plus congelées ou n’explosent plus.”
“ Elles ne "reviennent plus" congelées ou n’explosent "plus" ? répéta Hermione, horrifiée.”
“ Exactement ! “confirma-t-il avec un sourire.
Elle secoua la tête, prise d’un léger vertige.
“ Et vous espériez que j’accepte d’être votre cobaye ? “
“ Voyons, Hermione, répondit-il avec amusement. Imagine un peu : ‘Voyageuse temporelle’ sur ton CV, c’est classe, non ? Je peux même t’accorder une augmentation.”
“ Euh… non merci. Je préfère encore faire vos courses. Sans vouloir vous offenser.”
“ Aucune offense prise. Il lui adressa un clin d’œil. Mais souviens-toi… tout ceci doit rester entre nous.”
Hermione n’avait qu’une envie : partir.
L’émotion laissée par le journal de Fleur la submergeait encore, et maintenant, elle devait digérer cette histoire insensée de machine à remonter le temps. Trop, c’était trop.
“ Il se fait tard, déclara-t-elle en attrapant son manteau. Si ça ne vous dérange pas, je vais rentrer. Et ne vous inquiétez pas, votre secret est en sécurité avec moi.”
Dumbledore acquiesça et la laissa partir sans insister davantage.
Quelques minutes plus tard, Hermione était dans le métro, la tête appuyée contre la vitre, regardant défiler les lumières de la ville.
Un soupir lui échappa.
Cette machine… cette idée insensée… Ça ne pouvait pas être réel.
Elle secoua la tête, exaspérée.
“ Note à moi-même : être TRÈS loin le jour où il testera ce truc. Genre, en Australie. Ou en Asie. Juste… très, très loin.”
Mais malgré son scepticisme, une petite voix au fond d’elle murmurait…
Et si ?
Elle chassa aussitôt cette pensée et ferma les yeux.
Après tout, se marier sans amour était tout aussi absurde qu’une machine à voyager dans le temps.
Avec cette dernière réflexion, elle laissa son cœur se serrer une dernière fois… avant de rentrer chez elle.