XOXO Hermione
Trois jours.
Cela faisait maintenant trois jours qu’Hermione avait été admise à l’hôpital, après ce que les médecins appelaient encore un accident domestique. Mais tous ceux qui connaissaient la vérité savaient qu’il s’agissait de bien plus que ça.
Ron, quant à lui, était toujours placé sous la surveillance de la police française. Il clamait haut et fort son innocence, répétant inlassablement que la chute d’Hermione dans l’escalier n’était qu’un malheureux accident. Une suite de circonstances, disait-il, mal interprétée.
Mais Viktor ne s’était pas contenté de cette version. Il s’était empressé de livrer sa propre déclaration aux enquêteurs, même si, avec Harry, ils n’étaient arrivés qu’à la toute fin de la dispute.
Et pendant le court moment où il avait été seul avec Ron dans l’appartement, Viktor Krum n’avait pas mâché ses mots. D’un ton froid, sans hausser la voix, il lui avait glissé une menace claire et sans ambiguïté :
— Si jamais tu oses encore poser ne serait-ce qu’un doigt sur Hermione Granger… je te jure que je te refais le portrait. Et crois-moi, il n’y aura pas de témoin cette fois.
Le message était passé.
À l’hôpital, Fleur avait repris le travail, du moins en apparence. Elle assurait ses gardes, remplissait ses obligations, mais passait le plus clair de son temps libre dans le service de soins intensifs, là où reposait Hermione. Elle ne pouvait pas se résoudre à rester loin, pas maintenant. Pas après tout ça.
Harry et Ginny, eux aussi, se relayaient avec une fidélité sans faille pour veiller à son chevet. Chacun refusait de la laisser seule, comme si leur présence pouvait la maintenir ancrée à la vie.
Hermione ne s’était pas encore réveillée.
Elle était là, allongée, le visage encore marqué par les bleus, une attelle au bras, des bandages à la jambe. Si calme. Trop calme.
Et pourtant, le docteur Flamel était confiant.
— Son corps a subi de nombreux traumatismes, avait-il expliqué à Fleur lors d’un rapide échange dans le couloir. Il lui faut du temps. Elle est jeune. Solide. Et, entre nous, je crois qu’elle a une bonne raison de se battre.
Fleur avait hoché la tête, incapable de répondre, la gorge nouée. Chaque jour, elle entrait dans la chambre d’Hermione, lui parlait doucement, lui tenait la main, parfois lui chantait même quelques mots à voix basse. Comme si elle voulait lui rappeler qu’elle n’était pas seule. Qu’elle avait une raison de revenir.
Hermione finit par ouvrir les yeux au petit matin du sixième jour.
D’abord, ce fut une sensation étrange : le flou, le poids de ses paupières, cette impression d’être prise entre deux mondes. Elle essaya de se souvenir… de comprendre où elle était, mais tout était confus, noyé dans un brouillard de douleur et de fatigue.
En papillonnant lentement des yeux, elle laissa entrer un peu plus de lumière. Le plafond blanc, l’odeur caractéristique d’antiseptique, le bip régulier d’un moniteur à ses côtés…
Elle comprit rapidement : elle était dans une chambre d’hôpital.
Elle tenta de bouger. Une grimace lui échappa aussitôt. Son corps la faisait souffrir à chaque mouvement, comme si ses muscles eux-mêmes criaient leur protestation. Son bras droit semblait engourdi, et une douleur sourde lui lançait dans la jambe.
Puis, elle remarqua un poids sur son flanc. Quelqu’un était appuyé contre elle, dormant à moitié sur le bord du lit.
Avec un effort, elle tourna légèrement la tête sur le côté. Sa vision était encore floue, mais elle distingua une chevelure pâle, soyeuse, posée près de son bras.
Blond. Très blond.
Elle fronça les sourcils. Aucun de ses amis n’avait les cheveux aussi clairs. Ce n’était ni Harry, ni Ginny, ni même Viktor.
Alors… qui ?
Sentant un mouvement sur le lit, Fleur émergea lentement de son sommeil. Sa nuit avait été longue. Après la fin de sa garde, elle n’avait pas eu le cœur de rentrer dans son appartement vide. Elle avait simplement… décidé de rester, de veiller Hermione un peu plus longtemps.
Elle s’était assoupie sans s’en rendre compte, la tête posée sur le bord du matelas, sa main effleurant celle d’Hermione.
Quand elle releva doucement la tête, ses yeux croisèrent aussitôt ceux d’Hermione. Ces yeux chocolat qu’elle avait tant espéré revoir.
Un instant suspendu s’installa. Les deux femmes se fixèrent, l’une avec émotion, l’autre avec une étrange fascination.
Hermione se laissait happer par l’intensité de ce regard bleu si pur, si apaisant… Mais elle ne reconnaissait pas la femme devant elle. Pas encore. Alors, naturellement, elle posa la question :
— Vous êtes… l’infirmière de garde ?
La phrase, pourtant anodine, fut comme un coup de poignard pour Fleur. Elle aurait voulu s’effondrer, fuir la pièce pour pleurer. Mais elle devait rester professionnelle. Pour elle. Pour Hermione.
Elle esquissa un sourire un peu tremblant.
— Pardon, je ne voulais pas m’endormir. S’il vous plaît… ne dites pas à mon chef que j’ai fini ma garde ici. Ce serait notre petit secret ?
Hermione, intriguée par le charme un peu maladroit de l’infirmière, nota surtout une chose : l’accent. Ce n’était pas une Américaine.
— Pas de souci, j’imagine que les nuits sont longues. Où… où suis-je exactement ?
— Vous êtes à l’hôpital. Vous avez eu un accident. Je vais devoir vérifier vos fonctions motrices et cognitives, si vous le permettez.
Elle marqua une courte pause, le regard doux mais professionnel, et sortit une petite lampe de la poche de sa blouse.
— Je peux ?
— Oui. Faites votre travail.
Fleur s’approcha doucement, examina les pupilles d’Hermione, et hocha la tête avec soulagement.
— Les réflexes sont bons. C’est un excellent début. Maintenant… passons à l’interrogatoire d’usage. Pouvez-vous me dire votre nom ?
Hermione fronça légèrement les sourcils, comme pour se concentrer. Puis, d’une voix plus assurée :
— Hermione. Hermione Granger.
Le cœur de Fleur se serra. Elle avait retrouvé son prénom. Son identité. C’était déjà une victoire.
— Bien, Mademoiselle Granger. Savez-vous où vous êtes ?
— Non… pas précisément. Mais… votre accent me dit que je suis probablement en France.
Hermione essaya alors de lire le nom brodé sur la blouse de l’infirmière. Elle plissa légèrement les yeux.
— Delacour. Mon intuition semble juste.
Fleur esquissa un vrai sourire cette fois, un peu plus détendue.
— Belle déduction, Mademoiselle Granger, murmura Fleur avec un sourire professionnel.
Elle prit une inspiration discrète avant de poser la question suivante, déjà redoutée.
— Et… quel est votre dernier souvenir, avant votre arrivée ici ?
Hermione fronça légèrement les sourcils, cherchant à remettre de l’ordre dans les images floues qui lui revenaient.
— Je me souviens être rentrée chez moi, à New York, pour faire une surprise à Ronald… Mon petit ami.
Elle marqua une pause.
— Mais je l’ai trouvé au lit avec une autre femme.
Les mots, bien que prononcés avec calme, provoquèrent une vague de tension chez Fleur. Elle serra les dents pour ne rien laisser paraître.
— Alors… j’ai pris un vol. Pour Berlin. J’y ai passé quelques jours. J’avais besoin de m’éloigner, de réfléchir…
Hermione détourna un peu les yeux, mal à l’aise.
— Là-bas, j’ai recroisé Viktor. Krum. On s’est revus, on a sympathisé… et… on a passé la nuit ensemble.
Fleur sentit son estomac se nouer, une brûlure sourde remonter dans sa poitrine. Elle força ses mains à rester immobiles, son expression à ne pas trahir l’orage intérieur.
— Ce n’était pas une idée brillante, poursuivit Hermione rapidement, comme si elle sentait qu’elle devait se justifier. Mais je crois que j’avais besoin de me venger de Ron…
Elle soupira.
— Ensuite, Viktor m’a proposé de le rejoindre à Amsterdam. Ce que j’ai fait. On est sortis en boîte… et, en rentrant, j’ai été attaquée. C’est là que… tout s’arrête. Un vrai trou noir. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite, ni comment je suis arrivée ici.
Un silence s’installa. Fleur se força à respirer profondément, à garder le cap. Hermione retrouvait peu à peu ses souvenirs… mais elle ne se souvenait toujours pas d’elle.
— Mademoiselle Granger… vous êtes à Paris. À la Salpêtrière. Vous avez été prise en charge après votre agression.
Elle marqua une courte pause pour réajuster le drap sur les jambes d’Hermione.
— Je vais appeler le professeur Flamel. Il va prendre le relais, mon service est terminé, et il sera plus qualifié pour répondre à toutes vos questions.
Elle esquissa un sourire doux, bien que contraint.
— En attendant, reposez-vous. Je vais prévenir la cuisine pour qu’un petit déjeuner vous soit servi après la visite du médecin.
Hermione hocha lentement la tête, visiblement encore un peu troublée.
Fleur sortit de la chambre avec lenteur, veillant à refermer doucement la porte derrière elle. Dès qu’elle fut seule dans le couloir, elle sentit ses jambes faiblir et s’appuya un instant contre le mur. Ses yeux s’embuèrent.
Hermione s’était réveillée.
Mais elle ne se souvenait plus d’elle.
Toutes ces semaines passées à ses côtés, les confidences, les rires, les regards partagés, les baisers… Tout cela semblait avoir été balayé d’un revers d’oubli. Pour Fleur, c’était pire qu’un rejet. C’était comme si leur histoire n’avait jamais existé.
Elle resta là, deux minutes peut-être, à laisser couler des larmes silencieuses, le cœur brisé.
Puis, ravalant sa peine, elle se redressa et alla faire son rapport au professeur Flamel. Elle décrivit brièvement l’état neurologique d’Hermione, sa réactivité, les souvenirs revenus, le calme apparent. Puis elle salua l’équipe et prit le chemin de la sortie.
Mais au moment de quitter l’hôpital, elle tomba sur Harry et Ginny, qui venaient d’arriver.
— Elle est réveillée, annonça Fleur d’une voix posée, presque détachée. S’il vous plaît… prenez bien soin d’elle.
Ginny fronça les sourcils.
— Fleur… vous ne voulez pas rester ? Après tout ce que vous avez fait pour elle ? Elle va vouloir vous voir, non ?
La Française secoua lentement la tête.
— Hermione ira très bien sans moi, murmura-t-elle. Vous êtes sa famille. Vous serez là pour elle.
Elle tenta un sourire, mais celui-ci n’atteignit pas ses yeux.
— Passez une bonne journée, Harry, Ginny. J’ai… besoin de rentrer chez moi. De me reposer.
Mais Fleur ne rentra pas chez elle.
Elle s’installa au bar à l’autre bout de la rue, dans un recoin sombre, et commanda un verre. Puis un autre. Et un autre encore. Elle passa une bonne partie de la journée là, à noyer son chagrin dans l’alcool, espérant faire taire la douleur dans sa poitrine.
Ce fut son oncle Pierre qui la retrouva là, inquiet de ne pas avoir de ses nouvelles. Il l’aida à sortir, la soutenant sans poser de questions, et la ramena chez lui pour qu’elle décuve un peu.
Une bonne douche froide et un café serré firent leur effet.
Assise à la table de la cuisine, les cheveux encore humides, Fleur raconta tout à son oncle. Le réveil d’Hermione. Son amnésie. Et ce regard… ce regard vide de souvenirs.
Pierre l’écouta en silence, posant une main rassurante sur celle de sa nièce.
— Tu l’as aidée à se relever quand personne d’autre ne savait où elle était. Même si elle ne s’en souvient pas, tu restes une part de son histoire. Et parfois, les souvenirs ne reviennent pas par la mémoire… mais par le cœur.
Fleur hocha lentement la tête, les yeux fatigués, avant que son oncle ne la raccompagne chez elle.
— Va dormir, ma puce. Le monde peut attendre.
Et pour la première fois depuis des jours, Fleur se glissa sous ses draps. Seule. Silencieuse. Mais un peu plus apaisée.
Pendant ce temps, à l’hôpital…
Hermione était soulagée de voir arriver Harry et Ginny. Leur présence familière la réconfortait, comme une ancre dans un océan de confusion. Le professeur Flamel était toujours dans la chambre, assis à ses côtés, poursuivant ses explications d’une voix calme et rassurante.
— Cela fait plusieurs semaines que vous êtes en convalescence, Mademoiselle Granger. Vous avez été agressée à Amsterdam, il y a plusieurs mois, vous êtes ici à cause d’un accident.
Il jeta un regard à Harry, comprenant que la suite des explications lui appartenait.
— Je vais vous laisser discuter tranquillement, conclut-il, avant de se lever et de quitter la pièce.
Hermione tourna aussitôt ses yeux vers Harry, pleine de questions.
— Harry… Pourquoi Paris ? Pourquoi ne suis-je pas rentrée à New York ? Et qui m’a attaquée ? Tout ça n’a aucun sens.
Harry hésita une seconde, cherchant les mots justes.
— Hermione, tu es ici… à cause de Ron.
Hermione cligna des yeux, choquée.
— Quoi ?...
— Il n’a pas supporté que tu le quittes, reprit Harry, la mâchoire serrée. Quand il t’a retrouvée ici, à Paris, il a perdu le contrôle.
Ginny s’assit de l’autre côté du lit, prenant la main d’Hermione avec douceur.
— Tu es partie du jour au lendemain. Sans laisser de mot, sans prévenir personne. On était morts d’inquiétude. Pourquoi tu ne nous as rien dit ? Tu sais que tu es comme une sœur pour nous.
Elle laissa échapper un petit soupir, les yeux humides.
— Si on n’avait pas croisé Viktor au gala de mon père à New York… on n’aurait toujours aucune idée d’où tu étais.
— J’étais tellement humiliée… souffla Hermione en fixant un point vague au plafond. J’ai décidé de partir. De tout quitter. Ma vie devenait dingue… J’avais besoin de prendre du recul, de me recentrer. Me concentrer sur mon écriture. Sur moi.
— Tu aurais quand même pu venir nous voir, dit doucement Harry. Tu m’as fait peur, Hermione. Tu sais que tu es comme une sœur pour moi.
Elle tourna la tête vers lui, émue, puis baissa les yeux.
— Je suis désolée, Harry… Vraiment. Mais… tu ne m’as pas encore dit pourquoi je suis à Paris.
Harry la fixa un instant.
— Tu ne t’en souviens vraiment pas ?
— Non. Mon dernier souvenir est cette rue à Amsterdam. J’étais blessée. Il faisait sombre. J’avais mal… Et puis…
Elle s’interrompit, le regard soudain plus vivant.
— L’ange aux cheveux blonds.
— L’ange aux cheveux blonds ? répéta Ginny, intriguée.
— Oui. Elle était là. Je crois qu’elle est arrivée juste avant que je perde connaissance. Elle m’a dit que tout irait bien… qu’elle allait s’occuper de moi. Elle m’a sauvée, Harry. Je le sais.
Harry échangea un regard avec Ginny. Ils voyaient bien que ce souvenir, flou mais tenace, avait marqué Hermione plus qu’elle ne le réalisait encore.
— Tu as raison, admit Harry. Elle t’a trouvée et elle t’a sauvée. Elle était en voyage à Amsterdam et… tu l’as suivie à Paris, quelques jours plus tard.
— Je dois la revoir, déclara Hermione avec une intensité soudaine. Je dois lui dire merci. Je sens que c’est important.
Harry et Ginny se regardèrent à nouveau, un peu désemparés. Ils savaient que Fleur était très attachée à Hermione… mais après ce qui s’était passé, les choses étaient encore trop délicates.
Harry décida de gagner un peu de temps.
— On va essayer de retrouver son nom. Tu connais mon futur beau-père, Arthur… Il a les meilleurs détectives privés du pays. On va te retrouver ton ange, promis.
Hermione hocha la tête, un faible sourire aux lèvres, sans se douter que cet ange-là n’avait jamais vraiment quitté son chevet.