L'évadé du clair de Lune
Quand ils arrivèrent dans la salle souterraine, ils allumèrent le miroir Simple Sens pour surveiller l’avancée des Aurors qui, pour le moment, étaient tenus en échec à l’extérieur par les sortilèges de protection de Remus. Sirius sembla hésiter à remonter quand l’autre s’interposa :
— Que cherches-tu à faire, Sirius ? Rejoindre Sélène ? Parce que tu crois que les Aurors vont gentiment te laisser passer quand tu leur diras que tu veux aller chercher la femme que tu aimes ? Pour eux, tu es un criminel ! Et si Sélène ne l’était pas déjà, ils la considèrent maintenant comme ta complice…
Sirius voulut riposter mais Remus ne le laissa pas faire. Il haussa le ton.
— Ils vont tirer à vue dès que tu auras mis le pied là-haut.
Il fit une pause, conscient que Sirius ne serait pas réceptif à sa colère, puis reprit :
— Sélène avait prévu cette éventualité. Elle se doutait que tôt ou tard les Aurors débarqueraient ici et qu’il nous faudrait fuir. On ne sait pas ce qu’ils sont venus faire, ils disent qu’ils veulent l’interroger, c’est peut-être juste du bluff pour l’arrêter. Ça fait deux jours qu’ils enquêtent, Sirius, deux jours ! Ils ont eu largement le temps de découvrir que la véritable Skye Fallon est morte il y a longtemps.
— Dans ce cas, Sélène est en danger ! Malefoy a ses entrées au Ministère, il peut très bien avoir entendu… Et il faut la prévenir de la situation ici !
Remus posa ses mains sur les épaules de son ami. Sélène, qui connaissait bien le caractère fonceur de son fiancé, avait prévu sa réaction et avait demandé à Remus de tout faire pour le retenir dans une telle situation. Il s’y employa :
— On ne peut pas savoir ce qu'il se passe là-bas et on ne peut pas interférer. Quant à la prévenir, c’est malheureusement impossible sans la trahir. Si tu débarques chez les Malefoy, en supposant que tu ne sois ni tué ni arrêté avant, ce sera elle qui en fera les frais. Je sais que tu l’aimes, que tu donnerais tous tes Gallions pour être près d’elle mais tout ce que tu peux faire pour le moment, c'est préparer la suite. Sélène est suffisamment intelligente pour réussir à s'en sortir toute seule. On la recontactera plus tard, une fois que l’on sera à l’abri, OK ?
— Je ne partirai pas sans elle, Remus ! opposa Sirius.
— Parce que tu crois que les Aurors vont s’en aller tranquillement ? Bien sûr que non, ils vont continuer à attaquer jusqu’à ce qu’ils puissent rentrer. Et il est hors de question qu’ils te reprennent, s’énerva à nouveau son ami. C’est un sort pire que la mort qui t’attend dans ce cas, tu l’as oublié ?
— Je ne pars pas sans Sélène !
— Par les caleçons de Merlin tu es toujours aussi buté, c’est incroyable !!
Ils se défièrent du regard pendant quelques secondes. Remus lança un coup d’œil au miroir et, voyant les aurors toujours bloqués à l’extérieur, céda :
— Bon… On prépare tout ce qu’il faut pour fuir et on l’attend jusqu’au dernier moment. Mais dès que ça devient trop risqué, on part !
Satisfait, Sirius finit par hocher la tête. Mécontent d’avoir cédé, Remus s’absenta quelques instants pour revenir avec une liste et un petit sac à bandoulière qu’il tendit à Sirius en expliquant, de mauvaise humeur :
— Elle a jeté un sort d’Extension sur le sac. Il y a déjà pas mal de choses dedans mais il faut rajouter des trucs de dernière minute. Tout est noté sur la liste.
Sirius hocha la tête et entreprit de rassembler tout ce que Sélène avait noté et dont ils pourraient avoir besoin dans leur fuite : quelques provisions, une trousse de premiers soins contenant quelques potions, de l’essence de Dictame, un bézoard, des habits de rechange… Puis, soucieux de briser la glace avec son ami, dit :
— Faudra qu’on trouve un endroit sûr pour la pleine lune. Que tu puisses te reposer quelques jours. Nous repartirons après.
Remus sourit, peu étonné par la proposition de Sirius. Mais il avait bien réfléchi à la question et était arrivé à une tout autre conclusion.
— Je ne viens pas avec vous.
Sirius se redressa, choqué, comme si une réponse négative n’avait jamais été une option pour lui. Remus reprit :
— Tu l’as dit toi-même : la pleine lune arrive. C’est dans trois jours et il me faudra au moins trois jours supplémentaires pour récupérer entièrement. Vous allez devoir fuir, vous devrez bouger souvent.
— On s’en arrangera ! Ça ne durera qu’une petite semaine et tu ne serais pas tout seul pendant ta transformation, ça t’a toujours aidé que l’on soit là.
Remus secoua la tête :
— Je ne ferais que vous retarder et tu le sais. On ne s’encombre pas d’un loup-garou quand on part en cavale.
Sirius baissa la tête, conscient que Remus ne fléchirait pas. Il fourra les mains dans ses poches.
— Tu changeras pas d’avis, hein ?
— J’y ai beaucoup réfléchi. Cette situation nous pendait au nez et j’en ai souvent discuté avec Sélène. On n’en a pas parlé avec toi, mais c’est la meilleure solution. Vous serez plus rapides à deux.
— Que comptes-tu faire ?
Remus haussa les épaules. Il n’y avait pas trente-six solutions : il n’avait plus de maison, pas de travail… Et compte tenu de son secret, une seule personne accepterait de l’aider. D’autant qu’il était persuadé que cette personne pouvait aussi faire avancer la situation : ils butaient sur la destruction de l’Horcruxe et Remus était persuadé que Dumbledore était le seul à pouvoir trouver une solution. Il était sage, rusé et il avait un vaste réseau. Il pourrait réunir à nouveau l’Ordre du Phénix et les trois amis ne seraient plus seuls face à cette tâche trop lourde pour eux.
— Je vais aller voir Dumbledore, répondit-il à Sirius d’un ton qui ne souffrait pas de contradiction.
Sirius hésita un instant. Remus s’apprêtait à lui faire part de ses réflexions quand il se décida à répondre :
— Tu as raison.
Son ami le regarda, étonné. Sirius haussa les épaules.
— Je ne suis pas stupide, Remus… Je sais bien que la réaction de Sélène est démesurée et je vois bien que la situation devient compliquée. On a besoin d’aide et si tu arrives à faire prendre conscience à Dumbledore que je suis innocent de ce qu’on m’accuse et que Sélène n’a fait ce qu’elle a fait que pour réparer une injustice, il est sûrement le seul à avoir assez d’influence pour nous sortir de là, ajouta-t-il en désignant le rez-de-chaussée et les Aurors à l’extérieur de la maison.
— J'espère juste que Sélène me pardonnera de ne pas avoir respecté sa volonté, murmura le loup-garou.
— Tu sais bien que oui, le rassura Sirius.
Ils finirent de rassembler les affaires que le couple emmènerait dans sa fuite. Du moins, si Sélène parvenait à rentrer, ne put s’empêcher de penser Sirius, le cœur serré. Il s’appuya contre la table où ils avaient passé la soirée à travailler. Remus le rejoignit et lui posa une main réconfortante sur son épaule. L’inquiétude de Sirius était contagieuse et il espérait de tout son cœur que la jeune femme n’était pas en danger et qu’elle arriverait à les rejoindre avant qu’il ne soit trop tard. Ses deux amis avaient déjà subi trop d’injustices pour qu’ils soient de nouveau séparés et pourtant…
Pourtant, ils n’hésitaient pas à continuer à tout risquer pour s’opposer à nouveau au mage noir. Malgré le peu de reconnaissance qu'ils en avaient eu.
— Elle va y arriver, Sirius. Elle va revenir.
Sirius hocha doucement la tête et murmura, la gorge serrée :
— Oui… Elle me l’a promis.
Remus raffermit sa prise sur l’épaule de son ami pour lui apporter son soutien et les deux hommes restèrent silencieux quelques minutes. Puis Sirius se redressa.
— Prends le médaillon. Montre-le à Dumbledore, ça prouvera tes propos, ajouta Sirius en tendant l’Horcruxe à son ami.
Il devait être près de vingt-deux heures quand l’alarme anti-intrusion se fit entendre. Un coup d’œil sur le miroir Simple Sens leur appris que les Aurors avaient finalement réussi à entrer et commençaient à se disperser dans la maison, à leur recherche. Le cœur de Sirius se serra quand il réalisa subitement que ça y était, il allait devoir fuir sans elle.
Puis soudain, à travers le miroir, ils virent Sélène apparaître dans le salon à l’étage, escortée par Dobby, l’elfe de maison des Malefoy dont la magie n’était pas affectée par les sortilèges empêchant les transplanages. Le temps se figea, laissant les Aurors analyser la situation : leur suspecte venait d’apparaitre devant eux, escortée par un elfe de maison, dans le salon où eux-mêmes avait eu du mal à entrer quelques instants auparavant. Sélène, décoiffée, essoufflée, était tout aussi surprise et gémit de dépit. Un ordre fusa alors qui fit sursauter tout le monde. Les Aurors furent cependant les plus rapides et Sélène eut juste le temps de sortir sa baguette magique pour se défendre quand Kingsley Shacklebolt lança l’offensive.
Voyant cela, Sirius n’hésita plus une seconde : il ouvrit à nouveau le passage et se précipita pour l’aider. Remus suivit en jurant, excédé : Sirius fonçait toujours dans le tas, sans réfléchir, en particulier quand il s’agissait de Sélène. Les Aurors étaient certes peu nombreux mais bien entraînés. Leurs chances étaient minces et il n’aimait pas compter sur les erreurs que ses adversaires pouvaient, ou non, commettre.
Les deux amis arrivèrent dans la cuisine en quelques secondes, après avoir monté les marches quatre à quatre. Quand un des Aurors se dressa devant lui, Sirius fut plus rapide et lui lança un sortilège qui l’envoya voler contre un mur où il s’assomma. Le jeune homme sourit : c’était la première fois qu’il utilisait la baguette de James pour se battre et c’est comme s’il sentait son meilleur ami à ses côtés. Sirius secoua la tête pour se reconcentrer et entra dans le salon.
Il analysa la situation en un rapide coup d’œil : Sélène avait été acculée par Shacklebolt dans un coin de la pièce, elle peinait de plus en plus à contenir les assauts. Dobby était au sol, immobile, probablement stupéfixé. Scrimgeour entra dans la pièce à ce moment et se joignit la bataille. Sirius lui, se précipita vers sa compagne.
— Protego Maxima, lança-t-il, se concentrant de toutes ses forces pour que le bouclier l’englobe lui ainsi que Sélène et Dobby.
Un peu plus loin dans le salon, Remus était aux prises avec un autre agent du Ministère. Entre deux sortilèges, il leva rapidement la protection qui empêchait de transplaner et lança à Sirius la besace qu’ils avaient remplie. Il lui adressa un signe de tête rapide, puis le loup-garou disparut dans un léger craquement, après avoir évité un Expelliarmus qui le visait. Sirius tendit la main vers Sélène qui la saisit sans hésiter. Il l’attira à lui, la relevant à la force de son bras, et la plaqua contre son corps.
Sentant la fuite du couple arriver, Scrimgeour s’élança pour tenter de les retenir. Ou au moins pour les intercepter et transplaner avec eux, au risque de se retrouver désartibulé.
Il réalisa alors avec horreur qu'il s’était mis à découvert et en face de lui, Black, un criminel notoire, avait un angle d'attaque rêvé pour le blesser voir le tuer. L'Auror avait fait une erreur de débutant mais curieusement, son adversaire ne fit rien. Il le regardait simplement dans les yeux, tandis que le bouclier qu’il avait invoqué continuait à dévier les sorts que les autres lui lançaient. Scrimgeour hésita et se figea. Il y eu alors un moment de flottement, les Aurors craignant de blesser leur chef dans l’espace réduit du salon. Sirius en profita pour transplaner avec Sélène.
Leur disparition, juste sous son nez, sortit Scrimgeour de sa torpeur et, de frustration, il jeta sa baguette au sol. Son collègue et ses hommes le rejoignirent.
— Réveillez Wade ! dit-il en désignant l’homme que Sirius avait assommé. Je veux que vous fouilliez cette maison de fond en comble ! Vous avez tiré un trait sur vos heures de sommeil quand vous avez signé pour devenir Aurors. Personne ne sortira d’ici tant qu’on ne saura pas où ils ont pu aller !
OoooO
Remus avait atterri dans une petite ruelle de Pré-Au-Lard, le village entièrement sorcier à côté de Poudlard. Il faisait nuit noire et les allées du bourg étaient vides. Il s’assura d’un regard qu’il n’avait pas été suivi puis s’adossa au mur et souffla avant de jurer : il avait peut-être été reconnu et dans ce cas, ce n’était plus qu’une question d’heures avant qu’il ne fasse la une de la Gazette du Sorcier. Ne cessant de jeter des coups d’œil autour de lui, il se dirigea vers une auberge se trouvant dans une rue latérale à la Grand-rue. Il repéra rapidement l’enseigne qu’il cherchait, suspendue à une vieille potence de bois qui grinçait au gré du vent. Il avisa l’intérieur par les vitres sales et grogna quand il vit que les derniers clients étaient encore attablés. Il se dirigea alors vers l’entrée arrière où, après un dernier regard aux alentours, il toqua fermement à la porte. Encore et encore. Jusqu’à ce qu’un homme grand et mince dans une robe de sorcier élimée, à la barbe et aux cheveux gris filandreux, lui ouvre enfin.
Remus ne lui laissa pas le temps d’ouvrir la bouche :
— Il faut que je le voie. C’est urgent.
L’homme le toisa derrière ses lunettes rondes et ses yeux bleu vif semblèrent lire dans son esprit. Au bout d’un moment, il grogna et se détourna, laissant Remus entrer dans l’arrière salle.
Le loup-garou referma vivement derrière lui. Remus, toujours nerveux et aux aguets, jeta un coup d’œil rapide. L’endroit était toujours aussi miteux et sentait le bouc. En fait, rien n’avait changé par rapport à ses souvenirs et ce bar devait probablement toujours êtes un repère mal famé. Il sursauta quand un bruit sourd résonna derrière lui. Il se retourna et avisa le tenancier qui était revenu et débouchait une bouteille d’un alcool douteux. Il servit un verre qu’il lui tendit :
— T’as une sale gueule, ça te fera du bien.
Remus grimaça mais s’assit sur un des tabourets entreposés là et vida le verre d’une traite.
— Il arrive ?
L’homme grogna. Remus prit ça comme une réponse positive et soupira de soulagement.
— Merci Abelforth.
— C’est quand même dingue que vous tous, vous reveniez toujours vers mon frère comme s’il était un sauveur. J’espère que tu sais qu’il ne fait que nous utiliser, tous autant que nous sommes ? répondit ce dernier de mauvaise humeur.
Remus ne dit rien, se contentant de regarder le fond du verre devant lui. Apparemment la relation entre les deux frères ne s’était toujours pas apaisée et le cynisme d’Abelforth ne l’avait pas quitté.
— C’était quoi comme alcool ?
— Hummpf. Recette personnelle…
Ils gardèrent ensuite le silence, jusqu’à ce que deux coups retentissent à nouveau sur la porte. Remus sauta sur ses pieds, tendu, alors que son hôte allait ouvrir.
— On se détend, c’est toi qui m’as demandé de le faire venir, je te rappelle… grogna-t-il.
Et en effet, le jeune homme ressentit un énorme soulagement quand la porte s’ouvrit sur Albus Dumbledore, en robe vert bouteille, qui le fixait des mêmes yeux bleu vif que ceux de son hôte. Remus avait le sentiment que ce regard sondait son âme.
— Professeur… J’ai besoin de votre aide.
Dumbledore sourit malicieusement en entrant dans la pièce.
— C’est généralement ce que je me dis quand on me fait venir à la Tête du Sanglier aussi tardivement. Viens t’asseoir, dit-il en désignant deux tabourets bancals. Je pense que tu as beaucoup de choses à me dire.
Remus s’exécuta et prit place en face de son ancien directeur. Il n’osait pas le regarder dans les yeux. Il ne savait pas par où commencer pour que le vieux sorcier le croie. Il fallait vraiment que Dumbledore le croie !!
— Et si tu commençais par le début, suggéra le vieil homme, comme s’il avait lu dans ses pensées.
— Sirius est innocent, osa enfin dire Remus en relevant la tête.
— Je vois, répondit Dumbledore sans le lâcher du regard. Et je suppose donc que tu as aidé Sélène dans sa folle entreprise de le faire sortir de prison, n’est-ce pas ?
Remus ne répondit pas, bouche bée.
— Je l’ai vue à Sainte-Mangouste le lendemain de l’évasion. Elle avait beaucoup maigri, ses yeux avaient changé de couleur, mais c’était bien elle, expliqua Dumbledore. Quelqu’un l’a appelée Miss Fallon, je me suis demandé pourquoi. La Gazette du Sorcier y a répondu en écrivant ce jour-là que la guérisseuse de la prison, Skye Fallon avait été amenée à l’hôpital suite à une agression.
Abelforth leur apporta un verre de Bieraubeurre que Remus vida d’un trait, laissant le chaleureux breuvage le réchauffer de l’intérieur.
— Sirius est innocent, répéta Remus. Je l’ai cru coupable, pendant longtemps, j’ai rejeté Sélène quand elle est venue pour essayer de me convaincre après les… évènements. Elle est revenue un an plus tard et je n’ai pu que la croire.
— Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis au point de prendre tous ces risques ?
Remus hésita. Pour répondre à cette question, il allait devoir expliquer comment il avait poussé trois adolescents, les meilleurs amis qu’il n’avait jamais eus, à devenir Animagi non déclarés. Il allait devoir expliquer comment il avait trahi la confiance de Dumbledore en sortant de la cabane hurlante tous les soirs de pleine lune de sa cinquième à sa dernière année à Poudlard. Il déglutit, de peur de décevoir son mentor.
— Sélène m’a raconté ce qu’il s’est réellement passé, commença-t-il, retardant l’échéance. Elle m’a dit que James et Sirius avaient décidé de changer de gardien du secret à la dernière minute. Ils voulaient prendre tout le monde par surprise en choisissant quelqu’un que personne ne pouvait soupçonner : Peter. C’est Sélène qui a tenu la baguette.
— Et tu l’as crue sur parole ?
On y était. Plus de recul possible.
— Elle m’a… apporté une preuve. Irréfutable.
Dumbledore fronça les sourcils et Remus détourna le regard.
— Peter n’est pas mort, il y a quatre ans. C’est lui qui a provoqué l’explosion. Il s’est alors coupé un doigt, s’est transformé en rat et a fui avec ses congénères dans les égouts, avoua-t-il enfin.
— Un Animagus ? demanda Dumbledore, imperturbable, au bout d’un moment de silence.
Ce manque de réaction de la part de l’ancien directeur était perturbant, mais Remus confirma en hochant la tête.
— Peter a réussi cet exploit tout seul ? insista Dumbledore.
— Non, pas tout seul. James et Sirius…
— Evidemment… J’aurais dû me douter quand ils ont découvert ton secret qu’ils tenteraient quelque chose dans ce goût-là, dit le directeur, sévère. Je suppose qu’ils y ont vu l’occasion de vivre de trépidantes aventures…
Remus baissa la tête, honteux, incapable de supporter ce regard, mais il ne put empêcher un sourire nostalgique d’éclore sur ses lèvres.
— Et Sélène savait ? demanda le vieux sorcier.
Le jeune homme opina du chef et raconta :
— En sixième année, après les vacances de Pâques, elle a voulu récolter des Fleurs de Lune dans la forêt. C’était une nuit de pleine lune et malheureusement pour elle, elle est tombée sur une meute d’animaux pour le moins hétéroclite : un loup, un cerf, un rat et un énorme chien. J’ai voulu l’attaquer et ce souvenir me hante encore. Sirius s’est interposé sous sa forme Animagus, le chien, et James, le cerf, m’a éloigné définitivement. Sélène a couru au château, terrorisée mais saine et sauve. Elle s’est fait prendre par le professeur McGonagall cette nuit-là et a écopé d’une retenue. Le lendemain, elle a tout raconté à Sirius. Elle s’était bien rendue compte qu’un tel attroupement n’était pas normal alors elle a demandé à Sirius d’enquêter avec elle. Mais il ne voulait pas trahir notre secret. Devant son manque d’enthousiasme, Sélène a fini par se douter qu’il lui cachait quelque chose et Sirius, lui, a eu peur de sa réaction quand elle découvrirait le pot-aux-roses. Les non-dits ont failli avoir raison de leur relation à cette époque, mais elle a fini par découvrir la vérité deux mois plus tard…
Le silence retomba entre les deux hommes.
— De tout temps, la forêt interdite a attiré bon nombre d’élèves et elle continuera à le faire, mais vous… Vous étiez les étudiants les plus inconscients qu’il m’ait été donnés de voir durant ma carrière, et Merlin sait qu’elle est longue… finit par soupirer Dumbledore.
Il fit une pause, rendant Remus plus honteux encore. Puis reprit, avec une lueur espiègle dans le regard :
— Les plus brillants également… Des Animagus ! Un sacré exploit pour des sorciers de quinze ans ! Juste sous mon nez !
Remus lui rendit son sourire puis attendit nerveusement le verdict du directeur, qui tarda peu :
— Soit, admettons que je te crois : Sirius est innocent. Pourquoi es-tu venu ce soir ?
Soudain libéré d’un poids, Remus ressentit une lassitude extrême le gagner et se vouta. Il soupira et, sur un ton monocorde traduisant sa fatigue, il raconta le plan insensé que Sélène avait mis sur pied et la découverte qu’elle avait faite auprès des Mangemorts.
Dumbledore ne dit absolument rien durant le monologue du jeune homme et maintenant qu’il avait terminé et que le directeur ne parlait toujours pas, Remus se sentit envahi d’un doute.
— Je vous en prie, Professeur, vous devez me croire.
— Je te crois, Remus. Je me demande juste pourquoi vous avez attendu aussi longtemps pour venir m’en parler ?
— Sélène… commença Remus, hésitant.
— … n’a plus confiance en moi, compléta le vieil homme.
Remus acquiesça, faisant soupirer Dumbledore :
— Elle a toutes les raisons du monde pour ça. J’ai fait de terribles erreurs et je me suis laissé influencé par des préjugés. J’espère pouvoir me racheter à ses yeux et vous aider à détruire Voldemort. Tu dis que vous avez déjà récupéré un Horcruxe ? Tu l’as avec toi ?
Remus hocha la tête et sortit le médaillon de sa poche.
— C’est le frère de Sirius qui l’a découvert, il y a six ans maintenant. Ce faisant, Regulus est mort, noyé par les Inferis que Voldemort avait invoqués en protection.
— Le médaillon de Serpentard, murmura Dumbledore, les yeux étincelants derrière ses lunettes demi-lune où se reflétait le S de Salazar Serpentard.
Le médaillon hexagonal suintait toujours une aura malveillante. En tendant l’oreille, remus jurerait entendre des sifflements de serpents s’en échapper. Il frissonna avant de reprendre la parole :
— Avec Sirius, on a cherché à le détruire pendant toute la soirée. Sélène pense qu’il faut un sort ou une potion d’une extrême malveillance pour en venir à bout. On a essayé des sortilèges de toutes sortes, le bijou en sort toujours intact.
— Ça ne m’étonne pas. Sélène a raison : un objet comme celui-ci ne peut être détruit qu’avec une magie de puissance équivalente.
— Sélène pense que Voldemort en a créé plusieurs… ajouta Remus après un moment d’hésitation. Ce soir, elle a profité d’une invitation chez les Malefoy pour essayer d’en chercher un autre. Elle est persuadée qu’il y en a un là-bas.
— Sais-tu si elle a pu le récupérer ?
Remus secoua la tête.
—Aucune idée. Les Aurors étaient venus interroger Sélène ce soir. Quand ils ont vu Sirius par la fenêtre tout est allé très vite. Sélène est arrivée, elle a été attaquée, Sirius s'est précipité pour la protéger et j'ai transplané avant eux. Nous n’avons pas pu parler.
Dumbledore hocha la tête puis reprit de sa voix apaisante :
— Ce n'est pas grave, je vais voir si quelqu’un d’autre peut s'en occuper. En attendant, je vais te trouver un endroit sécurisé pour la prochaine lune. La cabane hurlante est toujours disponible si tu veux.
Remus acquiesça d’un hochement de tête.
— Hmpf. Tu vas dormir ici dans un vrai lit cette nuit, grommela Abelforth. Tu iras dans cette cabane défraîchie demain soir…
Il lança ensuite un regard noir à son frère, saisit Remus par le col et l'emmena dans une chambre à l’étage.
— Je t’apporterai du ragoût demain, lança-t-il avant de refermer la porte sans que Remus n’ait le temps de dire quoi que ce fut.
OoooO
— Ça va ? s’inquiéta Sirius.
— Ça va, juste un peu sonnée. La soirée a été éprouvante…
Ils venaient d’apparaître dans une ruelle sombre en face de la maison de Square Grimmaurd. Sirius serra un peu plus Sélène contre lui et elle reposa sa tête sur son torse. Il se pencha ensuite pour jeter un œil discret sur la place. Il jura, même si les sortilèges de protection de son père allaient leur être fort utiles pour se protéger cette nuit, il aurait bien voulu pouvoir transplaner directement à l’intérieur.
— Nom d’une gargouille, ils sont là aussi. Il y en a deux qui font des rondes dans le square et deux autres qui grimpent les marches du perron.
A ces mots, une déflagration se fit entendre et ils virent les deux Aurors en question se faire expulser de l’entrée de la maison des Black.
— Apparemment, les sorts de protection que mon père avait lancés sur la maison fonctionnent encore, constata-t-il.
— C’est plutôt une bonne nouvelle pour nous. Il faut juste qu’on arrive à entrer et on pourra s’y reposer cette nuit, dit Sélène d’un ton monocorde et détaché.
Sirius hocha la tête après lui avoir lancé un regard surpris, peu habitué à la voir aussi éteinte, puis appela son elfe de maison. Aussitôt, Kreattur apparut à côté d’eux dans un léger craquement qui pourtant fit l’effet d’une bombe dans le silence de la nuit. Sirius grimaça.
— Maître, salua l’elfe en s’inclinant devant lui.
En lançant un regard anxieux vers la place, le jeune homme constata que les Aurors, alertés par le bruit, se dirigeaient vers eux.
— Kreattur, il faut que tu nous fasses entrer à l’intérieur. Vite ! pressa le jeune homme.
Kreattur se redressa et lui tendit la main qu’il saisit sans hésiter, tout en resserrant sa prise sur sa compagne. Et ils disparurent juste à l’instant où un des Aurors en faction arrivait devant eux. Ils réapparurent instantanément dans la cuisine, au grand soulagement de Sirius.
— Il va falloir augmenter les défenses de la maison, juste pour cette nuit.
— Le maître repart ? demanda l'elfe de maison.
— Oui, Kreattur, nous ne restons que cette nuit. Nous partirons demain matin.
— A cause des traîtres à leur sang qui sont dans le parc ?
— Ne parle pas d’eux comme ça, Kreattur. Et selon les critères de ma mère, je suis un traître à mon sang, moi aussi.
— C’est ce que la maîtresse disait, mais le maître a été bon avec Kreattur. Le maître a promis d'aller chercher maître Regulus.
— Et je le ferai. Une fois que toute cette histoire sera terminée, nous irons chercher le corps de Regulus.
A ces mots, Kreattur eut l’air d’être heureux comme un gamin. Il sautilla en tapant des mains et repartit vers les étages, énonçant à haute voix qu’il allait leur préparer l’ancienne chambre de Sirius. Celui-ci se gratta la tête, perplexe.
— Honnêtement, je ne sais pas si je m’y habituerais un jour, dit-il à l’intention de Sélène.
— L’approche douce semble avoir marché avec lui. Si tu le respectes, il te respectera aussi. C’est toi qui disais qu’il vaut mieux juger un homme à la façon dont il traite ses inférieurs plutôt que ses égaux, non ? lui demanda Sélène en se laissant tomber sur une chaise.
— C'est vrai, mais Kreattur m’a toujours détesté. Je ne l’ai jamais connu autrement. Le changement est agréable… Déconcertant aussi. Comment tu vas ?
La jeune femme haussa les épaules tout en entreprenant d’enlever ses postiches. Elle gratta son visage, les mains tremblantes, pour enlever son faux nez, ses fausses joues et finit par retirer ses lentilles. Elle avait les larmes aux yeux. Sirius se mit à genoux devant elle et lui saisit les mains.
— Eh, on est en sécurité cette nuit, lui murmura-t-il pour la rassurer.
— Peut-être mais après ? Je savais qu’il faudrait fuir, mais j’espérais avoir plus de temps, trouver d’autres pistes pour savoir où chercher parce que là, je n’ai aucune idée de ce qu’il faut faire ni ou aller…
— Ce qui en soit, constitue un avantage, parce que les Aurors auront encore moins d’idées où nous chercher.
La jeune femme le regarda, mi-amusée, mi-exaspérée. Puis, les lèvres tremblantes, avoua :
— Tu avais raison, Sirius. C’était un piège… J’avais tellement envie de trouver ce deuxième Horcruxe que j’ai foncé tête baissée. Rogue était là…
Sa respiration accéléra. Sirius ouvrit la bouche pour intervenir mais elle était lancée et c’est la voix trébuchante qu’elle poursuivit son résumé de la soirée :
— Il est… Il est Legilimens… Il a su qui j’étais dès qu’il m’a vue… Puis Lucius est entré… Il a dit que j’étais une usurpatrice… Rogue a confirmé alors, Malefoy… Il est devenu fou… Il a levé sa baguette… Et… Il a… Il a essayé de me tuer, Sirius…
Elle se laissa glisser de sa chaise et les deux mains crispées sur les bras de son fiancé, continua son récit :
— Et j’étais coincée là, dans son bureau… La seule chose à laquelle je pensais c’est que je ne pourrai pas te revoir, tenir ma promesse… J’étais persuadée que j’allais mourir quand Rogue a dit que c’était trop risqué de me tuer, qu’il ne fallait pas attirer l’attention sur eux tant que leur Maître n’était pas revenu… Malefoy a semblé l’écouter et… Dobby est apparu, il m’a prise par la main et… Où est Dobby ? Il m’a sauvée la vie, Sirius, où est Dobby ??
La voix de la jeune femme devenait de plus en plus aiguë à mesure qu’elle cédait à la panique. Sirius la serra dans ses bras où, épuisée et sur les nerfs, elle éclata en sanglot.
— Chuuut... Stop, Sélène, stop. C’est fini, on est tous les deux et on ne risque rien ce soir, ok ?
La jeune femme hocha la tête contre son torse, s'agrippant à ses vêtements dans son dos. Quand il la sentit se calmer, Sirius l’éloigna de lui pour la regarder tendrement et effaça les dernières traces de larmes qui coulaient sur son visage.
— Je ne sais pas ce qui est arrivé à Dobby. Il était stupéfixé quand je suis entré dans le salon où les Aurors vous avaient acculés et il a disparu un peu plus tard. Il a sûrement été rappelé par ses maîtres. On ne peut rien pour lui. Ce qu’on peut faire, par contre, c’est mettre à profit la chance qu’il t’a donnée. D’accord ?
Encore une fois, elle hocha la tête, retenant les larmes qui menaçaient de couler à nouveau.
— Mais d'abord, on va essayer de dormir un peu, ajouta-t-il en se relevant. Tu viens ?