Dollhouse
J’avais décidé de me préoccuper de Theo et Pansy plutôt que de me questionner sur ma propre vie personnelle, cela me permettait de mettre de côté la justesse des mots que Theodore m’avaient soumis la veille. Je n’étais pas peu fier, je devais l’avouer, d’avoir réussi à lui clouer le bec. Je considérai qu’après ce que je lui avais dit il n’y avait plus rien qui pouvait se mettre entre Pansy et lui, et j’avais décidé que mon ami serait heureux. Il n’y avait pas grand-chose que je pouvais faire pour son passé, j’avais fait ce que j’avais pu à ce sujet lorsque nous étions enfants, mais je ne pouvais pas effacer ce qu’il avait vécu, et je ne pouvais pas non plus effacer les conséquences que tout cela avait sur lui aujourd’hui. Par contre, je pouvais l’aider à dépasser ses peurs, et je pouvais l’aider à se jeter à l’eau avec la personne qu’il aimait le plus sur cette terre. Je pouvais l’aider à accéder au bonheur, à l’heure actuelle. Et j’avais décidé que c’était là ma mission. Ce dimanche matin-là, j’avais prétexté avoir à faire avec Blaise à la bibliothèque, et nous étions partis tous deux en direction de celle-ci. Nous nous étions assis dans un coin reculé, et je lui avais chuchoté :
- Je vais avoir besoin que tu chauffes Pansy.
Il avait haussé les sourcils et m’avait adressé un large sourire :
- Alors celle-là je m’y attendais pas, répliqua-t-il alors.
Je levai les yeux au ciel tandis qu’il continuait :
- Mais je vais devoir décliner l’invitation, je n’ai pas envie de finir en morceaux découpé par Nott et envoyé bout par bout à ma tendre mère Malefoy, acheva-t-il.
Je pouffai et lui frappait gentiment l’épaule.
- T’es con, commentai-je avec un sourire.
- Vraiment ? Tu crois qu’il ne le ferait pas ? enchaîna-t-il en me regardant avec de grands yeux ronds.
J’ouvris la bouche pour répondre machinalement que non, puis me ravisai. Je n’étais pas totalement sûr qu’il avait tort. Je chassai plutôt le sujet d’un geste de la main et nous recentrai :
- Ce n’est pas le sujet, chuchotai-je en me penchant plus amplement vers lui, je crois qu’il va y aller, avec Pansy, commençai-je alors.
Il laissa sa bouche grande ouverte exprimer son étonnement.
- Comment ça, y aller ? me demanda-t-il de préciser. Genre, y aller, aller ?
J’acquiesçai en sa direction, et sa bouche s’ouvrit d’autant plus.
- Non ! s’exclama-t-il alors que les élèves autour de nous nous lancèrent des regards noirs pour que nous parlions moins fort. Roh ça va, leur adressa-t-il en chuchotant, concentre-toi sur ta potion d’Amortensia toi, t’y es pas encore hein, cracha-t-il au visage d’une fille peu attrayante quelques tables plus loin qui lui faisait « chut » de la main.
Il me refit face, son expression de surprise la plus totale toujours ancrée sur son visage.
- Je lui ai parlé hier soir, racontai-je alors en murmurant sur un ton plus bas, et je crois que j’ai réussi à le décider à passer le pas, il n’a plus rien trouvé à me dire à la fin de la discussion, j’ai démonté chacun de ses arguments qu’il avait de ne pas le faire, avouai-je avec fierté.
- Mais non ! continua-t-il en gardant sa bouche grande ouverte. Attends, attends, attends, reprit-il alors, tu veux dire que vous avez explicitement parlé de pourquoi il ne saute pas le pas avec elle, et que tu as réussi à lui faire fermer sa gueule ? Genre t’as réussi à faire fermer sa gueule à Theodore Nott ? Genre il avait plus rien à dire ?
J’acquiesçai frénétiquement.
- Plus rien, plus rien ? continua-t-il.
- Plus rien, plus rien, confirmai-je alors.
Sa main droite vint couvrir sa bouche alors qu’il me regardait avec de grands yeux étonnés.
- Mec j’y crois pas, lâcha-t-il finalement en laissant son dos reposer contre la chaise en bois de la bibliothèque sur laquelle il était assis. Comment t’as fait ? me demanda-t-il quelques secondes plus tard.
- Je lui ai fait une Nott, expliquai-je alors, je lui ai posé des questions auxquelles je connaissais parfaitement les réponses en sachant qu’à la fin il serait coincé et que la conclusion serait juste évidente, et qu’il ne pourrait pas la contredire.
- C’était quoi la conclusion ? questionna-t-il encore.
- Que s’il ne se remettrait déjà pas aujourd’hui de la perdre si ça arrivait, et qu’on sait déjà qu’il est prêt à mourir pour elle, donc quitte à jamais s’en remettre et quitte à mourir pour elle, autant savoir ce que ça fait que d’être avec elle, achevai-je donc.
Il leva une main vers moi pour que je la frappe de la mienne, ce que je fis avec un sourire. Je devais reconnaître que j’étais plutôt fier de moi, depuis le temps que nous essayons d’en arriver à ce résultat. Les autres élèves se retournèrent à nouveau vers nous quand nos mains se rencontrèrent, mais nous les ignorions royalement cette fois-ci. Je ne voyais plus ce qui pouvait bien se tenir entre Theo et Pansy désormais. Il suffisait de les aider un peu, c’était tout.
- Oh mec là t’as été très bon, déclara Blaise quelques instants plus tard alors qu’il demeurait aussi surpris. Là, t’as été très, très bon.
J’haussai une épaule faussement modeste.
- Ok donc là c’est maintenant, là faut y aller, continua-t-il alors que j’acquiesçai.
- Il faut que tu parles à Pansy, faut que t’arrives à la chauffer à aller vers lui, parce qu’on sait très bien concrètement qu’il ne fera jamais le premier pas sans y être explicitement invité, commentai-je en continuant de chuchoter. Et il faut le faire vite, parce que là je le connais ça doit tourner et retourner dans tous les sens dans sa tronche, et si on n’agit pas très, très vite, il va me trouver quelque chose à me répondre, et on sera reparti pour six ans de néant, achevai-je.
Il acquiesça en réfléchissant à ce qu’il pourrait dire à Pansy.
- Je vais l’emmener aux Trois Balais cette aprèm, je vais lui parler, confirma-t-il alors.
- Tu fais ça en mode discret évidemment, tu lui balances pas c’que je t’ai dit, m’assurai-je pour que Theo ne soit pas dévoilé plus qu’il ne le souhaitait lui-même.
Il m’adressa un regard blasé signifiant que j’aurais pu me passer de cette précision qui était évidente à ses yeux.
- Je sais que tu sais, me défendis-je alors, mais on sait jamais, c’est tellement fragile et délicat cette situation que je préfère prendre toutes les précautions.
- Bon, et toi pendant ce temps tu parles avec Theo ? demanda-t-il alors.
- Ouais, je vais travailler avec lui cette aprèm et je vais en remettre une couche pour voir où on en est et planter un peu plus de graines, affirmai-je avec confiance.
- Ok, le but du chauffage de Pansy là c’est que quand on rentre elle lui saute dessus direct ou pas ? Histoire que je sache jusqu’à quelle température je la chauffe, questionna-t-il avec sérieux.
Je réfléchissais un instant. Il fallait agir rapidement, c’était vrai. Mais il était également primordial que Theodore soit sûr de ce qu’il faisait, et qu’il prenne sa décision sans être mis au pied du mur. C’était réellement une situation fragile et délicate, et je savais que la santé mentale entière de la personne que j’aimais le plus au monde dépendait de l’issue de cette relation. Il devait pouvoir prendre le temps d’y penser entre lui et lui.
- Non, répondis-je alors, pas ce soir. Peut-être dis-lui juste de montrer des signes inhabituels signifiant qu’elle est ouverte, mais c’est tout. Et je te dirais demain en fonction de la discussion que j’aurais eue avec lui si elle peut passer la vitesse encore supérieure ou pas, conclus-je alors.
Il acquiesça et continua à réfléchir, se mettant dans son propre plan et réfléchissant à ce qu’il allait dire à Pansy. Blaise et elle étaient particulièrement proches, ils avaient une relation qui n’avait rien à voir avec celle que Pansy avait avec moi, et bien sûr qui n’avait absolument rien à voir avec celle qu’elle avait avec Theodore. Pansy et lui étaient tous deux des personnalités fortes à leur façon, et Blaise étant particulièrement dans l’humour et Pansy étant sarcastique à l’extrême, plus dans le passé que depuis les évènements récents d’ailleurs, ils s’étaient toujours incroyablement bien entendus. Nous rigolions tous énormément entre nous, mais il y avait une dynamique particulière entre eux. C’était ce couple d’ami qui se faisait des messes basses constamment lorsqu’ils étaient entourés d’autres personnes et qui se mettaient à hurler de rire ensemble sans que personne ne comprenne vraiment ce qu’il se passait, à part eux. Il était fréquent que Blaise et elle aillent ensemble aux Trois Balais depuis l’année passée, et pendant ce temps Theo et moi faisions autre chose, souvent je l’aidais à faire ses devoirs, nous en profitions qu’ils ne soient pas là pour qu’ils ne se rendent pas compte des difficultés académiques de Theo. Pansy ne verrait donc absolument rien d’étrange à ce que Blaise l’entraîne avec lui cette après-midi-là.
- Putain, finit-il par chuchoter avec les yeux dans le vide, tu réalises si ça arrive enfin ?
J’y pensais un instant. Je pensais à la joie que je verrais probablement sur le visage de mon frère. De l’amour que je lirais dans ses yeux, d’un amour débordant qu’il ne retiendrait plus prisonnier en lui. De l’apaisement qui serait lisible sur les traits du visage de ma meilleure amie, et des moments incroyables qu’ils partageraient ensemble. De la ressource que cela représenterait pour eux dans la noirceur que nous traversions tous ensemble. D’à quel point cela pourrait faire du bien à leurs âmes. Et je souriais.
- Ouais, murmurai-je alors qu’une sensation de chaleur m’envahissait, j’imagine.
Je m’autorisai à rester dans mes pensées un instant, le sourire aux lèvres et l’âme apaisée alors que je les imaginais heureux et amoureux, quand la voix de Blaise coupa ma rêverie soudainement :
- Ils vont baiser partout bordel, lâcha-t-il.
Je lui adressai un regard dépité et frappai son épaule une nouvelle fois, tandis qu’à son habitude, il riait, fort fier de lui. Il resta silencieux un instant puis il demanda avec sérieux :
- Tu penses vraiment qu’il y a une chance qu’il le fasse ? Tu crois vraiment que… qu’il en est capable ?
J’acquiesçai.
- Je le crois vraiment, oui.
- Putain, chuchota-t-il. Pansy serait tellement heureuse, dit-il en étant reparti dans ses pensées.
Je lui souris.
- Theo aussi, confirmai-je alors.
- Mais j’arrive pas à imaginer qu’il y arrive, et qu’il le fasse vraiment, après tout ce temps, avec tout ce que ça implique, dit-il finalement. Tu crois pas qu’il risque de perdre ses couilles ? me demanda-t-il gravement, désormais personnellement impliqué dans cette histoire.
Je ne laissai pas mon sourire s’effacer de mon visage alors que je lui répondais avec une sérénité et une confiance que je ne ressentais en moi que lorsqu’il s’agissait de Theodore :
- Trouve-moi quelqu’un ici qui peut s’asseoir à la table de Nott et lui dire « j’ai plus de couilles que toi ».
Il ne put trouver aucun nom à me donner.
Lorsque nous étions retournés dans notre salle commune, nous y avions trouvé Pansy sur le canapé, un livre à la main, tandis que Theo face à elle feignait de lire un journal, ses yeux rivés sur celle qu’il avait face à lui, son esprit bouillonnant probablement de ce que je lui avais dit la veille. Mes yeux s’attardèrent un instant sur le serpent noir enroulé sur le canapé à côté de Pansy, et du rat blanc qui montait sur lui sans se soucier un instant de se faire dévorer par le reptile qui le regardait tranquillement.
Nos animaux de compagnie n’étaient pas souvent présents, pour de multiples raisons. Loki, le rat intégralement blanc aux yeux rouges de Pansy, était complètement antisocial, aussi était-il toujours dans sa cage, dans le dortoir de Pansy. Il ne sortait de sa cage que les week-ends où le serpent noir de Theodore, Kira, avait le droit d’être avec nous. Kira était un mamba noir, considéré comme l’un des serpents les plus dangereux au monde, et le plus rapide. C’était une splendide femelle de trois mètres de long, et elle n’avait pas encore atteint sa taille adulte. Son venin était mortel pour l’homme, et elle avait globalement tendance à terrifier les autres élèves. Pourtant, Kira était un serpent extrêmement calme. Comme Theodore, elle était mystérieuse et observatrice, la plupart du temps cachée dans un coin, à observer à distance. Elle était également incroyablement loyale à Theo, et en troisième année, lorsqu’il se battait contre un élève qui avait dit du mal de Pansy, Kira s’était attaquée au garçon qui avait nécessité des soins d’urgence. Depuis, Kira devait rester dans l’animalerie du château, excepté le week-end, si elle était surveillée à tout instant, et tant qu’elle n’attaquait plus personne. Nos week-ends étaient fort occupés ces derniers temps, aussi n’avais-je pas vu Kira depuis un moment, et logiquement, Loki non plus, qui ne sortait de sa cage que pour aller à sa rencontre. Kira avait beau être un prédateur redoutable, le rat de Pansy et elle avaient noué une amitié sans faille, mais aucun autre animal ne pouvait approcher le serpent. C’était ma mère qui avait offert Kira à Theo, lorsque nous étions allés faire nos premières courses au chemin de Traverse ensemble pour notre rentrée en première année à Poudlard. Je me rappelai lorsque nous étions entrés dans cette animalerie, et que Theo regardait tous les animaux autour de lui en restant planté au milieu de la pièce, sans se sentir attiré par aucun d’eux tandis que ma mère tentait de l’attendrir avec tout ce qui lui passait sous la main. Hiboux, chat, rat, grenouille, chien, ma mère avait tout essayé, mais il n’était intéressé par rien. Et puis il l’avait vue, recroquevillée sur elle-même, de bien plus petite taille à l’époque, cachée dans un coin du magasin. Lorsque les yeux bleus de Theo s’étaient posés sur ceux entièrement noirs de Kira, elle avait levé la tête, et elle l’avait regardé, et quelque chose s’était passé entre eux. Ils s’étaient choisis. Je soupçonnai qu’ils s’étaient reconnus, d’une façon ou d’une autre. Peut-être parce qu’ils passaient à cette époque tous les deux beaucoup de temps recroquevillés sur eux-mêmes, cachés dans un coin sombre. Ma mère lui avait donc offert cet étrange serpent, et le lien qui existait entre eux n’avait fait que grandir depuis. Avant qu’elle ne soit forcée de rester à l’animalerie du château, elle était partout où Theo était. Lorsqu’elle était encore assez petite, en première année, Kira était toujours enroulée autour du poignet de Theo, puis lorsqu’elle avait commencé à grandir, elle se trouvait toujours dans un coin sombre de la pièce dans laquelle se tenait Theodore, surveillant d’un œil. Kira était très attachée à Theo, et lui était d’une loyauté à toute épreuve, et il le lui rendait bien. A l’animalerie de Poudlard, des elfes de maison nourrissaient les animaux qui s’y trouvaient tous les jours. Mais Theo s’y rendait lui-même chaque jour, pour aller la nourrir lui-même.
Blaise, lui, avait un chat noir du nom d’Atlas. Nous ne le voyons que fort rarement, c’était un chat qui vivait sa vie tranquillement en se baladant toujours à droite et à gauche dans le château. Atlas n’était particulièrement attaché à personne, pas même à Blaise, il venait simplement le voir de temps en temps, mais globalement c’était un chat mignon, joueur et fort malin qui allait gratter des câlins et de la nourriture là où il y en avait, et qui faisait des conneries à longueur de journée, mais vu que ce n'était qu’un petit chat mignon, les professeurs de l’école ne disaient rien. En soit, il me semblait que ce chat était bel et bien le chat de Blaise.
Quant à moi, j’avais été doté d’un Opaloeil des antipodes, le plus beau dragon qui soit au regard opalin et aux écailles iridescentes et nacrées venant de Nouvelle-Zélande. Son œuf était dans ma famille depuis bien des années, il était transmis de génération en génération jusqu’à son éclosion, et il avait éclot le jour de ma naissance, aussi était-il mien. Ragnar était censé devenir énorme et puissant le jour où son propriétaire, autrement dit moi-même, serait prêt. Prêt à quoi, personne ne le savait vraiment, mais prêt. Et ce putain de dragon était toujours aussi minuscule que depuis que j’avais deux ans, une trentaine de centimètres tout au plus. Il avait beau être ridiculement petit, les enseignants de Poudlard n’étaient pas rassurés à l’idée qu’un dragon soit librement entre les murs de leur château, aussi il était lui-aussi obligé de rester dans l’animalerie du château, quand bien même il n’aurait même pas été capable d’allumer une putain de torche. Contrairement à Theo, je n’allais pas souvent voir Ragnar. Ce petit con m’insupportait, il ne faisait que me renvoyer à quel point je n’étais « pas prêt », et à chaque fois que je le regardais, je me demandais ce qu’il faudrait pour que je sois « prêt » alors que j’étais désormais un putain de Mangemort, et que j’avais vu mon père mourir sous mes yeux. Et pourtant, la seule chose que je pouvais percevoir à travers le lien que je partageais avec mon minuscule dragon, c’était sa voix vibrante raisonnant en moi en me disant constamment « …pas encore… ». Alors j’allais rarement lui rendre visite, à ce petit merdeux. C’était d’ailleurs un petit merdeux qui n’aimait personne. Kira, le serpent de Theodore, n’appréciait pas les autres humains, mais elle était docile avec ma mère, Pansy, Blaise et moi. Ragnar, par contre, ne supportait d’être touché ou approché par absolument personne hormis moi, pas même par ma mère qu’il côtoyait pourtant depuis le jour de notre naissance. Personne, à une exception près : Theodore. C’était là une des nombreuses autres raisons qui me poussaient à croire qu’il existait réellement et tangiblement un lien entre son âme et la mienne.
- Le jour où ce rat va se faire bouffer…, commenta Blaise en observant l’étrange spectacle que nous offraient Loki et Kira.
Theo leva les yeux vers lui avec un sourire en coin, n’ayant pas la moindre peur que cela arrive, et Pansy garda son nez dans son bouquin alors qu’elle lui répondit sans dénier le regarder :
- Contrairement à d’autres, certains sont capables de dompter des bêtes sauvages ici. A propos, enchaîna-t-il avec un sarcasme dans la voix qu’elle n’avait pas besoin de forcer, ça fait combien de temps que l’on n’a pas vu ton grand méchant matou ?
Blaise se laissa tomber dans le fauteuil à côté de celui de Theodore et je poussai Kira délicatement de quelques centimètres alors que Loki était toujours sur elle pour pouvoir prendre place entre elle et Pansy sur le canapé. Kira leva délicatement la tête vers moi et me tira la langue pour me saluer. Elle approcha sa tête de moi et je lui caressai le haut de la tête quelques secondes avant qu’elle ne retourne à ses activités avec le rat.
- Ce gros méchant matou n’est pas un dépendant affectif qui ne peut qu’être collé à moi, répliqua alors Blaise, il vit sa propre meilleure vie et amen ma sœur !
- Je te demanderais bien ce que selon toi le terme d’animal de « compagnie » est censé signifier, mais j’aurais trop peur qu’un tel terme te pousse à foutre le camp sur le champ, enchaîna Pansy toujours sans lever les yeux de son livre.
- Moi qui allais t’inviter à aller boire un verre aux Trois Balais…, soupira Blaise avec un sourire.
Pansy ne lui décrocha toujours pas un regard quand elle demanda directement :
- C’est toi qui payes ?
- Bien sûr ma gente dame, tout pour vos beaux yeux, renchéri alors Blaise.
Pansy fit claquer son livre en le refermant soudainement et se leva immédiatement du canapé sans plus de cérémonie alors qu’elle dit :
- On y va.
Blaise se leva du fauteuil sur lequel il venait de prendre place en m’adressant un sourire conquérant et il chuchota à Theo et moi :
- Et c’est comme ça qu’on dompte une bête sauvage.
Pansy lui frappa l’arrière du crâne alors qu’ils sortaient tous deux de notre salle commune.
- Tu veux qu’on en profite pour revoir le cours de Rogue ? lui proposai-je une fois que nous étions tranquilles.
Si notre présence à nous dans la salle commune n’était pas suffisante pour faire fuir les autres élèves, celle de Kira faisait le boulot pour nous sans conteste. Nous étions royalement seuls. Theo acquiesça et parti dans notre dortoir chercher son livre de Défense Contre les Forces du Mal ainsi que les notes qu’il avait pris des cours que nous avions eu dans la matière jusqu’à présent. Je me décalais du canapé pour le laisser prendre place à côté de son serpent qui ignora résolument Loki maintenant que Theo était à côté d’elle, et vint poser sa tête sur la cuisse de Theodore. Theo ouvrit le chapitre de son manuel sur les Détraqueurs, que nous étudions actuellement avec Rogue.
- Alors, qu’est-ce que tu as eu du mal à comprendre ? demandai-je alors qu’il revoyait ses notes.
Theo avait pris l’habitude depuis la première année d’utiliser deux parchemins en cours : le parchemin sur lequel il prenait les notes de ce que racontaient les professeurs, et le parchemin sur lequel il notait les questions qu’il avait à me poser à propos de ce qu’il n’avait pas compris. C’était un système qui fonctionnait très bien.
- Rogue a dit que les Détraqueurs étaient aveugles, mais dans ce cas comment ils font pour trouver leurs victimes ? questionna-t-il alors en ma direction.
Je concevais sans mal que cette phrase de la part du professeur Rogue ait pu l’embrouiller. Rogue avait parfois tendance à supposer que tout le monde savait certaines choses, et ne donnait qu’une partie des informations. Mais tout le monde ne savait pas.
- En fait ils repèrent la joie qui est présente à l’intérieur des gens, commençai-je à expliquer, vu que c’est de ça dont ils se nourrissent, la joie des humains. Donc en fait c’est comme si c’était un chien aveugle, avec son museau il sentirait quand même où est sa bouffe, et il serait capable de la trouver au flair pour pouvoir se nourrir, tu vois ? il acquiesça et en prit note, eh ben là c’est pareil.
- Oui mais du coup, ils se nourrissent de la joie humaine, ou de l’âme humaine ? Ou c’est la même chose ? me demanda-t-il une fois qu’il eut finit de noter ma réponse à sa première question.
- Ils se nourrissent de la joie humaine, mais s’ils ne s’arrêtent pas, par exemple imaginons qu’un Détraqueur commence à aspirer la joie à l’intérieur d’une personne, expliquai-je alors, et que cette personne ne fait pas un Patronus pour s’en débarrasser, au bout d’un moment le Détraqueur va avoir aspiré toute la joie et les souvenirs agréables dans cette personne, et tout ce qu’il restera ce sera son âme, et si ça va jusque-là alors le Détraqueur peut aspirer l’âme de la personne, et au final il ne restera chez cette personne plus que les mauvais souvenirs et la tristesse, et elle sera un peu dans un état végétatif pour toujours, dépourvue de son âme. Je ne sais pas si c’est très clair ? lui demandai-je alors qu’il prenait des notes.
- Si mais, commença-t-il en finissant d’écrire, ce que je ne comprends pas c’est que ça veut dire qu’on peut vivre même sans notre âme ?
- On peut rester physiquement en vie sans notre âme, oui, lui répondis-je alors, mais on serait dépourvu de toute possibilité de ressentir de la joie, de l’amour, ou quoi que ce soit de positif si cela arrivait, mais notre corps pourrait continuer de fonctionner, un peu comme un fantôme.
Il demeura interdit un instant en me regardant, puis il dit finalement :
- Ça n’a pas de sens.
Je réfléchis un instant et saisi l’opportunité que je trouvais là d’amener habilement Pansy dans la conversation sans que cela ne soit trop évident :
- C’est comme si tu perdais Pansy, expliquai-je alors. Tu serais incapable de ressentir de la joie à nouveau, il ne resterait que le néant, que la noirceur, mais physiquement ton corps continuerait de fonctionner, tu vois ?
Il acquiesça et prit de nouvelles notes sur son parchemin à questions. J’en profitai alors pour questionner :
- D’ailleurs tu en es où, à propos de cette peur de la perdre ?
Il finit de noter ce qu’il avait à noter, posa sa plume, prit une profonde inspiration et laissa son dos reposer contre le dossier du canapé. Kira releva sa tête de sa cuisse et grimpa sur son torse pour trouver place sur ses épaules. D’une main absente, Theo caressa sa tête en me répondant finalement :
- Je pense que tu as raison, et tu le sais très bien. Mais désormais je n’arrête pas de me dire que je ne suis pas assez bien pour elle, je n’arrête pas de me demander « et si j’étais avec elle, et que finalement elle se rendait compte que je suis nul » …
Je ne pus retenir l’expression de surprise qui se dessina explicitement sur mon visage.
- De quoi tu parles Theo ? je ne pus m’empêcher de demander, interdit.
- Imaginons qu’il se passe quelque chose entre elle et moi, qu’on essaye de construire quelque chose, et que finalement elle se rendait compte que je ne suis pas assez bien pour elle, qu’en fait elle ne m’aime pas…
Mes mains vinrent trouver mon visage malgré moi et glissèrent de celui-ci pour découvrir mon expression sillée de ce qu’il me racontait. J’étais dépité de ce que j’entendais. Dépité de constater à quel point il ne se rendait pas compte de la personne incroyable qu’il était. Dépité d’entendre à quel point il ne pensait pas mériter Pansy. De voir à quel point il avait une piètre estime de lui-même, alors même qu’il était l’être humain le plus magique qui avait béni la Terre de son existence. Et je ne comprenais pas comment il était possible qu’il soit si aveugle que cela. Mais il l’était malgré lui, et m’énerver de son incapacité à constater de sa propre valeur n’allait pas l’aider à y voir plus clairement, alors je m’autorisai un soupir et je me reprenais. Il fallait que je passe par des faits tangibles qu’il ne pourrait pas contester.
- Tu ne crois pas qu’en te côtoyant tous les jours depuis plus de cinq ans de sa vie elle n’a pas eu le temps de se rendre compte de si réellement elle t’aimait ou non ?
Il réfléchit à ma question un instant.
- J’imagine que si, mais…
- … Il n’y a pas de « mais » Theodore, le coupai-je alors, tout comme toi ça fait plus de cinq ans que tu la vois et que tu la connais dans un cadre putain d’intime, elle c’est pareil ! Et de la même façon que tu es sûr de tes sentiments pour elle, elle est sûre des siens pour toi !
Il ne me répondit pas et fixa le plafond en caressant distraitement Kira d’une main, avant de relancer quelques instants plus tard :
- Je crois que mon cerveau n’arrive pas à comprendre comment il serait possible que la femme qu’elle est puisse m’aimer, moi.
Je pinçai mes lèvres un moment, tentant de ne pas me mettre à lui hurler à la gueule à quel point il était la personne la plus incroyable que je connaissais, espérant que ça rentre enfin dans son putain de crâne. A la place j’inspirai profondément, et commençai doucement :
- Tu es bien plus doué que moi pour les discours profonds, mais je te jure que tu vas bien m’écouter là Theodore Nott, c’est clair ?
Il soutint mon regard de ses grands yeux bleus alors qu’un sourcil circonspect se leva sur son front.
- Il n’existe pas une seule putain de personne sur cette planète qui mérite plus le bonheur et l’amour que toi, dis-je alors en maintenant le contact avec ses yeux. Tu es la personne la plus loyale et la plus dévouée que je connaisse, et ce n’est pas peu dire quand on connaît Narcissa Malefoy, toi-même tu le sais. Tu as vécu des atrocités sans nom depuis que tu sais marcher, et pourtant aujourd’hui tu es toujours debout. Tu as été privé de rencontrer ta propre mère, et la personne qui était censée prendre soin de toi et t’aimer inconditionnellement n’a fait que te prouver qu’il fallait avoir peur des gens, et pourtant, malgré tout ça, tu es capable d’aimer d’une putain de force incroyable comme je ne l’ai jamais vu. Ton père t’a prouvé à maintes et maintes reprises qu’il fallait avoir peur des gens qui nous entourent, et toi tu as quand même trouvé la force en toi d’aimer, et de nouer des liens avec les gens qui étaient autour de toi. Et malgré tout ce que tu as vécu, tu es devenu la personne la plus sage que je connaisse. Tu es la personne vers qui Blaise se tourne, vers qui Pansy se tourne, et par-dessus tout la personne vers qui je me tourne, quand j’ai besoin d’aide pour être guidé dans ma vie. Parce que malgré tout ça, tu as quand même réussi, par on ne sait quelle putain de magie, à devenir la personne la plus juste, la plus observatrice, la plus fine dans son analyse des situations, et la plus sage qu’on connaisse, dis-je gravement avant de marquer une courte pause pour qu’il prenne le temps de recevoir mes mots. Est-ce que tu te rends compte ? Ta sagesse n’a pas de limite, ton courage téméraire n’a pas de limite, ta force, ta puissance n’a pas de limite, ton amitié n’a pas de limite, ta beauté n’a pas de limite Theo, et ton amour non plus. Et t’es vraiment assis-là, devant moi, à me sortir que tu as peur de ne pas être assez bien pour Pansy, alors qu’elle comme moi on passe notre temps à nous demander ce qu’on a bien pu faire pour avoir la chance d’avoir une personne aussi incroyable que toi qui a béni nos vies ?
Il ne me répondit rien, mais il ne lâcha pas mes yeux. Je me sentais impuissant. Mes mots glissaient sur lui, il ne les entendait pas. Il n’était pas capable d’entendre tout cela. Il n’était pas capable de réaliser à quel point il était exceptionnel, à cause de tout ce qu’il avait vécu avec son père. Tout ce qu’il voyait à l’intérieur de lui-même, c’était le néant, le noir vide et effrayant de cette cave. Il ne voyait pas tout le reste. Il était toujours bloqué, enfermé au fond de cette cave, et cela me rendait malade. Alors, je saisi son visage de mes deux mains, et me lançai à l’aveugle. Je ne voulais pas lui montrer des souvenirs, il avait les mêmes. Chaque souvenir que j’avais de lui, il les avait aussi, parce que nous les avions vécus ensemble. Je voulais lui montrer mes sentiments. Je voulais concrétiser ce que je ressentais pour lui, et le lui montrer. Lui montrer comment je le voyais, et ce qu’il me faisait ressentir.
- Je vais te montrer, lui dis-je alors que je tenais son visage de mes deux mains.
Je fermais les yeux et lui ouvrait les portes de mon esprit. Pas simplement celles de mon esprit, mais celles de mon âme également. Je me concentrai pour m’ouvrir intérieurement et mentalement le plus que je le pouvais, tout en pensant fortement à lui. Je ne savais pas si ce que je voulais faire pouvait fonctionner, mais je devais essayer. Je devais essayer de lui montrer. Et alors que je me concentrai sur la façon dont je le voyais, sur ce que je ressentais pour lui au plus profond de mon âme, je sentis nos deux esprits s’enfoncer en moi, jusqu’à l’intérieur de mon âme, et une vision commença à se dessiner devant nos deux esprits spectateurs.
Nous nous tenions dans une forêt féérique en pleine nuit, et pourtant il n’y avait rien d’effrayant. C’était une forêt sombre mais tranquille aux tons principalement bleus et violets. Au fur et à mesure que je me concentrai plus sur Theodore et ce qu’il me faisait ressentir, des petites boules de lumière fluorescentes roses vinrent flotter autour de nous, et dessiner un chemin que nous suivions face à nous. Nous nous enfoncions aveuglément dans cette forêt sombre, parce que nous étions divinement guidés par la force de Theodore, et que c’était une force en laquelle je ne doutais jamais, et en cet instant je savais qu’il pouvait le ressentir aussi. Parce que je l’aurais suivi dans n’importe quoi, n’importe où. Les arbres autour de nous semblaient être aussi hauts que le ciel, mais ils n’étaient pas effrayants pour autant. Ils étaient contenants. Ils nous protégeaient de tout ce qui pouvait exister à l’extérieur de cette forêt, et qui pourrait nous faire du mal. Et ils ne laissaient rien passer, pas même un rayon de soleil, parce qu’ils étaient absolument et parfaitement ancrés dans le sol, et qu’ils étaient si puissants qu’ils pouvaient grandir aussi hauts qu’ils le voulaient. Et peu importait ce qu’il pouvait bien se passer à l’extérieur de cette forêt, ces arbres étaient là depuis des millénaires, et ils seraient toujours là. Et c’était ainsi que je voyais Theodore, aussi solide, aussi ancré que ces arbres gigantesques, et aussi protecteur. Et je savais qu’en cet instant, il pouvait le ressentir aussi. Nous continuions d’avancer dans cette forêt enchantée et traversions un long ruisseau dont le courant était calme et apaisé. Quelques-unes des petites boules de lumière roses qui nous guidaient plongèrent dans l’eau de ce ruisseau, et nous firent découvrir la richesse incroyable du monde marin caché qui s’y trouvait. Parce que c’était ainsi que je voyais Theodore. Aussi calme et tempéré que ce ruisseau, et aussi profond et magique celui-ci. D’apparence si simple, et pourtant si mystérieux. Et les rares personnes qui avaient la chance d’avoir réellement accès à lui, réellement accès à son âme, découvraient alors le monde interne le plus pur, le plus beau, le plus coloré et le plus merveilleux qui existait. L’émerveillement que nous ressentions tous deux en découvrant les fonds marins incroyables qui se cachaient sous ce ruisseau traduisait la stupéfaction que je ressentais toujours lorsqu’il m’offrait l’opportunité de voir à travers lui, au fond de ses yeux. Et je savais qu’en cet instant, il pouvait le ressentir aussi. Notre voyage dans mon âme continua lorsque les boules rouges de lumière nous accompagnèrent jusqu’au milieu de gigantesques arbres disposés en cercle. Les petites sphères luminescentes roses se rejoignirent en le centre de ce cercle, et alors qu’elles s’accumulaient toutes ensemble, elles grossirent pour ne bientôt devenir plus qu’une. Une lumière aveuglante nous ébloui alors que la lumière devenait aussi bleue que le bleu des yeux de Theo, et prit forme humaine. Petit à petit, c’était le corps de Theo, fait de lumière bleue, qui se construisit sous nos yeux ébahis. Au fur et à mesure que le corps de Theo prenait forme devant nous, une sensation enivrante de sérénité, d’amour absolu, d’admiration la plus totale et de sécurité irrévocable commençait à envahir nos propres corps spectateurs. Bientôt, c’était un Theo géant et flottant dans les airs qui se tenait devant nous, entièrement fait de lumière bleue magique, scintillant dans la nuit et éclairant tout autour de lui. Son corps puissant et musclé lui donnait l’air d’un dieu, invincible, et c’était ainsi que je le voyais réellement. Absolument invincible. Et en cet instant, je savais qu’il le voyait aussi. Son visage se dessina de lumière également. C’était le visage le plus magnifique qui pouvait être, dessiné par les dieux eux-mêmes, c’était certain. Le gigantesque et magique Theo qui se tenait devant nous ouvrit finalement les yeux, et le bleu luminescent qui en sorti était encore plus incroyable et encore plus saisissant que celui qui composait son corps. Ils étaient absolument électrifiant. Ils nous coupèrent le souffle, et c’était réellement l’effet que sa beauté, et que ses yeux avaient sur moi. Et en cet instant, je savais que Theo le ressentait aussi. Des petites boules de lumière d’un bleu bien plus sombre naquirent alors dans son corps, et elles restèrent là, flottant à l’intérieur de lui, parmi la lumière plus claire qui ne s’en trouvait pas même un peu polluée, et je savais que cela représentait la noirceur qu’il avait en lui, à cause de tout ce qu’il avait traversé. Ce n’était pas une version idéalisée de Theo que mon âme nous transmettait là. C’était tout simplement Theo, tel qu’il était. Avec sa noirceur, et son passé. Et même avec tout cela, il n’en était pas moins admirable, il n’avait pas l’air moins fort ni moins puissant, et les sensations physiques d’amour, de sérénité et de sécurité absolue que nous ressentions en sa présence ne diminuaient pas d’un poil. Et en cet instant, je savais qu’il le ressentait aussi. Et alors que je le regardais, cette énorme boule de lumière à l’apparence de Theo, je réalisai que toute cette noirceur qui brillait à l’intérieur de lui, comme des étoiles sombres flottant dans son corps, ne le rendaient qu’encore plus beau, qu’encore plus admirable, et qu’encore plus fort. Et en cet instant, je savais qu’il le voyait aussi. L’énorme créature qui représentait Theo ouvrit ses grands bras musclés et une vague de chaleur envahit nos corps. C’était la sensation qui disait « c’est la maison ». La sensation la plus magique et la plus apaisante qu’il soit. Soudainement, la créature fluorescente s’approcha dans les airs vers le vrai Theo et moi, et lentement, ses grands bras bleus vinrent se refermer fermement autour de nous, et simplement ainsi, nous ressentions sa magie dans nos veines. Une immense vague de bonheur intense nous traversa et nous coupa la respiration tellement c’était magnifique. Tellement c’était magique. Tellement nous nous sentions divinement protégés. Tellement c’étaient des bras qui nous étaient familiers et qui signifiaient que nous étions à la maison, et que désormais tout irait bien. Des larmes nous montèrent aux yeux alors que l’amour le plus pur et le plus intense qui soit nous envahissait, et la lumière bleue du corps de Theo explosa autour de nous, sans s’arrêter de nous contenir magiquement pour autant. Alors qu’elle explosa, nous tombions à genoux, le souffle coupé devant le spectacle incroyable de l’expansion de ses pouvoirs. Il n’y avait rien qu’il ne pouvait pas faire. Il n’y avait personne qu’il ne pouvait pas combattre. Il n’existait aucun mal qu’il ne pouvait apaiser. Il était absolument et irrémédiablement parfait. Des tonnes d’étoiles bleu clair et d’autres plus foncées flottèrent autour de nous alors que nous nous sentions toujours physiquement contenus par son amour, sa chaleur et sa protection. Parce qu’il était partout et nulle part à la fois. Parce qu’il n’avait même pas réellement besoin d’être là, pour que nous sachions qu’il était là. Parce qu’il était lumière et noirceur à la fois, et qu’il n’en était que plus parfait. Parce qu’il était puissance et vulnérabilité. Parce qu’il était force et sensibilité. Parce qu’il était colère et amour. Parce qu’il absolument parfait, et que nous en avions le souffle coupé alors que des sensations enivrantes d’amour, d’admiration, de sérénité et de soulagement nous traversaient le corps. Et c’était trop. C’était beaucoup trop. Parce qu’une seule personne n’était pas censée être tout cela. Parce qu’une seule personne n’était pas censée nous faire ressentir tout cela. Et pourtant, c’était exactement ce que Theo me faisait ressentir. Et alors qu’il était à genoux avec moi, dans cette forêt enchantée, et que les larmes naissaient dans ses yeux devant le spectacle absolument et incroyablement magique qui se tenait devant lui, et que son souffle était coupé des sensations divines que son âme ressentait, comme si elle était purement et simplement apaisée de toute la noirceur qu’il y avait en elle par l’étreinte ferme et puissante mais pas moins chaleureuse et sécurisante des bras magiques de cette créature qui représentait Theo, je savais qu’il le ressentait, lui aussi. Ce qu’il me faisait ressentir. Et alors que je regardais sa bouche grande ouverte, ses incroyables yeux bleus regarder les étoiles de la même couleur partout autour de nous, et que je lisais la délivrance et la libération la plus divine qu’il puisse être sur son visage, je savais. Je savais que désormais il voyait. Il voyait comment je le voyais. Et il ressentait ce qu’il me faisait ressentir.
C’était à cet instant que les portes de mon âme se refermèrent, et le retour à la réalité, dans notre salle commune fut soudain alors que je lâchais le visage de Theodore. Quand j’ouvris les yeux, les siens demeurèrent fermés un instant, et Kira s’était enroulée autour de son cou dans un instinct protecteur, comme pour lui montrer qu’elle était là. Theo ouvrit doucement les yeux, et ceux-ci étaient pleins de larmes. Les miens aussi, ils l’étaient.
- Est-ce que c’est vraiment comme ça que tu me vois ? me chuchota-t-il en soutenant mon regard.
- Oui, murmurai-je en acquiesçant.
Nous restâmes silencieux un instant alors que des larmes coulèrent de nos deux paires d’yeux.
- Je ne vois pas ça, moi, chuchota-t-il alors.
- Je sais, répliquai-je sur le même ton.
Ses sourcils se froncèrent et de nouvelles larmes coulèrent le long de ses joues.
- Est-ce que tu penses qu’elle aussi, elle me voit comme ça ?
- Je le sais, lui assurai-je gravement alors des larmes perlaient toujours sur mes propres joues.
Il acquiesça et couvris sa bouche de sa main un instant. Je réalisai en cet instant le choc que cela devait être pour lui, de se voir ainsi. De voir la façon dont mon âme, dont je le voyais. Et le contraste absolument incroyable qu’il y avait entre ce qu’il percevait de lui-même, et ce qu’il me faisait ressentir.
- Est-ce que c’est vraiment ça, ce que je te fais ressentir ? finit-il par demander doucement.
J’acquiesçai gravement alors que des larmes continuaient de couler de mes yeux. Mon frère. Mon âme.
- Oui, répondis-je simplement.
Comme si elle savait, Kira glissa le long de son bras, et Theo se leva du canapé alors que je l’imitai, et il m’ouvrit ses bras dans lesquels je plongeais.
- Merci, mon frère, chuchota-t-il alors que sa voix enlarmée était étouffée contre mon épaule.
Pansy et Blaise étaient revenus des Trois Balais une heure plus tard, alors que Theodore et moi avions repris les derniers éléments qu’il n’avait pas comprit du cours de Rogue puis que nous avions nous-mêmes bu un verre en cette fin d’après-midi émotionnellement chargée. Ils avaient passé la porte de notre salle commune bruyamment, Pansy étant ivre morte, soutenue par un Blaise dans un état guère plus sobre, en riant aux éclats. Pansy se tenait au cou de Blaise, et il la tenait par la taille alors qu’ils marchaient difficilement vers nous, trop occupés à rire d’on ne savait quoi. Theo et moi levions vers eux des yeux amusés, nous avions l’habitude. Ils rentraient toujours ainsi de leurs escapades aux Trois Balais en tête-à-tête. Blaise m’adressa un clin d’œil plein de triomphe quand Pansy se dégagea de son étreinte pour se laisser tomber de tout son poids sur les genoux de Theodore qui était toujours sur le canapé. Pour une fois, c’était moi qui siégeais sur son fauteuil. La surprise fut lisible sur le visage de Theo l’espace de quelques secondes seulement, puis il enferma ses bras autour d’elle pour l’empêcher de tomber alors qu’elle se défaisait maladroitement de ses chaussures, puis elle posa ses pieds à côté de lui sur le canapé. Kira vint alors s’enrouler sur les pieds de Pansy, comme pour lui dire qu’elle était là à sa juste place, et qu’il fallait qu’elle reste là. Theodore souri devant ce spectacle. Les bras de Pansy s’enroulèrent autour du cou de Theo et elle laissa sa tête reposer contre son poitrail, et très rapidement, elle se permit de fermer les yeux, et sans beaucoup plus de cérémonie, elle s’endormit contre lui. Et je savais que cela était possible parce que tout comme moi, lorsqu’elle était dans ses bras à lui, elle savait qu’il ne pouvait rien lui arriver de mal.
Nous avions pris un nouveau verre en la compagnie de Blaise, en chuchotant tout doucement pour ne pas réveiller Pansy qui dormait contre Theo, ses pieds réchauffés par le serpent de celui-ci, puis Theo avait porté Pansy comme une princesse, et il l’avait ramenée dans son dortoir, et je savais qu’il l’avait sans aucun doute bordée avant de redescendre. Il avait récupéré Loki, le rat de Pansy, et était retourné dans le dortoir de celle-ci pour le remettre dans sa cage, puis finalement il avait ramené à contre-cœur Kira dans l’animalerie du château pour la semaine. Blaise m’avait demandé à cet instant où nous étions seuls ce qu’il en était, et s’il pouvait dire à Pansy de foncer, et je lui avais répondu que je songeais que nous avions planté les graines qu’il fallait, chacun de notre côté, et que désormais il fallait les laisser se débrouiller. Après ce que j’avais montré à Theo, après ce que je lui avais fait ressentir, je considérai qu’il avait tous les éléments en sa possession pour prendre une décision éclairée. Et j’avais vu le choc que cela avait été pour lui, de se voir comme moi je le voyais, et le contraste qu’il y avait avec ce que lui voyait de lui-même. S’il avait besoin de temps, alors il avait besoin de temps. Et ce serait parfait ainsi. Et finalement, nous étions partis nous coucher, prêts à entamer une nouvelle semaine, quand bien même nous n’étions pas encore totalement remis de celle que nous venions de passer.
Mon sommeil avait été soudainement interrompu par des bruits de suffocation qui étaient parvenus à mes oreilles. Lorsque j’avais ouvert les yeux soudainement, je réalisai que les bruits étaient réels, et qu’ils venaient du lit de Theodore. C’étaient des bruits lointains, des bruits qui n’étaient pas censés m’avoir réveillé. Pourtant cela avait été le cas. Tout comme Theo était toujours le seul qui se réveillait dans le dortoir lorsque c’était moi qui faisais un cauchemar. Je sortais de mon lit rapidement et m’installai à son chevet, prêt à pénétrer son esprit pour lui enlever la vision qu’il avait, le cauchemar qu’il faisait, pour le remplacer par quelque chose de plus doux et de plus beau, comme je le faisais avec ma mère lorsque j’étais au manoir. Mais ce n’était pas un cauchemar lambda que je trouvais lorsque je pénétrais son esprit. Ce n’était même pas un cauchemar. C’était une reviviscence. Il revivait le moment où Pansy avait annoncé qu’elle rejoindrait les rangs. Et je savais qu’il s’était passé quelque chose en lui à cet instant, et je me doutais qu’il y avait une raison, sans savoir laquelle, qui expliquait qu’il revivait ce moment cette nuit-là, au moment où il envisageait de se lancer avec elle. Alors, je l’accompagnais dans ce cauchemar.
Pansy siégeait royalement dans le fauteuil de velours vert qui ornait la salle de réception du manoir, et Drago et Blaise se tenaient à sa droite, près du mur en pierre qui délimitait l’espace de la pièce. Tous deux avaient les larmes aux yeux, mais ils ne disaient rien. Aucun d’eux ne disait quoi que ce soit. Et ils fixaient le parquet de la pièce dans laquelle nous nous tenions.
- Je ne vous demande pas la permission, avait tranché sèchement la voix tout de même tremblante mais décidée de Pansy, je vous annonce que je vais le faire, c’est tout. Je vais rejoindre ses rangs.
Mon poitrail s’était gonflé d’air une dernière fois, et il m’avait semblé que je n’avais depuis plus jamais été capable de respirer normalement. Mes intestins s’étaient noués si fort dans mon estomac que j’en avais eu affreusement mal, mais la douleur physique n’était absolument rien en cet instant. Plus rien n’était. Il n’y avait qu’elle, siégeant là, dans son fauteuil, le dos droit, le regard fixé droit devant elle, détruisant mon âme en quelques mots. Ma tête s’était mise à tourner et mes oreilles à bourdonner, et j’étais resté interdit, devant elle, pendant un long instant. Mon cerveau n’était pas capable d’assimiler l’information qu’elle me donnait là. Il n’était pas capable d’entendre qu’elle allait mettre sa vie en péril en faisant quelque chose d’aussi fou que de rejoindre les rangs de putain de Voldemort. Il n’était pas capable d’envisager toutes les choses qu’elle allait devoir faire, à commencer par tuer sa première personne pour pouvoir recevoir sa Marque. Il n’était pas capable d’envisager la douleur qu’elle allait ressentir, dans ce corps si frêle, dans ce corps si parfait, lorsque la Marque allait s’inscrire en elle, pour toujours. Il n’était pas capable d’accepter le fait qu’elle allait prendre le risque de mourir, à chaque instant de chaque jour, pour ne pas nous laisser seuls là-dedans. Pas elle. J’avais senti les muscles de ma mâchoire se contracter violemment alors que je fixai le plancher du sol de la salle de réception. Ce n'était pas envisageable. Ce n’était tout simplement et tout bonnement pas envisageable. Et alors que je fixai le sol, une voix grave sorti de moi et prononça :
- Non.
Je l’avais entendue avaler sa salive difficilement. J’avais entendu sa respiration s’accélérer sous l’effet de l’angoisse. Et sa voix m’avait brisée, lorsqu’elle avait prononcé :
- Je ne te demande pas ta permission Theo, ma décision est prise.
J’avais entendu les larmes dans sa voix. J’avais entendu la façon discrète dont elle tremblait. Mais j’avais également entendu la détermination dans celle-ci. Et je la connaissais assez pour savoir que je ne pourrais pas la faire changer d’avis. Mais moi, je n’étais pas prêt à l’accepter. Je ne pouvais pas accepter que cette femme-là se mette en danger. Je ne pouvais pas accepter que cette femme-là risque sa vie à chaque instant de chaque jour et de chaque nuit. Je ne pouvais pas accepter qu’elle allait devoir noircir son âme un peu plus chaque jour pour pouvoir continuer de respirer. Je ne pouvais pas accepter qu’elle allait devoir commettre des atrocités qui l’empêcheraient de dormir paisiblement. Je ne pouvais pas accepter qu’elle se condamne à une vie de douleur, si vie il y avait. Je ne pouvais pas accepter de ne pas savoir, chaque matin où je me lèverai, si c’était le dernier matin où je la verrais. Pas elle.
- Non, répéta ma voix alors que j’étais toujours figé devant elle, les yeux rivés sur le sol.
- Tu peux me dire non autant que tu veux, mais ça ne changera rien…
Et ce fut l’instant où mon cerveau reçut l’information. Ma vision se brouilla, les bourdonnements dans mes oreilles s’intensifièrent et il me sembla que l’air se faisait plus rare alors qu’un poids intense écrasait ma poitrine. Mon sang ne fit qu’un tour dans mes veines, et la rage m’emporta. Pas elle. Pas elle ! PAS ELLE ! hurlai-je intérieurement alors que je me retournai pour envoyer valser la table basse sur laquelle reposait nos verres contre le mur en pierre vers lequel se tenaient Blaise et Drago. PAS ELLE ! continuai-je de me répéter alors que je me dirigeai difficilement vers le rebord de la cheminée du manoir et me saisit d’un vase dont la valeur n’avait plus d’importance alors que je l’envoyais violemment rencontrer le sol en hurlant :
- NON !
Je vis le torse de Pansy sursauter dans mon champ de vision, mais elle ne me répondit pas qu’elle n’allait pas le faire. Et elle ne me le dirait pas. Parce qu’elle allait le faire. Parce qu’elle était ce genre de personne-là. Le genre de personne à tout faire pour les gens qu’elle aimait. Le genre de personne à foutre sa vie en l’air pour les gens qu’elle aimait. Le genre de personne à se mettre devant vous pour prendre le sortilège de mort à votre place. Parce qu’elle aimait Drago, tout comme je l’aimais moi aussi, et qu’elle ne pouvait pas le savoir dans cette situation sans l’aider là-dedans. Parce qu’elle ne pouvait pas supporter de ne pas l’épauler. Parce que son cœur était si grand, si grand et si pur qu’elle ne pouvait pas envisager de ne pas plonger avec nous. Parce qu’elle était si incroyable qu’elle était prête à sacrifier toute sa vie et son avenir si, si prometteur, pour l’amour qu’elle avait pour Drago. Je sentis des larmes couler le long de mes joues et le poids que je ressentais contre ma poitrine se fit encore plus lourd alors que je pensais à la personne parfaite qu’elle était. Et elle allait briser son âme. Elle allait le faire.
- NON ! hurlai-je à nouveau alors que je balançai contre le mur le prochain vase qui s’était trouvé à ma portée sans que je ne le contrôle vraiment.
Je ne contrôlais plus rien. Je la perdais. Elle me glissait entre les doigts, comme chacun de ses vases d’une valeur inestimable. C’en était finit de la Pansy au sarcasme débordant, aux airs hautains et si sûre d’elle, aux rires profonds et à l’allure invincible. C’en était peut-être même finit d’elle, tout simplement. Voldemort avait tué Lucius après des décennies de loyaux services pour une putain d’erreur. Il fallait être putain d’illusionné pour penser qu’il ne ferait pas qu’une seule bouchée de quelques étudiants à la baguette tremblante. Et je ne l’étais pas. Je ne l’étais jamais. Elle n’y survivrait pas.
- NON ! hurlai-je en brisant un nouvel objet dont ma vision désormais trop brouillée ne me permettait pas de dire ce dont il s’agissait.
Si elle y survivait, si j’arrivais à la protéger, si je faisais en sorte qu’elle ne mourrait pas, peu en importait le prix, elle demeurerait malheureuse. Elle ne s’en remettrait jamais. De la noirceur. Des meurtres. De la torture. De l’espionnage. De la Marque. De tout ce qu’elle sera obligée de faire. Des vies qu’elle aura été obligée de prendre. Quand bien même elle ne mourrait pas, son âme elle, serait tâchée à jamais, et plus jamais elle ne serait heureuse.
- NON ! ma voix se brisa en même temps que le prochain objet que j’avais balancé sur le sol.
J’avais eu l’impression de quitter mon corps alors que j’avais continué de tout détruire autour de moi pendant un certain moment. Je n’avais plus l’impression d’être à l’intérieur de moi-même, parce que j’étais incapable de l’être. J’étais incapable de supporter les pensées qui accompagnaient le fait que Pansy rejoigne les rangs. J’étais incapable de supporter les sensations physiques de terreur, d’angoisse et de douleur qui accompagnaient cette réalisation. J’étais incapable de supporter la sensation la plus abominable que je n’avais jamais connue de mon cœur se brisant dans ma poitrine. Alors j’avais brisé ce qui s’était trouvé autour de moi, pour ne pas rester connecté à tout ce qui étaient en train de se briser à l’intérieur de moi. Et puis c’était redescendu. J’étais revenu à moi. Et j’étais épuisé. Et j’avais encore de l’espoir. Peut-être que je pouvais encore, si je le lui demandais. Peut-être qu’elle m’entendrait, si je le lui demandais. Alors j’avais trouvé la force de marcher jusqu’à elle, alors que le sol m’apparaissait encore flou, et lorsque j’étais enfin arrivé devant elle, toujours assise droite sur son fauteuil, mes jambes m’avaient lâché, et j’étais tombé à genoux devant elle. J’étais épuisé. J’étais vidé. Il ne restait plus rien de moi, si elle n’était pas en sécurité. Il ne restait plus rien de moi, si elle risquait d’être blessée. Je ne pouvais pas le supporter. Mon front se posa contre son genou, et je tremblais alors que des sanglots me secouaient. Je gardais mes yeux fermés alors que je me laissai tomber dans toute ma vulnérabilité, et que je la laissai me voir dans toute ma faiblesse, et dans tout mon désespoir. Parce que je ne pouvais pas la perdre. Parce qu’elle ne pouvait pas me faire ça.
- S’il te plaît, chuchotai-je en un sanglot, mon front collé à son genou, je t’en supplie…. Je t’en supplie... pitié..., murmurai-je alors qu’un sanglot me secouait, ne fais pas ça…
Mais elle ne me répondit rien. Sa douce voix ne me promit pas de ne pas le faire, et mon dos se trouva d’autant plus secoué des larmes et de la douleur qui me traversaient. Parce que mon âme se brisait à l’intérieur de moi. Parce que c’était la pire chose, et la pire douleur que je n’avais jamais ressentie de toute ma vie. Parce que j’avais traversé bien des choses difficiles, mais cela, cela était d’un tout autre ordre. Ce que je ressentais là, ce que je traversais-là était de ces choses que l’on ne pouvait pas réparer. C’était de ces choses que l’on ne pouvait jamais vraiment apaiser. Et je savais qu’en cet instant, j’étais changé à jamais, et que la partie de mon âme qu’elle m’avait arrachée en prononçant ses mots, et qu’elle refusait de me rendre en m’assurant qu’elle ne le ferait pas, je ne la retrouverais jamais.
- Ne fais pas ça…, répétai-je en un sanglot, mon front toujours collé à son genou.
J’allais mourir pour elle. Cela je le savais. Je le savais sans le moindre doute. S’il le fallait, je le ferais, sans la moindre hésitation. Mais cela ne changerait rien. La seule chose que je désirais, la seule envie que j’avais dans toute cette vie c’était qu’elle soit heureuse. C’était la seule et unique chose que j’attendais de la vie. Elle et Drago. C’était la seule et unique chose que je voulais au monde. Et elle m’enlevait cela. Elle m’arrachait cela en déchirant mon âme. Pas elle. Pas comme ça. Pas elle…
- Je t’en supplie Pansy…, parvint à chuchoter ma voix brisée.
Mes mains vinrent se saisir de ses mollets. Ses mollets fins et fermes. Ses mollets dans lesquels du sang circulait. Dans lesquels de la vie circulait. Une vie qu’elle condamnait en cet instant. Mes mains les pressèrent, je relevai mon front pour embrasser son genou droit alors que je continuai de caresser ses jambes.
- S’il te plaît..., pleurai-je à ses pieds.
J’embrassai son genou gauche.
- S’il te plaît Pansy…, sanglotai-je alors que mes mains tremblantes vinrent caresser ses genoux.
Mes yeux se posèrent sur son torse. Son torse qui bougeait, qui bougeait parce qu’il respirait. Parce que ses poumons étaient encore capables de se remplir d’air. Parce qu’elle était en vie. Parce qu’elle se tenait là, devant moi, et qu’elle était en vie. Ma main droite, tremblante, vint se poser sur sa poitrine, juste là où son cœur résidait. Je ne regardais pas son visage, mais j’avais vu ses yeux embués de larmes se fermer lorsque j’avais fait cela. Et mon visage s’était à nouveau logé sur ses genoux lorsque j’avais senti son cœur battre à travers la paume de ma main.
- Pitié, ne me fais pas ça…, pleurai-je encore à ses pieds, la main contre son cœur qui battait encore.
Mais elle ne me répondait pas. Elle allait le faire. Peu importait à quel point je la suppliai. Peu importait le nombre d’objets que je briserai. Peu importait qu’elle m’enlevait ma raison de vivre. Peu importait qu’elle m’enlevait ma seule motivation à vivre. Mes sanglots me secouèrent et raisonnèrent dans la salle de réception du manoir alors que mon dos tremblait.
- Je t’en supplie, articulai-je difficilement alors que mes sanglots me rendaient la tâche difficile, ne me fais pas ça…
Ma main qui était posée contre sa poitrine retomba lourdement sur le sol à côté de moi alors que je pleurai à ses pieds, le visage ancré contre ses genoux. Et j’y restai, à ses pieds, alors que je sentais mon cœur se briser en mille morceaux dans ma poitrine. Et j’y restai, à ses pieds, alors qu’elle me faisait la pire chose qu’elle n’aurait jamais pu me faire.
Cela avait duré un moment, et puis je n’avais plus eu de larmes à pleurer. Et elle ne m’avait toujours pas répondu. Alors je m’étais levé, et j’avais transplané dans ma propre maison. J’avais traversé mon salon avec rage, le regard vide. J’avais enlevé ma cape, et j’avais ouvert la trappe du sous-sol. La mâchoire serrée, j’avais descendu les premières marches de notre cave, et j’avais refermé la trappe de celle-ci, cette cave dans laquelle je n’avais pas été depuis des années. J’avais descendu chaque marche de l’escalier de cette maudite cave, et je m’étais laissé tomber à genoux sur le sol si familier de celle-ci. J’avais enfoui mon visage dans mes mains, et j’avais hurlé. J’avais hurlé de toute ma force, et de toute mon âme. Et de nouveaux sanglots m’avaient secoué alors que j’hurlais dans cette cave qui renfermait mes pires cauchemars. Parce que je voulais ne plus ressentir. Parce que je voulais faire taire ce que je ressentais pour elle. L’amour que j’avais pour elle. La passion qui m’animait pour elle. Parce que je n’en voulais plus. Parce que je voulais qu’ils s’arrêtent, comme je voulais que la douleur et la peur que j’avais si longtemps ressenti dans cette cave me quittent. Que je sois vide. Que j’en sois débarrassé. Que je puisse avancer et continuer sans sentir mon cœur se briser dans ma poitrine. Que je puisse me lever le matin sans penser à elle. Que je puisse vivre sans passer mes journées à me demander comment rendre les siennes meilleures. Parce qu’elle n’aurait pas d’avenir. Que ce soit parce qu’elle allait mourir physiquement ou intérieurement, elle n’aurait pas d’avenir. Elle avait détruit cette opportunité pour elle-même. Et je ne pouvais pas le supporter. Et je savais pertinemment que je ne pourrais jamais, jamais le supporter. Alors je voulais que cela s’arrête. J’exigeai que cela s’arrête. Alors j’hurlais, dans cette putain de cave, attendant que vienne mon salut. Attendant que mon esprit m’emporte, et que je ne sois plus obligé de l’aimer. Que je ne sois plus obligé de vouloir ce qu’il y avait de mieux pour elle. Que je ne sois plus incapable de me satisfaire du minimum pour elle : qu’elle demeure simplement en vie. Que je n’ai plus à réaliser qu’elle détruisait sa vie, en prenant cette décision. Que je ne sois plus aussi incapable de la perdre. Que je ne sois plus aussi dépendant d’elle, et de ce qu’elle allait devenir. Que je ne sois plus aussi dépendant de ce qu’elle ressentait, et de l’humeur dans laquelle elle allait se réveiller. Parce que si elle était blessée, je faisais tout pour éliminer ce qui l’avait blessée. Parce que si elle était en colère, je faisais tout pour éliminer ce qui la mettait en colère. Parce que si elle était triste, je faisais tout pour éliminer ce qui la rendait triste. Parce qu’il n’existait rien au monde que j’étais incapable de faire pour elle. Sauf cela. Sauf de vivre en ne sachant pas si elle allait survire. Sauf de vivre en sachant qu’elle ne serait jamais vraiment heureuse. Alors j’attendais que cela s’arrête. Que mes sentiments pour elle s’arrêtent. Que mon amour pour elle s’arrête. Je frappais le sol de ma cave jusqu’à sentir le sang dégouliner le long de mes poignets pour sentir autre chose que mon cœur se briser dans ma poitrine, mais cela ne s’arrêtait pas. J’hurlais à en perdre la voix pour que les pensées qui me terrifiaient se taisent, mais cela ne s’arrêtait pas. Et j’avais passé trois jours enfermé dans cette cave. J’avais passé trois jours enfermé dans cette cave, sans manger, et sans boire, à attendre que cela s’arrête. A attendre que mes sentiments pour elle se taisent. A attendre que la douleur s’apaise. A attendre de moins l’aimer. A attendre que mon esprit terrorisé m’emmène ailleurs, et que je puisse faire abstraction de ce que je ressentais pour elle. Trois jours à m’affamer, sur le sol de cette cave dans laquelle j’avais été maltraité, à attendre de ne plus l’aimer. Mais cela n’était jamais arrivé, et cela ne s’était jamais arrêté. Et j’avais compris, à cet instant, que je ne pourrais jamais me laisser aller à mes sentiments pour elle. Que je ne pourrais jamais l’avoir. Que je ne pourrais jamais lui montrer à quel point je l’aimais. Parce que j’étais incapable de la perdre. Et parce que j’étais incapable de l’avoir en sachant que je ne pourrais jamais la rendre vraiment heureuse. Parce que désormais, son âme serait brisée. Et que toute ma vie, je saurais que cela était parce que je n’étais pas parvenu à la convaincre de ne pas le faire. Je n’avais pas été capable de la protéger. Comment pouvais-je avoir le culot de songer que je pourrais un jour la rendre heureuse, alors que je l’aurais laissé faire ça ?
C’était l’espoir. Ce jour-là, lorsque Pansy lui avait annoncé qu’elle allait rejoindre ses rangs, c’était l’espoir qu’il avait perdu. L’espoir d’un jour être avec elle. L’espoir d’un jour pouvoir aimer et être aimé en retour. L’espoir de lui donner des enfants et de les voir grandir aux côtés des miens. L’espoir de pouvoir vieillir à ses côtés. Ce jour-là, il avait perdu tout cela.
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