Les regrets sont éternels

Chapitre 3 : Quelques minutes plus tard

Chapitre final

1822 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/12/2023 17:30

Quelques minutes plus tard...


- Vous voici donc. Je me doutais que vous viendriez… un jour. Mais votre voyage aura été vain. Je ne l’ai jamais eue.*


- Tu mens !*


Grindelwald ricana. Beaucoup de gens auraient trouvé cette situation fascinante : Lord Voldemort et Gellert Grindelwald, les deux plus grands mages noirs de tous les temps, face à face, palabrant autour de la plus puissante baguette magique du monde. Pourtant, cette discussion serait complètement stérile, Grindelwald allait y veiller. Voldemort murmura une incantation, et l’atmosphère se fit… atone. Le son y semblait étouffé, confiné. Le Seigneur des Ténèbres ne voulait pas rameuter les gardiens, personne ne devait entendre le bruit de leur conversation. Il fixa intensément Grindelwald, cherchant à pénétrer son esprit, à lui arracher ses secrets. Le vieil homme croyait avoir perdu tous ses pouvoirs, mais finalement il lui en restait deux. Le premier, c’était de fermer ses pensées à Lord Voldemort. Le deuxième, c’était de lui nuire. C’était sa seule – et maigre – chance de rédemption…


- Où est-elle ? demanda le Seigneur des Ténèbres d’une voix sifflante. Tu l’as volée à Gregorovitch, tu t’en es servi pour accéder au pouvoir, je le sais ! Qu’en as-tu fait ? Où l’as-tu cachée ?


- Je l’ai vendue, répondit Grindelwald en haussant les épaules. Je l’ai vendue pour m’acheter un costume. Il était très beau, je le portais encore avant qu’on ne me fasse enfiler ces haillons…


Cette réponse exaspéra Voldemort. Celui-ci leva sa baguette magique en bois d’if et s’écria :


- Endoloris !


Grindelwald poussa d’horribles cris ; il n’avait jamais subit les effets de ce maléfice qu’il avait pourtant lancé de nombreuses fois. Chaque parcelle de son corps souffrait le martyre, et son misérable lit tremblait sous le coup de ses convulsions. Voldemort baissa sa baguette, et le sortilège Doloris cessa. Grindelwald avait mal, mais il souriait toujours.


- Ton petit numéro est ridicule, gronda Voldemort. Tu n’es qu’une antiquité, Grindelwald. Une plaisanterie de l’histoire des ténèbres, celui qui a raté son coup. Une planche pourrie qui s’est laissée balayer au moment même où tout lui souriait…


- Et que dire de vous, Voldemort ? répliqua Grindelwald avec mépris. Le seul mage noir à m’avoir surpassé, le fléau de cette époque, celui dont personne n’ose prononcer le nom. Et pourtant, vous êtes là, en proie à la panique et au doute, venu jusqu’ici à la recherche d’un morceau de conte pour enfants, comme un gamin qui a trop d’imagination. Vous cherchez à terroriser le monde, mais vous n’effrayez même pas une vieille loque comme moi.


- Je suis venu jusqu’ici pour réussir là où tu as échoué, et tu vas m’aider, ou bien tu…


Grindelwald l’interrompit d’un énorme éclat de rire. Un rire froid et méprisant, comme celui qu’il réservait autrefois à ses ennemis vaincus lorsqu’ils imploraient sa clémence. Voldemort écarquilla les yeux, incrédule.


- Tuez-moi donc, Voldemort, la mort sera la bienvenue ! s’exclama Grindelwald. Mais elle ne vous apportera pas ce que vous cherchez… il y a tant de choses que vous ne comprenez pas…*


Voldemort poussa un grognement furieux, et Grindelwald fut frappé une deuxième fois par le sortilège Doloris. Il l’encaissa tant bien que mal, souffrant à chaque microseconde ; mais Voldemort pourrait lui en lancer cent autres, il ne lui dirait pas la vérité. Au milieu de ses gémissements, un fantôme de son rire subsistait, faible et étranglé. Voldemort bouillait de colère. Il serrait les dents, et sa main qui tenait sa baguette magique tremblait avec force. Puisant dans le peu de patience qu’il avait, il dit sur un ton plus menaçant que jamais :


- Il n’est rien, rien qui échappe à la connaissance de Lord Voldemort, tu m’entends ? J’ai repoussé les frontières de la sorcellerie plus loin que n’importe qui, j’ai réalisé des prouesses dont tu aurais été incapable. Que peuvent bien m’importer les quelques babioles que toi ou Dumbledore prétendez m’enseigner ? Je n’ai besoin que d’une chose, une dernière : la Baguette de Sureau. Elle parfera mon règne !


- Sinistre crétin… marmonna Grindelwald, le visage à moitié enfoui dans son matelas. N’avez-vous pas compris que la Baguette de Sureau n’est qu’un attrape-nigaud ? Regardez ce qui est arrivé à tous ceux qui l’ont possédé. Tous morts, écrasés par des hommes plus ambitieux qu’eux, avant qu’eux-même finissent six pieds sous terre, et c’est ainsi depuis le début. Vous feriez mieux d’y renoncer… ce qu’elle apporte n’est rien en comparaison de ce qu’elle prend… moi, elle m’ a fait tout perdre.


Voldemort émit une exclamation dédaigneuse. Bien sûr, il était sourd aux avertissements de Grindelwald. Lorsque cette confrontation prendrait fin, il continuerait à chercher la Baguette de Sureau. Combien de temps cela lui prendrait-il avant de comprendre que Dumbledore le lui avait prise lorsqu’il avait remporté leur duel de légende ? Cela arriverait, bien sûr… mais Grindelwald ne perdait rien à le retarder, c’était la seule chose à faire.


- Je veux cette baguette, et je l’aurai, dit Voldemort avec hargne. Peu importe le prix que ça coûtera, je l’obtiendrai. Ça arrivera, Grindelwald. Alors ne perds pas ton temps avec tes provocations stupides, rends-toi utile, dis-moi où elle est ! Aide Lord Voldemort à vaincre, et ta pitoyable existence aura enfin un sens !


Imperturbable, Grindelwald soutint son regard. Voldemort fit alors une drôle de grimace et, d’un geste nerveux, se frotta l’avant-bras. Grindelwald ne comprenait pas ce que cela signifiait, et il s’en moquait. Voldemort avait raison, il perdait son temps. Il lui fallait mettre un point final à tout cela. Il se redressa avec le peu de dignité qui lui restait, et toisa le Seigneur des Ténèbres. Cette fois, il ne souriait plus.


- Tuez-moi maintenant ! ordonna-t-il d’un ton impérieux. Vous ne vaincrez jamais, vous ne pouvez pas vaincre ! Cette baguette ne sera jamais, jamais à vous…*


Voldemort poussa un grand cri de rage ; Grindelwald put sentir la fureur de son triste successeur exploser. Son souhait fut exaucé : ce furent ses ultimes mots. La dernière chose qu’il vit fut un rayon vert, qui illumina sa cellule l’espace d’un instant…


Un bref instant plus tard, tout avait disparu. Grindelwald était maintenant allongé sur un sol lisse et tiède, sans relief, étonnamment plus confortable que son lit dur et étroit à Nurmengard. Il ouvrit les yeux. Il se trouvait dans un espace vide, tout blanc, baigné de lumière. Il se leva lentement. Autour de lui, pas d’âme qui vive, pas d’horizon, juste une immensité sans fin. Grindelwald se mit à marcher, intrigué. Il n’y avait aucun bruit, sinon celui de ses pas ; rien ne perturbait la tranquillité de cet endroit.


Une minute plus tard, il aperçut quelque chose sur le sol, un peu plus loin…. des vêtements. Un grand manteau noir, un costume chic et des bottes de cuir. La tenue qu’il portait lors de ses jours de gloire. Il ne s’était pas rendu compte qu’il était nu ; même s’il n’y avait personne, il s’habilla quand même. N’ayant pas de miroir, il se tâta le visage. Il avait retrouvé ses dents et ses cheveux, et même un peu de chair, car il ne sentait plus ses os saillir de son corps squelettique. Il se savait fringant, en pleine santé. Pour redevenir pleinement celui qu’il avait été, il ne lui manquait plus qu’une baguette magique. Mais à quoi bon, finalement ?


Soudain, il entendit un curieux bruit à ses pieds, comme un gazouillis. Il baissa le regard. Par terre, il y avait un oisillon, tout fripé, dépourvu de plumes, qui pépiait faiblement. Grindelwald se baissa et le prit dans ses mains. Le petit animal le regarda droit dans les yeux. Malgré sa fragile constitution, une immense intelligence brillait dans ses yeux noirs. Grindelwald haussa un sourcil. Il avait déjà tenu un oiseau comme celui-là entre ses mains, exactement de la même manière. Un bébé phénix ? Était-ce la seule compagnie qu’il aurait pour toute l’éternité ? Du bout de ses doigts, il caressa sa peau lisse. Une curieuse chaleur se dégageait du petit corps, comme à chaque début de vie pour ces merveilleux oiseaux…


Alors, un autre bruit retentit, extrêmement différent : un puissant rugissement, sauvage et rocailleux, n’appartenant à aucun animal ou créature magique connue. Grindelwald sursauta et fit volte-face. Quelque chose était apparu tout près de lui, tranchant radicalement avec le paysage : une fosse, immense et noire, s’enfonçant dans la terre à perte de vue. De ses profondeurs s’élevait un sombre halo de lumière rougeâtre, ainsi qu’un son lointain, qui ressemblait à un mélange de pleurs et de cris de douleurs.


Grindelwald soupira. Bien sûr… son dernier acte n’avait pas suffi à rattraper toutes ses atrocités. Il l’avait su depuis le début, que pouvait bien représenter un mensonge face à tant de morts, de vies brisées, de ravages et de terreur ? Peu importe ce qu’il avait tenté dans ses derniers instants, il restait Gellert Grindelwald, l’un de pires sorciers ayant vécu. Et pour les gens comme lui, il n’y avait pas de repos éternel. Alors qu’il regardait le vaste gouffre d’un air las, Grindelwald entendit un troisième bruit derrière lui : un bruit de pas. Quelqu’un venait. Puis une voix familière, grave et paisible, lui demanda :


- Sais-tu ce qui t’attend, Gellert ?


Grindelwald contemplait toujours la fosse. Il n’avait pas besoin de se retourner pour savoir à qui appartenait cette voix. Il sourit. Puis, il reposa délicatement l’oisillon par terre. Il n’avait pas à subir cela, après tout. Sans un regard en arrière, il répondit à la voix :


- Rien de pire que là d’où je viens.


Puis il éclata d’un grand rire. Un rire vivant, empli d’une joie presque démente. Alors, il prit son élan, et sauta dans la fosse, les bras écartés. Il riait toujours.




*Dialogues issus de Harry Potter et les Reliques de la Mort, traduction de Jean-François Ménard

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